Question d'origine :
Je suis entré en possession de deux photos de presse réalisées par le photographe BRANGER et illustrant un fait divers ayant eu lieu au VESINET en 1911 : les légendes (manuscrites), disent seulement "Au Vésinet un enfant de 15 ans tue l'amant de sa mère, Mme Guillemette, mère de l'enfant[" et sur l'autre photo 'La maison où le jeune Lucien Guillemette âgé de 15 ans, tua à coups de hache l'amant de sa mère"
Avez-vous des explications plus détaillées sur cet évènement?
Merci d'avance
Bien cordialement et avec toute mon admiration pour le travail que vous effectuez
Michèle COURBIS
Réponse du Guichet
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- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 17/09/2019 à 14h20
Bonjour,
L’affaire dont vous parlez fait l’objet de la une du Petit journal du 5 janvier 1911, que vous pouvez consulter sur Gallica :
« Au Vésinet, un garçon de 15 ans a tué à coups de hache l’homme qui brutalisait mère
Un drame s'est déroulé la nuit dernière, 96 rue Thiers, au Vésinet. A cette adresse, était établie marchande de vins Mme Adèle Guillemette, veuve d'un jardinier, décédé il y a six ans. Après la mort de son mari, Mme Guillemette, restée seule avec un fils de neuf ans, accepta comme pensionnaire un bourrelier, Eugène Barland : afin de diminuer ses charges, elle lui sous-loua en outre une pièce de son logement, située au rez-de-chaussée, et donnant sur la rue Thiers, pièce que Barland transforma en boutique.
Le bourrelier avait parlé d'épouser Mme Guillemette à l'expiration de son veuvage, mais il ne donna pas suite à ses projets et la marchande de vins, terrorisée par les menaces de Barland, n'osa pas rompre les relations qui s'étaient établies entre eux. La vie commune devenait cependant insupportable ; le bourrelier se posait en maître dans l'établissement, brutalisait odieusement sa compagne et, plusieurs fois, surexcité par l'alcool, il avait menacé de mort des clients. Grand, très fort, Barland était redouté de ses voisins au Vésinet. Mais quoiqu'il fît notamment à tout-bout de champ des scènes à Mme Guillemette, à propos de son fils, jamais le colosse ne frappa l'enfant qui était frêle et assez délicat pour son âge. Agé aujourd'hui d'un peu plus de quinze ans, Lucien Guillemette était très doux et ses camarades l'avaient surnommé « petite fille ».
Ces derniers temps, l'enfant était entré comme apprenti, chez un serrurier du Vésinet, M. Berquier, qui n'avait qu'à se louer de lui.
A l'occasion du nouvel An, Lucien Guillemette était allé passer deux jours au Raincy, dans la famille de son père. Mais on l'y garda un jour de plus, et il ne rentra que mardi, vers huit heures du soir. Le bourrelier avait bu plus que de raison ; il s'emporta, reprocha, à Lucien d'avoir perdu une journée à l'atelier. Mme Guillemette défendit son fils qui, après avoir mangé rapidement, alla se coucher
dans la cuisine où on lui dressait un lit tous les soirs.
LE DRAME
La marchande de vins ferma la boutique vers neuf heures et rentra dans sa chambre avec Eugène Barland qui, refusant de se coucher, lui chercha querelle. A plusieurs reprises il frappa la pauvre femme et si, par instants, la- discussion, cessait, c’était lorsque le bourrelier rentrait dans la boutique pour boire.
« — Cette vie infernale », nous disait hier soir Mine Guillemette, tout en pleurs, « ne cessa qu'à trois heures du matin. A ce moment, Barland m'arracha violemment du lit, où je reposais à demi vêtue et me jeta à terre. Puis il se coucha ou plutôt tomba comme une masse sur l'oreiller. La douleur m'avait arraché un cri.
Presque aussitôt, la porte de la cuisine, qui est contiguë, s'ouvrit violemment. Je vis entrer mon fils comme un fou, une hache à la main, je le vis frapper à coups répétés Barland et, prise d'une terreur indicible, je courus prévenir les agents. »
En effet, vers quatre heures du matin, Mme Guillemette réveilla le brigadier de police, M. Langhenhoven, en disant que son mari voulait la tuer ainsi, que son fils, et les agents. Boutuyry et Lamy arrivaient peu après. Ils trouvèrent le bourrelier râlant au milieu d'une mare de sang, le crâne fracassé ; la cervelle était à nu en deux endroits.
Lucien Guillemette s'était armé d'une hache de pompiers, terminée en pic du côté opposé au tranchant, et avait frappé d'un côté et de l'autre avec une rage folle.
Le docteur Renous, appelé en hâte, constata l'existence de sept blessures. Aussi, lorsque Mme Guillemette, pour sauver son fils, déclara que son mari Avait dû tenter de se suicider en son absence, ce mensonge excusable ne fut pas pris au sérieux.
L'enfant, lui, aux premières questions, ne fit aucune difficulté pour avouer et alla chercher la hache qu'il avait cachée dans la cuisine. Il était d'ailleurs couvert de sang.
Barland, après un premier pansement, fut transporté à l'hôpital de Saint-Germain-en-Laye, où il expira dans la matinée sans avoir repris connaissance. Il était âgé de 47 ans.
Interrogé par M. Langhenhoven, Lucien Guillemette a déclaré qu'il n'avait pas fermé l'œil de la nuit, et qu'il, avait entendu toute l'interminable discussion. Indigné de la lâcheté du bourrelier, il n'avait plus été maître, de lui en entendant le cri de douleur poussé par sa mère, jetée à bas de son lit: Il avait saisi la hache et s'était précipité sur l'ivrogne.
« — Je n'avais pas osé intervenir, jusque-là », a-t-il ajouté naïvement, « parce que j'avais peur de me faire tuer. Mais si j'avais eu plus de force et plus de courage, j'aurais déjà tué il y a plus d'un an le bourreau de ma mère et j'y ai pensé bien des fois. »
Dans la soirée, le jeune meurtrier a été mis à la disposition de M. Côme, juge d'instruction à Versailles, à qui il a renouvelé ses aveux. Il a ensuite été écroué à la maison d'arrêt de la rue Saint-Pierre.
Une première enquête au Vésinet n'a pas donné de renseignements très favorables sur Je compte de la victime, que l'on représente comme ivrogne, brutal, paresseux et vivant aux crochets de la marchande de vins. »
Selon un article du Temps daté du 7 janvier, (toujours sur Gallica), la mère et le fils ne rendirent pas la tâche facile aux enquêteurs, racontant chacun une version très différente du drame dans le souci de disculper l’autre :
« Lucien Guillemette, le jeune meurtrier du marchand de vins Barland, a choisi pour avocat Me Grandcollot, du barreau de Paris. I1 a été interrogé hier, dans l'après-midi, en présence de son défenseur, par M. Côme, juge d'instruction à Versailles. Il est né le 1er mars 1895 et n'a donc pas encore seize ans. C'est avec beaucoup de sang-froid qu'il a répondu aux questions du juge. Il a déclaré, comme il l'avait fait à la police municipale du Vésinet, que, depuis cinq ans, le marchand de vins battait sa mère et avait menacé de la tuer. Il avait grandi avec la pensée de défendre celle-ci dès qu'il en aurait la force.
Arrivant au récit du drame, le jeune homme déclara que sa mère n'était arrivée qu'après le crime. « Maman », ajouta-t-il, « était assoupie sur une chaise; elle se réveilla et vint m'arrêter le bras. J'avais déjà frappé quatre ou cinq fois. Alors j'ai posé la hache et j'ai dit à ma mère « Va chercher les gendarmes. » »
Le juge lui a fait remarquer que ce récit ne concordait pas avec celui que sa mère avait fait au brigadier de police. « Maman s'est sauvée en me voyant, a répondu Lucien Guillemette, et j'ai encore tapé comme un fou. »
Le juge d'instruction, afin d'établir nettement le rôle joué par la mère dans cette tragédie, doit la confronter avec son fils. »
Le lendemain, comme le relate Le Journal du 8 janvier 1911, le corps du bourrelier était autopsié par le Dr Fleury, sur commission rogatoire du juge Côme. L’autopsie ne révéla « rien que l’on ne sût déjà » - sans qu'on sache s'il est fait allusion ici aux lésions dues à la hache où aux ravages de l’alcoolisme – et Mme Guillemette, inculpée de complicité de meurtre, était écrouée à la prison de Versailles.
Peu après, selon le url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k289094d/f4.item.r=lucien%20guillemette%20v%C3%A9sinet.zoom] Figaro [/url] du 15, (à l’époque sous-titré « journal non-politique », les temps changent !), la confrontation des Guillemette mère et fils avait lieu :
« L’enfant de quinze ans qui tua l’amant de sa mère (dans des circonstances que nous avons déjà racontées) a été confronté hier avec sa mère.
Mme Guillemette a reconnu l’exactitude des déclarations de son fils. Elle a demandé ensuite sa mise en liberté provisoire qui lui a été accordée à la suite de la confrontation avec le juge d’instruction. »
Vous pouvez suivre ce fait divers sur Gallica à travers le point de vue de divers journaux de l’époque. D’une manière générale, le ton est toujours assez bienveillant pour la veuve et l’orphelin, toujours présentées comme les premières victimes : au récit du Petit journal, le XIXe siècle ajoute quelques détails : la jalousie de Barland s’ajoute à son ivrognerie, il frappe également Lucien, et prive la mère et le fils de nourriture.
Quoi qu’il en soit, la responsabilité de la mère fut rapidement écartée par le juge d’instruction, puisque, selon Le Petit Parisien du 3 mars, elle avait déjà bénéficié d’un non-lieu à cette date et « le gosse meurtrier » se retrouvait seul « devant le jury de Versailles »…
Le dénouement de cette presque fable morale arriva dans l’après-midi :
« Versailles, 3 mars. Cet après-midi, se sont ouvertes au milieu d'un public nombreux et curieux, les débats de l'affaire Guillemette, ce jeune garçon du Vésinet, qui, à coups de hache, tua en janvier dernier, son beau-père.
[…]
A une heure, l'audience est ouverte, ainsi que nous le disons plus haut, au milieu d'un public que le jeune âge de l'accusé avait attiré très nombreux. L'impression produite par Lucien Guillemette lui est, il faut bien le reconnaître, des plus sympathiques et l'émotion étreint, la salle, entière, lorsque apercevant sa mère, il échange avec elle un long regard d’affection.
La Cour est présidée par M. le conseiller Bombois. Le siège du ministère public est occupé par M. Dumas, substitut du procureur de la République. Me Grandcollot défend l'accusé. Après l'appel des jurés et des témoins, le greffier donne lecture de l'acte d'accusation. Il est ensuite procédé à l'audition des témoins à charge.
Tous sont unanimes à reconnaître que la victime était une sorte de brute des moins intéressantes, alors qu'au contraire le meurtrier est digne de toutes les sympathies. Chacun s'accorde à excuser son geste.
L'une des dépositions les plus intéressantes fuit sans contredit celle du patron de Lucien Guillemette, qui s'exprima en ces termes :
-Messieurs les jurés, je vous demande de rendre ce jeune homme à la liberté. Il retrouvera sa place dans mes ateliers. J'en ferai un bon ouvrier, un excellent patriote !
Ces mots produisirent unie émotion intense parmi le public. Lorsque la mère du jeune (accusé eut à
son tour déposé, Me Grandcollot, son défenseur, déclara qu'en présence des dépositions des témoins à charge il renonçait à l'audition des témoins à décharge.
A trois heures, l’audience est suspendue. Le ministère public prononce un réquisitoire modéré. Me Grandcollot se lève alors et demande l’acquittement de son jeune client.
LE VERDICT
A quatre heures et demie, le jury rapporte un verdict négatif. Lucien Guillemette est acquitté, aux applaudissements de la salle entière. »
Bonne journée.
L’affaire dont vous parlez fait l’objet de la une du Petit journal du 5 janvier 1911, que vous pouvez consulter sur Gallica :
« Au Vésinet, un garçon de 15 ans a tué à coups de hache l’homme qui brutalisait mère
Un drame s'est déroulé la nuit dernière, 96 rue Thiers, au Vésinet. A cette adresse, était établie marchande de vins Mme Adèle Guillemette, veuve d'un jardinier, décédé il y a six ans. Après la mort de son mari, Mme Guillemette, restée seule avec un fils de neuf ans, accepta comme pensionnaire un bourrelier, Eugène Barland : afin de diminuer ses charges, elle lui sous-loua en outre une pièce de son logement, située au rez-de-chaussée, et donnant sur la rue Thiers, pièce que Barland transforma en boutique.
Le bourrelier avait parlé d'épouser Mme Guillemette à l'expiration de son veuvage, mais il ne donna pas suite à ses projets et la marchande de vins, terrorisée par les menaces de Barland, n'osa pas rompre les relations qui s'étaient établies entre eux. La vie commune devenait cependant insupportable ; le bourrelier se posait en maître dans l'établissement, brutalisait odieusement sa compagne et, plusieurs fois, surexcité par l'alcool, il avait menacé de mort des clients. Grand, très fort, Barland était redouté de ses voisins au Vésinet. Mais quoiqu'il fît notamment à tout-bout de champ des scènes à Mme Guillemette, à propos de son fils, jamais le colosse ne frappa l'enfant qui était frêle et assez délicat pour son âge. Agé aujourd'hui d'un peu plus de quinze ans, Lucien Guillemette était très doux et ses camarades l'avaient surnommé « petite fille ».
Ces derniers temps, l'enfant était entré comme apprenti, chez un serrurier du Vésinet, M. Berquier, qui n'avait qu'à se louer de lui.
A l'occasion du nouvel An, Lucien Guillemette était allé passer deux jours au Raincy, dans la famille de son père. Mais on l'y garda un jour de plus, et il ne rentra que mardi, vers huit heures du soir. Le bourrelier avait bu plus que de raison ; il s'emporta, reprocha, à Lucien d'avoir perdu une journée à l'atelier. Mme Guillemette défendit son fils qui, après avoir mangé rapidement, alla se coucher
dans la cuisine où on lui dressait un lit tous les soirs.
LE DRAME
La marchande de vins ferma la boutique vers neuf heures et rentra dans sa chambre avec Eugène Barland qui, refusant de se coucher, lui chercha querelle. A plusieurs reprises il frappa la pauvre femme et si, par instants, la- discussion, cessait, c’était lorsque le bourrelier rentrait dans la boutique pour boire.
« — Cette vie infernale », nous disait hier soir Mine Guillemette, tout en pleurs, « ne cessa qu'à trois heures du matin. A ce moment, Barland m'arracha violemment du lit, où je reposais à demi vêtue et me jeta à terre. Puis il se coucha ou plutôt tomba comme une masse sur l'oreiller. La douleur m'avait arraché un cri.
Presque aussitôt, la porte de la cuisine, qui est contiguë, s'ouvrit violemment. Je vis entrer mon fils comme un fou, une hache à la main, je le vis frapper à coups répétés Barland et, prise d'une terreur indicible, je courus prévenir les agents. »
En effet, vers quatre heures du matin, Mme Guillemette réveilla le brigadier de police, M. Langhenhoven, en disant que son mari voulait la tuer ainsi, que son fils, et les agents. Boutuyry et Lamy arrivaient peu après. Ils trouvèrent le bourrelier râlant au milieu d'une mare de sang, le crâne fracassé ; la cervelle était à nu en deux endroits.
Lucien Guillemette s'était armé d'une hache de pompiers, terminée en pic du côté opposé au tranchant, et avait frappé d'un côté et de l'autre avec une rage folle.
Le docteur Renous, appelé en hâte, constata l'existence de sept blessures. Aussi, lorsque Mme Guillemette, pour sauver son fils, déclara que son mari Avait dû tenter de se suicider en son absence, ce mensonge excusable ne fut pas pris au sérieux.
L'enfant, lui, aux premières questions, ne fit aucune difficulté pour avouer et alla chercher la hache qu'il avait cachée dans la cuisine. Il était d'ailleurs couvert de sang.
Barland, après un premier pansement, fut transporté à l'hôpital de Saint-Germain-en-Laye, où il expira dans la matinée sans avoir repris connaissance. Il était âgé de 47 ans.
Interrogé par M. Langhenhoven, Lucien Guillemette a déclaré qu'il n'avait pas fermé l'œil de la nuit, et qu'il, avait entendu toute l'interminable discussion. Indigné de la lâcheté du bourrelier, il n'avait plus été maître, de lui en entendant le cri de douleur poussé par sa mère, jetée à bas de son lit: Il avait saisi la hache et s'était précipité sur l'ivrogne.
« — Je n'avais pas osé intervenir, jusque-là », a-t-il ajouté naïvement, « parce que j'avais peur de me faire tuer. Mais si j'avais eu plus de force et plus de courage, j'aurais déjà tué il y a plus d'un an le bourreau de ma mère et j'y ai pensé bien des fois. »
Dans la soirée, le jeune meurtrier a été mis à la disposition de M. Côme, juge d'instruction à Versailles, à qui il a renouvelé ses aveux. Il a ensuite été écroué à la maison d'arrêt de la rue Saint-Pierre.
Une première enquête au Vésinet n'a pas donné de renseignements très favorables sur Je compte de la victime, que l'on représente comme ivrogne, brutal, paresseux et vivant aux crochets de la marchande de vins. »
Selon un article du Temps daté du 7 janvier, (toujours sur Gallica), la mère et le fils ne rendirent pas la tâche facile aux enquêteurs, racontant chacun une version très différente du drame dans le souci de disculper l’autre :
« Lucien Guillemette, le jeune meurtrier du marchand de vins Barland, a choisi pour avocat Me Grandcollot, du barreau de Paris. I1 a été interrogé hier, dans l'après-midi, en présence de son défenseur, par M. Côme, juge d'instruction à Versailles. Il est né le 1er mars 1895 et n'a donc pas encore seize ans. C'est avec beaucoup de sang-froid qu'il a répondu aux questions du juge. Il a déclaré, comme il l'avait fait à la police municipale du Vésinet, que, depuis cinq ans, le marchand de vins battait sa mère et avait menacé de la tuer. Il avait grandi avec la pensée de défendre celle-ci dès qu'il en aurait la force.
Arrivant au récit du drame, le jeune homme déclara que sa mère n'était arrivée qu'après le crime. « Maman », ajouta-t-il, « était assoupie sur une chaise; elle se réveilla et vint m'arrêter le bras. J'avais déjà frappé quatre ou cinq fois. Alors j'ai posé la hache et j'ai dit à ma mère « Va chercher les gendarmes. » »
Le juge lui a fait remarquer que ce récit ne concordait pas avec celui que sa mère avait fait au brigadier de police. « Maman s'est sauvée en me voyant, a répondu Lucien Guillemette, et j'ai encore tapé comme un fou. »
Le juge d'instruction, afin d'établir nettement le rôle joué par la mère dans cette tragédie, doit la confronter avec son fils. »
Le lendemain, comme le relate Le Journal du 8 janvier 1911, le corps du bourrelier était autopsié par le Dr Fleury, sur commission rogatoire du juge Côme. L’autopsie ne révéla « rien que l’on ne sût déjà » - sans qu'on sache s'il est fait allusion ici aux lésions dues à la hache où aux ravages de l’alcoolisme – et Mme Guillemette, inculpée de complicité de meurtre, était écrouée à la prison de Versailles.
Peu après, selon le url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k289094d/f4.item.r=lucien%20guillemette%20v%C3%A9sinet.zoom] Figaro [/url] du 15, (à l’époque sous-titré « journal non-politique », les temps changent !), la confrontation des Guillemette mère et fils avait lieu :
« L’enfant de quinze ans qui tua l’amant de sa mère (dans des circonstances que nous avons déjà racontées) a été confronté hier avec sa mère.
Mme Guillemette a reconnu l’exactitude des déclarations de son fils. Elle a demandé ensuite sa mise en liberté provisoire qui lui a été accordée à la suite de la confrontation avec le juge d’instruction. »
Vous pouvez suivre ce fait divers sur Gallica à travers le point de vue de divers journaux de l’époque. D’une manière générale, le ton est toujours assez bienveillant pour la veuve et l’orphelin, toujours présentées comme les premières victimes : au récit du Petit journal, le XIXe siècle ajoute quelques détails : la jalousie de Barland s’ajoute à son ivrognerie, il frappe également Lucien, et prive la mère et le fils de nourriture.
Quoi qu’il en soit, la responsabilité de la mère fut rapidement écartée par le juge d’instruction, puisque, selon Le Petit Parisien du 3 mars, elle avait déjà bénéficié d’un non-lieu à cette date et « le gosse meurtrier » se retrouvait seul « devant le jury de Versailles »…
Le dénouement de cette presque fable morale arriva dans l’après-midi :
« Versailles, 3 mars. Cet après-midi, se sont ouvertes au milieu d'un public nombreux et curieux, les débats de l'affaire Guillemette, ce jeune garçon du Vésinet, qui, à coups de hache, tua en janvier dernier, son beau-père.
[…]
A une heure, l'audience est ouverte, ainsi que nous le disons plus haut, au milieu d'un public que le jeune âge de l'accusé avait attiré très nombreux. L'impression produite par Lucien Guillemette lui est, il faut bien le reconnaître, des plus sympathiques et l'émotion étreint, la salle, entière, lorsque apercevant sa mère, il échange avec elle un long regard d’affection.
La Cour est présidée par M. le conseiller Bombois. Le siège du ministère public est occupé par M. Dumas, substitut du procureur de la République. Me Grandcollot défend l'accusé. Après l'appel des jurés et des témoins, le greffier donne lecture de l'acte d'accusation. Il est ensuite procédé à l'audition des témoins à charge.
Tous sont unanimes à reconnaître que la victime était une sorte de brute des moins intéressantes, alors qu'au contraire le meurtrier est digne de toutes les sympathies. Chacun s'accorde à excuser son geste.
L'une des dépositions les plus intéressantes fuit sans contredit celle du patron de Lucien Guillemette, qui s'exprima en ces termes :
-Messieurs les jurés, je vous demande de rendre ce jeune homme à la liberté. Il retrouvera sa place dans mes ateliers. J'en ferai un bon ouvrier, un excellent patriote !
Ces mots produisirent unie émotion intense parmi le public. Lorsque la mère du jeune (accusé eut à
son tour déposé, Me Grandcollot, son défenseur, déclara qu'en présence des dépositions des témoins à charge il renonçait à l'audition des témoins à décharge.
A trois heures, l’audience est suspendue. Le ministère public prononce un réquisitoire modéré. Me Grandcollot se lève alors et demande l’acquittement de son jeune client.
LE VERDICT
A quatre heures et demie, le jury rapporte un verdict négatif. Lucien Guillemette est acquitté, aux applaudissements de la salle entière. »
Bonne journée.
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