Violences obstétricales
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 25/04/2019 à 08h07
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Question d'origine :
Quelles sont les conséquences psycho-sociales des violences obstétricales chez les femmes pendant l'accouchement?
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 26/04/2019 à 10h34
Bonjour,
Voici les informations que nous trouvons à ce sujet dans le rapport remis le 29 juin 2018 par le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes à Marlène Schiappa, Secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes : Les actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical :
« Les actes sexistes relatifs au suivi gynécologique et obstétrical peuvent avoir des conséquences à court et à long terme, ainsi qu’à des degrés de gravité divers, sur la santé physique, psychique des femmes et sur leur rapport aux soins. Peu connu et reconnu, l’impact de ces manifestations sexistes fait encore peu l’objet d’un accompagnement et la prise en charge apparait insuffisante.
a. Des conséquences très diverses
Le Collectif Interassociatif autour de la naissance (CIANE) et l’Institut de recherche & d’actions pour la santé des femmes (IrASF) accompagnent des femmes qui ont été victimes de violences gynécologiques et obstétricales.
L’Institut de Recherche et d’Actions pour la Santé des Femmes
L’Institut de recherche et d’Actions pour la Santé des Femmes(IRASF) est une association loi 1901 formalisée en mars 2017 après l’évolution du groupe facebook créé en 2015 « Stop à l’impunité des violences obstétricales » qui compte plus de 3800 membres. Les buts généraux de l’IRASF sont de lutter contre les violences obstétricales et gynécologiques au sein du système de santé français et international. L’association précise sur son site internet : « Nous nous sommes données pour mission d’étudier les origines et les conséquences de cette violence sur la globalité de la vie des femmes et de produire des données au sein de l’équipe de l’Observatoire des violences obstétricales et gynécologiques. Notre volonté est d’étudier les origines, les mécanismes et les conséquences des violences obstétricales et gynécologiques pour proposer des préconisations d’amélioration aux femmes usagères et aux institutions médicales. » L’association s’inscrit dans une démarche de soutien aux femmes qui désirent dénoncer les actes sexistes subis pendant le suivi gynécologique et obstétrical. L’IRASF récolte, à l’aide d’un questionnaire confidentiel accessible sur son site, les noms des personnes et des maternités auteur.rice.s de ces actes dans le but de mettre en relation les victimes. Dès lors que trois signalements sont fait sur le.la même soignant.e, les victimes sont contactées. Pour autant, elles peuvent refuser d’être mises en relation.
Le Collectif interassociatif autour de la naissance (CIANE)
Le CIANE est un collectif constitué d’associations françaises concernées par les questions relatives à la grossesse, à la naissance et aux premiers jours de la vie. Il est agréé pour la représentation des usager.e.s dans le système de santé. Le CIANE a pour ambition de faire mieux entendre les attentes, les demandes et les droits des femmes et des couples et d’améliorer les conditions de la naissance dans notre pays. Il vise à faire évoluer les attitudes et les pratiques entourant la maternité, de manière à les rendre plus respectueuses des personnes et de la physiologie de l’accouchement. Le modèle qu’il défend est centré sur la mère, le bébé et la famille et se préoccupe avant tout de leur bien-être et de la qualité des soins. Il est fondé sur des données factuelles et probantes (evidence-based medicine) et considère le suivi personnalisé, la prévention, la responsabilisation comme des facteurs primordiaux à prendre en compte dans l’amélioration du système de soins.
Ces associations spécialisées sur les violences gynécologiques et obstétricales font état de répercussions sur la santé physique et/ou mentale des femmes, mais aussi sur leur vie familiale, sociale et professionnelle. Les conséquences listées ci-après sont issues :
• des RDV et auditions de représentantes du Collectif Interassociatif autour de la naissance (CIANE) et l’Institut de recherche & d’actions pour la santé des femmes (IrASF) réalisés le 17 octobre 2017 et le 2 février 2018 ;
• du rapport « Préconisations provisoires de l’IRASF contre les violences obstétricales et gynécologiques » publié le 11 octobre 2017 ;
• de témoignages de femmes issus du reportage réalisé par Charlotte BIENAIME, « Le gynécologue et la sorcière » et diffusé sur Arte radio.
Conséquences psychiques
Sentiment de culpabilité: Cette inversion de la culpabilité est une constante dans les mécanismes des violences sexistes et sexuelles : les femmes se reprochent de n’avoir pas su repousser un geste ou répondre à une remarque humiliante.« Une femme avocate que j’accompagne suite à un accouchement traumatique m’a dit “mon métier est de défendre des personnes toute la journée, et je n’ai même pas su me défendre moi-même“.» Anne EVRARD, co-présidente du CIANE
[…]Perte de l’estime de soi
Ce sentiment de culpabilité s’accompagne d’une perte de l’estime de soi et un mal-être. État de stress post-traumatique: l’état de stress post-traumatique « est un état se caractérisant par le développement de symptômes spécifiques faisant suite à l’exposition à un événement traumatique dans un contexte de mort, de menaces de mort, de blessures graves ou d’agression sexuelle.»58wLes principaux symptômes de l’état de stress post-traumatique sont :
• Des reviviscences : souvenirs répétitifs et envahissants de l’événement, cauchemars, flashbacks, détresse ou réactivité physiologique lors de l’exposition à des stimuli associés à l’événement traumatique ;
• De l’évitement : évitement des souvenirs, pensées et sentiments liés au trauma, évitement des éléments rappelant le trauma ;
• Des altérations cognitives et émotionnelles : incapacité à se rappeler un aspect important de l’événement traumatique, croyances négatives persistantes et exagérées au sujet de soi, des autres ou du monde, tendance à se blâmer, émotions négatives persistantes (peur, horreur, colère, culpabilité, honte), diminution de l’intérêt pour les activités, sentiment de détachement d’autrui, restrictions des émotions positives ;
• L’hyperactivation du système nerveux : irritabilité ou excès de colère, comportement imprudent ou autodestructeur, hypervigilance, sursauts, difficultés de concentration, difficultés de sommeil.
[…]Comme le souligne le CIANE, « les conséquences des violences obstétricales sont encore mal documentées. Il est cependant clair que, dans les cas les plus graves, les violences obstétricales sont l’une des causes du syndrome de stress post-traumatique après un accouchement». Une étude menée en 201361en Grande-Bretagne par Giliane FENECH, sage-femme, et Gill THOMSON, professeure en santé périnatale, et portant sur les conséquences psychosociales des violences obstétricales, a montré qu’une expérience traumatique de l’accouchement peut avoir des conséquences néfastes sur le long terme, notamment sur l’identité, la relation à soi et aux autres.
Conséquences physiques
L’IRASF constate que les femmes accompagnées souffrent « de séquelles plus ou moins invalidantes qui auront des répercussions à court, moyen et long terme sur la qualité de leur vie».62L’association fait état de séquelles fréquentes au niveau du périnée suite à des épisiotomies plus ou moins justifiées et plus ou moins bien réalisées, de lésions périnéales avec de fortes douleurs quotidiennes et très contraignantes(qui empêchent ces femmes de mettre un pantalon, de supporter un slip, de s’asseoir).
Conséquences sur le suivi gynécologique et obstétrical, voire médical en général
Mentir ou ne pas poser de questions de peur d’être jugée : cette stratégie d’évitement peut représenter une entrave au bon diagnostic. La peur de consulter à nouveau et l’errance médicale :Les stratégies d’évitement des femmes victimes d’actes sexistes durant leur suivi gynécologique et/ou obstétrical les conduisent parfois à éviter les consultations gynécologiques, voire à craindre un suivi médical de toute nature, car il réactive des traumatismes. « Beaucoup de femmes que nous accompagnons n’ont plus du tout de suivi médical au long court car cela réactive le traumatisme. Pour exemple, j’ai accompagné une jeune femme qui, après son accouchement traumatique, faisait suivre son bébé, mais ne se faisait absolument plus suivre pour son asthme. Je pense aussi à une jeune femme qui a accouché il y a 4 ans et n’a vu aucun médecin depuis, elle n’a plus aucun suivi gynécologique et ne va même plus voir de dentiste.»
Anne EVRARD, co-présidente du CIANE
Les accouchements traumatiques peuvent également avoir des conséquences néfastes sur des futur.e.s grossesses et accouchements. L’IRASF a aussi recueilli la parole de victimes de violences obstétricales qui « ont abandonné l’idée d’accouchement par voie basse. Pour ne pas s’exposer de nouveau à des violences, elles ont opté pour une césarienne lors de leur prochain accouchement.» Clara DE BORT, directrice d’hôpital, souligne le danger de cette non-prise en charge :« Les violences subies, notamment dans le suivi gynécologique, par les femmes alors qu’elles étaient jeunes filles les conduisent à refuser certaines prises en charge par la suite, quand elles sont plus âgées, et alors que c’est le moment où elles présentent le plus de risques. »
Conséquences sur la vie professionnelle
Chez certaines femmes, c’est au moment du retour à la vie professionnelle qu’elles prennent conscience du traumatisme. Le CIANE fait état de nombreux arrêts de travail « soit consécutifs au congé maternité, soit éloignés de ce congé, car les femmes ne pensent pas leur traumatisme tout de suite. Les femmes vont s’effondrer plus tard, justement quand elles reprennent le travail, car elles pensaient échapper aux réminiscences en reprenant le travail et se rendent compte que ce n’est pas le cas.»
Conséquences sur la vie familiale et les relations affectives et sexuelles
Altération de la relation de couple : Le CIANE note que les actes sexistes dans le suivi gynécologique peuvent entrainer une dégradation du climat conjugal : « En général le père s’exprime peu, alors qu’il est lui-même traumatisé et tait ce traumatisme en raison de l’absence de lieu pour s’exprimer. Certains pères témoignent qu’ils ont le sentiment d’avoir assisté à l’agression de leur femme, et de ne pas avoir su/pu réagir, ils portent une grande culpabilité. »
Anne EVRARD, co-présidente du CIANE
Altération ou arrêt de la vie sexuelle :
L’état physique et psychique des femmes, suite à des violences gynécologiques ou obstétricales, peuvent affecter leur sexualité. Le CIANE relève ainsi que la sexualité des victimes peut être « dégradée voire inexistante pendant des années ».
Dégradation de la relation avec l’enfant issu.e d’un l’accouchement traumatique :
En 2010, une étude portant sur le vécu de l’accouchement et ses conséquences71a montré que les femmes qui se sont senties dépossédées de tout contrôle lors de leur accouchement, ainsi que les femmes qui ont reçu un traitement inhumain et dégradant, ont constaté une dégradation de leur relation avec leur enfant et leur partenaire.
Ainsi, les conséquences de certaines formes de violences gynécologiques ou obstétricales apparaissent similaires à celles constatées sur les victimes de violences sexuelles. Selon Mélanie DECHALOTTE, autrice du Livre noir de la gynécologie, pour certaines femmes : « la violence gynécologique et obstétricale est vécue comme un viol. Cela provoque les mêmes séquelles psychologiques que celles du viol : sidération psychique, état de stress post-traumatique... »
Des conséquences d’autant plus graves pour les femmes antérieurement victimes de violences sexuelles
Les femmes ayant vécu, par le passé, des violences sexuelles sont par ailleurs d’autant plus impactées que les actes sexistes vécus dans un parcours de soin gynécologique et obstétrical peuvent « faire remonter des violences ou des traumatismes anciens» selon Anne EVRARD, co-présidente du CIANE.« Ce n’est pas parce qu’elles ont été victimes de violences par le passé qu’elles vivent ces situations comme une violence, c’est bien une violence supplémentaire. Une femme sur 10 est victime de violence conjugale, alors que très peu de médecins posent la question de l’existence de violences conjugales ou sexuelles. Les conséquences d’une violence gynécologique ou obstétricale, en plus de ces traumatismes, peuvent être désastreuses. » Anne EVRARD, co-présidente du CIANE
b. Une prise en charge insuffisante liée à une méconnaissance sociale et professionnelle
Une méconnaissance sociale des actes sexistes lors du suivi gynécologique et obstétrical et de leurs conséquences
Si les témoignages de femmes relatant des comportements maltraitants voire violents subis dans le cadre de leur suivi gynécologique et obstétrical se multiplient sur les réseaux sociaux et sont relayés par la presse, cette question demeure relativement taboue. Il est compliqué pour une femme de parler d’un examen gynécologique ou de son accouchement à son entourage, dans son couple ou auprès d’un.e autre professionnel.le. Ce tabou est particulièrement présent suite à un accouchement :
« Il est déplacé pour une femme d’énumérer les piqûres et injections subies dans sa chair, ou de détailler le nombre de doigts et d’objets qui ont été introduits dans son vagin. De l’accouchement, l’entourage ne s’enquiert poliment que des éléments factuels n’appelant aucun débat, et jette un voile pudique sur toutes les atteintes au corps endurées par la jeune mère, étant entendu que, quelles que soient les souffrances infligées, elle ne peut être qu’heureuse à la vue de son bébé en bonne santé.»
Marie-Hélène LAHAYE, autrice du blog « Marie accouche là »
Le mal-être d’une femme suite à son accouchement peut d’ailleurs parfois être interprété à tort comme relevant du« baby blues», souvent confondu avec la dépression post-partum. Les manifestations de ce que l’on appelle « le baby blues » — tristesse, anxiété, culpabilité de ne pas accueillir le nouveau-né avec joie, sentiment de solitude —peuvent souvent s’expliquer par l’absence de conditions favorables lors de l’accouchement, du séjour en maternité ou lorsque les femmes rentrent chez elles. Si les femmes se confient sur ces difficultés, elles ne sont pas toujours entendues et comprises, sous prétexte qu’elles seraient simplement dans une phase de « baby blues » due aux hormones.
Le manque de formation des professionnel.le.s sur ces questions
La méconnaissance voire la négation de l’existence de violences gynécologiques et obstétricales conduit à un défaut de prise en charge médicale de leurs séquelles physiques et psychologiques. L’IRASF et le CIANE pointent les difficultés rencontrées par les femmes victimes qu’elles accompagnent, lorsqu’elles souhaitent une prise en charge médicale suite aux violences subies.
« La difficulté pour les femmes de faire constater des séquelles physiques dues à des accouchements avec violences obstétricales est un réel parcours du combattant. Du fait, dans un premier temps, de l’ignorance des soignant.e.s à prendre au sérieux les souffrances physiques qui sont exprimées. À cela s’ajoute un refus de la plupart d’entre eux d’accepter les faits rapportés par les femmes.»
Selon les faits vécus par les femmes, la prise en charge médicale requise peut être psychologique ou rééducatrice. Comme le signale Anne EVRARD, co-présidente du CIANE :
« Il existe des thérapies, comme pour les victimes d’autres types de traumatismes, mais ce sont des traitements longs et coûteux, pas toujours pris en charge par la sécurité sociale ou les mutuelles. On peut traiter ce type de traumatismes avec des séances d’hypnose, d’EMDR, mais elles sont rarement remboursées. La rééducation périnéale est souvent prise en charge, mais cela ne convient pas à toutes les femmes, donc beaucoup ne sont pas suivies médicalement. »
La reconstruction suite à des actes médicaux traumatisants est donc difficile pour les victimes qui font face à la méconnaissance du phénomène et à des frais dissuasifs qui retardent leur accès à des soins adaptés. »
Pour approfondir la question, vous pouvez vous tourner vers le CIANE et l’ IRASF.
Voici également quelques documents que vous pouvez consulter :
- Quand l’accouchement se vit dans la violence : Enquête et témoignages, grand-angle.lefigaro.fr
- Accouchement : les femmes méritent mieux, Marie-Hélène Lahaye
Militante féministe auteure du blog Marie accouche là, l'auteure dénonce la maltraitance des femmes durant l'accouchement dans une perspective à la fois historique et sociétale. La violence extrême des soignants sur les femmes engendre en effet des traumatismes physiques et psychiques considérables et révèle des pratiques profondément misogynes.
(interview de l’auteure : L’accouchement est parfois vécu comme un viol, plus.lesoir.be)
Bonne journée.
Voici les informations que nous trouvons à ce sujet dans le rapport remis le 29 juin 2018 par le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes à Marlène Schiappa, Secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes : Les actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical :
« Les actes sexistes relatifs au suivi gynécologique et obstétrical peuvent avoir des conséquences à court et à long terme, ainsi qu’à des degrés de gravité divers, sur la santé physique, psychique des femmes et sur leur rapport aux soins. Peu connu et reconnu, l’impact de ces manifestations sexistes fait encore peu l’objet d’un accompagnement et la prise en charge apparait insuffisante.
Le Collectif Interassociatif autour de la naissance (CIANE) et l’Institut de recherche & d’actions pour la santé des femmes (IrASF) accompagnent des femmes qui ont été victimes de violences gynécologiques et obstétricales.
L’Institut de recherche et d’Actions pour la Santé des Femmes(IRASF) est une association loi 1901 formalisée en mars 2017 après l’évolution du groupe facebook créé en 2015 « Stop à l’impunité des violences obstétricales » qui compte plus de 3800 membres. Les buts généraux de l’IRASF sont de lutter contre les violences obstétricales et gynécologiques au sein du système de santé français et international. L’association précise sur son site internet : « Nous nous sommes données pour mission d’étudier les origines et les conséquences de cette violence sur la globalité de la vie des femmes et de produire des données au sein de l’équipe de l’Observatoire des violences obstétricales et gynécologiques. Notre volonté est d’étudier les origines, les mécanismes et les conséquences des violences obstétricales et gynécologiques pour proposer des préconisations d’amélioration aux femmes usagères et aux institutions médicales. » L’association s’inscrit dans une démarche de soutien aux femmes qui désirent dénoncer les actes sexistes subis pendant le suivi gynécologique et obstétrical. L’IRASF récolte, à l’aide d’un questionnaire confidentiel accessible sur son site, les noms des personnes et des maternités auteur.rice.s de ces actes dans le but de mettre en relation les victimes. Dès lors que trois signalements sont fait sur le.la même soignant.e, les victimes sont contactées. Pour autant, elles peuvent refuser d’être mises en relation.
Le CIANE est un collectif constitué d’associations françaises concernées par les questions relatives à la grossesse, à la naissance et aux premiers jours de la vie. Il est agréé pour la représentation des usager.e.s dans le système de santé. Le CIANE a pour ambition de faire mieux entendre les attentes, les demandes et les droits des femmes et des couples et d’améliorer les conditions de la naissance dans notre pays. Il vise à faire évoluer les attitudes et les pratiques entourant la maternité, de manière à les rendre plus respectueuses des personnes et de la physiologie de l’accouchement. Le modèle qu’il défend est centré sur la mère, le bébé et la famille et se préoccupe avant tout de leur bien-être et de la qualité des soins. Il est fondé sur des données factuelles et probantes (evidence-based medicine) et considère le suivi personnalisé, la prévention, la responsabilisation comme des facteurs primordiaux à prendre en compte dans l’amélioration du système de soins.
Ces associations spécialisées sur les violences gynécologiques et obstétricales font état de répercussions sur la santé physique et/ou mentale des femmes, mais aussi sur leur vie familiale, sociale et professionnelle. Les conséquences listées ci-après sont issues :
• des RDV et auditions de représentantes du Collectif Interassociatif autour de la naissance (CIANE) et l’Institut de recherche & d’actions pour la santé des femmes (IrASF) réalisés le 17 octobre 2017 et le 2 février 2018 ;
• du rapport « Préconisations provisoires de l’IRASF contre les violences obstétricales et gynécologiques » publié le 11 octobre 2017 ;
• de témoignages de femmes issus du reportage réalisé par Charlotte BIENAIME, « Le gynécologue et la sorcière » et diffusé sur Arte radio.
Sentiment de culpabilité: Cette inversion de la culpabilité est une constante dans les mécanismes des violences sexistes et sexuelles : les femmes se reprochent de n’avoir pas su repousser un geste ou répondre à une remarque humiliante.« Une femme avocate que j’accompagne suite à un accouchement traumatique m’a dit “mon métier est de défendre des personnes toute la journée, et je n’ai même pas su me défendre moi-même“.» Anne EVRARD, co-présidente du CIANE
[…]
Ce sentiment de culpabilité s’accompagne d’une perte de l’estime de soi et un mal-être. État de stress post-traumatique: l’état de stress post-traumatique « est un état se caractérisant par le développement de symptômes spécifiques faisant suite à l’exposition à un événement traumatique dans un contexte de mort, de menaces de mort, de blessures graves ou d’agression sexuelle.»58wLes principaux symptômes de l’état de stress post-traumatique sont :
• Des reviviscences : souvenirs répétitifs et envahissants de l’événement, cauchemars, flashbacks, détresse ou réactivité physiologique lors de l’exposition à des stimuli associés à l’événement traumatique ;
• De l’évitement : évitement des souvenirs, pensées et sentiments liés au trauma, évitement des éléments rappelant le trauma ;
• Des altérations cognitives et émotionnelles : incapacité à se rappeler un aspect important de l’événement traumatique, croyances négatives persistantes et exagérées au sujet de soi, des autres ou du monde, tendance à se blâmer, émotions négatives persistantes (peur, horreur, colère, culpabilité, honte), diminution de l’intérêt pour les activités, sentiment de détachement d’autrui, restrictions des émotions positives ;
• L’hyperactivation du système nerveux : irritabilité ou excès de colère, comportement imprudent ou autodestructeur, hypervigilance, sursauts, difficultés de concentration, difficultés de sommeil.
[…]Comme le souligne le CIANE, « les conséquences des violences obstétricales sont encore mal documentées. Il est cependant clair que, dans les cas les plus graves, les violences obstétricales sont l’une des causes du syndrome de stress post-traumatique après un accouchement». Une étude menée en 201361en Grande-Bretagne par Giliane FENECH, sage-femme, et Gill THOMSON, professeure en santé périnatale, et portant sur les conséquences psychosociales des violences obstétricales, a montré qu’une expérience traumatique de l’accouchement peut avoir des conséquences néfastes sur le long terme, notamment sur l’identité, la relation à soi et aux autres.
L’IRASF constate que les femmes accompagnées souffrent « de séquelles plus ou moins invalidantes qui auront des répercussions à court, moyen et long terme sur la qualité de leur vie».62L’association fait état de séquelles fréquentes au niveau du périnée suite à des épisiotomies plus ou moins justifiées et plus ou moins bien réalisées, de lésions périnéales avec de fortes douleurs quotidiennes et très contraignantes(qui empêchent ces femmes de mettre un pantalon, de supporter un slip, de s’asseoir).
Mentir ou ne pas poser de questions de peur d’être jugée : cette stratégie d’évitement peut représenter une entrave au bon diagnostic. La peur de consulter à nouveau et l’errance médicale :Les stratégies d’évitement des femmes victimes d’actes sexistes durant leur suivi gynécologique et/ou obstétrical les conduisent parfois à éviter les consultations gynécologiques, voire à craindre un suivi médical de toute nature, car il réactive des traumatismes. « Beaucoup de femmes que nous accompagnons n’ont plus du tout de suivi médical au long court car cela réactive le traumatisme. Pour exemple, j’ai accompagné une jeune femme qui, après son accouchement traumatique, faisait suivre son bébé, mais ne se faisait absolument plus suivre pour son asthme. Je pense aussi à une jeune femme qui a accouché il y a 4 ans et n’a vu aucun médecin depuis, elle n’a plus aucun suivi gynécologique et ne va même plus voir de dentiste.»
Anne EVRARD, co-présidente du CIANE
Les accouchements traumatiques peuvent également avoir des conséquences néfastes sur des futur.e.s grossesses et accouchements. L’IRASF a aussi recueilli la parole de victimes de violences obstétricales qui « ont abandonné l’idée d’accouchement par voie basse. Pour ne pas s’exposer de nouveau à des violences, elles ont opté pour une césarienne lors de leur prochain accouchement.» Clara DE BORT, directrice d’hôpital, souligne le danger de cette non-prise en charge :« Les violences subies, notamment dans le suivi gynécologique, par les femmes alors qu’elles étaient jeunes filles les conduisent à refuser certaines prises en charge par la suite, quand elles sont plus âgées, et alors que c’est le moment où elles présentent le plus de risques. »
Chez certaines femmes, c’est au moment du retour à la vie professionnelle qu’elles prennent conscience du traumatisme. Le CIANE fait état de nombreux arrêts de travail « soit consécutifs au congé maternité, soit éloignés de ce congé, car les femmes ne pensent pas leur traumatisme tout de suite. Les femmes vont s’effondrer plus tard, justement quand elles reprennent le travail, car elles pensaient échapper aux réminiscences en reprenant le travail et se rendent compte que ce n’est pas le cas.»
Altération de la relation de couple : Le CIANE note que les actes sexistes dans le suivi gynécologique peuvent entrainer une dégradation du climat conjugal : « En général le père s’exprime peu, alors qu’il est lui-même traumatisé et tait ce traumatisme en raison de l’absence de lieu pour s’exprimer. Certains pères témoignent qu’ils ont le sentiment d’avoir assisté à l’agression de leur femme, et de ne pas avoir su/pu réagir, ils portent une grande culpabilité. »
Anne EVRARD, co-présidente du CIANE
L’état physique et psychique des femmes, suite à des violences gynécologiques ou obstétricales, peuvent affecter leur sexualité. Le CIANE relève ainsi que la sexualité des victimes peut être « dégradée voire inexistante pendant des années ».
En 2010, une étude portant sur le vécu de l’accouchement et ses conséquences71a montré que les femmes qui se sont senties dépossédées de tout contrôle lors de leur accouchement, ainsi que les femmes qui ont reçu un traitement inhumain et dégradant, ont constaté une dégradation de leur relation avec leur enfant et leur partenaire.
Ainsi, les conséquences de certaines formes de violences gynécologiques ou obstétricales apparaissent similaires à celles constatées sur les victimes de violences sexuelles. Selon Mélanie DECHALOTTE, autrice du Livre noir de la gynécologie, pour certaines femmes : « la violence gynécologique et obstétricale est vécue comme un viol. Cela provoque les mêmes séquelles psychologiques que celles du viol : sidération psychique, état de stress post-traumatique... »
Les femmes ayant vécu, par le passé, des violences sexuelles sont par ailleurs d’autant plus impactées que les actes sexistes vécus dans un parcours de soin gynécologique et obstétrical peuvent « faire remonter des violences ou des traumatismes anciens» selon Anne EVRARD, co-présidente du CIANE.« Ce n’est pas parce qu’elles ont été victimes de violences par le passé qu’elles vivent ces situations comme une violence, c’est bien une violence supplémentaire. Une femme sur 10 est victime de violence conjugale, alors que très peu de médecins posent la question de l’existence de violences conjugales ou sexuelles. Les conséquences d’une violence gynécologique ou obstétricale, en plus de ces traumatismes, peuvent être désastreuses. » Anne EVRARD, co-présidente du CIANE
Si les témoignages de femmes relatant des comportements maltraitants voire violents subis dans le cadre de leur suivi gynécologique et obstétrical se multiplient sur les réseaux sociaux et sont relayés par la presse, cette question demeure relativement taboue. Il est compliqué pour une femme de parler d’un examen gynécologique ou de son accouchement à son entourage, dans son couple ou auprès d’un.e autre professionnel.le. Ce tabou est particulièrement présent suite à un accouchement :
« Il est déplacé pour une femme d’énumérer les piqûres et injections subies dans sa chair, ou de détailler le nombre de doigts et d’objets qui ont été introduits dans son vagin. De l’accouchement, l’entourage ne s’enquiert poliment que des éléments factuels n’appelant aucun débat, et jette un voile pudique sur toutes les atteintes au corps endurées par la jeune mère, étant entendu que, quelles que soient les souffrances infligées, elle ne peut être qu’heureuse à la vue de son bébé en bonne santé.»
Marie-Hélène LAHAYE, autrice du blog « Marie accouche là »
Le mal-être d’une femme suite à son accouchement peut d’ailleurs parfois être interprété à tort comme relevant du« baby blues», souvent confondu avec la dépression post-partum. Les manifestations de ce que l’on appelle « le baby blues » — tristesse, anxiété, culpabilité de ne pas accueillir le nouveau-né avec joie, sentiment de solitude —peuvent souvent s’expliquer par l’absence de conditions favorables lors de l’accouchement, du séjour en maternité ou lorsque les femmes rentrent chez elles. Si les femmes se confient sur ces difficultés, elles ne sont pas toujours entendues et comprises, sous prétexte qu’elles seraient simplement dans une phase de « baby blues » due aux hormones.
La méconnaissance voire la négation de l’existence de violences gynécologiques et obstétricales conduit à un défaut de prise en charge médicale de leurs séquelles physiques et psychologiques. L’IRASF et le CIANE pointent les difficultés rencontrées par les femmes victimes qu’elles accompagnent, lorsqu’elles souhaitent une prise en charge médicale suite aux violences subies.
« La difficulté pour les femmes de faire constater des séquelles physiques dues à des accouchements avec violences obstétricales est un réel parcours du combattant. Du fait, dans un premier temps, de l’ignorance des soignant.e.s à prendre au sérieux les souffrances physiques qui sont exprimées. À cela s’ajoute un refus de la plupart d’entre eux d’accepter les faits rapportés par les femmes.»
Selon les faits vécus par les femmes, la prise en charge médicale requise peut être psychologique ou rééducatrice. Comme le signale Anne EVRARD, co-présidente du CIANE :
« Il existe des thérapies, comme pour les victimes d’autres types de traumatismes, mais ce sont des traitements longs et coûteux, pas toujours pris en charge par la sécurité sociale ou les mutuelles. On peut traiter ce type de traumatismes avec des séances d’hypnose, d’EMDR, mais elles sont rarement remboursées. La rééducation périnéale est souvent prise en charge, mais cela ne convient pas à toutes les femmes, donc beaucoup ne sont pas suivies médicalement. »
La reconstruction suite à des actes médicaux traumatisants est donc difficile pour les victimes qui font face à la méconnaissance du phénomène et à des frais dissuasifs qui retardent leur accès à des soins adaptés. »
Pour approfondir la question, vous pouvez vous tourner vers le CIANE et l’ IRASF.
Voici également quelques documents que vous pouvez consulter :
- Quand l’accouchement se vit dans la violence : Enquête et témoignages, grand-angle.lefigaro.fr
- Accouchement : les femmes méritent mieux, Marie-Hélène Lahaye
Militante féministe auteure du blog Marie accouche là, l'auteure dénonce la maltraitance des femmes durant l'accouchement dans une perspective à la fois historique et sociétale. La violence extrême des soignants sur les femmes engendre en effet des traumatismes physiques et psychiques considérables et révèle des pratiques profondément misogynes.
(interview de l’auteure : L’accouchement est parfois vécu comme un viol, plus.lesoir.be)
Bonne journée.
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