Question d'origine :
Bonjour,
Pourquoi les américains s’intéressent fortement à ce qu’on appelle extra-terrestres et y croient fermement ?
Merci et bravo.
Réponse du Guichet
gds_alc
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 22/07/2019 à 10h29
Bonjour,
Complots, extraterrestres ou théories farfelues abondent et nous font frémir : l’évènement Facebook, amplement relayé par les médias, consistant à envahir la zone 51 pour libérer les aliens est désormais suivi par un million de personnes, prêtes à en découdre et à se rendre sur la base militaire secrète américaine.
Pour autant, peut-on dire que seuls les américains sont touchés par ce phénomène ? Pas si certain.
En effet dans l’article – ancien puisque de 1999 – « Sur la piste des extraterrestres, publié sur pour la science, Florence Raulin Cerceau notait que « L'exobiologie d'aujourd'hui (ou ses « sœurs » l'astrobiologie et la bioastro¬nomie) estnée dans les années 1960, conjointement à l'essor de l'exploration spatiale . Elle est aussi contemporaine du développement de la chimie prébiotique en laboratoire ainsi que des avancées spectaculaires de la biologie moléculaire avec l'identification des éléments « clé » du vivant terrestre » et mentionnait dans un même temps que « l'idée d'une vie ailleurs dans l'Univers est débattue de longue date , plus souvent appuyée par des arguments philosophiques que scientifiques. Jusqu'au xviie siècle, les autres mondes habités font figure d'hérésie ; Giordano Bruno fut ainsi brûlé sur le bûcher en 1600, pour (entre autres) avoir osé les défendre. Avec le déclassement de la Terre en tant que centre du monde, promu un demi-siècle auparavant par Copernic, notre planète devient un astre « comme les autres » dans le Système solaire.
Alors pourquoi ne pas imaginer ces autres mondes peuplés comme la Terre ?
La frontière entre fiction et réalité est bien mince : on peut tout imaginer, en mêlant le vrai et le faux, comme le signale Fontenelle. Dans ses Entretiens, les habitants de la Lune vivent dans des puits, à l'abri de l'ardeur perpétuelle du Soleil. S'ils ressemblent encore aux habitants de la Terre, leurs voisins, les différences augmentent à mesure que l'on s'éloigne».
Diverses théories, certaines portées par des astronomes français, ont donc fleuri un peu partout dans le monde.
Mais il est vrai que le phénomène actuel est d’importance. Comment alors expliquer l’étendue de l’intérêt pour la cause extraterrestre aux Etats-Unis ? Nous pourrions émettre diverses hypothèses à savoir que l’idée d’une telle présence est soutenue par les différents gouvernements et amplement relayée par les médias et les réseaux sociaux, de là à l’associer aux abondantes productions américaines de science-fiction, le pas est franchi.
Revenons tout d’abord sur un article publié par Les Inrocks qui montre qu’une «Une vidéo bidonnée des propos d’un membre de la Nasa a généré des dizaines d’articles nous expliquant que l’agence américaine détenait la preuve de la vie extraterrestre. Tout est faux mais ça ne semble déranger personne .
Tous les ingrédients sont présents, ou presque. Un narrateur qui porte un masque de Guy Fawkes, une voix trafiquée et, en fond sonore, une petite mélodie inquiétante. La vidéo est intitulée Anonymous believes Nasa is poised to announce discovery of aliens (“Anonymous estime que la Nasa s'apprête à annoncer la découverte d'extraterrestres"). L'homme y évoque, durant une dizaines de minutes, la découverte récente par le télescope Kepler de 219 exoplanètes dont 10 seraient habitables. Le tout entrecoupé de vidéos d'ovni. Pourtant, tout est faux.
Des dizaines d'articles dans le monde
Cela ne serait pas si inquiétant, si sa viralité n'avait pas provoqué autant de reprises par les médias internationaux. Postée le 20 juin, la vidéo a été visionnée près de deux millions de fois et a généré plusieurs articles dans la presse internationale (…) Cet hoax est parti d'une déclaration bel et bien réelle: au mois d'avril 2017, Thomas Zurbuchen, professeur à la Nasa, avait déclaré, lors d'un colloque :
«En prenant en considération toutes les différentes activités et missions qui se focalisent sur la recherche d'une forme de vie extraterrestre, nous sommes sur le point de faire l'une des découvertes les plus profondes et sans précédent de l'histoire"… »
Dans un même temps,L’express s’intéresse à un programme secret du Pentagone qui aurait été mené pendant au moins cinq ans : «
« Vingt-deux millions de dollars par an, c'est la somme qu'a consacré le département américain de la Défense pour enquêter sur des objets volants non-identifiés (ovnis). Un programme qui a duré au moins cinq ans comme l'ont rapporté samedi le New York Times et Politico.
Un budget de 22 millions de dollars
Le Pentagone a reconnu les faits. Son programme officiellement qualifié d'identification des menaces aérospatiales avancées (AATIP) a été mené entre 2007 et 2012. L'objectif: en savoir plus sur des objets volants non identifiés qui avaient été aperçus aussi bien par des militaires que de simples citoyens. Une menace jugée "crédible" par le département de la défense.
L'essentiel du budget de 22 millions de dollars, qui passait facilement inaperçu dans le budget global du Pentagone (environ 600 milliards de dollars) étaient versés à une société. Baptisée Bigelow Aerospace, celle-ci appartient au milliardaire Robert Bigelow. C'est elle qui était supposée évaluer la menace que constituaient ou non les ovnis. »
Le Monde revient sur le projet « Storm Area 51 » et tente d’en expliquer l’engouement sur internet :
«Comme souvent avec les phénomènes viraux, c’est impossible à dire. Mais la sortie récente, aux Etats-Unis, d’un documentaire Netflix consacré à la zone 51 semble avoir provoqué un regain d’intérêt pour le lieu . Largement basé sur le témoignage de Bob Lazar, qui avait affirmé à la fin des années 1980 avoir travaillé sur des prototypes utilisant des technologies extraterrestres pour l’armée américaine, ce « documentaire » conspirationniste (dénoncé par des sites comme Conspiracy Watch) soutient sa version des faits. Ce témoignage de M. Lazar, datant de 1989, avait pourtant été totalement discrédité à la fois par les scientifiques, et par une enquête du Los Angeles Times qui montrait qu’il avait menti sur son parcours et ses études ».
Dans Science-fiction et société, Alexandre Hougron constate que « De manière plus « inquiétante »,la SF semble avoir préparé le terrain de la vague d’engouement pour le « paranormal » qui depuis les années 80 déferle des Etats-Unis vers le reste de l’Occident. Ainsi des dizaines de milliers d’Américains affirment-ils avoir été enlevés par des soucoupes volantes, et un nombre encore plus élevé (48 % d’après un sondage de l’hebdomadaire Newsweeek en 1996 !) sont persuadés que le gouvernement, avec l’aide du FBI et de la CIA, leur cache depuis longtemps la vérité sur les Ovnis. Et le phénomène n’est pas qu’américain : en janvier 1994, un sondage effectué par l’institut CSA révélait que 39 % des français croient en l’existence des extraterrestres »
(…) La « décontextualisation » des informations et des émotions serait, à en croire l’éthologie, ce qui différencie le plus l’homme des autres espèces animales (…) cette capacité à décontextualiser le réel, sans laquelle l’imagination serait impossible et l’imaginaire inexistant, fait ainsi la force et la faiblesse de notre espèce : les représentations, en nous désengageant de l’immédiateté permet l’élaboration de la culture et le progrès intellectuel, moral et scientifique, mais ces mêmes représentations peuvent aussi être l’occasion de régression ou de stagnation quand, sous forme d’idéologies religieuses ou politiques, elles dictent l’intolérance, la haine de l’Autre et le respect aveugle des traditions. Or, la science-fiction n’est pas autre chose qu’un système de représentations secondaires qui reflètent l’ensemble plus vaste de nos représentations sociales premières (…) et s y’ intègre. Certaines rumeurs, certains faits divers (…) pourraient bien marquer une évolution dans cette hiérarchie puisque ce sont les représentations collectives et sociales traditionnelles qui, dans ce cas précis, ont semblé moins prégnantes et « prioritaires » que les représentations secondes et complètement imaginaires de la science-fiction .
L’auteur note l’existence d’une sorte de prosélytisme émanant directement du gouvernement où l’amalgame entre fiction et information gagne de l’ampleur : « dès lors, la rencontre entre ce type de message et celui véhiculé par une série telle que les X-Files, laquelle exploite cette paranoïa de la conspiration, peut sembler plus que fortuite … ;’
La frontière entre science-fiction et réalité semble ainsi se réduire. Dans Les extraterrestres au cinéma, Stéphane Benaïm s’interroge aussi sur un tel intérêt
« Puisqu’il s’agit de s’intéresser aux différentes figures des non-humains et d’analyser leurs visages, il semble utile de se demander si l’intérêt que suscitent les visiteurs de l’espace ne réside pas dans la représentation d’un Autre, à priori différent de l’homme. Comment expliquer cette attraction durable du cinéma pour cet Autre (…) Dans ce cas cette représentation singulière de l’altérité serait une façon de mieux appréhender, voire de décrypter ou de maîtriser l’Autre (…) La notion d’altérité a souvent été évoquée avec les extra-terrestres qui ont progressivement colonisé le septième art, d’un point de vue philosophique, anthropologique ou sociologique. Tour à tour voisin, étranger ou envahisseur, l’Autre permet d’évoquer le repli communautaire, le racisme ou l’agressivité pour autrui. En revanche, la notion d’exotisme, rarement évoquée pour décrypter ce genre est pourtant la base même du ressort de cette science-fiction ».
Nous pourrions aussi mettre en parallèle ce phénomène avec celui des Iluminati, étudié par Yves Pagès dans l’article Le pseudo-complot Illuminati. L’étrange destin d’une conspiration imaginaire (1797-2015),
Enfin, Marc-Olivier Padis dans l’article Le style paranoïaque à l’ère numérique
«Une première transformation vient de la promotion des espaces d’expression personnelle liée aux nouveaux outils technologiques. Dans les nouveaux modèles économiques du Web 2.0, c’est l’usager qui crée le contenu : il envoie des messages sur Twitter, des photos sur Instagram, il décline sa vie privée sur Facebook, etc. Mais que signifie cette révolution des usages pour le débat public ? Pour les médias d’information, la contribution des internautes se limite le plus souvent à réagir au travail des journalistes sous forme de commentaires. Malgré tous les discours marketing positifs qui valorisent leurs contributions, les internautes, souvent sous pseudonyme, se contentent le plus souvent de réagir à chaud sur les sujets les plus accrocheurs. L’attention se concentre sur ce qui est déjà le plus en vue : la facilité de navigation sur la toile, l’abondance des informations sur les réseaux sociaux favorisent moins le vagabondage et la curiosité que les emballements, de courte durée, sur un sujet qui écrase toute l’actualité . C’est ce qu’on appelle une culture du « pic attentionnel ». D’où l’impression de passer d’une bulle médiatique à l’autre, voire de rebondir de polémique en polémique. Avec cette accélération du temps médiatique, les commentaires des internautes se limitent ordinairement à un mouvement d’humeur ».
Nous vous laissons également consulter La fabrique des extraterrestres par Sébastien Poulain.
Que vous dire de plus, Donald Trump n’est à priori pas un extraterrestre mais … méfiance !!
En guise de conclusion, nous vous laissons lire le dossier » L’invasion des ovnis : où en est-on actuellement ? » publié par Association française pour l’information scientifique
Complots, extraterrestres ou théories farfelues abondent et nous font frémir : l’évènement Facebook, amplement relayé par les médias, consistant à envahir la zone 51 pour libérer les aliens est désormais suivi par un million de personnes, prêtes à en découdre et à se rendre sur la base militaire secrète américaine.
Pour autant, peut-on dire que seuls les américains sont touchés par ce phénomène ? Pas si certain.
En effet dans l’article – ancien puisque de 1999 – « Sur la piste des extraterrestres, publié sur pour la science, Florence Raulin Cerceau notait que « L'exobiologie d'aujourd'hui (ou ses « sœurs » l'astrobiologie et la bioastro¬nomie) est
Alors pourquoi ne pas imaginer ces autres mondes peuplés comme la Terre ?
La frontière entre fiction et réalité est bien mince : on peut tout imaginer, en mêlant le vrai et le faux, comme le signale Fontenelle. Dans ses Entretiens, les habitants de la Lune vivent dans des puits, à l'abri de l'ardeur perpétuelle du Soleil. S'ils ressemblent encore aux habitants de la Terre, leurs voisins, les différences augmentent à mesure que l'on s'éloigne».
Diverses théories, certaines portées par des astronomes français, ont donc fleuri un peu partout dans le monde.
Mais il est vrai que le phénomène actuel est d’importance. Comment alors expliquer l’étendue de l’intérêt pour la cause extraterrestre aux Etats-Unis ? Nous pourrions émettre diverses hypothèses à savoir que l’idée d’une telle présence est soutenue par les différents gouvernements et amplement relayée par les médias et les réseaux sociaux, de là à l’associer aux abondantes productions américaines de science-fiction, le pas est franchi.
Revenons tout d’abord sur un article publié par Les Inrocks qui montre qu’une «
Tous les ingrédients sont présents, ou presque. Un narrateur qui porte un masque de Guy Fawkes, une voix trafiquée et, en fond sonore, une petite mélodie inquiétante. La vidéo est intitulée Anonymous believes Nasa is poised to announce discovery of aliens (“Anonymous estime que la Nasa s'apprête à annoncer la découverte d'extraterrestres"). L'homme y évoque, durant une dizaines de minutes, la découverte récente par le télescope Kepler de 219 exoplanètes dont 10 seraient habitables. Le tout entrecoupé de vidéos d'ovni. Pourtant, tout est faux.
Des dizaines d'articles dans le monde
Cela ne serait pas si inquiétant, si sa viralité n'avait pas provoqué autant de reprises par les médias internationaux. Postée le 20 juin, la vidéo a été visionnée près de deux millions de fois et a généré plusieurs articles dans la presse internationale (…) Cet hoax est parti d'une déclaration bel et bien réelle: au mois d'avril 2017, Thomas Zurbuchen, professeur à la Nasa, avait déclaré, lors d'un colloque :
«En prenant en considération toutes les différentes activités et missions qui se focalisent sur la recherche d'une forme de vie extraterrestre, nous sommes sur le point de faire l'une des découvertes les plus profondes et sans précédent de l'histoire"… »
Dans un même temps,L’express s’intéresse à un programme secret du Pentagone qui aurait été mené pendant au moins cinq ans : «
« Vingt-deux millions de dollars par an, c'est la somme qu'a consacré le département américain de la Défense pour enquêter sur des objets volants non-identifiés (ovnis). Un programme qui a duré au moins cinq ans comme l'ont rapporté samedi le New York Times et Politico.
Un budget de 22 millions de dollars
Le Pentagone a reconnu les faits. Son programme officiellement qualifié d'identification des menaces aérospatiales avancées (AATIP) a été mené entre 2007 et 2012. L'objectif: en savoir plus sur des objets volants non identifiés qui avaient été aperçus aussi bien par des militaires que de simples citoyens. Une menace jugée "crédible" par le département de la défense.
L'essentiel du budget de 22 millions de dollars, qui passait facilement inaperçu dans le budget global du Pentagone (environ 600 milliards de dollars) étaient versés à une société. Baptisée Bigelow Aerospace, celle-ci appartient au milliardaire Robert Bigelow. C'est elle qui était supposée évaluer la menace que constituaient ou non les ovnis. »
Le Monde revient sur le projet « Storm Area 51 » et tente d’en expliquer l’engouement sur internet :
«
Dans Science-fiction et société, Alexandre Hougron constate que « De manière plus « inquiétante »,
(…) La « décontextualisation » des informations et des émotions serait, à en croire l’éthologie, ce qui différencie le plus l’homme des autres espèces animales (…) cette capacité à décontextualiser le réel, sans laquelle l’imagination serait impossible et l’imaginaire inexistant, fait ainsi la force et la faiblesse de notre espèce :
L’auteur note l’existence d’une sorte de prosélytisme émanant directement du gouvernement où l’
La frontière entre science-fiction et réalité semble ainsi se réduire. Dans Les extraterrestres au cinéma, Stéphane Benaïm s’interroge aussi sur un tel intérêt
« Puisqu’il s’agit de s’intéresser aux différentes figures des non-humains et d’analyser leurs visages, il semble utile de se demander si l’intérêt que suscitent les visiteurs de l’espace ne réside pas dans la représentation d’un Autre, à priori différent de l’homme. Comment expliquer cette attraction durable du cinéma pour cet Autre (…) Dans ce cas cette représentation singulière de l’altérité serait une façon de mieux appréhender, voire de décrypter ou de maîtriser l’Autre (…) La notion d’altérité a souvent été évoquée avec les extra-terrestres qui ont progressivement colonisé le septième art, d’un point de vue philosophique, anthropologique ou sociologique. Tour à tour voisin, étranger ou envahisseur, l’Autre permet d’évoquer le repli communautaire, le racisme ou l’agressivité pour autrui. En revanche, la notion d’exotisme, rarement évoquée pour décrypter ce genre est pourtant la base même du ressort de cette science-fiction ».
Nous pourrions aussi mettre en parallèle ce phénomène avec celui des Iluminati, étudié par Yves Pagès dans l’article Le pseudo-complot Illuminati. L’étrange destin d’une conspiration imaginaire (1797-2015),
Enfin, Marc-Olivier Padis dans l’article Le style paranoïaque à l’ère numérique
«
Nous vous laissons également consulter La fabrique des extraterrestres par Sébastien Poulain.
Que vous dire de plus, Donald Trump n’est à priori pas un extraterrestre mais … méfiance !!
En guise de conclusion, nous vous laissons lire le dossier » L’invasion des ovnis : où en est-on actuellement ? » publié par Association française pour l’information scientifique
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