Question d'origine :
Bonjour !
L'Histoire semble démontrer qu'une Souveraine à la tête d'un pays n'implique pas forcément des conditions de vie plus libres des femmes (plus d'instructions, plus de droits, etc).
La condition féminine a t-elle changé ou évolué en faveur des femmes autrichiennes, hongroises ou roumaines, lors du règne de Marie Thérèse d'Autriche (Cette souveraine ayant su mener de front une vie guerrière, une carrière politique et une vie de mère accomplie et étant aujourd'hui comparées aux femmes du 21e siècle) ?
Ou ont elles été ignorées ?
Ou ont elles été brimées comme ce fut le cas en Angleterre sous la Reine Victoria quelques décennies plus tard ?
Plus généralement, des historiens se sont-ils intéressés à l'évolution des conditions de vie des femmes sous le règne de femmes ? Des observations ressortent-elles ?
Merci pour votre temps ! Bonne journée !
Woof
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 10/10/2019 à 13h08
Bonjour,
En effet, la présence de femmes dans des positions de pouvoir ne garantit en rien l’amélioration de leur condition !
En ce qui concerne le règne de Marie-Thérèse d’Autriche, l’ouvrage d’Elisabeth Badinter Le Pouvoir au féminin, Marie-Thérèse d’Autriche, 1717-1780, l’impératrice-reine, nous livre quelques informations.
Badinter commence par rappeler que la reine « affirme dès le début, et ne cessera jamais de le répéter, qu’elle gouverne en mère bienveillante de son peuple. Image qui tranche agréablement à l’époque avec celle du souverain que l’on voit gouverner “en père sévère” ». Pourtant, d’après le témoignage du comte de Podewils qui évoque le rapport de Marie-Thérèse à l’armée, « elle cherche généralement à s’éloigner des faiblesses de son sexe et ambitionne des vertus qui lui sont les moins propres et qui en font rarement l’apanage. Il semble qu’elle soit fâchée d’être née femme ». Cela étant, c’est un homme qui parle d’une femme…
Elisabeth Badinter arrive à la conclusion qu’elle « est aussi autocrate qu’un Louis XV ou un Frédéric II et se révèlera même d’une intolérance insupportable à l’égard de certains sujets, mais sa structure morale et religieuse la retient au bord du pire […]. Elle veut être aimée des hommes autant que des femmes ».
Les femmes semblent en effet jouer un rôle dans l’entourage de la reine. « Elle a su reconnaître l’intelligence et le mérite de certaines, proches ou éloignées, et faire d’elles secrètement ses collaboratrices ou ses alliées. Il y a loin du propos de la reine qui affirmait au début de son règne : “Les femmes ne doivent surtout pas raisonner sur les affaires” ». Cependant, il n’est pas fait mention dans cet ouvrage d’améliorations substantielles, structurelles, quant à la place et à la condition des femmes. D’ailleurs, la reine ne confie un rôle à certaines d’entre elles que « secrètement » !
Au contraire, la reine fait preuve d’un puritanisme et d’une pudibonderie qui l’entrainent à persécuter en particulier les femmes. « dès la fin des années 1740, [elle] déclara la guerre au sexe illégal, à la cour comme à la ville […]. La conduite des artistes féminines était particulièrement observée. Actrices, danseuses et chanteuses étaient souvent courtisées par les hommes de la cour ou de riches bourgeois […]. De façon générale, les femmes étaient punies plus durement que les hommes. Elles furent nombreuses à être déportées, souvent dans des conditions atroces. Les étrangères coupables étaient rapatriées dans leur pays ».
Bref, pas de quoi faire de Marie-Thérèse d’Autriche une championne de la cause féministe !
En s’éloignant dans le temps et dans l’espace, on peut trouver quelques exemples de reines qui ont contribué à faire évoluer la situation des femmes.
La toute récente Histoire mondiale des femmes, chez DK, en donne deux illustrations :
L’impératrice Théodora, femme de Justinien, née en 500 et morte en 548, aurait notamment usé de son influence pour faire réformer la loi sur le divorce en faveur d’une plus grande liberté pour les femmes. D’autres aspects du code justinien, plus favorable aux femmes, auraient été dictés par Théodora.
Dans le royaume de Koush (dans l’actuel Soudan), « les reines nubiennes sont aussi puissantes que leurs homologues masculins : elles livrent des batailles, font ériger temples et monuments. Le nom de certaines demeure associé aux périodes les plus prospères de l’histoire nubienne […]. La confiance que les sujets témoignent à ces reines guerrières va certainement contribuer à améliorer le sort de la gent féminine. Sous leur règne, les femmes du peuple semblent en effet très actives dans la société. Elles ont notamment le droit de posséder et des vendre des biens, et de gérer leur propre entreprise. Plusieurs, qui, certes, ont des relations au sein de la famille royale, se voient même promues à des postes de gouverneur régional. Responsables de leur foyer, les femmes s’occupent aussi du travail de la terre et décident de ce qu’il faut cultiver, où et comment. Un tel degré de responsabilité corrobore l’idée que même les roturières détenaient une certaine autorité ».
Mais quoi qu’il en soit, du moins pour ce qui concerne l’Occident, les historiens sont nuancés sur le rôle de ces femmes de pouvoir et l’évolution qu’elles auraient pu favoriser.
Dans Reines et favorites, le pouvoir des femmes, Benedetta Craveri, affirme qu’il « serait abusif de conclure que cet illustre cortège de dames au pouvoir est le signe d’une évolution, ne serait-ce que souterraine, des mentalités et des mœurs, ou qu’il traduit une amélioration juridique de la condition féminine ».
De même, dans la très riche et complète Nouvelle encyclopédie politique et historique des femmes, sous la direction de Christine Fauré, Claudia Opitz dans un des premiers chapitres (Souveraineté et subordination des femmes chez Luther, Calvin et Bodin) rappelle que « malgré les nombreux exemples de femmes ayant gouverné […] dans la mythologie et dans l’histoire […], on ne voulait en aucun cas utiliser la position prééminente de la reine […] pour en faire un précédent sur la voie de la transformation générale de la hiérarchie entre hommes et femmes. Dans cette mesure, même les partisans les plus ardents de la gynécocratie ne réclamèrent jamais que l’on permette aux femmes, en général, l’accès aux charges publiques, ou que l’on corrige dans ce sens les lois conjugales en vigueur ».
Pour aller plus loin :
- Histoire des femmes en Occident, sous la direction de Georges Duby et Michelle Perrot, chez Tempus.
- Les féminismes en Europe, 1700-1950, de Karen Offen, aux P.U.R.
- Ces reines qui ont fait l’Angleterre, de Bernard Cottret, Tallandier.
- Njinga, histoire d’une reine guerrière, 1582-1663, de Linda Heywood, aux éditions de la Découverte.
En effet, la présence de femmes dans des positions de pouvoir ne garantit en rien l’amélioration de leur condition !
En ce qui concerne le règne de Marie-Thérèse d’Autriche, l’ouvrage d’Elisabeth Badinter Le Pouvoir au féminin, Marie-Thérèse d’Autriche, 1717-1780, l’impératrice-reine, nous livre quelques informations.
Badinter commence par rappeler que la reine « affirme dès le début, et ne cessera jamais de le répéter, qu’elle gouverne en mère bienveillante de son peuple. Image qui tranche agréablement à l’époque avec celle du souverain que l’on voit gouverner “en père sévère” ». Pourtant, d’après le témoignage du comte de Podewils qui évoque le rapport de Marie-Thérèse à l’armée, « elle cherche généralement à s’éloigner des faiblesses de son sexe et ambitionne des vertus qui lui sont les moins propres et qui en font rarement l’apanage. Il semble qu’elle soit fâchée d’être née femme ». Cela étant, c’est un homme qui parle d’une femme…
Elisabeth Badinter arrive à la conclusion qu’elle « est aussi autocrate qu’un Louis XV ou un Frédéric II et se révèlera même d’une intolérance insupportable à l’égard de certains sujets, mais sa structure morale et religieuse la retient au bord du pire […]. Elle veut être aimée des hommes autant que des femmes ».
Les femmes semblent en effet jouer un rôle dans l’entourage de la reine. « Elle a su reconnaître l’intelligence et le mérite de certaines, proches ou éloignées, et faire d’elles secrètement ses collaboratrices ou ses alliées. Il y a loin du propos de la reine qui affirmait au début de son règne : “Les femmes ne doivent surtout pas raisonner sur les affaires” ». Cependant, il n’est pas fait mention dans cet ouvrage d’améliorations substantielles, structurelles, quant à la place et à la condition des femmes. D’ailleurs, la reine ne confie un rôle à certaines d’entre elles que « secrètement » !
Au contraire, la reine fait preuve d’un puritanisme et d’une pudibonderie qui l’entrainent à persécuter en particulier les femmes. « dès la fin des années 1740, [elle] déclara la guerre au sexe illégal, à la cour comme à la ville […]. La conduite des artistes féminines était particulièrement observée. Actrices, danseuses et chanteuses étaient souvent courtisées par les hommes de la cour ou de riches bourgeois […]. De façon générale, les femmes étaient punies plus durement que les hommes. Elles furent nombreuses à être déportées, souvent dans des conditions atroces. Les étrangères coupables étaient rapatriées dans leur pays ».
Bref, pas de quoi faire de Marie-Thérèse d’Autriche une championne de la cause féministe !
En s’éloignant dans le temps et dans l’espace, on peut trouver quelques exemples de reines qui ont contribué à faire évoluer la situation des femmes.
La toute récente Histoire mondiale des femmes, chez DK, en donne deux illustrations :
L’impératrice Théodora, femme de Justinien, née en 500 et morte en 548, aurait notamment usé de son influence pour faire réformer la loi sur le divorce en faveur d’une plus grande liberté pour les femmes. D’autres aspects du code justinien, plus favorable aux femmes, auraient été dictés par Théodora.
Dans le royaume de Koush (dans l’actuel Soudan), « les reines nubiennes sont aussi puissantes que leurs homologues masculins : elles livrent des batailles, font ériger temples et monuments. Le nom de certaines demeure associé aux périodes les plus prospères de l’histoire nubienne […]. La confiance que les sujets témoignent à ces reines guerrières va certainement contribuer à améliorer le sort de la gent féminine. Sous leur règne, les femmes du peuple semblent en effet très actives dans la société. Elles ont notamment le droit de posséder et des vendre des biens, et de gérer leur propre entreprise. Plusieurs, qui, certes, ont des relations au sein de la famille royale, se voient même promues à des postes de gouverneur régional. Responsables de leur foyer, les femmes s’occupent aussi du travail de la terre et décident de ce qu’il faut cultiver, où et comment. Un tel degré de responsabilité corrobore l’idée que même les roturières détenaient une certaine autorité ».
Mais quoi qu’il en soit, du moins pour ce qui concerne l’Occident, les historiens sont nuancés sur le rôle de ces femmes de pouvoir et l’évolution qu’elles auraient pu favoriser.
Dans Reines et favorites, le pouvoir des femmes, Benedetta Craveri, affirme qu’il « serait abusif de conclure que cet illustre cortège de dames au pouvoir est le signe d’une évolution, ne serait-ce que souterraine, des mentalités et des mœurs, ou qu’il traduit une amélioration juridique de la condition féminine ».
De même, dans la très riche et complète Nouvelle encyclopédie politique et historique des femmes, sous la direction de Christine Fauré, Claudia Opitz dans un des premiers chapitres (Souveraineté et subordination des femmes chez Luther, Calvin et Bodin) rappelle que « malgré les nombreux exemples de femmes ayant gouverné […] dans la mythologie et dans l’histoire […], on ne voulait en aucun cas utiliser la position prééminente de la reine […] pour en faire un précédent sur la voie de la transformation générale de la hiérarchie entre hommes et femmes. Dans cette mesure, même les partisans les plus ardents de la gynécocratie ne réclamèrent jamais que l’on permette aux femmes, en général, l’accès aux charges publiques, ou que l’on corrige dans ce sens les lois conjugales en vigueur ».
- Histoire des femmes en Occident, sous la direction de Georges Duby et Michelle Perrot, chez Tempus.
- Les féminismes en Europe, 1700-1950, de Karen Offen, aux P.U.R.
- Ces reines qui ont fait l’Angleterre, de Bernard Cottret, Tallandier.
- Njinga, histoire d’une reine guerrière, 1582-1663, de Linda Heywood, aux éditions de la Découverte.
DANS NOS COLLECTIONS :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter