Où était Chateaubriand le 14 juillet 1789 ?
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 07/08/2019 à 09h11
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Question d'origine :
Dans ses Mémoires d'outre-tombe, Chateaubriand décrit en spectateur la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789. Un ami m'affirme que Chateaubriand ne se trouvait pas à Paris ce jour-là. Pouvez-vous confirmer ce fait, voire préciser où se trouvait Chateaubriand ce jour-là ?
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 08/08/2019 à 15h01
Bonjour,
Voici pour commencer le passage des Mémoires d’Outre-tombe où Chateaubriand décrit la prise de la Bastille :
« Le 14 juillet, prise de la Bastille. J’assistai, comme spectateur, à cet assaut contre quelques invalides et un timide gouverneur : si l’on eût tenu les portes fermées, jamais le peuple ne fût entré dans la forteresse. Je vis tirer deux ou trois coups de canon, non par les invalides, mais par des gardes-françaises, déjà montés sur les tours. De Launay, arraché de sa cachette, après avoir subi mille outrages, est assommé sur les marches de l’Hôtel de Ville ; le prévôt des marchands, Flesselles, a la tête cassée d’un coup de pistolet ; c’est ce spectacle que des béats sans cœur trouvaient si beau. Au milieu de ces meurtres, on se livrait à des orgies, comme dans les troubles de Rome, sous Othon et Vitellius. On promenait dans des fiacres les vainqueurs de la Bastille, ivrognes heureux, déclarés conquérants au cabaret ; des prostituées et des sans-culottes commençaient à régner, et leur faisaient escorte. Les passants se découvraient avec le respect de la peur, devant ces héros, dont quelques-uns moururent de fatigue au milieu de leur triomphe. Les clefs de la Bastille se multiplièrent ; on en envoya à tous les niais d’importance dans les quatre parties du monde. Que de fois j’ai manqué ma fortune ! Si moi, spectateur, je me fusse inscrit sur le registre des vainqueurs, j’aurais une pension aujourd’hui. »
D’après l’historien Georges Collas, il est tout à fait possible que Chateaubriand ait assisté à cet événement comme il l’affirme :
« En tout cas, Chateaubriand passa en Bretagne les premiers mois de 1789. Il le dit dans ses Mémoires :
« L’année 1789, si fameuse dans notre histoire et dans l’histoire de l’espèce humaine, me trouva dans les landes de ma Bretagne ; je ne pus même quitter la province qu’assez tard et n’arrivai à Paris qu’après le pillage de la maison Réveillon, l’ouverture des Etats Généraux, la constitution du Tiers Etat en Assemblée Nationale, le serment du Jeu de Paume, la séance royale du 23 juin et la réunion du clergé et de la noblesse au Tiers Etat ».
Cette affirmation est contrôlée par sa correspondance : les deux lettres au chevalier du Châtenet sont toutes les deux datées de Fougères, mars 1789. Chateaubriand resta encore plusieurs mois à Fougères, puisqu’il déclare être arrivé à Paris après la réunion des trois ordres (27 juin) et avant l’émeute pour délivrer les gardes françaises (30 juin). C’est le début d’un nouveau séjour à Paris. Il semble avoir été assez long. Chateaubriand a donc pu, comme il le raconte, assister en spectateur à la prise de la Bastille, au retour du roi le 6 octobre, et dîner deux fois avec Mirabeau. La précision des détails qu’il donne sur ces deux rencontres ne permet guère de supposer, bien qu’il prête au grand tribun un propos tenu aussi à d’autres, qu’il les ait inventées pour ajouter « ce fils des lions, lion lui-même » à sa galerie d’hommes célèbres, entre Malesherbes et Washington. »
Source : La jeunesse de Chateaubriand à Fougères et à Paris (1786-1791), Note pour les livres IV et V des Mémoire d'Outre-Tombe, Georges Collas, Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, Année 1919, 34-4, pp. 434-459
En 2003, il semble être toujours accepté comme un fait établi que le jeune Chateaubriand était présent le 14 juillet 1789 :
« Après avoir assisté, à Rennes, à la réunion mouvementée des Etats de Bretagne au mois de juin 1789, Chateaubriand revient à Paris. Accompagné de ses deux sœurs, il descend désormais dans un hôtel garni de la rue de Richelieu.
L’exaltation révolutionnaire règne dans les rues de la capitale envahies par la foule. A chaque carrefour, des groupes se forment, s’interrogent sur la surexcitation ambiante. Parmi les orateurs haranguant les Parisiens au Palais-Royal, on écoute principalement le dénommé Camille Desmoulins.
Au cours des mois précédant son retour à Paris, les événements se sont précipités dans la capitale : l’émeute du 27 avril, rue du Faubourg-Saint-Antoine, où la fabrique de papiers peints Réveillon a été pillée, à la suite de rumeurs sur une baisse des salaires ; les Etats généraux se sont réunis le 5 mai ; la constitution du tiers état en Assemblée nationale est proclamée le 17 juin, et le Serment du Jeu de paume, prêté le 20 juin ; enfin le 23 juin, le clergé et la noblesse se sont unis au tiers état.
Le 14 juillet, Chateaubriand assiste à la prise de la Bastille . Son récit indigné est, pour cause, moins glorieux que celui des manuels scolaires d’Histoire de France. »
Source : Vagabondages littéraires parisiens, Jean-Paul Caracalla
Même si certains auteurs comme Eric Vuillard mettent en doute la véracité de son témoignage, il ne s’agit que de suppositions et nous ne trouvons aucun élément concret qui soutienne cette thèse dans les articles que nous avons pu consulter dans Persée ou ailleurs… Il pourrait être intéressant de demander à votre ami d’où il tient cette affirmation : cela nous fournirait une piste de recherche.
Bonne journée.
Voici pour commencer le passage des Mémoires d’Outre-tombe où Chateaubriand décrit la prise de la Bastille :
« Le 14 juillet, prise de la Bastille. J’assistai, comme spectateur, à cet assaut contre quelques invalides et un timide gouverneur : si l’on eût tenu les portes fermées, jamais le peuple ne fût entré dans la forteresse. Je vis tirer deux ou trois coups de canon, non par les invalides, mais par des gardes-françaises, déjà montés sur les tours. De Launay, arraché de sa cachette, après avoir subi mille outrages, est assommé sur les marches de l’Hôtel de Ville ; le prévôt des marchands, Flesselles, a la tête cassée d’un coup de pistolet ; c’est ce spectacle que des béats sans cœur trouvaient si beau. Au milieu de ces meurtres, on se livrait à des orgies, comme dans les troubles de Rome, sous Othon et Vitellius. On promenait dans des fiacres les vainqueurs de la Bastille, ivrognes heureux, déclarés conquérants au cabaret ; des prostituées et des sans-culottes commençaient à régner, et leur faisaient escorte. Les passants se découvraient avec le respect de la peur, devant ces héros, dont quelques-uns moururent de fatigue au milieu de leur triomphe. Les clefs de la Bastille se multiplièrent ; on en envoya à tous les niais d’importance dans les quatre parties du monde. Que de fois j’ai manqué ma fortune ! Si moi, spectateur, je me fusse inscrit sur le registre des vainqueurs, j’aurais une pension aujourd’hui. »
D’après l’historien Georges Collas, il est tout à fait possible que Chateaubriand ait assisté à cet événement comme il l’affirme :
« En tout cas, Chateaubriand passa en Bretagne les premiers mois de 1789. Il le dit dans ses Mémoires :
« L’année 1789, si fameuse dans notre histoire et dans l’histoire de l’espèce humaine, me trouva dans les landes de ma Bretagne ; je ne pus même quitter la province qu’assez tard et n’arrivai à Paris qu’après le pillage de la maison Réveillon, l’ouverture des Etats Généraux, la constitution du Tiers Etat en Assemblée Nationale, le serment du Jeu de Paume, la séance royale du 23 juin et la réunion du clergé et de la noblesse au Tiers Etat ».
Cette affirmation est contrôlée par sa correspondance : les deux lettres au chevalier du Châtenet sont toutes les deux datées de Fougères, mars 1789. Chateaubriand resta encore plusieurs mois à Fougères, puisqu’il déclare être arrivé à Paris après la réunion des trois ordres (27 juin) et avant l’émeute pour délivrer les gardes françaises (30 juin). C’est le début d’un nouveau séjour à Paris. Il semble avoir été assez long. Chateaubriand a donc pu, comme il le raconte, assister en spectateur à la prise de la Bastille, au retour du roi le 6 octobre, et dîner deux fois avec Mirabeau. La précision des détails qu’il donne sur ces deux rencontres ne permet guère de supposer, bien qu’il prête au grand tribun un propos tenu aussi à d’autres, qu’il les ait inventées pour ajouter « ce fils des lions, lion lui-même » à sa galerie d’hommes célèbres, entre Malesherbes et Washington. »
Source : La jeunesse de Chateaubriand à Fougères et à Paris (1786-1791), Note pour les livres IV et V des Mémoire d'Outre-Tombe, Georges Collas, Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, Année 1919, 34-4, pp. 434-459
En 2003, il semble être toujours accepté comme un fait établi que le jeune Chateaubriand était présent le 14 juillet 1789 :
« Après avoir assisté, à Rennes, à la réunion mouvementée des Etats de Bretagne au mois de juin 1789, Chateaubriand revient à Paris. Accompagné de ses deux sœurs, il descend désormais dans un hôtel garni de la rue de Richelieu.
L’exaltation révolutionnaire règne dans les rues de la capitale envahies par la foule. A chaque carrefour, des groupes se forment, s’interrogent sur la surexcitation ambiante. Parmi les orateurs haranguant les Parisiens au Palais-Royal, on écoute principalement le dénommé Camille Desmoulins.
Au cours des mois précédant son retour à Paris, les événements se sont précipités dans la capitale : l’émeute du 27 avril, rue du Faubourg-Saint-Antoine, où la fabrique de papiers peints Réveillon a été pillée, à la suite de rumeurs sur une baisse des salaires ; les Etats généraux se sont réunis le 5 mai ; la constitution du tiers état en Assemblée nationale est proclamée le 17 juin, et le Serment du Jeu de paume, prêté le 20 juin ; enfin le 23 juin, le clergé et la noblesse se sont unis au tiers état.
Source : Vagabondages littéraires parisiens, Jean-Paul Caracalla
Même si certains auteurs comme Eric Vuillard mettent en doute la véracité de son témoignage, il ne s’agit que de suppositions et nous ne trouvons aucun élément concret qui soutienne cette thèse dans les articles que nous avons pu consulter dans Persée ou ailleurs… Il pourrait être intéressant de demander à votre ami d’où il tient cette affirmation : cela nous fournirait une piste de recherche.
Bonne journée.
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