clocher russe
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 06/10/2019 à 06h58
434 vues
Question d'origine :
qu'est-ce qui explique que dans bien des églises russes ou baltes le clocher soit un bâtiment indépendant du corps de l'église? raison religieuse? raison architecturale? ou habitudes?
merci pour la réponse.
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 08/10/2019 à 10h19
Bonjour,
Dans son ouvrage en deux tomes Architecture de la Russie ancienne : Xe-XVe siècles, et Architecture de la Russie ancienne : XVe-XVIIe siècles, Vera Traimond donne quelques informations sur les clochers :
« A partir du quinzième siècle, et peut-être même dès le quatorzième siècle,Pskov se pare de nombreux clochers-arcades surmontés d’une croix, qui lui confèrent un cachet peu commun. Parfois surgis du mur des églises, parfois bâtis séparément , ils imposent à l’architecture de la ville leurs proportions parfaites et leur ordonnance horizontale. Leurs dimensions varient, mais leur principe de construction et leur extrême simplicité restent conformes à l’esthétique locale.
Les cloches font leur apparition en Russie au onzième siècle : en 1067, la Chronique des églises de Novgorod signale que le prince de Polotsk, Vseslav Briatchislavitch, au cours d’une expédition militaire contre la ville, s’empara des cloches de Sainte-Sophie. A cette époque, leurs dimensions réduites n’exigent pas d’installations particulières : il suffit de deux pilliers en bois reliés par une poutre. Progressivement, l’augmentation de la taille des cloches et le remplacement du bois par la pierre amènent à bâtir de véritables clochers dont le style s’accorde avec celui des églises – mais dont peu d’exemples ont été conservés. Le plus ancien est sans doute celui qui se dresse au-dessus du mur ouest du narthex de la Transfiguration-du-Sauveur, à Novgorod, en 1374. »
« L’influence de l’architecture civile sur les édifices religieux, audix-septième siècle , est particulièrement sensible dans le foisonnement du décor et l’augmentation de l’espace intérieur, marqué par un élargissement des voûtes qui prépare la voie aux plafonds à poutre. Ainsi l’église change-t-elle d’aspect : jadis élevée sur plan carré, avec trois absides, elle prend une forme rectangulaire, axée sur la largeur. L’avant-nef aménagée du côté ouest comporte souvent un clocher au toit pyramidal , tandis qu’au nord et au sud, des chapelles adjacentes dérivent directement des constructions civiles. »
Eglises en bois :
« Un peu partout,à côté des églises, se dressent des clochers qui représentent un élément important de l’architecture des hameaux, des villages et des monastères. Leur appartion est relativement tardive car les cloches étaient rares et de faibles dimensions : d’une façon générale, depuis des temps immémoriaux, on se contentait de simandres ou bilos, plaques de bois ou de métal (souvent les deux) suspendues à l’entrée du sanctuaire, que le sacristain frappait avec un maillet pour donner le signal de l’office.
Les plus anciens clochers sont élevés à quelque distance de l’église : ce n’est que bien plus tard que l’on préféra les intégrer dans le corps de bâtiment principal. A la fin du dix-huitième et au dix-neuvième siècle, le clocher fait partie de la charpente sur le côté ouest , au-dessus de l’entrée, et devient même l’élément architectural dominant, au détriment du sanctuaire proprement dit. »
Dans l’article Églises et mosquées : des bâtiments interchangeables ? (sur des exemples balkaniques), Bernard Lory précise clairement que dans les églises orthodoxes, le clocher est « facultatif » :
« Les églises, qu’elles soient orthodoxes ou catholiques, sont pourvues de cloches. Le clocher est un élément constitutif de l’architecture d’une église catholique, même si dans certaines régions comme la Dalmatie la formule du clocher-mur le réduit à peu de choses. Dans le monde orthodoxe, il est facultatif, et l’on peut se contenter d’un bâti en poutres, distinct de l’église, auquel sont pendues les cloches. »
Il semble donc que cette séparation physique entre le clocher et l’église tienne à la fois de raisons pragmatiques et des modes architecturales locales successives.
En fait, dans l’ensemble de l’Europe, les clochers ont eu des formes très diverses :
« Omniprésence et diversité
De la fin du Moyen Âge aux débuts du XXe siècle , le clocher est de la même manière un élément obligé des peintures de paysages et scènes de la vie rurale, tels les clochers figurant sur les fresques de l’allégorie du bon gouvernement peintes à Sienne au XIVe siècle par Ambrogio Lorenzetti, les quatre clochers qui forment le décor du tableau représentant les Chasseurs dans la neige de Bruegel l’Ancien (1565), les clochers que l’on aperçoit sur la Vue de Tolède peinte par le Greco vers 1599, les flèches gothiques qui sortent de la brume dans le tableau du Paysage d’hiver de Caspar David Friedrich[/i] (1811), le clocher de La cathédrale de Salisbury peinte par Constable en 1823 ou encore l’église orthodoxe en bois placée au centre du tableau Surplombant la paix éternelle d’Isaac Levitan (1893). Dans le cas des villes, enfin, les gravures anciennes, les tableaux comme les premières photographies le montrent d’évidence, ce n’est plus d’un seul clocher qu’il est question, mais au contraire d’une multitude de clochers se surpassant les uns les autres : dans Les Feuilles d’automne (1831), Victor Hugo décrit Rouen comme « la ville aux vieilles rues, / Aux vieilles tours, débris des races disparues, / La ville aux cent clochers carillonnant dans l’air », tandis que Moscou, à en croire la lettre adressée par Napoléon à Marie-Louise juste après son entrée victorieuse dans la capitale de la Russie en septembre 1812, en aurait compté seize cents !
L’omniprésence des clochers ne signifie pas pour autant uniformité : à côté des clochers gothiques ou néogothiques couronnés par une flèche ou une aiguille, citons les très nombreux clochers romans intégrés à la façade occidentale des églises ou surmontant la croisée du transept, avec leurs formes géométriques, leurs étages aux baies en plein cintre et leur toit ramassé qui remontent souvent aux origines mêmes de cette forme architecturale, puisque les clochers ne se généralisent pas avant le XIe siècle, à l’époque où, pour reprendre l’expression du chroniqueur Raoul Glaber, « la chrétienté se couvre d’un blanc manteau d’églises » ; citons aussi les clochers-porches en forme de tour carrée recouverts d’une simple plateforme tels qu’on les rencontre par exemple dans les campagnes anglaises, les campaniles dressés à côté des églises italiennes (ainsi à Venise, à Pise ou à Florence), les clochers baroques de l’Allemagne du Sud, de l’Autriche et de l’Europe centrale surmontés d’un toit en forme de bulbe, les clochers sous forme de grandes flèches élancées élevées à côté des églises et cathédrales orthodoxes , ou encore les clochers surplombés d’un bulbe doré qui accompagnent la coupole centrale de ces mêmes églises, les églises n’ayant qu’un seul clocher et celles qui en ont soit deux en façade (comme en Normandie), soit même plusieurs comme les cathédrales de Bamberg et de Naumburg qui en comptent quatre (deux en façade et deux de part et d’autre de l’abside) – au total une variété infinie qui exprime mieux que toute la créativité et l’inventivité de l’architecture religieuse européenne. »
Source : Europa : notre histoire, sous la direction de Étienne François, Thomas Serrier
Notons qu’en Arménie et en Géorgie, les clochers séparés trouvent peut-être leur origine dans l’influence des campaniles italiens :
« Quelques auteurs ont noté que les clochers d’Arménie et de Géorgie peuvent être rapprochés des campaniles occidentaux, qui leur sont antérieurs et leur ont peut-être servi de modèles, de même que c’est peut-être à partir de l’Occident, par l’intermédiaire de Byzance, que, au XIIIe siècle, la cloche de métal a commencé à remplacer la simandre traditionnelle. »
Source : Parallélisme, convergences et divergencesentre Arménie et Géorgieen architecture et sculpture architecturale, Patrick Donabédian
Bonne journée.
Dans son ouvrage en deux tomes Architecture de la Russie ancienne : Xe-XVe siècles, et Architecture de la Russie ancienne : XVe-XVIIe siècles, Vera Traimond donne quelques informations sur les clochers :
« A partir du quinzième siècle, et peut-être même dès le quatorzième siècle,
« L’influence de l’architecture civile sur les édifices religieux, au
Eglises en bois :
« Un peu partout,
Dans l’article Églises et mosquées : des bâtiments interchangeables ? (sur des exemples balkaniques), Bernard Lory précise clairement que dans les églises orthodoxes, le clocher est « facultatif » :
« Les églises, qu’elles soient orthodoxes ou catholiques, sont pourvues de cloches. Le clocher est un élément constitutif de l’architecture d’une église catholique, même si dans certaines régions comme la Dalmatie la formule du clocher-mur le réduit à peu de choses. Dans le monde orthodoxe, il est facultatif, et l’on peut se contenter d’un bâti en poutres, distinct de l’église, auquel sont pendues les cloches. »
Il semble donc que cette séparation physique entre le clocher et l’église tienne à la fois de raisons pragmatiques et des modes architecturales locales successives.
En fait, dans l’ensemble de l’Europe, les clochers ont eu des formes très diverses :
« Omniprésence et diversité
Source : Europa : notre histoire, sous la direction de Étienne François, Thomas Serrier
Notons qu’en Arménie et en Géorgie, les clochers séparés trouvent peut-être leur origine dans l’influence des campaniles italiens :
« Quelques auteurs ont noté que les clochers d’Arménie et de Géorgie peuvent être rapprochés des campaniles occidentaux, qui leur sont antérieurs et leur ont peut-être servi de modèles, de même que c’est peut-être à partir de l’Occident, par l’intermédiaire de Byzance, que, au XIIIe siècle, la cloche de métal a commencé à remplacer la simandre traditionnelle. »
Source : Parallélisme, convergences et divergencesentre Arménie et Géorgieen architecture et sculpture architecturale, Patrick Donabédian
Bonne journée.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter