Question d'origine :
Bonjour,
Existe-t-il des études sur le remplacement des prénoms autochtones par des prénoms chrétiens à la suite de l'évangélisation au XIXe/XXe siècles dans les colonies françaises du Pacifique (Nouvelle-Calédonie en particulier) ?
Merci d'avance.
Réponse attendue le 03/05/2019
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 02/05/2019 à 15h42
Bonjour,
Nous n’avons pas trouvé d’étude proprement dite sur le remplacement des prénoms en Nouvelle Calédonie.
En préambule, voici quelques observations :
Ce n’est qu’en 1774 que James Cook et donc les Occidentaux découvrirent la Nouvelle-Calédonie. Les peuples autochtones ne furent donc soumis qu’assez tardivement à une évangélisation qui ne débuta qu’au XIXe siècle.
Les premiers à avoir entrepris d’évangéliser les populations océaniennes furent les missionnaires protestants. Les catholiques arrivèrent plusieurs décennies plus tard sur ce marché de la conquête des âmes.
La London Missionary Society (LMS) se lança à partir de 1797 dans un grand mouvement d’évangélisation qui se poursuivit pendant tout le XIXe siècle, mais ce n’est en 1843 que lesmaristes débarquèrent à Balade, en Nouvelle-Calédonie.
Voir les ouvrages :Histoire de l’Océanie de la fin du XVIIIe siècle à nos jours de Sarah Mohamed-Gaillard, Missionnaires chrétiens XIXe-XXe siècle et L'Eglise catholique en Nouvelle-Calédonie : un siècle et demi d'histoire de Georges Delbos.
Qui dit évangélisation et conversion par le baptême dit traditionnellement attribution d’un prénom chrétien, car, le nouveau baptisé doit avoir un « saint patron » (catholiques) et porter le prénom d’un membre de la communauté chrétienne qui l’a précédé dans la foi.
VoirLa naissance du monde moderne (1780-1914) de Christopher Alan Bayly, p. 28.
« Au cours du XIXe siècle, les deux phénomènes générateurs de nivellement, l’esclavage et l’évangélisation chrétienne attribuèrent à des millions d’Africains, d’Indiens d’Amérique ou d’habitants de la région Pacifique, un ensemble de prénoms désormais désignés en anglais sous le vocable de noms « chrétiens » (christian names), dont beaucoup étaient d’ailleurs d’origine juive ».
Plus que de prénoms « juifs » peut-être convient-il de dire « bibliques » pour rendre compte de la filiation entre ces deux monothéismes. Lirecette recension .
Le chapitre « Maîtres à penser : missionnaires et francs-maçons » de l’ouvrageHistoire de la Nouvelle Calédonie de Frédéric Angleviel retrace cette histoire :
« La papauté ayant incité des congrégations à prendre en charge l’évangélisation de l’Océanie, les pères du Sacré Cœur de Picpus arrivèrent à Hawaî en 1827, et les pères de la Société de Marie s’implantèrent à Wallis et Futuna en 1837. Ces derniers ayant la charge de l’Océanie centrale, ils débarquèrent à Balade en décembre 1843 et dès 1847 la Nouvelle-Calédonie (et ses dépendances) devinrent un Vicariat apostolique de plein exercice.
Les pères maristes commencèrent par s’installer au cœur des tribus et par apprendre les langues locales. Après des débuts très difficiles, ils obtinrent la conversion de villages entiers, touchés par la foi, mais aussi par la révolution technologique que représentait l’arrivée des Occidentaux. »
Vous trouverez dansl’Encyclopaedia Universalis en ligne (consultable dans nos locaux et à distance pour nos abonnés) un article sur l’évangélisation de l’Océanie et notamment de la Polynésie française :
« L’évangélisation de ces îles débute avant leur colonisation, dès 1797. Elle est d’abord le fait des missionnaires protestants de la London Missionary Society (LMS) qui se répandent vers l’ouest dans le Pacifique Sud à partir des îles de la Société. D’autres missions protestantes britanniques œuvrent également en Océanie et, devant cette activité foisonnante, l’Église catholique romaine réagit. En 1825, le pape Léon XII confie à la congrégation des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie (appelée aussi congrégation des Sacrés-Cœurs de Picpus) la tâche d’évangéliser l’est du Pacifique, spécialement Hawaii, puis les îles Gambier et les îles Marquises dans les années 1830. Les pères picpuciens et maristes entrent alors en concurrence avec les missionnaires protestants et avec ceux des églises américaines mormone, adventiste et sanito (Église réorganisée des saints des derniers jours, une branche dissidente des mormons) quand la reine Pomaré IV (1813-1877) doit accepter le protectorat français à Tahiti. Ainsi, le début plus tardif de l’évangélisation catholique explique que les missions protestantes ont occupé les îles principales, c’est-à-dire l’archipel de la Société, puis les îles Australes et les Tuamotu occidentales, alors que les catholiques durent à leur arrivée s’intéresser aux marges que sont les Gambier et les Marquises, avant de se déployer plus ou moins difficilement dans le reste du territoire. »
La Nouvelle-Calédonie connut un apport de détenus algériens à la fin du XIXe siècle. Les témoignages de leurs descendants évoquent l’attribution de prénoms chrétiens.
L’étude de Joël DauphinéPouébo, Histoire d'une tribu canaque sous le Second Empire évoque ce remplacement des prénoms locaux par d’autres, chrétiens :
« En effet, l'ignorance européenne, y compris celle pourtant moindre des premiers pères, était monumentale. Les adversaires du moment, prêtres et officiers, l'institutionnalisèrent en quelque sorte en attribuant aux Canaques des prénoms chrétiens, de baptême ou pas, et en y faisant référence exclusivement. Non seulement cette pratique refusait aux Mélanésiens toute personnalité propre socialement définie, mais elle empêchait les blancs, dont la plupart s'en moquaient d'ailleurs, de savoir à qui ils avaient affaire. Ils se trompaient donc sur tout, sur les statuts sociaux relatifs des uns et des autres, et même sur les localisations géographiques. »
Ce numéro de la revueLangue et cité consacré aux langues kanak de Nouvelle-Calédonie (Novembre 2014 Numéro 26) vous intéressera peut-être. Il comporte un tableau récapitulatif de l’évolution du traitement des langues vernaculaires, mais toutefois rien qui corresponde aux prénoms.
Vous pouvez lire aussi :
- Le numéro de la revueHistoire et missions Chrétiennes intitulé Acculturation, syncrétisme, métissage, créolisation: Amérique, Océanie, XVIe-XIXe siècles .
D’une manière générale, cette revue devrait vous apporter de nombreux enseignements sur l’évangélisation des populations d’Océanie et de Nouvelle Calédonie. Voir par exemple ce numéro
Grands hommes et petites îles : acteurs et actrices de la christianisation de l’Océanie (1580-1966) consultable sur Cairn dans nos locaux.
-Lettres des missionnaires maristes en Océanie dont vous trouverez quelques extraits en ligne
-Lettres reçues d'Océanie par l'administration générale des pères maristes .
-Victor Poupinel : un père mariste au service des missionnaires de l'Océanie, 1815-1884 : correspondance .
- Les ouvrages deMaurice Leenhardt .
Bonnes lectures !
Nous n’avons pas trouvé d’étude proprement dite sur le remplacement des prénoms en Nouvelle Calédonie.
En préambule, voici quelques observations :
Ce n’est qu’en 1774 que James Cook et donc les Occidentaux découvrirent la Nouvelle-Calédonie. Les peuples autochtones ne furent donc soumis qu’assez tardivement à une évangélisation qui ne débuta qu’au XIXe siècle.
Les premiers à avoir entrepris d’évangéliser les populations océaniennes furent les missionnaires protestants. Les catholiques arrivèrent plusieurs décennies plus tard sur ce marché de la conquête des âmes.
La London Missionary Society (LMS) se lança à partir de 1797 dans un grand mouvement d’évangélisation qui se poursuivit pendant tout le XIXe siècle, mais ce n’est en 1843 que les
Voir les ouvrages :
Qui dit évangélisation et conversion par le baptême dit traditionnellement attribution d’un prénom chrétien, car, le nouveau baptisé doit avoir un « saint patron » (catholiques) et porter le prénom d’un membre de la communauté chrétienne qui l’a précédé dans la foi.
Voir
« Au cours du XIXe siècle, les deux phénomènes générateurs de nivellement, l’esclavage et l’évangélisation chrétienne attribuèrent à des millions d’Africains, d’Indiens d’Amérique ou d’habitants de la région Pacifique, un ensemble de prénoms désormais désignés en anglais sous le vocable de noms « chrétiens » (christian names), dont beaucoup étaient d’ailleurs d’origine juive ».
Plus que de prénoms « juifs » peut-être convient-il de dire « bibliques » pour rendre compte de la filiation entre ces deux monothéismes. Lire
Le chapitre « Maîtres à penser : missionnaires et francs-maçons » de l’ouvrage
« La papauté ayant incité des congrégations à prendre en charge l’évangélisation de l’Océanie, les pères du Sacré Cœur de Picpus arrivèrent à Hawaî en 1827, et les pères de la Société de Marie s’implantèrent à Wallis et Futuna en 1837. Ces derniers ayant la charge de l’Océanie centrale, ils débarquèrent à Balade en décembre 1843 et dès 1847 la Nouvelle-Calédonie (et ses dépendances) devinrent un Vicariat apostolique de plein exercice.
Les pères maristes commencèrent par s’installer au cœur des tribus et par apprendre les langues locales. Après des débuts très difficiles, ils obtinrent la conversion de villages entiers, touchés par la foi, mais aussi par la révolution technologique que représentait l’arrivée des Occidentaux. »
Vous trouverez dans
« L’évangélisation de ces îles débute avant leur colonisation, dès 1797. Elle est d’abord le fait des missionnaires protestants de la London Missionary Society (LMS) qui se répandent vers l’ouest dans le Pacifique Sud à partir des îles de la Société. D’autres missions protestantes britanniques œuvrent également en Océanie et, devant cette activité foisonnante, l’Église catholique romaine réagit. En 1825, le pape Léon XII confie à la congrégation des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie (appelée aussi congrégation des Sacrés-Cœurs de Picpus) la tâche d’évangéliser l’est du Pacifique, spécialement Hawaii, puis les îles Gambier et les îles Marquises dans les années 1830. Les pères picpuciens et maristes entrent alors en concurrence avec les missionnaires protestants et avec ceux des églises américaines mormone, adventiste et sanito (Église réorganisée des saints des derniers jours, une branche dissidente des mormons) quand la reine Pomaré IV (1813-1877) doit accepter le protectorat français à Tahiti. Ainsi, le début plus tardif de l’évangélisation catholique explique que les missions protestantes ont occupé les îles principales, c’est-à-dire l’archipel de la Société, puis les îles Australes et les Tuamotu occidentales, alors que les catholiques durent à leur arrivée s’intéresser aux marges que sont les Gambier et les Marquises, avant de se déployer plus ou moins difficilement dans le reste du territoire. »
La Nouvelle-Calédonie connut un apport de détenus algériens à la fin du XIXe siècle. Les témoignages de leurs descendants évoquent l’attribution de prénoms chrétiens.
L’étude de Joël Dauphiné
« En effet, l'ignorance européenne, y compris celle pourtant moindre des premiers pères, était monumentale. Les adversaires du moment, prêtres et officiers, l'institutionnalisèrent en quelque sorte en attribuant aux Canaques des prénoms chrétiens, de baptême ou pas, et en y faisant référence exclusivement. Non seulement cette pratique refusait aux Mélanésiens toute personnalité propre socialement définie, mais elle empêchait les blancs, dont la plupart s'en moquaient d'ailleurs, de savoir à qui ils avaient affaire. Ils se trompaient donc sur tout, sur les statuts sociaux relatifs des uns et des autres, et même sur les localisations géographiques. »
Ce numéro de la revue
Vous pouvez lire aussi :
- Le numéro de la revue
D’une manière générale, cette revue devrait vous apporter de nombreux enseignements sur l’évangélisation des populations d’Océanie et de Nouvelle Calédonie. Voir par exemple ce numéro
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