Le divertissement tue-t-il l'ambition ?
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 05/08/2019 à 18h18
998 vues
Question d'origine :
Bonsoir !
Le divertissement tue-t-il l'ambition ?
Merci !
R.D.
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 08/08/2019 à 08h16
Bonjour,
L'ambition a plusieurs sens. Voici ceux que propose le Grand Robert :
1- Désir intense d'obtenir les biens qui peuvent flatter l'amour-propre (pouvoir, honneurs, réussite sociale)
2- Désir ardent de réussite, dans l'ordre intellectuel, moral.
3- Désir, souhait quant à l'avenir personnel.
Aujourd’hui, « se divertir » signifie s’amuser, se distraire. On voit donc assez facilement en quoi le divertissement pourrait être l’ennemi de l’ambition : réaliser un projet ambitieux (qu’il soit professionnel ou personnel), demande du temps, des efforts, un investissement significatif et durable. Or, il est bien difficile de mobiliser son attention sur ce projet si on se laisse en permanence distraire par les réseaux sociaux, jeux, séries télé, et autres activités de loisir chronophages et / ou addictives qui sont autant de prétextes à la procrastination. Pire, ces activités, selon leur nature, peuvent aussi induire une forme de routine, de passivité, voire d’apathie, engluement peu compatible avec l’esprit d’entreprise ou d’aventure.
Mais avant d’envisager une réponse, considérons la définition du divertissement en tant que notion philosophique : dans le Dictionnaire culturel en langue française, nous lisons que le divertissement est une « occupation qui détourne l’homme de penser aux problèmes essentiels qui devraient le préoccuper, et notamment, des questions métaphysiques ou religieuses.
La seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement, et cependant c’est la plus grande de nos misères ; car c’est cela qui nous empêche principalement de songer à nous, et qui nous fait perdre insensiblement. Sans cela, nous serions dans l’ennui, et cet ennui nous pousserait à chercher un moyen plus solide d’en sortir ; mais le divertissement nous amuse et nous fait arriver insensiblement à la mort.
Pascal, Pensées, II 171. »
Voici quelques explications sur la manière dont Blaise Pascal définit le divertissement :
« Selon Blaise Pascal, tout le monde est en proie au divertissement, qui consiste à la recherche désespérée d’une consolation face à la difficulté d’être soi. Le divertissement renvoie auxactivités humaines futiles (recherche de la gloire ou des biens matériels) pour échapper à notre condition . Le divertissement révèle le fait que l’homme éprouve des difficultés à vivre avec lui-même, à être en paix avec ce qu’il est. Cette condition fuie, c’est précisément la mortalité et la contingence de l’existence. Face à cette crainte (Pascal n’utilise pas encore le concept d’angoisse), l’ego cherche à faire diversion.
Contre ce gesticulement métaphysique, Pascal revalorise le calme, le repos, voire l’apathie comme source de stabilité, de clairvoyance et d’acception de notre condition. »
Source : la-philosophie.com
« Le divertissement
Si la grandeur possède essentiellement une marque, en revanche la misère se manifeste par plusieurs voies. Il s’agit d’abord – et surtout – du « divertissement », qui est la réponse médiocre et insatisfaisante que les hommes croient pouvoir y apporter : « voilà tout ce que les hommes ont pu inventer pour se rendre heureux » […]. L’intensité du divertissement est donc le signe, en négatif, de celle de la misère : plus celui-là est présent, plus celle-ci doit être forte. Bien que les deux concepts soient idéalement opposés, l’un implique l’autre, et une relation de proportion directe les unit nécessairement : « Si notre condition était véritablement heureuse, il ne faudrait pas nous divertir d’y penser. » […] On sait que le mot divertissement est pris par Pascal au sens étymologique, qui en fait à peu près l’équivalent de « diversion » ou « détournement ».Toute activité prenante, et par là apte à nous empêcher de considérer notre sort misérable, relève donc du divertissement, qu’il s’agisse de loisirs ou de vie professionnelle . Il y faut une intensité (qualitative) et une abondance (quantitative) : si ces deux critères sont remplis, tous les prétextes sont bons. Le divertissement est, pour ainsi dire, un déplacement du regard intérieur de la pensée, qui esquive un spectacle déplaisant, selon une stratégie de fuite. En l’absence de divertissement, l’homme est envahi par l’ennui : « Mais ôtez leur divertissement, vous les verrez se sécher d’ennui. » […] C’est un sort commun, lié à notre constitution profonde, et rigoureusement indépendant des situations ou personnalités individuelles : « Ainsi l’homme est si malheureux qu’il s’ennuierait même sans aucune cause d’ennui par l’état propre de sa complexion. » […] Qu’on n’imagine pas que l’ennui est, en soi, un tourment négligeable, car il n’est que la première étape d’une gradation terrible, qui conduit irréversiblement, par paliers, au désespoir absolu : « Incontinent il sortira du fond de son âme l’ennui, la noirceur, la tristesse, le chagrin, le dépit, le désespoir. » […] La forme impersonnelle du verbe (« il sortira ») suggère ici discrètement qu’il s’agit de forces radicalement étrangères, indépendantes de la volonté humaine et dotées de leur puissance propre : le sujet pensant ne maîtrise nullement sa vie intérieure, elle lui échappe pour évoluer selon sa logique propre. L’homme, faute de mieux, s’adonne alors avec emportement au divertissement : vain et dérisoire pis-aller, politique de l’autruche qui ne peut jamais que recouvrir le problème sans le traiter. […] »
Source : Blaise Pascal, "Pensées", Éric Tourrette
(extrait disponible dans Google Livres)
Selon cette acception, l’ambition elle-même ne serait-elle pas une forme de divertissement ?
Pendant que vous pondérez cette question, finissons tout de même sur une note un peu plus réjouissante. Le divertissement (au sens de loisir) ne peut-il pas aussi être un moteur de l’ambition ? Si votre ambition relève d’un domaine qui vous passionne, d’une activité qui vous apporte du plaisir, les deux ne vont-ils pas de pair ?
De la même manière, insuffler un peu de fantaisie (divertissement) dans une tâche qui autrement serait rébarbative et inciterait plutôt au vagabondage mental, ne peut-il pas aider à rester concentrer, et, en associant le plaisir à l’ambition, donner une motivation supplémentaire à sa réalisation ?
Bonne journée.
L'ambition a plusieurs sens. Voici ceux que propose le Grand Robert :
1- Désir intense d'obtenir les biens qui peuvent flatter l'amour-propre (pouvoir, honneurs, réussite sociale)
2- Désir ardent de réussite, dans l'ordre intellectuel, moral.
3- Désir, souhait quant à l'avenir personnel.
Aujourd’hui, « se divertir » signifie s’amuser, se distraire. On voit donc assez facilement en quoi le divertissement pourrait être l’ennemi de l’ambition : réaliser un projet ambitieux (qu’il soit professionnel ou personnel), demande du temps, des efforts, un investissement significatif et durable. Or, il est bien difficile de mobiliser son attention sur ce projet si on se laisse en permanence distraire par les réseaux sociaux, jeux, séries télé, et autres activités de loisir chronophages et / ou addictives qui sont autant de prétextes à la procrastination. Pire, ces activités, selon leur nature, peuvent aussi induire une forme de routine, de passivité, voire d’apathie, engluement peu compatible avec l’esprit d’entreprise ou d’aventure.
Mais avant d’envisager une réponse, considérons la définition du divertissement en tant que notion philosophique : dans le Dictionnaire culturel en langue française, nous lisons que le divertissement est une « occupation qui détourne l’homme de penser aux problèmes essentiels qui devraient le préoccuper, et notamment, des questions métaphysiques ou religieuses.
La seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement, et cependant c’est la plus grande de nos misères ; car c’est cela qui nous empêche principalement de songer à nous, et qui nous fait perdre insensiblement. Sans cela, nous serions dans l’ennui, et cet ennui nous pousserait à chercher un moyen plus solide d’en sortir ; mais le divertissement nous amuse et nous fait arriver insensiblement à la mort.
Pascal, Pensées, II 171. »
Voici quelques explications sur la manière dont Blaise Pascal définit le divertissement :
« Selon Blaise Pascal, tout le monde est en proie au divertissement, qui consiste à la recherche désespérée d’une consolation face à la difficulté d’être soi. Le divertissement renvoie aux
Contre ce gesticulement métaphysique, Pascal revalorise le calme, le repos, voire l’apathie comme source de stabilité, de clairvoyance et d’acception de notre condition. »
Source : la-philosophie.com
« Le divertissement
Si la grandeur possède essentiellement une marque, en revanche la misère se manifeste par plusieurs voies. Il s’agit d’abord – et surtout – du « divertissement », qui est la réponse médiocre et insatisfaisante que les hommes croient pouvoir y apporter : « voilà tout ce que les hommes ont pu inventer pour se rendre heureux » […]. L’intensité du divertissement est donc le signe, en négatif, de celle de la misère : plus celui-là est présent, plus celle-ci doit être forte. Bien que les deux concepts soient idéalement opposés, l’un implique l’autre, et une relation de proportion directe les unit nécessairement : « Si notre condition était véritablement heureuse, il ne faudrait pas nous divertir d’y penser. » […] On sait que le mot divertissement est pris par Pascal au sens étymologique, qui en fait à peu près l’équivalent de « diversion » ou « détournement ».
Source : Blaise Pascal, "Pensées", Éric Tourrette
(extrait disponible dans Google Livres)
Selon cette acception, l’ambition elle-même ne serait-elle pas une forme de divertissement ?
Pendant que vous pondérez cette question, finissons tout de même sur une note un peu plus réjouissante. Le divertissement (au sens de loisir) ne peut-il pas aussi être un moteur de l’ambition ? Si votre ambition relève d’un domaine qui vous passionne, d’une activité qui vous apporte du plaisir, les deux ne vont-ils pas de pair ?
De la même manière, insuffler un peu de fantaisie (divertissement) dans une tâche qui autrement serait rébarbative et inciterait plutôt au vagabondage mental, ne peut-il pas aider à rester concentrer, et, en associant le plaisir à l’ambition, donner une motivation supplémentaire à sa réalisation ?
Bonne journée.
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