Question d'origine :
Bonjour
Quelles sont les caractéristiques de la langue d'Aristophane (auteur grec de comédies au Ve av. J.-C.)?
Rupalle
Réponse du Guichet
bml_litt
- Département : Langues et Littératures
Le 31/05/2019 à 14h00
Réponse du département Langues et Littératures :
Bonjour,
D’Aristophane, que l’on considère comme l’inventeur de la comédie, il ne reste qu’une dizaine de pièces sur la quarantaine écrites. Mêlant humour, poésie et grossièreté, son écriture charmera les classes moyennes de l’époque, et lui attirera quelques inimitiés au passage.
D’un point de vue formel, les pièces d’Aristophane se caractérisent par mélange audacieux de dialogues, de discours déclamés par le chœur ou son chef ainsi que de scènes musicales.
Si l’on y regarde de plus près, l’attribut le plus distinctif de son écriture réside sans nul doute dans sonrecours à la parabase , sorte d’intermède ou de digression dans laquelle l’auteur s’adresse directement à son auditoire pour aborder des faits politiques, sociaux ou religieux par la bouche du coryphée (chef de chœur), dans lequel Aristophane est passé maître. Comme l’explique Véronique Klauber, « la forme canonique de la parabase est constituée de six parties : la chanson d'introduction (commation), un long développement des griefs en anapestes (pnigos), la strophe ou l'ode (melos), le commentaire (épirrhème), l'antode ou antistrophe et l'antépirrhème ». À travers ses parabases, Aristophane exprime ses opinions personnelles sur le fonctionnement de la justice dans Les guêpes, les inégalités de distribution des richesses dans Les oiseaux, mais l’utilise aussi directement contre des personnes illustres : Cléon, Euripide ou Socrate.
Ses textes sont des comédies satyriques qui traitent de sujets dramatiques comme la guerre, la pauvreté ou encore les vices rongeant la société Athénienne. Pour parvenir àfaire surgir le comique , Aristophane va dans son écriture faire tout un travail de déconstruction du tragique par un jeu de métaphores, métonymies ou encore de littéralisation de la métaphore comme l’expliquent Maria Vamvouri-Ruffy dans Interprétations comiques des métaphores d’Euripide dans les Grenouilles et Frank Müller dans Vers armés ou ‘perte de fiole’ : transactions tragi-comiques de mots et d’objets dans Les Grenouilles d’Aristophane.
Une des autres caractéristiques importante de la langue d’Aristophane réside dans les noms de ses personnages. En effet, adepte desjeux de mots , l’auteur a souvent recours à des calembours porteurs de sens dans la création de leurs noms. Ainsi, comme l’ont expliqué les traducteurs Hilaire Van Daele (traducteur d’Aristophane chez Les Belles Lettres) ou Victor-Henry Debidour (son traducteur pour les éditions Livre de Poche) si l’on s’amusait à traduire les noms de certains de ses personnages les plus emblématiques, Evelpidès s’appellerait alors "Bel-Espoir", Pisthétairos "Fidèle-Ami", Lysistrata "Démobilisette", ou encore Démos "Lepeuple".
Enfin, du point de vue linguistique, Aristophane a là encore été novateur et fantaisiste puisqu’on lui doitle mot le plus long de la langue grecque ancienne qui tient sur 6 vers ½ et comporte pas moins de 171 lettres.
Le voilà tel qu’il apparaît dans L’Assemblée des femmes :
« λοπαδοτεμαχοσελαχογαλεο-
κρανιολειψανοδριμυποτριμματο-
σιλφιοκαραϐομελιτοκατακεχυμενο-
κιχλεπικοσσυφοφαττοπεριστερα-
λεκτρυονοπτεκεφαλλιοκιγκλοπε-
λειολαγῳοσιραιοϐαφητραγα-
νοπτερυγών »
Et dans sa translittération :
« Lopadotemakhoselakhogaleo-
kranioleipsanodrimypotrimmato-
silphiokarabomelitokatakekhymeno-
kikhlepikossyphophattoperistera-
lektryonoptekephalliokinklope-
leiolagōiosiraiobaphētraga-
nopterygṓn »
Ce néologisme désignant une sorte de fricassée composée de 17 ingrédients allant du poisson à la volaille en passant par le miel, le vinaigre et certains abats a pu, vous l’imaginez aisément, causer bien des maux à ses traducteurs, et à ceux qui ont dû le déclamer sur scène comme vous pourrez l’entendre ici.
Hilaire Van Daele proposera pour sa part une traduction centrée sur la compréhension de la composition de ce met :
« Car bientôt on servira : (Tout d’une haleine, comme un seul mot.) patelles — saline — raies — mustelles — rémoulade de restants de cervelles assaisonnée de silphium et de fromage — grives arrosées de miel — merles — ramiers — bisets — coqs — fritures de muges — bergeronnettes — pigeons — lièvres — croquants en formes d’ailes macérés dans du vin cuit !! »
Alors que Victor-Henry Debidour se rangera du côté de la créativité d’Aristophane, proposant la solution suivante :
« On va vous servir du bigornocabillofricandortolangoustabricobouillabopoulaupococovin ! »
Pour aller plus loin :
- Aristophane : fiction et dramaturgie, Pascal Thiercy
- Poétique d'Aristophane et langue d'Euripide en dialogue, ouvrage collectif
Bonjour,
D’Aristophane, que l’on considère comme l’inventeur de la comédie, il ne reste qu’une dizaine de pièces sur la quarantaine écrites. Mêlant humour, poésie et grossièreté, son écriture charmera les classes moyennes de l’époque, et lui attirera quelques inimitiés au passage.
D’un point de vue formel, les pièces d’Aristophane se caractérisent par mélange audacieux de dialogues, de discours déclamés par le chœur ou son chef ainsi que de scènes musicales.
Si l’on y regarde de plus près, l’attribut le plus distinctif de son écriture réside sans nul doute dans son
Ses textes sont des comédies satyriques qui traitent de sujets dramatiques comme la guerre, la pauvreté ou encore les vices rongeant la société Athénienne. Pour parvenir à
Une des autres caractéristiques importante de la langue d’Aristophane réside dans les noms de ses personnages. En effet, adepte des
Enfin, du point de vue linguistique, Aristophane a là encore été novateur et fantaisiste puisqu’on lui doit
Le voilà tel qu’il apparaît dans L’Assemblée des femmes :
« λοπαδοτεμαχοσελαχογαλεο-
κρανιολειψανοδριμυποτριμματο-
σιλφιοκαραϐομελιτοκατακεχυμενο-
κιχλεπικοσσυφοφαττοπεριστερα-
λεκτρυονοπτεκεφαλλιοκιγκλοπε-
λειολαγῳοσιραιοϐαφητραγα-
νοπτερυγών »
Et dans sa translittération :
« Lopadotemakhoselakhogaleo-
kranioleipsanodrimypotrimmato-
silphiokarabomelitokatakekhymeno-
kikhlepikossyphophattoperistera-
lektryonoptekephalliokinklope-
leiolagōiosiraiobaphētraga-
nopterygṓn »
Ce néologisme désignant une sorte de fricassée composée de 17 ingrédients allant du poisson à la volaille en passant par le miel, le vinaigre et certains abats a pu, vous l’imaginez aisément, causer bien des maux à ses traducteurs, et à ceux qui ont dû le déclamer sur scène comme vous pourrez l’entendre ici.
Hilaire Van Daele proposera pour sa part une traduction centrée sur la compréhension de la composition de ce met :
« Car bientôt on servira : (Tout d’une haleine, comme un seul mot.) patelles — saline — raies — mustelles — rémoulade de restants de cervelles assaisonnée de silphium et de fromage — grives arrosées de miel — merles — ramiers — bisets — coqs — fritures de muges — bergeronnettes — pigeons — lièvres — croquants en formes d’ailes macérés dans du vin cuit !! »
Alors que Victor-Henry Debidour se rangera du côté de la créativité d’Aristophane, proposant la solution suivante :
« On va vous servir du bigornocabillofricandortolangoustabricobouillabopoulaupococovin ! »
Pour aller plus loin :
- Aristophane : fiction et dramaturgie, Pascal Thiercy
- Poétique d'Aristophane et langue d'Euripide en dialogue, ouvrage collectif
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter