Question d'origine :
Bonjour, que valent les certificats obtenus dans des MOOCS. Merci
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 28/05/2019 à 13h59
Bonjour,
Il est difficile d’apporter à votre question une réponse globale car, comme le précise cet article du Monde, Les MOOC, concurrents des masters ?, les certificats des MOOC sont très hétérogènes (et par conséquent, leur valeur aussi) :
« De plus en plus de MOOC proposent désormais des attestations de suivi, le plus souvent gratuites. Quelques-uns vont plus loin en délivrant des certifications, payantes cette fois, attestant des compétences acquises au cours du MOOC.
La validation va du simple quiz à l’évaluation en salle d’examen, en passant par des travaux à rendre plus ou moins conséquents. Dès lors, « les certificats sont très hétérogènes », prévient Matthieu Cisel, jeune chercheur et auteur, en 2016, d’une thèse sur les MOOC.
En effet, chaque organisme de formation est libre de délivrer son attestation, contrairement aux masters, dont l’appellation est protégée et l’accréditation ¬validée au niveau national. »
Du point de vue des recruteurs, un CV portant mention de la participation à un MOOC suscite tout de même un certain intérêt, car même si le certificat n’a pas valeur de diplôme il témoigne de la motivation de l’apprenant :
« L’ampleur du phénomène des MOOCs semble avoir poussé nombre de professionnels à accorder un certain intérêt à ce type de formation dans leurs critères. Ainsi,plusieurs recruteurs et consultants en DRH sont de plus en plus confiants quant à la valeur ajoutée d’un MOOC sur un CV . Ils ne sont pas considérés comme des diplômes académiques, mais apportent tout de même un plus sur votre CV.
D’après Céline Chaudeau, participer à un MOOC « fait bien sur un CV ». Elle partage ainsi l’avis de Ludovic Guilcher, DRH adjoint d’une grande compagnie de téléphonie qui, comme elle l’affirme, « encourage les participants à mentionner leur participation active à des MOOC sur leur CV » car, « avoir suivi ces formations en ligne peut être un argument en plus pour être recruté plus tard ».
Abondant dans le même sens, le site Diplomeo a recensé quelques MOOCs qui pourraient peser lourd sur un CV, en particulier si vos domaines de compétences sont l’entrepreneuriat, la gestion de projets, le droit, les sciences dites exactes, la culture, le journalisme et les médias, entre autres.
De plus, nombre d’entreprises placent désormais les MOOCs au cœur de leurs stratégies d’embauche comme l’affirment ces étudiants lyonnais. En effet, « de nombreuses plateformes sur lesquelles se déroulent les MOOC proposent aux entreprises une forme de coordination : les premières se proposent de mettre à la disposition des secondes le CV des participants aux MOOC de la plateforme concernée. Cette mise en relation entre participants et entreprises s’effectue grâce à une sorte d’algorithme qui fait correspondre les demandes des entreprises avec les profils des étudiants ». Une sorte de « chasse aux talents » que nombre d’entreprises assument pleinement.
En outre, diplômant ou non, faire figurer votre participation à un MOOC sur votre CV, est « une réelle valeur ajoutée qui témoignera de votre motivation, de vos connaissances et de votre envie d’apprendre » comme le souligne Elise Balon. Cela donnerait par exemple à un DRH parcourant votre CV, une idée de votre degré d’implication dans la réalisation d’un projet et dénoterait une certaine forme de respect de vos engagements (ici personnels certes, mais qui pourraient bien s’appliquer au professionnel). »
Source : Que vaut réellement un MOOC sur votre CV ? Thot Cursus
Pour finir, l’étude de Thierry Gobert, « Badges et certifications : ressentis d’apprenants ayant suivi des MOOC », (Distances et médiations des savoirs, 20 | 2017) s’intéresse à la valeur des certifications perçue par les apprenants. En voici des extraits :
«Des MOOC et des certifications
Le contexte contemporain d’apparition des procédés de certification au sein des MOOC interpelle le chercheur. Voici des projets (ou des produits) dont la communication met en avant l’acquisition de compétences plutôt que des savoirs. Il s’agirait de briques qui, une fois assemblées, pourraient composer un profil, voire un niveau de diplôme, au gré des desiderata de chacun. La conception et la gestion du cursus seraient déléguées à l’apprenant en fonction de la perception qu’il a de ses besoins. Il est possible qu’il se concentre sur des préoccupations immédiatement utiles, au détriment de la logique de découverte accompagnée, où l’enseignant guide les étudiants dans le dédale des cheminements qu’ont emprunté les sciences et la raison. Mais l’histoire, même courte, de ces enseignements particuliers fait coexister les deux logiques. D’une part, les premiers MOOC avaient pour objet « d’apprendre avec le web et les autres » et, d’autre part, 44 % des 148 335 comptes sur la plateforme Fun disposent déjà d’un master (Mongenet, 2014) et suivent en moyenne 2,67 cours » (Fun, 2016).
Toutefois, la majorité des stratégies de communication sur les MOOC, telles qu’elles sont décryptables sur Internet, font peu référence à la notion de cursus. Elles les présentent plutôt comme des modules indépendants, même lorsqu’ils valident des ECTS. Soit cette stratégie postule d’une absence de volonté des impétrants de construire un parcours, soit « personne n’y songe […] mais on y viendra » (William Dab cité par Guiomard, 2015) bien que la plateforme Coursera soit certainement conçue pour cela. L’objectif pourrait être de se cultiver, de maîtriser une pratique, parfois pour l’utiliser dans le cadre d’un loisir, mais également pour choisir sa formation professionnelle (Quentin, 2016).
Le diplôme est une voie de la certification, mais la certification n’est pas le diplôme. Elle fait référence à l’institution et elle se trouve aussi dans les représentations qu’on se fait de l’institution. L’administration « certifie » des documents et produit des certificats. La « norme ISO », apparue en 1987, propose la monstration de la mise en place de procédures de management de la qualité attestée par un organisme extérieur. Son objet est de fournir une assurance de conformité pouvant éventuellement favoriser l’émergence d’un « effet de label » (Bourdieu, 1977, p. 79) qui rassure le consommateur et lui inspire confiance. L’emprunt au latin certificatio, « assurance, confirmation » rappelé par le Trésor de la langue française (Imbs, 1982) est toujours d’actualité.
La formation s’est emparée des certificats. Depuis 1950, les professeurs capétiens sont titulaires d’un certificat dit d’« aptitude au professorat de l’enseignement du second degré (CAPES) ». Les élèves passaient le certificat d’études primaires (CEP) en fin de cours élémentaire. De même, le certificat d’aptitude professionnelle (CAP) a posé les bases d’une unification des contenus théoriques dispensés aux apprentis et dans l’enseignement professionnel. Cet « ajout d’école » (Moreau, 2012, p. 32) fit « des savoir-faire de métiers longtemps pensés comme une propriété privée (Kaplan, 2001), un bien public » (Moreau, ibid., p. 34). Il préfigure l’ambition de massification qui fera florès dans la deuxième moitié du XXe siècle.
La multiplication des « certificats » n’est donc pas contemporaine des dispositifs de formation en ligne. À notre connaissance, les MOOC délivrent encore peu de diplômes, sinon des « diplômes de participation », mais des « badges » et des « certificats ». Leur développement « viendra, sous des formes différentes, compléter une offre de formation diplômante » (CNAM, 2016).
C’est pourquoi nous faisons l’hypothèse que la délivrance d’attestations, de badges et de certificats, basée sur des approches par les compétences plutôt adaptées au monde économique, pourrait être perçue comme une voie médiane située entre l’absence de diplôme (Deswaenne, 2004) et l’inscription dans un cursus. Dans les débats concernant l’utilité des diplômes, cette voie trouverait une légitimité en atteignant ses objectifs implicites : faciliter l’intégration dans la vie professionnelle soit par un complément de formation soit par la composition d’un profil ad hoc. C’est pourquoi nous proposons d’interroger des personnes ayant accompli l’intégralité d’un ou plusieurs MOOC afin d’inférer les représentations et les motivations qui les ont conduites et soutenues lors de leurs parcours jusqu’à la certification de leur(s) MOOC. […]
L’inscription en ligne, la gratuité (même si des achats internes sont possibles), la distance, l’absence d’horaires et de lieux contraints sont simultanément considérées comme une souplesse d’utilisation (98 %) et un défaut de cadre (34 %). Aucun reproche n’est formulé à ce niveau, y compris dans les entretiens. La quasi-totalité des sujets exprime la nécessité pour l’apprenant de disposer de compétences non techniques pour remédier aux conséquences de cette souplesse et « aller jusqu’au bout » (H, 21, L, V, T). Ces qualités sont relatives à l’autonomie, la motivation, la curiosité et la persévérance. Il faut être capable de « ne pas avoir besoin de professeur » (F, 29, M, R, E), de « connaître ses compétences sans les surévaluer ni les sous-évaluer » (H, 37, B, V, T).
La perception de la certification est directement liée à cette compétence d’obstination. Le badge, l’attestation, le certificat signent la capacité de l’apprenant à effectuer l’ensemble d’un cursus (76 %) bien davantage que l’acquisition des compétences auxquelles les MOOC sont pourtant associés par ceux qui les ont suivis (82 %). Ces résultats correspondent aux écrits d’Éric Bruillard qui rappelle qu’il « ne s’agit pas de montrer l’acquisition de connaissances ou de compétences, mais bien d’attester d’un suivi » (2014). Cela peut sembler paradoxal, mais les MOOC, pour la plupart, ont été conçus et médiatisés en communiquant sur l’acquisition rapide de savoirs applicables. Pour les recruteurs, ils pourraient devenir le nouvel « emblème des savoirs utiles et des méthodes efficaces » (Savoie, 2000, p. 49). Complémentaire d’une formation déjà solide, le MOOC attesté montre une volonté d’adaptation aux spécificités d’un poste et pourrait permettre de se distinguer de la concurrence. La durée moyenne de six semaines ne semble en effet pas perçue comme suffisamment significative pour se suffire à elle-même, mais, pour 34 % des répondants, la certification ajoute une ligne susceptible de faire la différence sur un CV.
[…]Attestations, badges, certificats et certification
La valeur des éléments de reconnaissance proposés par les Mooc serait liée à la notoriété des établissements. Cet effet de label (Bourdieu, 1977, p. 79) pourrait influencer le choix d’accéder à la certification dans les formations en ligne. Si le gestionnaire n’est pas ou peu connu, l’attestation pourrait ne pas avoir une grande importance, à moins que la thématique ne soit très rare. Inversement, la réputation favoriserait la motivation à solliciter le « diplôme » (F, 49, D, V, N). En rapprochant ces considérations de la question « Avez-vous choisi de vous inscrire préférentiellement dans une formation en ligne (ou MOOC) parce qu’elle proposait un certificat ou un badge en fin de formation ? », une corrélation positive apparaît : l’intérêt pour la certification grandit avec la notoriété de la structure.
Les apprenants se déclarent massivement prêts à cautionner le procédé d’un accès gratuit à la formation adossé à une certification payante. Les plus expérimentés évoquent toutefois la problématique de l’international, même dans le cadre de la francophonie. « 50 euros, pour nous, c’est un effort. Mais dans notre groupe, il y avait une femme de Madagascar. Pour elle, c’était beaucoup trop » (F, 59, L, V, E). Le principe semble faire recette. « Chez Rue 89, la formation est gratuite, mais il faut payer pour accéder à l’étude de cas et donc à la certification » (F, 45, M, V, T). Ce site, fondé en 2007 et qui a rejoint le groupe L’Obs en 2011, bénéficie d’une forme de légitimité différente de celle des universités et des grandes écoles. Les MOOC qu’il propose depuis avril 2014 concernent exclusivement son périmètre d’expertise reconnue : « informer et communiquer sur les réseaux sociaux », « écrire et produire une vidéo », etc. (Jardin, 2016). Elle s’appuie sur la confluence entre son activité principale d’information et les projets associés de formation.
Les modalités de reconnaissance héritent, comme les diplômes, de la notoriété – ancienne ou récemment acquise – des structures qui les délivrent. Les MOOC en proposent principalement trois : les attestations, les badges et les certificats. Les premières ratifient la présence de l’apprenant pendant une période donnée. Elles démontrent la capacité d’organisation et la volonté de l’apprenant pour se former. C’est pourquoi certains candidats les font figurer sur leur CV comme la validation d’un centre d’intérêt approfondi. Les badges auraient été conçus à l’origine pour valider des apprentissages informels et des compétences non techniques. Ils peuvent être accumulés pour former des collections. Christine Vaufrey reprend les travaux de Henry Jenkins et en pointe les règles d’usage : ce ne « sont pas des récompenses, […] ils ne devraient pas être distribués par des “autorités supérieures”, mais par les pairs, […] et ne doivent pas être monnayés » (2013). Ces considérations correspondent aux pratiques décrites par les sujets. Quoique légitimées par l’expérience, elles ont leur revers. Pour les apprenants aguerris, « les badges, c’est de la gnognote » (F, 29, M, R, E). Souvent « ils sont utilisés pour valider une semaine de présence qui ne correspond pas forcément à une compétence. […] D’ailleurs, « on devrait faire des badges ludiques pour récompenser le meilleur tchateur, offrir des promotions […]. Il faut les repenser car ils sont difficiles à exporter alors que le but c’est de les montrer ! » (même enquétée, F, 29, M, R, E). « Mozilla a d’ailleurs travaillé dans ce sens avec Open Badges. Le badge atteste d’une compétence, l’attestation indique qu’on a suivi le MOOC et la certification, qui peut devenir payante et être contrôlée (caméra vidéo, analyse des frappes au clavier, présence d’un tiers, etc.), sanctionne le parcours et l’acquisition de la compétence. » (F, 59, L, V, E)
Tous les apprenants ne se repèrent pas ainsi dans les modalités de reconnaissance en ligne. 61 % d’entre eux expriment une incapacité à les différencier et 16 % n’ont pas répondu. La différence entre badges, attestations et certifications n’est pas claire, sinon pour un faible pourcentage d’utilisateurs expérimentés qui ont été sensibilisés à l’ingénierie de la formation en ligne en faisant des retours sur la pédagogie et les contenus de cours dans les forums et sur les réseaux sociaux. Ils acceptent d’évoquer leur expérience sans difficulté. Tout se passe comme si le phénomène des MOOC était en capacité d’engendrer une sorte de nouveau loisir avec son activité principale, son univers de référence, ses références sociales, ses pratiques et usages, sa socialité particulière. Les MOOC disposeraient de qualités d’acculturation gagnant en force au fur et à mesure que les sujets les pratiquent. »
Bonne journée.
Il est difficile d’apporter à votre question une réponse globale car, comme le précise cet article du Monde, Les MOOC, concurrents des masters ?, les certificats des MOOC sont très hétérogènes (et par conséquent, leur valeur aussi) :
« De plus en plus de MOOC proposent désormais des attestations de suivi, le plus souvent gratuites. Quelques-uns vont plus loin en délivrant des certifications, payantes cette fois, attestant des compétences acquises au cours du MOOC.
La validation va du simple quiz à l’évaluation en salle d’examen, en passant par des travaux à rendre plus ou moins conséquents. Dès lors, « les certificats sont très hétérogènes », prévient Matthieu Cisel, jeune chercheur et auteur, en 2016, d’une thèse sur les MOOC.
En effet, chaque organisme de formation est libre de délivrer son attestation, contrairement aux masters, dont l’appellation est protégée et l’accréditation ¬validée au niveau national. »
Du point de vue des recruteurs, un CV portant mention de la participation à un MOOC suscite tout de même un certain intérêt, car même si le certificat n’a pas valeur de diplôme il témoigne de la motivation de l’apprenant :
« L’ampleur du phénomène des MOOCs semble avoir poussé nombre de professionnels à accorder un certain intérêt à ce type de formation dans leurs critères. Ainsi,
D’après Céline Chaudeau, participer à un MOOC « fait bien sur un CV ». Elle partage ainsi l’avis de Ludovic Guilcher, DRH adjoint d’une grande compagnie de téléphonie qui, comme elle l’affirme, « encourage les participants à mentionner leur participation active à des MOOC sur leur CV » car, « avoir suivi ces formations en ligne peut être un argument en plus pour être recruté plus tard ».
Abondant dans le même sens, le site Diplomeo a recensé quelques MOOCs qui pourraient peser lourd sur un CV, en particulier si vos domaines de compétences sont l’entrepreneuriat, la gestion de projets, le droit, les sciences dites exactes, la culture, le journalisme et les médias, entre autres.
De plus, nombre d’entreprises placent désormais les MOOCs au cœur de leurs stratégies d’embauche comme l’affirment ces étudiants lyonnais. En effet, « de nombreuses plateformes sur lesquelles se déroulent les MOOC proposent aux entreprises une forme de coordination : les premières se proposent de mettre à la disposition des secondes le CV des participants aux MOOC de la plateforme concernée. Cette mise en relation entre participants et entreprises s’effectue grâce à une sorte d’algorithme qui fait correspondre les demandes des entreprises avec les profils des étudiants ». Une sorte de « chasse aux talents » que nombre d’entreprises assument pleinement.
En outre, diplômant ou non, faire figurer votre participation à un MOOC sur votre CV, est « une réelle valeur ajoutée qui témoignera de votre motivation, de vos connaissances et de votre envie d’apprendre » comme le souligne Elise Balon. Cela donnerait par exemple à un DRH parcourant votre CV, une idée de votre degré d’implication dans la réalisation d’un projet et dénoterait une certaine forme de respect de vos engagements (ici personnels certes, mais qui pourraient bien s’appliquer au professionnel). »
Source : Que vaut réellement un MOOC sur votre CV ? Thot Cursus
Pour finir, l’étude de Thierry Gobert, « Badges et certifications : ressentis d’apprenants ayant suivi des MOOC », (Distances et médiations des savoirs, 20 | 2017) s’intéresse à la valeur des certifications perçue par les apprenants. En voici des extraits :
«
Le contexte contemporain d’apparition des procédés de certification au sein des MOOC interpelle le chercheur. Voici des projets (ou des produits) dont la communication met en avant l’acquisition de compétences plutôt que des savoirs. Il s’agirait de briques qui, une fois assemblées, pourraient composer un profil, voire un niveau de diplôme, au gré des desiderata de chacun. La conception et la gestion du cursus seraient déléguées à l’apprenant en fonction de la perception qu’il a de ses besoins. Il est possible qu’il se concentre sur des préoccupations immédiatement utiles, au détriment de la logique de découverte accompagnée, où l’enseignant guide les étudiants dans le dédale des cheminements qu’ont emprunté les sciences et la raison. Mais l’histoire, même courte, de ces enseignements particuliers fait coexister les deux logiques. D’une part, les premiers MOOC avaient pour objet « d’apprendre avec le web et les autres » et, d’autre part, 44 % des 148 335 comptes sur la plateforme Fun disposent déjà d’un master (Mongenet, 2014) et suivent en moyenne 2,67 cours » (Fun, 2016).
Toutefois, la majorité des stratégies de communication sur les MOOC, telles qu’elles sont décryptables sur Internet, font peu référence à la notion de cursus. Elles les présentent plutôt comme des modules indépendants, même lorsqu’ils valident des ECTS. Soit cette stratégie postule d’une absence de volonté des impétrants de construire un parcours, soit « personne n’y songe […] mais on y viendra » (William Dab cité par Guiomard, 2015) bien que la plateforme Coursera soit certainement conçue pour cela. L’objectif pourrait être de se cultiver, de maîtriser une pratique, parfois pour l’utiliser dans le cadre d’un loisir, mais également pour choisir sa formation professionnelle (Quentin, 2016).
Le diplôme est une voie de la certification, mais la certification n’est pas le diplôme. Elle fait référence à l’institution et elle se trouve aussi dans les représentations qu’on se fait de l’institution. L’administration « certifie » des documents et produit des certificats. La « norme ISO », apparue en 1987, propose la monstration de la mise en place de procédures de management de la qualité attestée par un organisme extérieur. Son objet est de fournir une assurance de conformité pouvant éventuellement favoriser l’émergence d’un « effet de label » (Bourdieu, 1977, p. 79) qui rassure le consommateur et lui inspire confiance. L’emprunt au latin certificatio, « assurance, confirmation » rappelé par le Trésor de la langue française (Imbs, 1982) est toujours d’actualité.
La formation s’est emparée des certificats. Depuis 1950, les professeurs capétiens sont titulaires d’un certificat dit d’« aptitude au professorat de l’enseignement du second degré (CAPES) ». Les élèves passaient le certificat d’études primaires (CEP) en fin de cours élémentaire. De même, le certificat d’aptitude professionnelle (CAP) a posé les bases d’une unification des contenus théoriques dispensés aux apprentis et dans l’enseignement professionnel. Cet « ajout d’école » (Moreau, 2012, p. 32) fit « des savoir-faire de métiers longtemps pensés comme une propriété privée (Kaplan, 2001), un bien public » (Moreau, ibid., p. 34). Il préfigure l’ambition de massification qui fera florès dans la deuxième moitié du XXe siècle.
La multiplication des « certificats » n’est donc pas contemporaine des dispositifs de formation en ligne. À notre connaissance, les MOOC délivrent encore peu de diplômes, sinon des « diplômes de participation », mais des « badges » et des « certificats ». Leur développement « viendra, sous des formes différentes, compléter une offre de formation diplômante » (CNAM, 2016).
C’est pourquoi nous faisons l’hypothèse que la délivrance d’attestations, de badges et de certificats, basée sur des approches par les compétences plutôt adaptées au monde économique, pourrait être perçue comme une voie médiane située entre l’absence de diplôme (Deswaenne, 2004) et l’inscription dans un cursus. Dans les débats concernant l’utilité des diplômes, cette voie trouverait une légitimité en atteignant ses objectifs implicites : faciliter l’intégration dans la vie professionnelle soit par un complément de formation soit par la composition d’un profil ad hoc. C’est pourquoi nous proposons d’interroger des personnes ayant accompli l’intégralité d’un ou plusieurs MOOC afin d’inférer les représentations et les motivations qui les ont conduites et soutenues lors de leurs parcours jusqu’à la certification de leur(s) MOOC. […]
L’inscription en ligne, la gratuité (même si des achats internes sont possibles), la distance, l’absence d’horaires et de lieux contraints sont simultanément considérées comme une souplesse d’utilisation (98 %) et un défaut de cadre (34 %). Aucun reproche n’est formulé à ce niveau, y compris dans les entretiens. La quasi-totalité des sujets exprime la nécessité pour l’apprenant de disposer de compétences non techniques pour remédier aux conséquences de cette souplesse et « aller jusqu’au bout » (H, 21, L, V, T). Ces qualités sont relatives à l’autonomie, la motivation, la curiosité et la persévérance. Il faut être capable de « ne pas avoir besoin de professeur » (F, 29, M, R, E), de « connaître ses compétences sans les surévaluer ni les sous-évaluer » (H, 37, B, V, T).
La perception de la certification est directement liée à cette compétence d’obstination. Le badge, l’attestation, le certificat signent la capacité de l’apprenant à effectuer l’ensemble d’un cursus (76 %) bien davantage que l’acquisition des compétences auxquelles les MOOC sont pourtant associés par ceux qui les ont suivis (82 %). Ces résultats correspondent aux écrits d’Éric Bruillard qui rappelle qu’il « ne s’agit pas de montrer l’acquisition de connaissances ou de compétences, mais bien d’attester d’un suivi » (2014). Cela peut sembler paradoxal, mais les MOOC, pour la plupart, ont été conçus et médiatisés en communiquant sur l’acquisition rapide de savoirs applicables. Pour les recruteurs, ils pourraient devenir le nouvel « emblème des savoirs utiles et des méthodes efficaces » (Savoie, 2000, p. 49). Complémentaire d’une formation déjà solide, le MOOC attesté montre une volonté d’adaptation aux spécificités d’un poste et pourrait permettre de se distinguer de la concurrence. La durée moyenne de six semaines ne semble en effet pas perçue comme suffisamment significative pour se suffire à elle-même, mais, pour 34 % des répondants, la certification ajoute une ligne susceptible de faire la différence sur un CV.
[…]
La valeur des éléments de reconnaissance proposés par les Mooc serait liée à la notoriété des établissements. Cet effet de label (Bourdieu, 1977, p. 79) pourrait influencer le choix d’accéder à la certification dans les formations en ligne. Si le gestionnaire n’est pas ou peu connu, l’attestation pourrait ne pas avoir une grande importance, à moins que la thématique ne soit très rare. Inversement, la réputation favoriserait la motivation à solliciter le « diplôme » (F, 49, D, V, N). En rapprochant ces considérations de la question « Avez-vous choisi de vous inscrire préférentiellement dans une formation en ligne (ou MOOC) parce qu’elle proposait un certificat ou un badge en fin de formation ? », une corrélation positive apparaît : l’intérêt pour la certification grandit avec la notoriété de la structure.
Les apprenants se déclarent massivement prêts à cautionner le procédé d’un accès gratuit à la formation adossé à une certification payante. Les plus expérimentés évoquent toutefois la problématique de l’international, même dans le cadre de la francophonie. « 50 euros, pour nous, c’est un effort. Mais dans notre groupe, il y avait une femme de Madagascar. Pour elle, c’était beaucoup trop » (F, 59, L, V, E). Le principe semble faire recette. « Chez Rue 89, la formation est gratuite, mais il faut payer pour accéder à l’étude de cas et donc à la certification » (F, 45, M, V, T). Ce site, fondé en 2007 et qui a rejoint le groupe L’Obs en 2011, bénéficie d’une forme de légitimité différente de celle des universités et des grandes écoles. Les MOOC qu’il propose depuis avril 2014 concernent exclusivement son périmètre d’expertise reconnue : « informer et communiquer sur les réseaux sociaux », « écrire et produire une vidéo », etc. (Jardin, 2016). Elle s’appuie sur la confluence entre son activité principale d’information et les projets associés de formation.
Les modalités de reconnaissance héritent, comme les diplômes, de la notoriété – ancienne ou récemment acquise – des structures qui les délivrent. Les MOOC en proposent principalement trois : les attestations, les badges et les certificats. Les premières ratifient la présence de l’apprenant pendant une période donnée. Elles démontrent la capacité d’organisation et la volonté de l’apprenant pour se former. C’est pourquoi certains candidats les font figurer sur leur CV comme la validation d’un centre d’intérêt approfondi. Les badges auraient été conçus à l’origine pour valider des apprentissages informels et des compétences non techniques. Ils peuvent être accumulés pour former des collections. Christine Vaufrey reprend les travaux de Henry Jenkins et en pointe les règles d’usage : ce ne « sont pas des récompenses, […] ils ne devraient pas être distribués par des “autorités supérieures”, mais par les pairs, […] et ne doivent pas être monnayés » (2013). Ces considérations correspondent aux pratiques décrites par les sujets. Quoique légitimées par l’expérience, elles ont leur revers. Pour les apprenants aguerris, « les badges, c’est de la gnognote » (F, 29, M, R, E). Souvent « ils sont utilisés pour valider une semaine de présence qui ne correspond pas forcément à une compétence. […] D’ailleurs, « on devrait faire des badges ludiques pour récompenser le meilleur tchateur, offrir des promotions […]. Il faut les repenser car ils sont difficiles à exporter alors que le but c’est de les montrer ! » (même enquétée, F, 29, M, R, E). « Mozilla a d’ailleurs travaillé dans ce sens avec Open Badges. Le badge atteste d’une compétence, l’attestation indique qu’on a suivi le MOOC et la certification, qui peut devenir payante et être contrôlée (caméra vidéo, analyse des frappes au clavier, présence d’un tiers, etc.), sanctionne le parcours et l’acquisition de la compétence. » (F, 59, L, V, E)
Tous les apprenants ne se repèrent pas ainsi dans les modalités de reconnaissance en ligne. 61 % d’entre eux expriment une incapacité à les différencier et 16 % n’ont pas répondu. La différence entre badges, attestations et certifications n’est pas claire, sinon pour un faible pourcentage d’utilisateurs expérimentés qui ont été sensibilisés à l’ingénierie de la formation en ligne en faisant des retours sur la pédagogie et les contenus de cours dans les forums et sur les réseaux sociaux. Ils acceptent d’évoquer leur expérience sans difficulté. Tout se passe comme si le phénomène des MOOC était en capacité d’engendrer une sorte de nouveau loisir avec son activité principale, son univers de référence, ses références sociales, ses pratiques et usages, sa socialité particulière. Les MOOC disposeraient de qualités d’acculturation gagnant en force au fur et à mesure que les sujets les pratiquent. »
Bonne journée.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter