Devyl Shit
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 10/07/2019 à 13h10
377 vues
Question d'origine :
Qu'est-ce que le 'devyl shit' ? Je crois que c'est un genre musical mais je ne trouve rien sur le sujet. Aussi, je fais appel à vous...
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 11/07/2019 à 10h34
Bonjour,
Le Devil Shyt (et non Devyl Shit) est un rap particulièrement sombre aux accents sataniques qui a pris naissance à Memphis dans les années 90 :
« dans les années 90, les noirs des ghettos de Memphis distillent une musique souvent lente et extrêmement sombre. Samples tournés en boucle de manière hypnotique, écrasés par une boîte à rythmes crasseuse et une ligne de basse taillée pour les grosses enceintes, saupoudrés de flows saccadés et de textes abordant tout un programme de réjouissances : violence, drogues, gangs, meurtres, suicide, satanisme, torture, folie... Romancé ou non (mais probablement), le récit de la rue n'a jamais été aussi terrifiant qu'à Memphis.
[…]Les nineties à Memphis ont vu pulluler les cassettes lo-fi (d'une qualité très sale si vous préférez) qui ont servi à répandre ce qui est devenu le black metal du rap. Le groupe emblématique du genre : Three 6 Mafia (ci-dessus), anciennement Triple 6 Mafia (et plus anciennement Backyard Posse), une joyeuse bande de lascars, actifs depuis 1991, qui comme leur nom peut nous le faire deviner, ne doivent pas souvent aller chanter des cantiques à l'église vêtus de jolies toges blanches. Pendant que DJ Paul et Juicy J grattent des beats à base de boucles malfaisantes et de ricanements, le regretté Lord Infamous déroule sa folie luciférienne et son flow ternaire (plus de 20 ans avant que nombre de trappeurs incultes le reprennent en croyant qu'il vient de Migos), le non moins regretté Koopsta Knicca chantonne comme un évadé de l'asile, Crunchy Black pose sa diction dégueulasse suivie de quelques pas de danse qui le sont moins, et la charmante Gangsta Boo montre qu'il n'y a pas besoin d'être de sexe masculin pour avoir de grosses couilles de bandit. Mais la merde démoniaque de Memphis, c'est aussi Tommy Wright III, Kingpin Skinny Pimp, Playa Fly, Evil Pimp, Lil Gin, Mr. Tinimaine et bien d'autres encore.
Elles sont loin les années 90, diront les nostalgiques... Mais qu'en est-il aujourd'hui ? Eh bien, depuis le début des années 2010, ce son subit un renouveau, souvent labellisé "phonk" : Des jeunes de Memphis et d'un peu partout aux States reprennent aujourd'hui le flambeau en dépoussiérant les samples de leurs diaboliques aînés. Seed Of 6ix, Raider Klan, Bone$, $uicide Boy$ (ci-dessous), DJ Smokey, Bazz Mafia... La liste est longue, et même si ces enfants du triple 6 puisent tous leurs classiques à la même source, ce qu'ils en ont fait peut beaucoup varier de l'un à l'autre. Certains, à la manière du docteur Frankenstein, prélèvent diverses influences extérieures pour les greffer sur la dépouille des nineties de Memphis et lui redonner vie dans un grand choc électrique de basse 808. »
Source : Devil shyt, mais que diable est-ce donc ? DP's From Hippies (blog)
« Autour de l’année 2010, on a vu renaître un intérêt notable pour la période fructueuse du Memphis des années 1990 et sa déferlante de projets estampillés « devil shyt ». Des journalistes hype aux plus nerd des diggers du web, en passant par les métalleux en reconversion, nombreux sont ceux qui tombent dans le piège maléfique.
Cette curiosité renouvelée s’est d’abord manifestée sur Internet autour de rappeurs et producteurs tels que le Raider Klan, Bones, Dj Smokey ou Tommy Kruise. De jeunes artistes qui puisent massivement dans les sonorités et l’esthétisme de cette période très marquée. En décomposant une grande partie du rap contemporain, on retrouve désormais des similitudes manifestes avec les éléments caractéristiques de ce « devil shyt ».
Chez les rappeurs tout d’abord : dès la fin des années 80, les MC du Tennessee (Lord Infamous, Skinny Pimp) impressionnent par l’utilisation de flows « double time & triplet », aujourd’hui largement reproduits et répandus, de Migos à A$AP Ferg, pour aborder des thématiques assez habituelles pour les amateurs de gangsta rap sombre (la trinité robbin’, pimpin’, killin’) mais en y apportant une dimension horrorcore et satanique très inspirée par le cinéma de genre post 1970.
Les histoires rapportées sont excessivement misogynes, teintées d’un humour pince-sans-rire et d’une forte présence démoniaque. La mort, le sexe, la drogue, la prison, les sujets sont durs et, à ce petit jeu, On the run de Tommy Wright, sorti en 1996, atteint des sommets de noirceur et dépeint avec brutalité un Memphis des plus sordides (« Killed the baby bitch by suffocating her with a fucking towel »). Cette frénésie de délires morbides est entrecoupée d’examens profonds des troubles psychologiques des personnages.
La description minutieuse de la paranoïa et des hallucinations est au cœur du mythique Da Devil’s Playground de Koopsta Knicca, une œuvre adulée et ultra-samplée encore aujourd’hui,notamment dans son fameux morceau Stash Pot : « Lock, you in the fucking trunk -While I hit the fucking phonk –Now I’m going crazy man- All I see is blood ».
D’autre part, l’influence en terme de beatmaking est également colossal : charleston véloce, 808 glaciale, configuration très lo-fi flirtant parfois avec l’inaudible, utilisation massive de samples vocaux menaçants répétés à l’excès (« choppin hook »), d’orgues, de violons et de claviers. Des caractéristiques que l’on peut retrouver dans le rap mainstream sous inspirations crunk ou Trap. Ces sonorités, et sans doute une grande partie du son sudiste moderne, sont à remettre au crédit d’un certain Dj Spanish Fly. C’est certainement son tube Smokin’ Onions qui cristallisera, dès la fin des années 1980, cette signature typique du son de M-Town. Les clubs dans lesquels il joue ne goûtant que peu les paroles explicites autour d’histoires de vols à mains armés et de proxénétisme de ses mixes, il se met alors à distribuer ses cassettes de manière indépendante et entraine dans son sillon d’autres DJ’s et producteurs locaux hypnotisés par ses performances radiophoniques du milieu des années 1980 (Dj Squeeky et ses Summa Mix, Dj Paul & Juicy J, Al Kapone, DJ Squeeky, ou encore 8Ball & MJG expatriés pour raisons contractuelles à Houston). »
Source : Memphis, Devil Shyt : La face sombre du dirty south, swampdiggers.com
Vous pouvez écouter une sélection de 12 titres appartenant à ce genre dans l’article cité ci-dessus, et découvrir une discographie des principaux artistes qui le représentent. Vous trouverez également d’autres articles consacré au Devil Shyt sur Swamp Diggers.
Bonne écoute.
Le Devil Shyt (et non Devyl Shit) est un rap particulièrement sombre aux accents sataniques qui a pris naissance à Memphis dans les années 90 :
« dans les années 90, les noirs des ghettos de Memphis distillent une musique souvent lente et extrêmement sombre. Samples tournés en boucle de manière hypnotique, écrasés par une boîte à rythmes crasseuse et une ligne de basse taillée pour les grosses enceintes, saupoudrés de flows saccadés et de textes abordant tout un programme de réjouissances : violence, drogues, gangs, meurtres, suicide, satanisme, torture, folie... Romancé ou non (mais probablement), le récit de la rue n'a jamais été aussi terrifiant qu'à Memphis.
[…]Les nineties à Memphis ont vu pulluler les cassettes lo-fi (d'une qualité très sale si vous préférez) qui ont servi à répandre ce qui est devenu le black metal du rap. Le groupe emblématique du genre : Three 6 Mafia (ci-dessus), anciennement Triple 6 Mafia (et plus anciennement Backyard Posse), une joyeuse bande de lascars, actifs depuis 1991, qui comme leur nom peut nous le faire deviner, ne doivent pas souvent aller chanter des cantiques à l'église vêtus de jolies toges blanches. Pendant que DJ Paul et Juicy J grattent des beats à base de boucles malfaisantes et de ricanements, le regretté Lord Infamous déroule sa folie luciférienne et son flow ternaire (plus de 20 ans avant que nombre de trappeurs incultes le reprennent en croyant qu'il vient de Migos), le non moins regretté Koopsta Knicca chantonne comme un évadé de l'asile, Crunchy Black pose sa diction dégueulasse suivie de quelques pas de danse qui le sont moins, et la charmante Gangsta Boo montre qu'il n'y a pas besoin d'être de sexe masculin pour avoir de grosses couilles de bandit. Mais la merde démoniaque de Memphis, c'est aussi Tommy Wright III, Kingpin Skinny Pimp, Playa Fly, Evil Pimp, Lil Gin, Mr. Tinimaine et bien d'autres encore.
Elles sont loin les années 90, diront les nostalgiques... Mais qu'en est-il aujourd'hui ? Eh bien, depuis le début des années 2010, ce son subit un renouveau, souvent labellisé "phonk" : Des jeunes de Memphis et d'un peu partout aux States reprennent aujourd'hui le flambeau en dépoussiérant les samples de leurs diaboliques aînés. Seed Of 6ix, Raider Klan, Bone$, $uicide Boy$ (ci-dessous), DJ Smokey, Bazz Mafia... La liste est longue, et même si ces enfants du triple 6 puisent tous leurs classiques à la même source, ce qu'ils en ont fait peut beaucoup varier de l'un à l'autre. Certains, à la manière du docteur Frankenstein, prélèvent diverses influences extérieures pour les greffer sur la dépouille des nineties de Memphis et lui redonner vie dans un grand choc électrique de basse 808. »
Source : Devil shyt, mais que diable est-ce donc ? DP's From Hippies (blog)
« Autour de l’année 2010, on a vu renaître un intérêt notable pour la période fructueuse du Memphis des années 1990 et sa déferlante de projets estampillés « devil shyt ». Des journalistes hype aux plus nerd des diggers du web, en passant par les métalleux en reconversion, nombreux sont ceux qui tombent dans le piège maléfique.
Cette curiosité renouvelée s’est d’abord manifestée sur Internet autour de rappeurs et producteurs tels que le Raider Klan, Bones, Dj Smokey ou Tommy Kruise. De jeunes artistes qui puisent massivement dans les sonorités et l’esthétisme de cette période très marquée. En décomposant une grande partie du rap contemporain, on retrouve désormais des similitudes manifestes avec les éléments caractéristiques de ce « devil shyt ».
Chez les rappeurs tout d’abord : dès la fin des années 80, les MC du Tennessee (Lord Infamous, Skinny Pimp) impressionnent par l’utilisation de flows « double time & triplet », aujourd’hui largement reproduits et répandus, de Migos à A$AP Ferg, pour aborder des thématiques assez habituelles pour les amateurs de gangsta rap sombre (la trinité robbin’, pimpin’, killin’) mais en y apportant une dimension horrorcore et satanique très inspirée par le cinéma de genre post 1970.
Les histoires rapportées sont excessivement misogynes, teintées d’un humour pince-sans-rire et d’une forte présence démoniaque. La mort, le sexe, la drogue, la prison, les sujets sont durs et, à ce petit jeu, On the run de Tommy Wright, sorti en 1996, atteint des sommets de noirceur et dépeint avec brutalité un Memphis des plus sordides (« Killed the baby bitch by suffocating her with a fucking towel »). Cette frénésie de délires morbides est entrecoupée d’examens profonds des troubles psychologiques des personnages.
La description minutieuse de la paranoïa et des hallucinations est au cœur du mythique Da Devil’s Playground de Koopsta Knicca, une œuvre adulée et ultra-samplée encore aujourd’hui,notamment dans son fameux morceau Stash Pot : « Lock, you in the fucking trunk -While I hit the fucking phonk –Now I’m going crazy man- All I see is blood ».
D’autre part, l’influence en terme de beatmaking est également colossal : charleston véloce, 808 glaciale, configuration très lo-fi flirtant parfois avec l’inaudible, utilisation massive de samples vocaux menaçants répétés à l’excès (« choppin hook »), d’orgues, de violons et de claviers. Des caractéristiques que l’on peut retrouver dans le rap mainstream sous inspirations crunk ou Trap. Ces sonorités, et sans doute une grande partie du son sudiste moderne, sont à remettre au crédit d’un certain Dj Spanish Fly. C’est certainement son tube Smokin’ Onions qui cristallisera, dès la fin des années 1980, cette signature typique du son de M-Town. Les clubs dans lesquels il joue ne goûtant que peu les paroles explicites autour d’histoires de vols à mains armés et de proxénétisme de ses mixes, il se met alors à distribuer ses cassettes de manière indépendante et entraine dans son sillon d’autres DJ’s et producteurs locaux hypnotisés par ses performances radiophoniques du milieu des années 1980 (Dj Squeeky et ses Summa Mix, Dj Paul & Juicy J, Al Kapone, DJ Squeeky, ou encore 8Ball & MJG expatriés pour raisons contractuelles à Houston). »
Source : Memphis, Devil Shyt : La face sombre du dirty south, swampdiggers.com
Vous pouvez écouter une sélection de 12 titres appartenant à ce genre dans l’article cité ci-dessus, et découvrir une discographie des principaux artistes qui le représentent. Vous trouverez également d’autres articles consacré au Devil Shyt sur Swamp Diggers.
Bonne écoute.
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