Question d'origine :
Bonjour,
Citroën prétend d'être la première usine qui a eu l'idée en 1923 de cataloguer toutes les opérations nécessaires à l'entretien des voitures de leur marque et de tarifer ces opérations, ainsi de rendre les factures contrôlables. Mais est-ce que Citroën était vraiment la première usine d'avoir fait ça?
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 31/07/2019 à 08h05
Bonjour,
Malgré nos recherches, nous ne pouvons pas dire de façon sûre et certaine que Citroën a été le premier à proposer des réparations de ses véhicules à prix fixes, mais nous n’avons trouvé aucune mention de cette pratique à l’époque par aucun de ses concurrents.
Citroën a effectivement lancé en 1923 un « catalogue de réparations », et non pas en 1925 comme le mentionne le site de la marque. En voici la réclame dans un numéro du journal « L’Homme libre » d’octobre 1931 (lisible sur Gallica :
« LE CATALOGUE DES REPARATIONS – (Création Citroën 1923) Il est remis à tout acheteur. Toutes les opérations qu’il est possible d’effectuer sur une Citroën y sont calculées et tarifées. Ce tarif – très modéré – est appliqué par tous les agents de la Marque. Plus de factures « à la tête de client » ! Les réparations sont à prix fixe et connu d’avance. »
Toutes les sources consultées dépeignent André Citroën comme un précurseur, responsable d’une politique particulièrement innovante dans le marketing et la relation-client. Et le service après-vente en était un des piliers. Ainsi, alors que précédemment les automobiles en panne étaient renvoyées à l’usine avec un délai de réparation extrêmement long, Citroën va, selon l’article de Paul Smith, « La Société anonyme André Citroën : architectures d’un réseau commercial », consultable sur openedition.org, tisser un réseau national de concessionnaires et garagistes agréés :
« Rappelons enfin que l’automobile de l’Entre-deux-guerres tombe facilement en panne, nécessitant de fréquentes opérations routinières de vidange et de graissage et séjournant souvent dans les ateliers de réparation. L’existence de tels ateliers sur l’ensemble du territoire est une condition sine qua non de la vente. Un dépliant pour la nouvelle Citroën l’annonce dès 1919 : « À des moyens de production combinés pour fabriquer économiquement et rapidement un grand nombre de voitures, doit correspondre une organisation commerciale rendant à la clientèle le maximum de services. L’usine André Citroën procède à l’installation, non pas dans chaque département, mais bien dans tous les arrondissements français, de représentants de sa marque, pourvus d’un stock de pièces de rechange constamment tenu au complet, et munis de tous les renseignements utiles aux possesseurs des 10 HP Citroën. Dans tous les centres importants, des succursales seront établies ; leurs approvisionnements en pièces et accessoires seront toujours abondants… ». Dès 1920, l’existence de ce réseau devient l’un des principaux arguments de vente de la firme, argument répété avec d’autant plus d’insistance que le bon marché autorisé par les économies d’échelle de la fabrication en grande série rimait moins avec qualité, dans l’expérience des acheteurs potentiels, qu’avec matériaux au rabais et travail bâclé.
[…]
Avant les crises, revenons à cette année 1919 où Citroën commence à installer son réseau. Comme à Javel en 1915, il part de presque rien. Parmi les premiers agents Citroën figure toutefois une vingtaine d’anciens agents de la marque Mors, dont le réseau commercial, placé sous la direction de Georges-Marie Haardt, comptait, à la veille de la guerre, quarante et un représentants principaux dans les provinces. C’est parmi ces hommes que Citroën recrutera ses premiers agents. D’autres connaissaient sans doute la réputation de l’industriel pour ses fabrications de guerre : une luxueuse plaquette publiée à la fin de l’année 1918 vante l’organisation exemplaire de son usine bien avant qu’elle n’ait la moindre automobile à vendre. D’autres prennent une concession à la vue du prix imbattable des premiers véhicules exposés au salon d’octobre 1919 ; parmi eux de véritables agents d’automobile, représentants avant-guerre d’autres marques et curieux de voir ce que donnerait la nouvelle, désireux aussi, peut-être, de neutraliser une concurrence possible. […]. Dès juillet 1920, la 10 HP Citroën « rayonne dans toute la France par ses 250 agents ».
Mais, au fait, qu’est-ce qu’un agent Citroën ? C’est un entrepreneur indépendant, patenté pour le commerce d’automobiles et qui a signé un contrat avec Monsieur André Citroën, en commandant un certain nombre de ses voitures, tant par mois. En garantie de l’exécution de la commande, il a déposé entre les mains du constructeur mille francs par voiture commandée (chiffre du contrat 1919), somme à déduire lors du règlement de la voiture, payable au comptant au moment de sa sortie d’usine. »
Selon le Dictionnaire historique des patrons français [Livre] / sous la direction de Jean-Claude Daumas ; en collaboration avec Alain Chatriot, Danièle Fraboulet, Patrick Fridenson et Hervé Joly, André Citroën s’inspirait énormément des méthodes américaines :
« Premier constructeur français, patron d’une seconde chambre syndicale qui s’émancipe de Renault et de Peugeot, sa source d’inspiration ne varie pas : « Comme les peintres et les sculpteurs vont à Rome, nos ingénieurs doivent aller à Detroit ». En 1927, Citroën y installe une direction des achats et un bureau d’études. Il y puise d’autres idées, comme les méthodes de vente (1924), le réseau sélectif de distribution (Ford), le service avec entretien (GM), réparation et vente à crédit (1922)."
De son côté, l’ouvrage Citroën [Livre] : Essai sur 80 ans d'antistratégie / Joël Broustail, Rodolphe Greggio présente comme une innovation le fait que « la marque généralise les réparations et la vente de pièces détachées à prix garantis sur tout le territoire ».
Par comparaison, le plus ancien Dictionnaire de la réparation automobile publié par Renault (et ne garantissant aucun prix) date de 1939.
Bonne journée.
Malgré nos recherches, nous ne pouvons pas dire de façon sûre et certaine que Citroën a été le premier à proposer des réparations de ses véhicules à prix fixes, mais nous n’avons trouvé aucune mention de cette pratique à l’époque par aucun de ses concurrents.
Citroën a effectivement lancé en 1923 un « catalogue de réparations », et non pas en 1925 comme le mentionne le site de la marque. En voici la réclame dans un numéro du journal « L’Homme libre » d’octobre 1931 (lisible sur Gallica :
« LE CATALOGUE DES REPARATIONS – (Création Citroën 1923) Il est remis à tout acheteur. Toutes les opérations qu’il est possible d’effectuer sur une Citroën y sont calculées et tarifées. Ce tarif – très modéré – est appliqué par tous les agents de la Marque. Plus de factures « à la tête de client » ! Les réparations sont à prix fixe et connu d’avance. »
Toutes les sources consultées dépeignent André Citroën comme un précurseur, responsable d’une politique particulièrement innovante dans le marketing et la relation-client. Et le service après-vente en était un des piliers. Ainsi, alors que précédemment les automobiles en panne étaient renvoyées à l’usine avec un délai de réparation extrêmement long, Citroën va, selon l’article de Paul Smith, « La Société anonyme André Citroën : architectures d’un réseau commercial », consultable sur openedition.org, tisser un réseau national de concessionnaires et garagistes agréés :
« Rappelons enfin que l’automobile de l’Entre-deux-guerres tombe facilement en panne, nécessitant de fréquentes opérations routinières de vidange et de graissage et séjournant souvent dans les ateliers de réparation. L’existence de tels ateliers sur l’ensemble du territoire est une condition sine qua non de la vente. Un dépliant pour la nouvelle Citroën l’annonce dès 1919 : « À des moyens de production combinés pour fabriquer économiquement et rapidement un grand nombre de voitures, doit correspondre une organisation commerciale rendant à la clientèle le maximum de services. L’usine André Citroën procède à l’installation, non pas dans chaque département, mais bien dans tous les arrondissements français, de représentants de sa marque, pourvus d’un stock de pièces de rechange constamment tenu au complet, et munis de tous les renseignements utiles aux possesseurs des 10 HP Citroën. Dans tous les centres importants, des succursales seront établies ; leurs approvisionnements en pièces et accessoires seront toujours abondants… ». Dès 1920, l’existence de ce réseau devient l’un des principaux arguments de vente de la firme, argument répété avec d’autant plus d’insistance que le bon marché autorisé par les économies d’échelle de la fabrication en grande série rimait moins avec qualité, dans l’expérience des acheteurs potentiels, qu’avec matériaux au rabais et travail bâclé.
[…]
Avant les crises, revenons à cette année 1919 où Citroën commence à installer son réseau. Comme à Javel en 1915, il part de presque rien. Parmi les premiers agents Citroën figure toutefois une vingtaine d’anciens agents de la marque Mors, dont le réseau commercial, placé sous la direction de Georges-Marie Haardt, comptait, à la veille de la guerre, quarante et un représentants principaux dans les provinces. C’est parmi ces hommes que Citroën recrutera ses premiers agents. D’autres connaissaient sans doute la réputation de l’industriel pour ses fabrications de guerre : une luxueuse plaquette publiée à la fin de l’année 1918 vante l’organisation exemplaire de son usine bien avant qu’elle n’ait la moindre automobile à vendre. D’autres prennent une concession à la vue du prix imbattable des premiers véhicules exposés au salon d’octobre 1919 ; parmi eux de véritables agents d’automobile, représentants avant-guerre d’autres marques et curieux de voir ce que donnerait la nouvelle, désireux aussi, peut-être, de neutraliser une concurrence possible. […]. Dès juillet 1920, la 10 HP Citroën « rayonne dans toute la France par ses 250 agents ».
Mais, au fait, qu’est-ce qu’un agent Citroën ? C’est un entrepreneur indépendant, patenté pour le commerce d’automobiles et qui a signé un contrat avec Monsieur André Citroën, en commandant un certain nombre de ses voitures, tant par mois. En garantie de l’exécution de la commande, il a déposé entre les mains du constructeur mille francs par voiture commandée (chiffre du contrat 1919), somme à déduire lors du règlement de la voiture, payable au comptant au moment de sa sortie d’usine. »
Selon le Dictionnaire historique des patrons français [Livre] / sous la direction de Jean-Claude Daumas ; en collaboration avec Alain Chatriot, Danièle Fraboulet, Patrick Fridenson et Hervé Joly, André Citroën s’inspirait énormément des méthodes américaines :
« Premier constructeur français, patron d’une seconde chambre syndicale qui s’émancipe de Renault et de Peugeot, sa source d’inspiration ne varie pas : « Comme les peintres et les sculpteurs vont à Rome, nos ingénieurs doivent aller à Detroit ». En 1927, Citroën y installe une direction des achats et un bureau d’études. Il y puise d’autres idées, comme les méthodes de vente (1924), le réseau sélectif de distribution (Ford), le service avec entretien (GM), réparation et vente à crédit (1922)."
De son côté, l’ouvrage Citroën [Livre] : Essai sur 80 ans d'antistratégie / Joël Broustail, Rodolphe Greggio présente comme une innovation le fait que « la marque généralise les réparations et la vente de pièces détachées à prix garantis sur tout le territoire ».
Par comparaison, le plus ancien Dictionnaire de la réparation automobile publié par Renault (et ne garantissant aucun prix) date de 1939.
Bonne journée.
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