Question d'origine :
Bonjour, Quelle est l'origine de la mythologie et pourquoi y'a t'il plusieurs mythologies ? Merci.
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 28/06/2019 à 10h16
Bonjour,
Nous avons trouvé sur le site du canton de Genève un document pédagogique très clair et synthétique sur les mythologies. Il en ressort que le mythe est avant tout un récit, destiné à donner aux hommes une explication à des questions insolubles sur leur origine :
« Le mot “mythe” vient du grec muthos, qui signifie “récit” ou “mot”. L’humanité produit des mythes depuis la nuit des temps. La plus vieille mythologie connue serait celle des Aborigènes australiens, dont les histoires du « Temps du Rêve » remonteraient à 40 000 ans.
[…]
Les grands récits mythologiques sont à la base de toutes les cultures du monde. Ainsi, chaque culture a sa propre version de la création du monde, de l’origine de l’humanité, du sens de l’existence, et l’a exprimée à travers les mythes. La mythologie est une explication métaphorique du monde; elle peut être extrêmement complexe. En effet, les mythes explorent davantage qu’ils n’expliquent car ils expriment la quête par l’esprit humain d’un équilibre entre les forces de création et de destruction, entre la vie et la mort. Les mythes de diverses cultures sont souvent liés par des thèmes similaires (l’oeuf cosmique, l’océan primordial, la terre mère, etc.).
[…]
C'est parce que l'homme ne comprenait pas les origines de son espèce qu'il a inventé une histoire destinée à satisfaire sa curiosité. Ce qui étonne la pensée humaine, tout ce qu'une science ne peut justifier, trouve une solution, provisoire ou fictive, dans le récit du mythe.
Le mythe est un récit dont les éléments ne coïncident pas avec la réalité intégrale, mais qui, imaginaire, reproduit, par voie de tradition orale ou écrite, une tentative d'expliquer une difficulté d'ordre moral ou métaphysique. Il comble une lacune dans l'explication que l'homme se donne des choses de la vie : il motive un mystère (Michel Butor) »
L’ouvrage Des mythes aux mythologies [Livre] / Christophe Carlier, Nathalie Griton-Rotterdam apporte un complément à cette explication :
« Le terme de mythologie n’a rien de mystérieux : il désigne un ensemble de mythes appartenant à un même contexte culturel, et réuni sans grand souci de cohérence. La notion de mythe, en revanche, est infiniment plus complexe. […] Le mythe se caractérise par sa forme (un récit), par son fondement (une croyance religieuse), par son rôle (expliquer l’état du monde).
[…]
Le mythe possède une fonction étiologique, c’est-à-dire qu’il imagine la cause de phénomènes connus. Il remonte à la Création, à l’établissement d’un pouvoir politique, ou encore, parcourant le monde de l’au-delà, imaginant la fin du nôtre, il explique à l’homme les principes qui doivent guider sa vie terrestre. »
Mais cette explication n’est pas d’ordre moral : il s’agit d’abord d’assigner « une place à l’homme » dans l’ordre cosmique.
L’origine des mythologies semble donc être une besoin apparemment universel de répondre à la question des origines, par le biais du récit, c’est-à-dire d’une histoire se déroulant dans le temps, mais dans des temps reculés où l’homme avait un contact spécial avec le monde surnaturel :
« Il faut comprendre comment le monde apparaît aux yeux de l'homme religieux ; plus exactement, comment la sacralité se révèle à travers les structures mêmes du monde. Pour l'homme religieux, le « surnaturel » est en effet indissolublement lié au « naturel », et la nature exprime toujours quelque chose qui la transcende. Si une pierre sacrée est vénérée, c'est qu'elle est sacrée, et non parce qu'elle est pierre ; c'est la sacralité manifestée à travers le mode d'être de la pierre qui révèle sa véritable essence. Aussi ne peut-on pas parler de « naturisme » ou de « religion naturelle » dans le sens donné à ces mots au xixe siècle ; car c'est la « surnature » qui se laisse saisir par l'homme religieux à travers les aspects « naturels » du monde. »
(Source : Encyclopaedia universalis)
Il serait impossible de dresser un portrait précis des premières mythologies du monde, car leur apparition précède celle de l’écriture , et de ce fait, il n’en reste pas de témoignages précis. Les plus anciens systèmes mythologiques bien connus sont d’ailleurs ceux des deux premières grandes civilisations de l’écriture, l’Egypte pharaonique et la Mésopotamie :
« Irréductibles l'une à l'autre, les mythologies des deux plus anciennes civilisations de l'Antiquité, la mésopotamienne et l'égyptienne, peuvent être pourtant sinon comparées, à tout le moins rapprochées à plusieurs titres. Elles apparaissent toutes deux sur les bords de grands fleuves dont les rythmes ou les caprices fournissent la trame de nombre de leur récits ; ce sont des mythologies de gens de la Terre, de peuples paysans et non marins. Restées pratiquement sans influence l'une sur l'autre, elles ont inspiré en revanche une fascination chez ceux-là mêmes qui ont combattu leurs empires : Hittites, Araméens, Hébreux, Phéniciens... et Grecs enfin. C'est ainsi que, relevée à maints endroits dans le corpus des textes bibliques ou dans le mythe grec, la présence de certains de leurs motifs, des plus archaïques (déluge, naissance virginale, héros sauvé des eaux...) aux plus récents (vie après la mort, démonologie, jugement de l'âme individuelle, culte unifié sous un dieu unique, roi-prêtre...), n'a jamais cessé d'intriguer. Enfin, renforçant leur étrangeté, ces mythologies se sont conservées et transmises en usant de langues et de systèmes d'écriture certes complètement différents l'un de l'autre, mais néanmoins réunis dans leur commun éloignement par rapport au socle linguistique indo-européen et au système alphabétique du monde gréco-romain, lequel nous est resté au moins pour cela connu et familier depuis toujours. »
(Encyclopaedia Universalis)
Selon un des auteurs de l’ouvrage Les mythes [Livre] : langages et messages / sous la dir. de Julien Ries, ces systèmes mythologiques sont les héritiers d’autres, dont le développement, au néolithique, est une conséquence des mutations introduites par l’agriculture et la sédentarisation :
« Avec la sédentarisation et la découverte de l’agriculture, l’homme est devenu le producteur de sa nourriture. Son comportement va changer car il éprouve une solidarité « mystique » entre lui et la végétation. La céréaliculture et la végéculture (tubercules, fruits) sont à l’origine des mythes agraires. D’autres thèmes mythiques vont connaître un grand développement : la relation entre la femme et la végétation ; la rénovation périodique du monde ; l’espace sacré et le temps circulaire ; le mystère de la naissance, de la mort et de la renaissance. Les millénaires néolithiques constituent le terreau dans lequel se sont formés les grands mythes du Proche-Orient ancien et du monde méditerranéen. »
Le même ouvrage – richement illustré, dont nous vous conseillons la consultation – cite l’hypothèse de l’ethnologue et archéologue André Leroi-Gourhan selon laquelle des mythologies complexes auraient déjà été perceptibles dans les symboles peints dans des cavernes peintes datant de la période magdalénienne (25000 à 8000 avant notre ère), en France et en Espagne, dont l’exemple le plus connu est la grotte de Lascaux…
C’est la multiplicité et la diversité des cultures et des civilisations qui explique la pluralité des mythes. Il faut à cet égard se souvenir que l’élaboration de mythologies cohérentes est un phénomène relativement récent à l’échelle de l’humanité : la mythologie grecque, par exemple, n’a pas connu de panthéon exhaustif avant le VIIIè siècle avant notre ère – encore ne sait-on pas s’il vaudrait mieux parler de « la mythologie grecque » ou « des mythologies grecques », du fait de la multiplicité des versions des mythes à l’époque de la tradition orale, par un effet de « téléphone arabe » :
« En Grèce antique, il existe près de 1000 cité-Etats, qui possèdent chacun son mythe fondateur et sa divinité tutélaire, ce qui constitue un ensemble hétérogène et complexe, souvent contradictoire. Il a fallu l’œuvre d’Homère et d’Hésiode pour établir un recensement panhellénique exhaustif et cohérent. En effet, les récits épiques d’Homère, L’Iliade et L’Odyssée, et le long poème d’Hésiode, la Théogonie, constituent la première et la plus fiable tentative de composer un seul tronc commun à partir des différents mythes grecs. »
Pour autant, de nombreuses mythologies à travers le monde comportent des éléments similaires, et d’abord un récit de la création du monde et des hommes, ou cosmogonie :
« D'une manière générale, on peut dire que tout mythe raconte comment quelque chose est venu à l'existence : le monde, l'homme, telle espèce animale, telle institution sociale. Mais du fait que la création du monde précède toutes les autres, la cosmogonie jouit d'un prestige spécial. Le mythe cosmogonique sert de modèle à tous les mythes d'origine. La création des animaux, des plantes ou de l'homme présuppose, en effet, l'existence d'un monde. Même dans les cas où il n'existe pas de mythe cosmogonique au sens strict du terme (comme en Australie), il existe toujours un mythe central qui raconte les commencements du monde, ce qui s'est passé avant qu'il soit devenu tel qu'il est aujourd'hui. On trouve donc toujours une histoire primordiale, et cette histoire a un commencement : le mythe cosmogonique proprement dit ou un mythe qui nous présente le premier état, larvaire ou germinal, du monde.
Il existe un assez grand nombre de thèmes et variantes cosmogoniques, mais les plus importants se laissent classer en quatre catégories.
1. Les mythes décrivant la création du monde par la pensée, la parole (le « verbe ») ou l'« échauffement » d'un dieu.
2. Les mythes mettant en vedette le « plongeon » cosmogonique : Dieu, un animal ou un personnage mythique plonge au fond de l'Océan primordial et en rapporte un peu de glaise, à partir de laquelle est formée la Terre. En Sibérie et dans l'Asie centrale, ces mythes ont reçu une interprétation dualiste.
3. Les cosmogonies qui expliquent la création par la division d'une matière primordiale non différenciée. On distingue au moins trois variantes importantes :
a) l'unité primitive représente le couple Ciel-Terre étroitement embrassé, et leur séparation équivaut à un acte cosmogonique (thème connu également sous le nom de « Parents du monde ») ;
b) l'état originel est décrit comme une masse amorphe, le Chaos ;
c) l'unité primordiale est imaginée comme un œuf englobant la totalité cosmique, ou comme un œuf flottant dans l'Océan primordial. La Création commence avec la division de l'œuf.
4. La cosmogonie comme résultat du démembrement d'un géant anthropoforme ou d'un monstre marin ophidien. Il importe de distinguer deux types différents :
a) l'immolation librement consentie, ou supposée telle, d'un être primordial anthropomorphe (Purusha, dans la mythologie védique ; P'an-ku, dans les traditions chinoises, etc.) ;
b) le combat victorieux d'un dieu contre un monstre marin, suivi de son morcellement (Tiamat, dans la mythologie mésopotamienne).
Cette classification sommaire ne recouvre pas la totalité des mythes cosmogoniques ; en outre, il faut tenir compte du fait que certains thèmes peuvent être classés en plusieurs catégories. »
(Source : Encyclopaedia universalis)
Le même article prend deux exemples de mythes de création, l’un trouvé chez les Indiens Winnebago, selon lequel « le Père créa le monde par la pensée. Il pensa et désira la lumière et la Terre – et la lumière et la Terre apparurent. » - un autre, polynésien, qui « décrit un commencement où n'existaient que les Eaux et les Ténèbres. Io, le Dieu suprême, sépara les Eaux par la puissance de la pensée et de ses paroles, et créa le Ciel et la Terre. Il dit : « Que les Eaux se séparent, que les Cieux se forment, que la terre soit ! » – et aussitôt apparut la lumière. » La similarité de ces mythes avec celui de la création du monde dans la Bible est frappant !
Un autre article d’Universalis cite un autre mythe présent dans un grand nombre de cultures sans contact les unes avec les autres : lemythe du déluge , que l’on trouve dans les mythologies judéo-chrétienne bien sûr, mais aussi en Mésopotamie, chez les Sumériens, dans diverses parties de l’Inde, en Asie du Sud-Est, Mélanésie, Polynésie…
Pour aller plus loin :
- Dictionnaire des mythologies et des religions des sociétés traditionnelles et du monde antique [Livre] / [Alain Ballabriga, André Leroi-Gourhan, Arshi Pipa, Alain Schnapp... et al.] ; sous la direction d’Yves Bonnefoy
- Mythes et dieux des Indo-Européens / [Livre] / Georges Dumézil ; textes réunis et présentés par Hervé Coutau-Bégarie
- Mythologie [Livre] : l'essentiel tout simplement
- 3 minutes pour comprendre les 50 plus grands mythes et légendes initiatiques [Livre] / Irène Mainguy
- Les mythes de la création [Livre] : les matins du monde du cercle polaire à l'Océanie / Jean-Pierre Otte
Bonnes lectures.
Nous avons trouvé sur le site du canton de Genève un document pédagogique très clair et synthétique sur les mythologies. Il en ressort que le mythe est avant tout un récit, destiné à donner aux hommes une explication à des questions insolubles sur leur origine :
« Le mot “mythe” vient du grec muthos, qui signifie “récit” ou “mot”. L’humanité produit des mythes depuis la nuit des temps. La plus vieille mythologie connue serait celle des Aborigènes australiens, dont les histoires du « Temps du Rêve » remonteraient à 40 000 ans.
[…]
Les grands récits mythologiques sont à la base de toutes les cultures du monde. Ainsi, chaque culture a sa propre version de la création du monde, de l’origine de l’humanité, du sens de l’existence, et l’a exprimée à travers les mythes. La mythologie est une explication métaphorique du monde; elle peut être extrêmement complexe. En effet, les mythes explorent davantage qu’ils n’expliquent car ils expriment la quête par l’esprit humain d’un équilibre entre les forces de création et de destruction, entre la vie et la mort. Les mythes de diverses cultures sont souvent liés par des thèmes similaires (l’oeuf cosmique, l’océan primordial, la terre mère, etc.).
[…]
C'est parce que l'homme ne comprenait pas les origines de son espèce qu'il a inventé une histoire destinée à satisfaire sa curiosité. Ce qui étonne la pensée humaine, tout ce qu'une science ne peut justifier, trouve une solution, provisoire ou fictive, dans le récit du mythe.
Le mythe est un récit dont les éléments ne coïncident pas avec la réalité intégrale, mais qui, imaginaire, reproduit, par voie de tradition orale ou écrite, une tentative d'expliquer une difficulté d'ordre moral ou métaphysique. Il comble une lacune dans l'explication que l'homme se donne des choses de la vie : il motive un mystère (Michel Butor) »
L’ouvrage Des mythes aux mythologies [Livre] / Christophe Carlier, Nathalie Griton-Rotterdam apporte un complément à cette explication :
« Le terme de mythologie n’a rien de mystérieux : il désigne un ensemble de mythes appartenant à un même contexte culturel, et réuni sans grand souci de cohérence. La notion de mythe, en revanche, est infiniment plus complexe. […] Le mythe se caractérise par sa forme (un récit), par son fondement (une croyance religieuse), par son rôle (expliquer l’état du monde).
[…]
Le mythe possède une fonction étiologique, c’est-à-dire qu’il imagine la cause de phénomènes connus. Il remonte à la Création, à l’établissement d’un pouvoir politique, ou encore, parcourant le monde de l’au-delà, imaginant la fin du nôtre, il explique à l’homme les principes qui doivent guider sa vie terrestre. »
Mais cette explication n’est pas d’ordre moral : il s’agit d’abord d’assigner « une place à l’homme » dans l’ordre cosmique.
L’origine des mythologies semble donc être une besoin apparemment universel de répondre à la question des origines, par le biais du récit, c’est-à-dire d’une histoire se déroulant dans le temps, mais dans des temps reculés où l’homme avait un contact spécial avec le monde surnaturel :
« Il faut comprendre comment le monde apparaît aux yeux de l'homme religieux ; plus exactement, comment la sacralité se révèle à travers les structures mêmes du monde. Pour l'homme religieux, le « surnaturel » est en effet indissolublement lié au « naturel », et la nature exprime toujours quelque chose qui la transcende. Si une pierre sacrée est vénérée, c'est qu'elle est sacrée, et non parce qu'elle est pierre ; c'est la sacralité manifestée à travers le mode d'être de la pierre qui révèle sa véritable essence. Aussi ne peut-on pas parler de « naturisme » ou de « religion naturelle » dans le sens donné à ces mots au xixe siècle ; car c'est la « surnature » qui se laisse saisir par l'homme religieux à travers les aspects « naturels » du monde. »
(Source : Encyclopaedia universalis)
Il serait impossible de dresser un portrait précis des premières mythologies du monde, car
« Irréductibles l'une à l'autre, les mythologies des deux plus anciennes civilisations de l'Antiquité, la mésopotamienne et l'égyptienne, peuvent être pourtant sinon comparées, à tout le moins rapprochées à plusieurs titres. Elles apparaissent toutes deux sur les bords de grands fleuves dont les rythmes ou les caprices fournissent la trame de nombre de leur récits ; ce sont des mythologies de gens de la Terre, de peuples paysans et non marins. Restées pratiquement sans influence l'une sur l'autre, elles ont inspiré en revanche une fascination chez ceux-là mêmes qui ont combattu leurs empires : Hittites, Araméens, Hébreux, Phéniciens... et Grecs enfin. C'est ainsi que, relevée à maints endroits dans le corpus des textes bibliques ou dans le mythe grec, la présence de certains de leurs motifs, des plus archaïques (déluge, naissance virginale, héros sauvé des eaux...) aux plus récents (vie après la mort, démonologie, jugement de l'âme individuelle, culte unifié sous un dieu unique, roi-prêtre...), n'a jamais cessé d'intriguer. Enfin, renforçant leur étrangeté, ces mythologies se sont conservées et transmises en usant de langues et de systèmes d'écriture certes complètement différents l'un de l'autre, mais néanmoins réunis dans leur commun éloignement par rapport au socle linguistique indo-européen et au système alphabétique du monde gréco-romain, lequel nous est resté au moins pour cela connu et familier depuis toujours. »
(Encyclopaedia Universalis)
Selon un des auteurs de l’ouvrage Les mythes [Livre] : langages et messages / sous la dir. de Julien Ries, ces systèmes mythologiques sont les héritiers d’autres, dont le développement, au néolithique, est une conséquence des mutations introduites par l’
« Avec la sédentarisation et la découverte de l’agriculture, l’homme est devenu le producteur de sa nourriture. Son comportement va changer car il éprouve une solidarité « mystique » entre lui et la végétation. La céréaliculture et la végéculture (tubercules, fruits) sont à l’origine des mythes agraires. D’autres thèmes mythiques vont connaître un grand développement : la relation entre la femme et la végétation ; la rénovation périodique du monde ; l’espace sacré et le temps circulaire ; le mystère de la naissance, de la mort et de la renaissance. Les millénaires néolithiques constituent le terreau dans lequel se sont formés les grands mythes du Proche-Orient ancien et du monde méditerranéen. »
Le même ouvrage – richement illustré, dont nous vous conseillons la consultation – cite l’hypothèse de l’ethnologue et archéologue André Leroi-Gourhan selon laquelle des mythologies complexes auraient déjà été perceptibles dans les symboles peints dans des cavernes peintes datant de la période magdalénienne (25000 à 8000 avant notre ère), en France et en Espagne, dont l’exemple le plus connu est la grotte de Lascaux…
C’est la multiplicité et la diversité des cultures et des civilisations qui explique la pluralité des mythes. Il faut à cet égard se souvenir que l’élaboration de mythologies cohérentes est un phénomène relativement récent à l’échelle de l’humanité : la mythologie grecque, par exemple, n’a pas connu de panthéon exhaustif avant le VIIIè siècle avant notre ère – encore ne sait-on pas s’il vaudrait mieux parler de « la mythologie grecque » ou « des mythologies grecques », du fait de la multiplicité des versions des mythes à l’époque de la tradition orale, par un effet de « téléphone arabe » :
« En Grèce antique, il existe près de 1000 cité-Etats, qui possèdent chacun son mythe fondateur et sa divinité tutélaire, ce qui constitue un ensemble hétérogène et complexe, souvent contradictoire. Il a fallu l’œuvre d’Homère et d’Hésiode pour établir un recensement panhellénique exhaustif et cohérent. En effet, les récits épiques d’Homère, L’Iliade et L’Odyssée, et le long poème d’Hésiode, la Théogonie, constituent la première et la plus fiable tentative de composer un seul tronc commun à partir des différents mythes grecs. »
Pour autant, de nombreuses mythologies à travers le monde comportent des éléments similaires, et d’abord un récit de la création du monde et des hommes, ou
« D'une manière générale, on peut dire que tout mythe raconte comment quelque chose est venu à l'existence : le monde, l'homme, telle espèce animale, telle institution sociale. Mais du fait que la création du monde précède toutes les autres, la cosmogonie jouit d'un prestige spécial. Le mythe cosmogonique sert de modèle à tous les mythes d'origine. La création des animaux, des plantes ou de l'homme présuppose, en effet, l'existence d'un monde. Même dans les cas où il n'existe pas de mythe cosmogonique au sens strict du terme (comme en Australie), il existe toujours un mythe central qui raconte les commencements du monde, ce qui s'est passé avant qu'il soit devenu tel qu'il est aujourd'hui. On trouve donc toujours une histoire primordiale, et cette histoire a un commencement : le mythe cosmogonique proprement dit ou un mythe qui nous présente le premier état, larvaire ou germinal, du monde.
Il existe un assez grand nombre de thèmes et variantes cosmogoniques, mais les plus importants se laissent classer en quatre catégories.
1. Les mythes décrivant la création du monde par la pensée, la parole (le « verbe ») ou l'« échauffement » d'un dieu.
2. Les mythes mettant en vedette le « plongeon » cosmogonique : Dieu, un animal ou un personnage mythique plonge au fond de l'Océan primordial et en rapporte un peu de glaise, à partir de laquelle est formée la Terre. En Sibérie et dans l'Asie centrale, ces mythes ont reçu une interprétation dualiste.
3. Les cosmogonies qui expliquent la création par la division d'une matière primordiale non différenciée. On distingue au moins trois variantes importantes :
a) l'unité primitive représente le couple Ciel-Terre étroitement embrassé, et leur séparation équivaut à un acte cosmogonique (thème connu également sous le nom de « Parents du monde ») ;
b) l'état originel est décrit comme une masse amorphe, le Chaos ;
c) l'unité primordiale est imaginée comme un œuf englobant la totalité cosmique, ou comme un œuf flottant dans l'Océan primordial. La Création commence avec la division de l'œuf.
4. La cosmogonie comme résultat du démembrement d'un géant anthropoforme ou d'un monstre marin ophidien. Il importe de distinguer deux types différents :
a) l'immolation librement consentie, ou supposée telle, d'un être primordial anthropomorphe (Purusha, dans la mythologie védique ; P'an-ku, dans les traditions chinoises, etc.) ;
b) le combat victorieux d'un dieu contre un monstre marin, suivi de son morcellement (Tiamat, dans la mythologie mésopotamienne).
Cette classification sommaire ne recouvre pas la totalité des mythes cosmogoniques ; en outre, il faut tenir compte du fait que certains thèmes peuvent être classés en plusieurs catégories. »
(Source : Encyclopaedia universalis)
Le même article prend deux exemples de mythes de création, l’un trouvé chez les Indiens Winnebago, selon lequel « le Père créa le monde par la pensée. Il pensa et désira la lumière et la Terre – et la lumière et la Terre apparurent. » - un autre, polynésien, qui « décrit un commencement où n'existaient que les Eaux et les Ténèbres. Io, le Dieu suprême, sépara les Eaux par la puissance de la pensée et de ses paroles, et créa le Ciel et la Terre. Il dit : « Que les Eaux se séparent, que les Cieux se forment, que la terre soit ! » – et aussitôt apparut la lumière. » La similarité de ces mythes avec celui de la création du monde dans la Bible est frappant !
Un autre article d’Universalis cite un autre mythe présent dans un grand nombre de cultures sans contact les unes avec les autres : le
- Dictionnaire des mythologies et des religions des sociétés traditionnelles et du monde antique [Livre] / [Alain Ballabriga, André Leroi-Gourhan, Arshi Pipa, Alain Schnapp... et al.] ; sous la direction d’Yves Bonnefoy
- Mythes et dieux des Indo-Européens / [Livre] / Georges Dumézil ; textes réunis et présentés par Hervé Coutau-Bégarie
- Mythologie [Livre] : l'essentiel tout simplement
- 3 minutes pour comprendre les 50 plus grands mythes et légendes initiatiques [Livre] / Irène Mainguy
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