légendes sur le phare de tevennec
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 18/07/2019 à 09h23
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Question d'origine :
bonjour je recherches des infos sue les légendes liées à ce phare ainsi que le phare de la vieille
merci
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 19/07/2019 à 12h59
Bonjour,
Concernant le phare de Tévennec, voici pour commencer une présentation des légendes rattachées à Tévennec sur la page Wikipedia consacrée à ce phare :
« Un phare maudit ?
Compte tenu des particularités du site sur lequel il est érigé, le phare de Tévennec est assez inclassable. Ce n'est pas vraiment un phare de haute mer — un « enfer », selon la classification inventée par les gardiens — puisqu'il n'est pas directement entouré d'eau. Et c'est à peine un « purgatoire », c'est-à-dire l'un de ces phares installés sur une île. Le rocher sur lequel est érigée la maison-phare peut en effet difficilement prétendre à ce titre. Bien que son sommet s'élève à 14 mètres au-dessus du niveau de l'eau, il est fréquemment balayé par les embruns et il reste très délicat d'y aborder, voire impossible, dès que la mer est formée.
L'appellation conviendrait d'autant mieux ici que ce phare jouit d'une très sinistre réputation auprès des marins et des habitants du cap Sizun. On raconte à son propos toutes sortes d'histoires : des gardiens qui deviennent fous en quelques mois, d'autres qui meurent brutalement, dont l'un dans les bras de son épouse, qui l'aurait alors mis au saloir pour conserver son corps jusqu'à la relève suivante... Des cris lugubres, prêtés aux âmes des nombreux naufragés ayant trouvé la mort sur l'îlot, se feraient entendre de temps à autre, entre les rochers.
Jean-Christophe Fichou a montré récemment que la plupart des récits dramatiques concernant les gardiens de ce lieu étaient très largement imaginaires. Il reste que l'erreur initiale de l'administration des Ponts et Chaussées est sans doute de ne pas avoir considéré Tévennec comme un phare de pleine mer. Il a été classé en tant que fanal de quatrième catégorie, et un seul gardien y a été affecté à l'origine, avec pour mission d'assurer son service à l'année longue, comme ses confrères installés dans les maisons-phares du littoral (les « paradis »).
Or, la vie sur le rocher de Tévennec est probablement aussi difficile que dans bien des phares en mer. Par ailleurs, des plongeurs ont découvert récemment une grotte sous-marine traversant l'îlot de part en part. Lorsque des vagues s'y engouffrent, l'air s'en échappe par des failles dans la roche, ce qui produit des hululements tout à fait sinistres, les constructeurs du phare y entendaient « Kers cuit ! Kers cuit ! Ama ma ma flag ! », signifiant « Va-t'en ! Va-t'en ! Ici c'est ma place ! » en breton. »
Nous avons pu consulter l’ouvrage de Jean-Christophe Fichou cité ci-dessus. En voici des extraits :
«La Malédiction plane sur Tévennec
Le rocher de Tévennec a toujours été associé à l’irrationnel. Lieu de conjuration dans la tradition celtique, il pourrait être l’une des « portes étroites » imaginées par Lovecraft. Nul ne semble pouvoir aborder cet îlot sans angoisse. Selon la mémoire populaire, les ouvriers qui y érigèrent un phare étaient terrorisés par des phénomènes étranges, diaboliques. « La nuit, rapporte un chroniqueur, des hurlements de terreur, éclats de bagarres, de rires déments, dominaient le ressac… Parfois, des êtres, pâles lueurs, titubaient sur la roche, dressaient des croix pour s’y suspendre ensuite… A maintes reprises, le couvercle de la citerne fut soulevé et retrouvé à plusieurs mètres, comme projeté et sans explication valable. »
Une fois bâtis le phare et sa maisonnette, l’administration juge qu’un seul gardien est amplement suffisant pour entretenir le feu. Mais Henri Guézennec, le quatrième ermite de Tévennec, ne supporte pas la solitude et sombre dans la démence. La nuit, il affirme entendre des voix lui répétant en breton : « Kers cuit ! Kers cuit ! Ama ma ma flag ! » Ce qui signifie : « Va-t-en ! Va-t-en ! Ici c’est ma place ! » Plus tard, ce même gardien se confiera à l’écrivain Anatole le Braz qui rapporte ainsi son témoignage : « Un certain jour, je me trouvais à nettoyer le fanal, je m’entends appeler par mon nom : « Henri ? ». Je réponds : « Mais quoi ? – Eh bien, descends ! ». Or j’étais seul au phare. Je descends au trou de débarquement, pensant que quelque pêcheur m’appelait. Personne. Je reste bête… Une autre fois, un de mes cousins était venu passer quelques jours avec moi pour me tenir compagnie. Nous étions en train de prendre le café. Tout à coup, on entend du bruit comme si l’on avait raboté, scié. L’autre me demande : « Qu’est-ce que c’est ? – Oh ! Je suis pas étonné, toutes les nuits c’est la même chose ». Moi, j’y étais fait. « Attends, je m’en vais les prier de venir en notre compagnie », dis-je en plaisantant. Je n’eus pas plutôt parlé, que je reçus comme un choc électrique, bousculé d’un côté à l’autre, et je tombe sur le carreau, comme foudroyé. Jusqu’à onze heures du soir, je restai sans connaissance. L’autre s’était fourré au lit, pris de peur. Or nous n’étions certes saouls ni l’un ni l’autre. On dit que ce sont des revenants, des naufragés. Dans l’ancien temps, un homme est resté mourir de faim et on voyait même la trace de son corps sur la roche. Et c’est lui, disait-on, qui trouble les gardiens. Il y avait un endroit qui n’était pas de la même couleur que le reste, et on disait que c’était la teinte du cadavre. »
[…] Une malédiction plane-t-elle sur ce rocher ? Toujours est-il que cet endroit a sinistre réputation. On prétend même qu’un exorciste aurait été dépêché sur les lieux. En réalité, il semble seulement qu’un prêtre soit venu bénir le site. On y érigera aussi une croix de pierre, que la tempête brisera et qui sera ensuite remplacée par une croix en fer. Pour faire fuir les prétendus fantômes, un ingénieur fera même sauter quelques mines dans les grottes de Tévennec, afin d’en éliminer les oiseaux soupçonnés de parler à la place des morts.
De guerre lasse, l’administration se décide enfin, à partir de 1876, à épargner la santé mentale de ses agents en affectant deux gardiens sur ce phare. Le maudit rocher n’en continue pas moins de porter malheur. Le gardien Alexis Kerliviou décède dans les bras de son compagnon Corentin Coquet, ce dernier devant le veiller deux jours et deux nuits jusqu’à la relève.
Une telle série noire est de nature à ébranler les esprits les plus sceptiques. Pour tenter de mettre un terme à la malédiction, la direction des Phares décide, en 1898, d’affecter désormais un ménage sur l’îlot. La famille Quéméré, qui succède aux Milliner en 1900, y connaîtra une existence à peu près normale. Pour autant, sa vie à Tévennec n’est guère enviable […].
En 1905 […] c’est la familleQuéré qui prend la relève pendant deux ans, avant d’être à son tour remplacée par les Ropart. Ces derniers ne garderont pas un bon souvenir de leur séjour à Tévennec. En effet, le père du gardien, venu rendre visite au jeune ménage, y est emporté par une lame. Et peu de temps après, au beau milieu d’une tempête, Madame Ropart accouche, prématurément, avec l’aide de son mari, d’un enfant qui ne vit que quelques jours. Pour fini, un ouragan arrache le toit de la maison.
C’en est trop ! L’administration prend enfin la sage décision de transformer l’établissement de Tévennec en feu permanent à gaz. Le 7 février 1910, le rocher de Tévennec est livré à ses seuls fantômes. Le phare maudit n’en continuera pas moins de hanter les esprits et d’alimenter sa propre légende. En 1937, un journal allemand publie ainis un article intitulé La Tour de la mort, prétendant que l’administration ne trouve plus aucun volontaire pour garder le Tévennec parce que les six gardiens qui s’y sont succédés y ont trouvé la mort. A en croire le journaliste, le premier gardien serait mort à l’asile, après avoir saccagé le phare et tué l’un des pêcheurs venus voir ce qui se passait. Le second aurait entendu des voix et aurait disparu sans laisser d’adresse. Le troisième aurait été retrouvé mort dans son lit quatre jours après son arrivée. Le quatrième, accompagné de son fils, se serait tranché la gorge avec un rasoir, après quoi son fils se serait fracassé le crâne en tombant dans un trou. Le cinquième aurait été tué d’un coup de feu par son épouse… qui le soupçonnait d’infidélité et serait elle-même décédée quelques jours plus tard après avoir mis au monde un enfant mort-né… Ce scénario catastrophe laissera au moins un lecteur sceptique. Peu après la parution de l’article, l’administration des Phares aurait en effet reçu une proposition de service de Karl Schaffhauser, un habitant d’Heidelberg. « Comme je voudrais commencer une nouvelle vie loin de ma patrie, écrit celui-ci, et que je ne suis absolument pas superstitieux, je suis disposé à occuper cet emploi. »
Aujourd’hui encore, ce phare inspire la crainte, et pas seulement à cause des violents courants qui le ceinturent. Cependant, les fameuses voix entendues par différentes personnes n’émanent probablement pas des revenants. Deux plongeurs – Joël Arvor et Gérard Louam – ont récemment découvert un tunnel sous-marin d’une vingtaine de mètres de long traversant le rocher de part en part. Le phare de Longship, en Angleterre, est ainsi érigé sur une roche percée et, par fortes marées, l’air comprimé dans ce boyau s’échappe par une faille en faisant un bruit si effrayant qu’un gardien en est mort, tandis qu’un autre a vu ses cheveux grisonner en une nuit. Les crierien évoqués par Anatole Le Braz ne seraient donc que les borborygmes d’un vulgaire siphon ! »
Les légendes rattachées à ce phare sont aussi évoquée dans le journal de bord de Marc Pointud, qui a séjourné 69 jours dans ce phare, en 2016, pour attirer l’attention du public sur le patrimoine maritime des phares :
« Le signe de la croix à Tevennec
Le chantier, sous la direction des ingénieurs Cheguillaume puis Fessard, commence en 1869 pour s’achever cinq ans plus tard, en novembre 1874. Les ouvriers y travaillent notamment lorsque les conditions ne permettent pas d’aller à Ar-Men. Ils y viennent à contrecoeur car le lieu jouit d’une réputation sulfureuse depuis les temps les plus reculés. La fréquence des drames en mer et des noyés ont fait de l’îlot un lieu de passage vers la mort, jusqu’à lui donner une aura quasi mystique, plus tard renforcée par des écrivains aussi célèbres que Charles Le Goffic ou Anatole Le Braz. Ce dernier consacre dans sa fameuse Légende de la mort chez les Bretons armoricains un chapitre entier à ce sujet, sous le titre L’esprit du phare. Plus loin, il indique que Tévennec était un lieu où les conjurés de la région étaient transportés et que ce sont eux, par les nuits de tempête, que l’on entend crier et dire « Kerz deuz va flas », « retire-toi de ma place ». Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que l’annonce de la construction d’un phare sur un îlot « sacré », fût-il essentiel à la navigation, ait été décriée. C’est une attitude constante. Pas étonnant non plus que les ouvriers aient rapporté avoir eu maille à partir avec les forces surnaturelles, et que l’histoire des gardiens ait été calquée sur ce modèle. Les choses allèrent suffisamment loin pour que l’on fasse venir un prêtre exorciste. En 1893, une croix de pierre est érigée sur la roche la plus haute. Une tempête, ou la foudre selon les versions, brisa cette croix. Il se raconte l’histoire selon laquelle un pêcheur du Cap l’aurait remontée par hasard dans le raz, bien des années après, et qu’elle aurait été installée au sommet d’un calvaire en pays de Plogoff. Toujours est-il qu’elle fut remplacée à Tévennec par une croix en fer. […]
Le phare de Tévennec, maison-feu balisant un chenal, ne devait être pourvu, selon les critères de l’administration de l’époque, que d’un seul gardien. Ce fut à l’évidence un choix aggravant pour un phare dont la situation difficile et la renommée sulfureuse constituaient déjà des obstacles de taille au regard du recrutement des candidats. L’administration alla jusqu’à proposer quelques avantages en augmentant la fréquence des congés…
Le premier gardien fut le Sénan Henri Porsmoguer, un ancien de la construction de la maison-feu. Ce sera lui qui, beaucoup plus tard, alors retraité à Sein, racontera à Charles Le Goffic avoir entendu des voix sur Tévennec, les fameux « Kerz kuit » (« Va-t-en »). L’écrivain rapporta ces propos dans un article sur les phares publié en 1899 dans la Revue des Deux Mondes, article qui contribua largement à la légende de Tévennec. […]
Parmi tous les gardiens qui suivirent, beaucoup démissionnèrent ou demandèrent leur mutation vers un autre phare. Certains y moururent ou devinrent fous. Bref, la vie de gardien à Tévennec ne fut pas une sinécure. Selon le classement des phares par les gardiens eux-mêmes, Tévennec n’était pas un « purgatoire » et encore moins un « paradis », mais un « enfer » […], ceci principalement en raison de l’isolement, de la dureté des lieux et des incertitudes du ravitaillement. Si la réputation épouvantable de Tévennec était certes présente à l’esprit de certains d’entre eux, les causes de quelques destins funestes sont, elles, liées à tout ce qu’il y a de plus tangible. Ainsi, quand l’infortuné gardien Kerliviou mourut dans les bras de son collègue Corentin Coquet seulement quatre mois après son arrivée à Tévennec, aucun maléfice surnaturel ici. En phase terminale d’une grave maladie du foie, il venait d’y être nommé. Pour sa part, Corentin Coquet y fut gardien pendant quinze ans, ce qui constitue une performance absolue pour ce phare, et il ne lui arriva rien. […]
Quelques autres sources présentant la démarche de Marc Pointud :
- Bretagne : Abandonné pendant un siècle, le phare maudit va de nouveau être habité, 20minutes.fr
- Où se trouvent les lieux hantés de Bretagne ? france3-regions.francetvinfo.fr
Enfin vous pourrez lire plusieurs légendes sur Tévennec dans les textes compilés par Anatole Le Braz : La légende de la mort chez les Bretons Armoricains.
Pour le phare de La Vieille, nous n’avons pas trouvé mention de légendes dans l’ouvrage de Jean-Christophe Fichou.
Mais Louis le Cunff dans Feux de mer nous apprend que « le phare de la Vieille, comme chacune des tours isolées, possède son histoire et sa légende. Bien malin en vérité, celui qui pourrait tracer entre les deux une frontière précise. Mais dans leur langage laconique, les rapports de mer nous fournissent la certitude que l’histoire est souvent plus sinistre que la légende.
« De tous les phares actuels du Finistère, disent-ils, il n’en est aucun d’accostage aussi difficile que l’est le phare de la Vieille. La moindre houle grossie par les violents courants du Raz de Sein, brise en effet sur le débarcadère qui est la plupart du temps inaccostable… »
Vous trouverez dans ces extraits numérisés sur Google Livres (page 115 et suivantes) le récit de plusieurs épisodes qui ont marqué l’histoire du phare de la Vieille et qui ont bien failli avoir une issue tragique, parmi lesquels le calvaire et le sauvetage de Mandolini et Terracci, deux gardiens corses mutilés de guerre, isolés sans ravitaillement pendant l’hiver 1925 / 1926.
Bonne journée.
Concernant le phare de Tévennec, voici pour commencer une présentation des légendes rattachées à Tévennec sur la page Wikipedia consacrée à ce phare :
« Un phare maudit ?
Compte tenu des particularités du site sur lequel il est érigé, le phare de Tévennec est assez inclassable. Ce n'est pas vraiment un phare de haute mer — un « enfer », selon la classification inventée par les gardiens — puisqu'il n'est pas directement entouré d'eau. Et c'est à peine un « purgatoire », c'est-à-dire l'un de ces phares installés sur une île. Le rocher sur lequel est érigée la maison-phare peut en effet difficilement prétendre à ce titre. Bien que son sommet s'élève à 14 mètres au-dessus du niveau de l'eau, il est fréquemment balayé par les embruns et il reste très délicat d'y aborder, voire impossible, dès que la mer est formée.
L'appellation conviendrait d'autant mieux ici que ce phare jouit d'une très sinistre réputation auprès des marins et des habitants du cap Sizun. On raconte à son propos toutes sortes d'histoires : des gardiens qui deviennent fous en quelques mois, d'autres qui meurent brutalement, dont l'un dans les bras de son épouse, qui l'aurait alors mis au saloir pour conserver son corps jusqu'à la relève suivante... Des cris lugubres, prêtés aux âmes des nombreux naufragés ayant trouvé la mort sur l'îlot, se feraient entendre de temps à autre, entre les rochers.
Jean-Christophe Fichou a montré récemment que la plupart des récits dramatiques concernant les gardiens de ce lieu étaient très largement imaginaires. Il reste que l'erreur initiale de l'administration des Ponts et Chaussées est sans doute de ne pas avoir considéré Tévennec comme un phare de pleine mer. Il a été classé en tant que fanal de quatrième catégorie, et un seul gardien y a été affecté à l'origine, avec pour mission d'assurer son service à l'année longue, comme ses confrères installés dans les maisons-phares du littoral (les « paradis »).
Or, la vie sur le rocher de Tévennec est probablement aussi difficile que dans bien des phares en mer. Par ailleurs, des plongeurs ont découvert récemment une grotte sous-marine traversant l'îlot de part en part. Lorsque des vagues s'y engouffrent, l'air s'en échappe par des failles dans la roche, ce qui produit des hululements tout à fait sinistres, les constructeurs du phare y entendaient « Kers cuit ! Kers cuit ! Ama ma ma flag ! », signifiant « Va-t'en ! Va-t'en ! Ici c'est ma place ! » en breton. »
Nous avons pu consulter l’ouvrage de Jean-Christophe Fichou cité ci-dessus. En voici des extraits :
«
Le rocher de Tévennec a toujours été associé à l’irrationnel. Lieu de conjuration dans la tradition celtique, il pourrait être l’une des « portes étroites » imaginées par Lovecraft. Nul ne semble pouvoir aborder cet îlot sans angoisse. Selon la mémoire populaire, les ouvriers qui y érigèrent un phare étaient terrorisés par des phénomènes étranges, diaboliques. « La nuit, rapporte un chroniqueur, des hurlements de terreur, éclats de bagarres, de rires déments, dominaient le ressac… Parfois, des êtres, pâles lueurs, titubaient sur la roche, dressaient des croix pour s’y suspendre ensuite… A maintes reprises, le couvercle de la citerne fut soulevé et retrouvé à plusieurs mètres, comme projeté et sans explication valable. »
Une fois bâtis le phare et sa maisonnette, l’administration juge qu’un seul gardien est amplement suffisant pour entretenir le feu. Mais Henri Guézennec, le quatrième ermite de Tévennec, ne supporte pas la solitude et sombre dans la démence. La nuit, il affirme entendre des voix lui répétant en breton : « Kers cuit ! Kers cuit ! Ama ma ma flag ! » Ce qui signifie : « Va-t-en ! Va-t-en ! Ici c’est ma place ! » Plus tard, ce même gardien se confiera à l’écrivain Anatole le Braz qui rapporte ainsi son témoignage : « Un certain jour, je me trouvais à nettoyer le fanal, je m’entends appeler par mon nom : « Henri ? ». Je réponds : « Mais quoi ? – Eh bien, descends ! ». Or j’étais seul au phare. Je descends au trou de débarquement, pensant que quelque pêcheur m’appelait. Personne. Je reste bête… Une autre fois, un de mes cousins était venu passer quelques jours avec moi pour me tenir compagnie. Nous étions en train de prendre le café. Tout à coup, on entend du bruit comme si l’on avait raboté, scié. L’autre me demande : « Qu’est-ce que c’est ? – Oh ! Je suis pas étonné, toutes les nuits c’est la même chose ». Moi, j’y étais fait. « Attends, je m’en vais les prier de venir en notre compagnie », dis-je en plaisantant. Je n’eus pas plutôt parlé, que je reçus comme un choc électrique, bousculé d’un côté à l’autre, et je tombe sur le carreau, comme foudroyé. Jusqu’à onze heures du soir, je restai sans connaissance. L’autre s’était fourré au lit, pris de peur. Or nous n’étions certes saouls ni l’un ni l’autre. On dit que ce sont des revenants, des naufragés. Dans l’ancien temps, un homme est resté mourir de faim et on voyait même la trace de son corps sur la roche. Et c’est lui, disait-on, qui trouble les gardiens. Il y avait un endroit qui n’était pas de la même couleur que le reste, et on disait que c’était la teinte du cadavre. »
[…] Une malédiction plane-t-elle sur ce rocher ? Toujours est-il que cet endroit a sinistre réputation. On prétend même qu’un exorciste aurait été dépêché sur les lieux. En réalité, il semble seulement qu’un prêtre soit venu bénir le site. On y érigera aussi une croix de pierre, que la tempête brisera et qui sera ensuite remplacée par une croix en fer. Pour faire fuir les prétendus fantômes, un ingénieur fera même sauter quelques mines dans les grottes de Tévennec, afin d’en éliminer les oiseaux soupçonnés de parler à la place des morts.
De guerre lasse, l’administration se décide enfin, à partir de 1876, à épargner la santé mentale de ses agents en affectant deux gardiens sur ce phare. Le maudit rocher n’en continue pas moins de porter malheur. Le gardien Alexis Kerliviou décède dans les bras de son compagnon Corentin Coquet, ce dernier devant le veiller deux jours et deux nuits jusqu’à la relève.
Une telle série noire est de nature à ébranler les esprits les plus sceptiques. Pour tenter de mettre un terme à la malédiction, la direction des Phares décide, en 1898, d’affecter désormais un ménage sur l’îlot. La famille Quéméré, qui succède aux Milliner en 1900, y connaîtra une existence à peu près normale. Pour autant, sa vie à Tévennec n’est guère enviable […].
En 1905 […] c’est la familleQuéré qui prend la relève pendant deux ans, avant d’être à son tour remplacée par les Ropart. Ces derniers ne garderont pas un bon souvenir de leur séjour à Tévennec. En effet, le père du gardien, venu rendre visite au jeune ménage, y est emporté par une lame. Et peu de temps après, au beau milieu d’une tempête, Madame Ropart accouche, prématurément, avec l’aide de son mari, d’un enfant qui ne vit que quelques jours. Pour fini, un ouragan arrache le toit de la maison.
C’en est trop ! L’administration prend enfin la sage décision de transformer l’établissement de Tévennec en feu permanent à gaz. Le 7 février 1910, le rocher de Tévennec est livré à ses seuls fantômes. Le phare maudit n’en continuera pas moins de hanter les esprits et d’alimenter sa propre légende. En 1937, un journal allemand publie ainis un article intitulé La Tour de la mort, prétendant que l’administration ne trouve plus aucun volontaire pour garder le Tévennec parce que les six gardiens qui s’y sont succédés y ont trouvé la mort. A en croire le journaliste, le premier gardien serait mort à l’asile, après avoir saccagé le phare et tué l’un des pêcheurs venus voir ce qui se passait. Le second aurait entendu des voix et aurait disparu sans laisser d’adresse. Le troisième aurait été retrouvé mort dans son lit quatre jours après son arrivée. Le quatrième, accompagné de son fils, se serait tranché la gorge avec un rasoir, après quoi son fils se serait fracassé le crâne en tombant dans un trou. Le cinquième aurait été tué d’un coup de feu par son épouse… qui le soupçonnait d’infidélité et serait elle-même décédée quelques jours plus tard après avoir mis au monde un enfant mort-né… Ce scénario catastrophe laissera au moins un lecteur sceptique. Peu après la parution de l’article, l’administration des Phares aurait en effet reçu une proposition de service de Karl Schaffhauser, un habitant d’Heidelberg. « Comme je voudrais commencer une nouvelle vie loin de ma patrie, écrit celui-ci, et que je ne suis absolument pas superstitieux, je suis disposé à occuper cet emploi. »
Aujourd’hui encore, ce phare inspire la crainte, et pas seulement à cause des violents courants qui le ceinturent. Cependant, les fameuses voix entendues par différentes personnes n’émanent probablement pas des revenants. Deux plongeurs – Joël Arvor et Gérard Louam – ont récemment découvert un tunnel sous-marin d’une vingtaine de mètres de long traversant le rocher de part en part. Le phare de Longship, en Angleterre, est ainsi érigé sur une roche percée et, par fortes marées, l’air comprimé dans ce boyau s’échappe par une faille en faisant un bruit si effrayant qu’un gardien en est mort, tandis qu’un autre a vu ses cheveux grisonner en une nuit. Les crierien évoqués par Anatole Le Braz ne seraient donc que les borborygmes d’un vulgaire siphon ! »
Les légendes rattachées à ce phare sont aussi évoquée dans le journal de bord de Marc Pointud, qui a séjourné 69 jours dans ce phare, en 2016, pour attirer l’attention du public sur le patrimoine maritime des phares :
« Le signe de la croix à Tevennec
Le chantier, sous la direction des ingénieurs Cheguillaume puis Fessard, commence en 1869 pour s’achever cinq ans plus tard, en novembre 1874. Les ouvriers y travaillent notamment lorsque les conditions ne permettent pas d’aller à Ar-Men. Ils y viennent à contrecoeur car le lieu jouit d’une réputation sulfureuse depuis les temps les plus reculés. La fréquence des drames en mer et des noyés ont fait de l’îlot un lieu de passage vers la mort, jusqu’à lui donner une aura quasi mystique, plus tard renforcée par des écrivains aussi célèbres que Charles Le Goffic ou Anatole Le Braz. Ce dernier consacre dans sa fameuse Légende de la mort chez les Bretons armoricains un chapitre entier à ce sujet, sous le titre L’esprit du phare. Plus loin, il indique que Tévennec était un lieu où les conjurés de la région étaient transportés et que ce sont eux, par les nuits de tempête, que l’on entend crier et dire « Kerz deuz va flas », « retire-toi de ma place ». Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que l’annonce de la construction d’un phare sur un îlot « sacré », fût-il essentiel à la navigation, ait été décriée. C’est une attitude constante. Pas étonnant non plus que les ouvriers aient rapporté avoir eu maille à partir avec les forces surnaturelles, et que l’histoire des gardiens ait été calquée sur ce modèle. Les choses allèrent suffisamment loin pour que l’on fasse venir un prêtre exorciste. En 1893, une croix de pierre est érigée sur la roche la plus haute. Une tempête, ou la foudre selon les versions, brisa cette croix. Il se raconte l’histoire selon laquelle un pêcheur du Cap l’aurait remontée par hasard dans le raz, bien des années après, et qu’elle aurait été installée au sommet d’un calvaire en pays de Plogoff. Toujours est-il qu’elle fut remplacée à Tévennec par une croix en fer. […]
Le phare de Tévennec, maison-feu balisant un chenal, ne devait être pourvu, selon les critères de l’administration de l’époque, que d’un seul gardien. Ce fut à l’évidence un choix aggravant pour un phare dont la situation difficile et la renommée sulfureuse constituaient déjà des obstacles de taille au regard du recrutement des candidats. L’administration alla jusqu’à proposer quelques avantages en augmentant la fréquence des congés…
Le premier gardien fut le Sénan Henri Porsmoguer, un ancien de la construction de la maison-feu. Ce sera lui qui, beaucoup plus tard, alors retraité à Sein, racontera à Charles Le Goffic avoir entendu des voix sur Tévennec, les fameux « Kerz kuit » (« Va-t-en »). L’écrivain rapporta ces propos dans un article sur les phares publié en 1899 dans la Revue des Deux Mondes, article qui contribua largement à la légende de Tévennec. […]
Parmi tous les gardiens qui suivirent, beaucoup démissionnèrent ou demandèrent leur mutation vers un autre phare. Certains y moururent ou devinrent fous. Bref, la vie de gardien à Tévennec ne fut pas une sinécure. Selon le classement des phares par les gardiens eux-mêmes, Tévennec n’était pas un « purgatoire » et encore moins un « paradis », mais un « enfer » […], ceci principalement en raison de l’isolement, de la dureté des lieux et des incertitudes du ravitaillement. Si la réputation épouvantable de Tévennec était certes présente à l’esprit de certains d’entre eux, les causes de quelques destins funestes sont, elles, liées à tout ce qu’il y a de plus tangible. Ainsi, quand l’infortuné gardien Kerliviou mourut dans les bras de son collègue Corentin Coquet seulement quatre mois après son arrivée à Tévennec, aucun maléfice surnaturel ici. En phase terminale d’une grave maladie du foie, il venait d’y être nommé. Pour sa part, Corentin Coquet y fut gardien pendant quinze ans, ce qui constitue une performance absolue pour ce phare, et il ne lui arriva rien. […]
Quelques autres sources présentant la démarche de Marc Pointud :
- Bretagne : Abandonné pendant un siècle, le phare maudit va de nouveau être habité, 20minutes.fr
- Où se trouvent les lieux hantés de Bretagne ? france3-regions.francetvinfo.fr
Enfin vous pourrez lire plusieurs légendes sur Tévennec dans les textes compilés par Anatole Le Braz : La légende de la mort chez les Bretons Armoricains.
Pour le phare de La Vieille, nous n’avons pas trouvé mention de légendes dans l’ouvrage de Jean-Christophe Fichou.
Mais Louis le Cunff dans Feux de mer nous apprend que « le phare de la Vieille, comme chacune des tours isolées, possède son histoire et sa légende. Bien malin en vérité, celui qui pourrait tracer entre les deux une frontière précise. Mais dans leur langage laconique, les rapports de mer nous fournissent la certitude que l’histoire est souvent plus sinistre que la légende.
« De tous les phares actuels du Finistère, disent-ils, il n’en est aucun d’accostage aussi difficile que l’est le phare de la Vieille. La moindre houle grossie par les violents courants du Raz de Sein, brise en effet sur le débarcadère qui est la plupart du temps inaccostable… »
Vous trouverez dans ces extraits numérisés sur Google Livres (page 115 et suivantes) le récit de plusieurs épisodes qui ont marqué l’histoire du phare de la Vieille et qui ont bien failli avoir une issue tragique, parmi lesquels le calvaire et le sauvetage de Mandolini et Terracci, deux gardiens corses mutilés de guerre, isolés sans ravitaillement pendant l’hiver 1925 / 1926.
Bonne journée.
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