Pourquoi les saintes sont-elle peintes avec la tête penchée
ARTS ET LOISIRS
+ DE 2 ANS
Le 21/05/2019 à 17h32
395 vues
Question d'origine :
J'ai remarqué que la vierge et les saintes étaient très souvent peintes dans la peinture médiévale la tête penchée. Pour la vierge, lorsqu'il s'agit d'une "vierge à l'enfant" on peut penser que l'explication doit être une sorte de "gravité divine", sa tête penchant, en général mais pas toujours, du côté de l'enfant Jésus. Mais la cause est plus mystérieuse dans le cas des saintes. Pourquoi d'ailleurs est-ce plus fréquent chez les saintes que chez les saints. Comment expliquer cette "scoliose sacrée"?
Merci de m'indiquer quelques sources. ( Je crois me souvenir d'avoir lu quelque chose sur ce sujet dans un texte de Panofsky dont j'ai perdu la référence.
Cordialement Dominique
Réponse du Guichet
bml_art
- Département : Arts et Loisirs
Le 24/05/2019 à 12h17
Dans l’ouvrage L’œuvre d’art et ses significations, Panofsky consacre un chapitre à « l’histoire de la théorie des proportions humaines » dans lequel il affirme que « à l’intérieur de la théorie médiévale des proportions, deux tendances différentes peuvent s’observer : la byzantine et la gothique.
La théorie byzantine des proportions trahit encore les séquelles de l’Antiquité classique en ce qu’elle élabora son schéma en prenant pour point de départ l’articulation organique du corps humain : les diverses parties du corps sont solidaires les unes des autres par nature. Mais leurs mensurations, au lieu d’être exprimées par les fractions communes d’un tout, le furent par une application quelque peu grossière du système qui multiplie une unité ou module. Les dimensions du corps, telles qu’elles apparaissent en projection plane…., furent exprimées en « longueurs de tête », la hauteur totale du corps comptait d’ordinaire neuf des unités…
Ce canon byzantin à « neuf longueurs de face » entra dans la théorie de l’art des époques suivantes et y joua un rôle important jusqu’aux XVIIe et XVIIIe siècles…
Par suite, la théorie byzantine des proportions se chargea de déterminer même les mensurations des détails de la tête selon le système modulaire, en prenant pour unité la longueur du nez (1/3 de la longueur de la face)…. Lorsque les mensurations de la tête, horizontales aussi bien que verticales, purent s’exprimer par les multiples d’une unité constante, la « longueur du nez », il devint possible de déterminer l’ensemble de sa configuration au moyen de trois cercles concentriques, dont le centre commun se situait à la racine du nez. Le cercle interne (rayon : 1 longueur de nez) circonscrit les joues et le front ; le cercle médian (rayon : 2 longueurs de nez) fournit le pourtour de la tête (cheveux compris) et définit la limite inférieure du visage ; le cercle extérieur (rayon : 3 longueurs de nez) passe par la fossette de la gorge et d’ordinaire forme aussi l’auréole.
illustration des trois cercles
Dans l’art byzantin et byzantinisant, la tendance à une schématisation planimétrique fut poussée si loin que même les têtes présentées de trois quarts furent construites de façon analogue. Tout comme s’il était vu de face, le visage « en raccourci » fut construit au moyen d’un schème à deux dimensions opérant par modules égaux et par cercles… Cette construction du visage de trois quarts, par extension du « schème à trois cercles » employé pour la face, n’était applicable que moyennant la convention que la tête, en se tournant, ne fût pas penchée vers l’avant, mais seulement inclinée vers la droite ou la gauche. »
Peut-être est-ce ce texte que vous aviez en mémoire concernant les têtes penchées dans la peinture médiévale chez Panofsky, nous n’avons rien trouvé d’autre dans ses écrits.
En dehors de considérations générales sur l’évolution stylistique de l’art au moyen-âge, telles que la recherche de plus de naturalisme, d’une plus grande expressivité, d’une individualité renforcée… il n’existe pas de convention fixe et définitive donnant sens et raison à telle ou telle position, attitude, expression.
De très nombreux ouvrages (trop nombreux pour vous en faire la liste) ont été consultés sans résultat.
Bien qu’ayant sollicité l’aide de plusieurs collègues de la bibliothèque, nous n’avons pas d’éléments de réponse plus précis à apporter.
Des institutions plus spécialisées pourraient sans doute vous éclairer. Bien que n’offrant pas de service « questions-réponses », peut-être pouvez-vous contacter l’INHA, les Bollandistes, société savante jésuite belge dédiée à l’étude de la vie et du culte des saints, ou bien le Musée d’art religieux de Fourvière, ou encore le musée de Cluny.
Au cas où des personnes contactées par nos soins combleraient cette réponse, nous ne manquerons pas de vous envoyer un nouveau message.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter