Question d'origine :
Bonjour,
je voudrais savoir depuis quand est-ce que l'étiquetage des denrées alimentaires est devenu obligatoire en France (& en Europe éventuellement).
Y a t'il eu un événement particulier qui aurait poussé les législateurs à se pencher sur la question ? Est-ce à corréler avec la naissance & le développement des grandes & moyennes surfaces ? Une crise sanitaire ?
Merci pour votre attention, & belle fin de semaine !
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 28/10/2019 à 11h43
Bonjour,
Sauf exceptions, notamment pour les produits dangereux, l'étiquetage des denrées alimentaires est devenu obligatoire en France à partir de la loi du 1er août 1905 portant sur larépression des fraudes . Son objectif premier était moins la protection du consommateur que la régulation des relations commerciales . Elle avait en effet pour rôle d’assurer la loyauté des transactions et de réprimer abus et tromperies.
Mais il faudra près de 70 ans pour que le principe de l'étiquetage informatif posé par la loi du 1er août 1905 soit concrétisé par le décret du 12 octobre 1972 pour certains produits alimentaires.
Cette histoire nous est relatée dans un rapport législatif :
En vérité, et ce pendant longtemps, l’étiquetage n’a pas été obligatoire en France sauf pour certaines catégories de produits eu égard à leur dangerosité (le décret du 26 juillet 1890 définissant par exemple l’étiquetage dont les cartouches de dynamite devaient faire l’objet) ou à leur caractère particulier. Dans cette dernière catégorie, on rangera tout spécialement les boissons alcoolisées dont l’étiquetage a longtemps été régi par uneloi du 1er août 1905 qui, on le verra, constitue la loi historiquement la plus importante en France en matière d’étiquetage des denrées alimentaires . Le décret du 3 septembre 1907, portant règlement d’administration publique pour l’application de cette loi, disposait par ailleurs, dans une perspective de protection explicite du consommateur, que « dans tous les établissements où s’exerce le commerce de détail des eaux-de-vie et spiritueux, les bouteilles, récipients et emballages renfermant les produits visés au présent titre doivent porter une inscription indiquant, en caractères apparents, la dénomination sous laquelle ces produits sont mis en vente ou détenus en vue de la vente. Cette inscription doit être rédigée sans abréviation et disposée de façon à ne pas dissimuler la dénomination du produit » (article 9).
Néanmoins, au fil du temps et de la dimension sans cesse plus consumériste de nos sociétés, l’étiquetage s’est progressivement développé, notamment grâce aux initiatives des industriels qui y ont vu avant tout un excellent outil de marketing, la dimension sanitaire étant de fait reléguée au second plan . Par le biais de l’étiquetage, l’industriel peut en effet valoriser un certain nombre d’informations qui, sans pour autant être les plus utiles au consommateur, sont en tout état de cause davantage susceptibles de provoquer l’acte d’achat. Comme le dit très justement le sociologue Franck Cochoy, « équiper le choix, c’est d’une part désigner les caractéristiques qui importent et hiérarchiser les critères possibles d’adhésion ; c’est d’autre part, et par conséquent, opérer un choix préalable entre les caractéristiques possibles et les hiérarchisations alternatives, et donc abandonner les définitions singulières ».
Dès lors, l’étiquetage ne pouvait plus être traité à la légère, apparaissant plus que jamais comme un enjeu tout à fait fondamental en termes commerciaux.
[...]
En France, la loi du 1er août 1905 a longtemps servi de base de référence pour déterminer le contenu de la réglementation et des données qui devaient figurer sur l’étiquetage de ce type de denrées . Les décrets immédiatement pris en son application (notamment les décrets du 15 avril 1912 et du 22 janvier 1919) ont commencé à obliger le fabricant à apposer sur les produits un certain nombre d’indications d’ordre strictement informatif. Quelques soixante années plus tard, c’est le décret n° 72-937 du 12 octobre 1972 qui imposait très clairement « un étiquetage faisant corps avec l’emballage » (article 2) dont les modalités devaient éviter toute confusion dans l’esprit du consommateur. À cet effet, les mentions dont il s’agit devaient être « rédigées en langue française (…) inscrites en caractères apparents et regroupées sur une partie de l’emballage de manière à être facilement visibles et lisibles dans les conditions habituelles de présentation » (article 2). En outre, et c’est là le plus important, ce décret imposait un certain nombre d’éléments devant « figur[er] obligatoirement sur l’étiquetage » parmi lesquels la dénomination de vente de la marchandise, le nom ou la raison sociale de la personne physique ou morale responsable de la vente ou du conditionnement de ladite marchandise, le poids net ou le volume net de la marchandise, la date de péremption du produit mis en vente… (article 3).
Ledécret n° 84-1147 du 7 décembre 1984 , également pris en application de la loi du 1er août 1905, et qui a notamment eu pour effet d’abroger le décret du 12 octobre 1972, a repris en grande partie les dispositions de ce dernier. Néanmoins, signe des temps peut-être, il déclarait, de façon liminaire et solennelle, que « l’étiquetage et les modalités selon lesquelles il est réalisé ne doivent pas être de nature à créer une confusion dans l’esprit de l’acheteur ou du consommateur , notamment sur les caractéristiques de la denrée alimentaire… » (article 3, actuellement codifié à l’article R. 112-7 du code de la consommation). La dimension protectrice de l’étiquetage était plus que jamais consacrée ! Elle le demeure. Par ailleurs, l’article 5 du décret de 1984 énumérait les mentions qui devaient obligatoirement figurer sur l’étiquetage d’une denrée alimentaire, qu’il s’agisse là encore de la dénomination de vente, de la liste des ingrédients, de la quantité nette ou de la date limite de consommation. Les modifications ultérieures de ce décret n’en ont pas changé la philosophie générale, sauf à le préciser au fil du temps, sous la pression de l’Union européenne qui n’a cessé, de son côté, d’adopter des directives sur ce sujet.
source : RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI tendant à rendre obligatoire l’étiquetage nutritionnel (n° 3060) / M. Jean-Louis TOURAINE - version pdf
A lire aussi :
- La protection des consommateurs en droit français / Savy Robert. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 26 N°3, Juillet-septembre 1974. pp. 591-625.
- La loi de 1905 sur la répression des fraudes : un levier décisif pour l’engagement politique des questions de consommation ? / Roland Canu, Franck Cochoy
- Au nom du consommateur : Consommation et politique en Europe et aux États-Unis au XXe siècle / Sous la direction de Alain Chatriot et Marie-Emmanuelle Chessel et Matthew Hilton
- Vers une société des consommateurs: Du marketing au consumérisme / Sylvain Wickham
- Les lois qui ont fait le droit de la consommation
- « La genèse de l’étiquetage nutritionnel dans le droit européen » / Laure Séguy, Sciences de la société, 80 | 2010, 28-43.
- Historique de la normalisation alimentaire et présentation des principaux organismes intervenant dans la normalisation
Bonne journée.
Sauf exceptions, notamment pour les produits dangereux, l'étiquetage des denrées alimentaires est devenu obligatoire en France à partir de la loi du 1er août 1905 portant sur la
Mais il faudra près de 70 ans pour que le principe de l'étiquetage informatif posé par la loi du 1er août 1905 soit concrétisé par le décret du 12 octobre 1972 pour certains produits alimentaires.
Cette histoire nous est relatée dans un rapport législatif :
En vérité, et ce pendant longtemps, l’étiquetage n’a pas été obligatoire en France sauf pour certaines catégories de produits eu égard à leur dangerosité (le décret du 26 juillet 1890 définissant par exemple l’étiquetage dont les cartouches de dynamite devaient faire l’objet) ou à leur caractère particulier. Dans cette dernière catégorie, on rangera tout spécialement les boissons alcoolisées dont l’étiquetage a longtemps été régi par une
Néanmoins, au fil du temps et de la dimension sans cesse plus consumériste de nos sociétés, l’étiquetage s’est progressivement développé, notamment grâce aux initiatives des industriels qui y ont vu avant tout un excellent outil de marketing, la dimension sanitaire étant de fait reléguée au second plan
Dès lors, l’étiquetage ne pouvait plus être traité à la légère, apparaissant plus que jamais comme un enjeu tout à fait fondamental en termes commerciaux.
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source : RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI tendant à rendre obligatoire l’étiquetage nutritionnel (n° 3060) / M. Jean-Louis TOURAINE - version pdf
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