Question d'origine :
Bonjour,
Je voudrais obtenir des renseignements concernant la colonisation de l'Algérie avant 1830 jusqu'en 1954. Quelles raisons? Quand? Comment? Comment était l'Algérie auparavant? L'avait-on déjà "envahie"?
Je voudrais également interroger le lien entre la Traite Arabo-Musulmane et cette colonisation. Pourriez-vous m'aider, s'il vous plait?
Vous remerciant bien par avance.
Franck
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 19/04/2019 à 15h33
Bonjour,
En faisant une recherche par mots clés sur internet, nous trouvons nombre d’articles traitant de la question de l’Algérie avant 1830 et après, ainsi que de l’esclavage arabo-musulman. Nous nous efforcerons donc de vous donner des pistes de recherches bibliographiques sur le sujet.
Concernant l’histoire de l’Algérie avant 1830, l’article de Wikipedia retrace de façon claire et détaillée les débuts du pays depuis la préhistoire : "L'histoire de l'Algérie s'insère dans l'histoire plus large du Maghreb et remonte à des millénaires. Dans l'Antiquité, le territoire algérien connait la formation des royaumes numides avant de passer sous la domination partielle des Romains, des Vandales, des Byzantins et des principautés berbères indépendantes.
Le VIIe siècle marque le début de l'islamisation puis l'arabisation partielle de la population. Le Maghreb central connait alors plusieurs dynasties locales : Rostémides (767 – 909), Zirides (972 - 1148), Hammadides (1014 – 1152), Zianides (1235 – 1556) et des périodes d'intégration dans des groupements impériaux plus larges : Omeyyades (au VIIIe siècle), Fatimides (au Xe siècle), Almoravides (au XIe siècle), Almohades (au XIIe siècle).
L'Algérie contemporaine commence à se constituer territorialement au début de la régence d'Alger, soit au XVIe siècle. La colonisation française va lui permettre de s'étendre aux confins du Sahara et va bouleverser la formation sociale existante. L'émergence, au début du XXe siècle, d'un mouvement national mène au déclenchement de la guerre d'Algérie en 1954, une insurrection armée qui s'achève par l'indépendance du pays en 1962, et la constitution de l'État-nation actuel."
Mentionnons deux documents qui apportent un éclairage détaillé sur l’Algérie depuis la période préhistorique jusqu’en 1518, les ouvrages du spécialiste Gilbert Meynier : L'Algérie des origines de la préhistoire à l'avènement de l'Islam et l’Algérie, cœur du Maghreb classique.
On apprend dans le livre l'Algérie de Georges Morin: « Au total, si l’on se réfère à l’échelle du temps, le territoire actuel de l’Algérie a ainsi connu des périodes successives de dépendance et de souveraineté : sur les 2335 ans qui nous séparent des débuts de la domination carthaginoise, les périodes d’occupation représentent 60% de ce temps d’histoire et les périodes d’autonomie 40%. Ces chiffres amènent donc à nuancer très fortement cette idée reçue d’une permanence de l’occupation étrangère en Algérie. Et cela est d’autant plus vrai que tous les conquérants, des carthaginois aux français en passant par les Romains, les Vandales, les Byzantins, les Arabes et le Turcs, n’eurent souvent que peu de répit et durant faire face à des soulèvements incessants de populations frondeuses et profondément hostile à toute domination extérieure. »
Nous vous renvoyons également vers les questions précédentes qui ont été posées au Guichet sur l’histoire de l’Algérie, ainsi que sur les nombreuses collections de la Bibliothèque concernant la colonisation algérienne, et la guerre d'Algérie à proprement parler.
Le revue d’histoire Hérodote consacre deux articles à l’Algérie tout d’abord sur la gestation de la nation algérienne puis sur la situation du pays à la veille de la conquête française.
Par ailleurs, le Monde diplomatique publie une chronologie intéressante afin d’avoir en tête les grands repères historiques de l’histoire algérienne.
Concernant la traite arabo-musulmane plus spécifiquement, il convient de préciser qu’il s’agit d’un sujet assez récent souvent considéré comme « tabou » ou en tout cas soumis à la controverse. Néanmoins, nous pouvons vous donner là encore quelques pistes à explorer.
Tout d’abord, la page Wikipedia sur la traite arabe rappelle : « L'histoire de la traite soulève de nombreux débats parmi les historiens. Les spécialistes s'interrogent sur le nombre d'Africains déportés. La question est difficile à résoudre à cause du manque de statistiques fiables : il n'existe aucun recensement systématique en Afrique au Moyen Âge, alors que les archives sont beaucoup plus fournies en ce qui concerne la traite atlantique (XVIe – XVIIIe siècles), bien que les livres de compte aient été souvent falsifiés.
L'historien doit utiliser des documents narratifs et imprécis et faire des estimations soumises à caution : Luiz Felipe de Alencastro annonce 8 millions d'esclaves africains déportés entre le VIIIe et le XIXe siècle par la traite arabe et transsaharienne. Olivier Pétré-Grenouilleau a avancé le chiffre de 17 millions de Noirs réduits à l'esclavage (pour la même période et la même aire) sur la base des travaux de Ralph Austen — ce dernier évaluant la marge d'erreur de ses estimations à 25 %. L'ethnologue Tidiane N'Diaye arrive à ce même chiffre de 17 millions de déportés. Le journaliste Jean Sévillia s'arrête à un chiffre de 12 millions d'Africains déportés par la traite arabe. D'autres sources évoquent un total de plus de 4,5 millions d'esclaves noirs déportés hors d'Afrique par la traite arabe rien qu'au XIXe siècle.
Tidiane N'Diaye soulève en outre la question du nombre total de victimes : d'une part, les tués dans les combats lors des rapts et les captifs blessés ou considérés comme trop faibles exécutés sur place, où il arrive à la conclusion que pour une personne "exportée", trois au quatre autres ont péri, d'autre part le faible taux de survie et de reproduction des populations noires déportées dans le monde arabe, du fait notamment de la pratique très fréquente de la castration des captifs et de leurs conditions de vie très dégradées, ce qui l'amène à développer la notion de génocide (non encore reconnu).»
Dans son livre Le génocide voilé l’historien Tidiane N’Diaye jette un pavé dans la mare et explique en effet que la traite arabo-musulmane est sans commune mesure, et ne parle de génocide que pour qualifier celle-ci. « La traite transatlantique, pratiquée par les Occidentaux, ne peut pas être comparée à un génocide. La volonté d’exterminer un peuple n’a pas été prouvée. Parce qu’un esclave, même dans les conditions extrêmement épouvantables, avait une valeur vénale pour son propriétaire qui le voulait productif et sans doute dans la longévité. Pour 9 à 11 millions de déportés lors de cette traite, il y a aujourd’hui 70 millions de descendants. La traite arabo-musulmane, elle, a déporté 17 millions de personnes qui n’ont eu que 1 million de descendants à cause la castration massive pratiquée pendant près de quatorze siècles. »
Il est donc important de rappeler l’historique de cette traite à travers quelques références que vous pourrez trouver à la bibliothèque :
Race et esclavage au Proche-Orient de Bernard Lewis
L’esclavage dans le monde arabe de Murray Gordon
Le sujet et le mamelouk de Mohammed Ennaji
Esclavages et abolitions en terres d’Islam de Roger Botte
L’Algérie quant à elle, reste le pays d’Afrique du Nord qui a accueilli le plus petit nombre d’esclaves noirs, si l’on se réfère aux estimations de la traite transsaharienne : 65 000 entrées en Algérie de 1700 à 1880 contre 100 000 en Tunisie, 400 000 en Libye, 515 000 au Maroc et 800 000 en Égypte. En outre, il faut savoir que les autorités françaises impériales et républicaines ont plus que toléré la continuité de la traite arabe après 1848. (Source :Esclavage dans le monde arabo-musulman)
De plus, à la traite africaine s’ajoute la traite des Occidentaux capturés en mer puis vendus comme esclaves sur les grands marchés du Maghreb. L’ouvrage de Giles Milton Captifs en Barbarie relate l’histoire d’un mousse dont le navire fut arraisonné par des corsaires, qui dû se convertir à l’islam et être l'esclave d’un souverain marocain.
Officiellement, c’est d’ailleurs cette traite en vigueur dans les pays du Maghreb qui aurait été un prétexte à la colonisation. Les occidentaux auraient voulu y mettre un terme, justifiant ainsi leur attitude impérialiste. « Du côté français, le gouvernement du prince de Polignac espère revivre les conquêtes militaires de Napoléon et consolider l'influence française dans le bassin occidental de la Méditerranée, ainsi que juguler l'opposition intérieure en renouant avec le prestige monarchique dont rêve Charles X.
Selon Pierre Péan, Charles X est également à court de trésorerie et l'immense pactole que constituait la fortune du dey d'Alger pouvait représenter un objectif majeur de cette expédition.
Autre raison avancée pour justifier l'opération : se débarrasser des pirates barbaresques qui infestaient la mer Méditerranée depuis trois siècles, et dont un des repaires était justement le port d'Alger, et mettre fin à l'esclavage subi par les populations chrétiennes. Si ces deux facteurs correspondaient à des réalités historiques, ils n'étaient pas d'actualité en 1830.
L'esclavage continuait d'exister sous la Régence, mais il ne restait en 1830 qu'un petit nombre d'esclaves chrétiens en Algérie, la majorité des chrétiens étant des travailleurs libres.
Quant aux pirates, ils avaient fortement réduit leurs activités depuis le XVIIIe siècle. Le dey avait dû renoncer en 1818 à la traite des esclaves chrétiens comme à la piraterie à la suite de l'intervention de la flotte britannique deux ans plus tôt, soit plus de dix ans avant le conflit avec la France. Officieusement, une des raisons les plus vraisemblables semble être le contentieux financier à la suite de l'emprunt par la France durant la révolution de blé algérien. Cette somme n'ayant jamais été payée à l'État algérien envenime de façon croissante les relations algéro-françaises. L'expédition apparaît alors comme un moyen pour la France de se débarrasser d'un créancier.»
Par ailleurs, comme pour confirmer ce prétexte, Roger Botte dans son ouvrage Esclavages et abolitions en terres d’Islam note: « L’extinction du trafic esclavagiste en Algérie fut très lente comme le montre ce témoignage datant de 1863 : On pourrait s’étonner qu’il y ait encore un trafic d‘esclaves en Algérie, et pourtant il en est ainsi dans les régions du sud. Mais le gouvernement ferme les yeux, d’une part parce qu’il connaît le comportement humain envers les esclaves et d’autre part parce qu’il aimerait bien attirer le commerce de Soudan, qui s’écoule à l’heure actuelle presque uniquement par Tunis et Tripoli. Mais à la vérité, les commandants sur le terrain et les chefs de bureaux sont sans doute les seuls à être au courant. L’enjeu politico-économique majeur fut simplement résolu par le fait de fermer les yeux sur la traite des esclaves. Les officiers des affaires indigènes s’appliquèrent à ne pas brusquer les choses au nom du respect des « coutumes indigènes ». C’est pourquoi, en dépit de la présence coloniale française, la traite s’intensifiait à mesure que l’on approchait de la fin du XIXe siècle.»
Pour approfondir le sujet:
Un article dans la revue l’Histoire La traite oubliée des négriers musulmans
Histoire de l'Algérie coloniale : 1830-1954 / Benjamin Stora
La France en Algérie 1830-1954 / Guy Pervillé
La conquête de l’Algérie / Jacques Frémeaux
L’Algérie algérienne / Jean Lacouture
Bonnes lectures.
En faisant une recherche par mots clés sur internet, nous trouvons nombre d’articles traitant de la question de l’Algérie avant 1830 et après, ainsi que de l’esclavage arabo-musulman. Nous nous efforcerons donc de vous donner des pistes de recherches bibliographiques sur le sujet.
Concernant l’histoire de l’Algérie avant 1830, l’article de Wikipedia retrace de façon claire et détaillée les débuts du pays depuis la préhistoire : "L'histoire de l'Algérie s'insère dans l'histoire plus large du Maghreb et remonte à des millénaires. Dans l'Antiquité, le territoire algérien connait la formation des royaumes numides avant de passer sous la domination partielle des Romains, des Vandales, des Byzantins et des principautés berbères indépendantes.
Le VIIe siècle marque le début de l'islamisation puis l'arabisation partielle de la population. Le Maghreb central connait alors plusieurs dynasties locales : Rostémides (767 – 909), Zirides (972 - 1148), Hammadides (1014 – 1152), Zianides (1235 – 1556) et des périodes d'intégration dans des groupements impériaux plus larges : Omeyyades (au VIIIe siècle), Fatimides (au Xe siècle), Almoravides (au XIe siècle), Almohades (au XIIe siècle).
L'Algérie contemporaine commence à se constituer territorialement au début de la régence d'Alger, soit au XVIe siècle. La colonisation française va lui permettre de s'étendre aux confins du Sahara et va bouleverser la formation sociale existante. L'émergence, au début du XXe siècle, d'un mouvement national mène au déclenchement de la guerre d'Algérie en 1954, une insurrection armée qui s'achève par l'indépendance du pays en 1962, et la constitution de l'État-nation actuel."
Mentionnons deux documents qui apportent un éclairage détaillé sur l’Algérie depuis la période préhistorique jusqu’en 1518, les ouvrages du spécialiste Gilbert Meynier : L'Algérie des origines de la préhistoire à l'avènement de l'Islam et l’Algérie, cœur du Maghreb classique.
On apprend dans le livre l'Algérie de Georges Morin: « Au total, si l’on se réfère à l’échelle du temps, le territoire actuel de l’Algérie a ainsi connu des périodes successives de dépendance et de souveraineté : sur les 2335 ans qui nous séparent des débuts de la domination carthaginoise, les périodes d’occupation représentent 60% de ce temps d’histoire et les périodes d’autonomie 40%. Ces chiffres amènent donc à nuancer très fortement cette idée reçue d’une permanence de l’occupation étrangère en Algérie. Et cela est d’autant plus vrai que tous les conquérants, des carthaginois aux français en passant par les Romains, les Vandales, les Byzantins, les Arabes et le Turcs, n’eurent souvent que peu de répit et durant faire face à des soulèvements incessants de populations frondeuses et profondément hostile à toute domination extérieure. »
Nous vous renvoyons également vers les questions précédentes qui ont été posées au Guichet sur l’histoire de l’Algérie, ainsi que sur les nombreuses collections de la Bibliothèque concernant la colonisation algérienne, et la guerre d'Algérie à proprement parler.
Le revue d’histoire Hérodote consacre deux articles à l’Algérie tout d’abord sur la gestation de la nation algérienne puis sur la situation du pays à la veille de la conquête française.
Par ailleurs, le Monde diplomatique publie une chronologie intéressante afin d’avoir en tête les grands repères historiques de l’histoire algérienne.
Concernant la traite arabo-musulmane plus spécifiquement, il convient de préciser qu’il s’agit d’un sujet assez récent souvent considéré comme « tabou » ou en tout cas soumis à la controverse. Néanmoins, nous pouvons vous donner là encore quelques pistes à explorer.
Tout d’abord, la page Wikipedia sur la traite arabe rappelle : « L'histoire de la traite soulève de nombreux débats parmi les historiens. Les spécialistes s'interrogent sur le nombre d'Africains déportés. La question est difficile à résoudre à cause du manque de statistiques fiables : il n'existe aucun recensement systématique en Afrique au Moyen Âge, alors que les archives sont beaucoup plus fournies en ce qui concerne la traite atlantique (XVIe – XVIIIe siècles), bien que les livres de compte aient été souvent falsifiés.
L'historien doit utiliser des documents narratifs et imprécis et faire des estimations soumises à caution : Luiz Felipe de Alencastro annonce 8 millions d'esclaves africains déportés entre le VIIIe et le XIXe siècle par la traite arabe et transsaharienne. Olivier Pétré-Grenouilleau a avancé le chiffre de 17 millions de Noirs réduits à l'esclavage (pour la même période et la même aire) sur la base des travaux de Ralph Austen — ce dernier évaluant la marge d'erreur de ses estimations à 25 %. L'ethnologue Tidiane N'Diaye arrive à ce même chiffre de 17 millions de déportés. Le journaliste Jean Sévillia s'arrête à un chiffre de 12 millions d'Africains déportés par la traite arabe. D'autres sources évoquent un total de plus de 4,5 millions d'esclaves noirs déportés hors d'Afrique par la traite arabe rien qu'au XIXe siècle.
Tidiane N'Diaye soulève en outre la question du nombre total de victimes : d'une part, les tués dans les combats lors des rapts et les captifs blessés ou considérés comme trop faibles exécutés sur place, où il arrive à la conclusion que pour une personne "exportée", trois au quatre autres ont péri, d'autre part le faible taux de survie et de reproduction des populations noires déportées dans le monde arabe, du fait notamment de la pratique très fréquente de la castration des captifs et de leurs conditions de vie très dégradées, ce qui l'amène à développer la notion de génocide (non encore reconnu).»
Dans son livre Le génocide voilé l’historien Tidiane N’Diaye jette un pavé dans la mare et explique en effet que la traite arabo-musulmane est sans commune mesure, et ne parle de génocide que pour qualifier celle-ci. « La traite transatlantique, pratiquée par les Occidentaux, ne peut pas être comparée à un génocide. La volonté d’exterminer un peuple n’a pas été prouvée. Parce qu’un esclave, même dans les conditions extrêmement épouvantables, avait une valeur vénale pour son propriétaire qui le voulait productif et sans doute dans la longévité. Pour 9 à 11 millions de déportés lors de cette traite, il y a aujourd’hui 70 millions de descendants. La traite arabo-musulmane, elle, a déporté 17 millions de personnes qui n’ont eu que 1 million de descendants à cause la castration massive pratiquée pendant près de quatorze siècles. »
Il est donc important de rappeler l’historique de cette traite à travers quelques références que vous pourrez trouver à la bibliothèque :
Race et esclavage au Proche-Orient de Bernard Lewis
L’esclavage dans le monde arabe de Murray Gordon
Le sujet et le mamelouk de Mohammed Ennaji
Esclavages et abolitions en terres d’Islam de Roger Botte
L’Algérie quant à elle, reste le pays d’Afrique du Nord qui a accueilli le plus petit nombre d’esclaves noirs, si l’on se réfère aux estimations de la traite transsaharienne : 65 000 entrées en Algérie de 1700 à 1880 contre 100 000 en Tunisie, 400 000 en Libye, 515 000 au Maroc et 800 000 en Égypte. En outre, il faut savoir que les autorités françaises impériales et républicaines ont plus que toléré la continuité de la traite arabe après 1848. (Source :Esclavage dans le monde arabo-musulman)
De plus, à la traite africaine s’ajoute la traite des Occidentaux capturés en mer puis vendus comme esclaves sur les grands marchés du Maghreb. L’ouvrage de Giles Milton Captifs en Barbarie relate l’histoire d’un mousse dont le navire fut arraisonné par des corsaires, qui dû se convertir à l’islam et être l'esclave d’un souverain marocain.
Officiellement, c’est d’ailleurs cette traite en vigueur dans les pays du Maghreb qui aurait été un prétexte à la colonisation. Les occidentaux auraient voulu y mettre un terme, justifiant ainsi leur attitude impérialiste. « Du côté français, le gouvernement du prince de Polignac espère revivre les conquêtes militaires de Napoléon et consolider l'influence française dans le bassin occidental de la Méditerranée, ainsi que juguler l'opposition intérieure en renouant avec le prestige monarchique dont rêve Charles X.
Selon Pierre Péan, Charles X est également à court de trésorerie et l'immense pactole que constituait la fortune du dey d'Alger pouvait représenter un objectif majeur de cette expédition.
Autre raison avancée pour justifier l'opération : se débarrasser des pirates barbaresques qui infestaient la mer Méditerranée depuis trois siècles, et dont un des repaires était justement le port d'Alger, et mettre fin à l'esclavage subi par les populations chrétiennes. Si ces deux facteurs correspondaient à des réalités historiques, ils n'étaient pas d'actualité en 1830.
L'esclavage continuait d'exister sous la Régence, mais il ne restait en 1830 qu'un petit nombre d'esclaves chrétiens en Algérie, la majorité des chrétiens étant des travailleurs libres.
Quant aux pirates, ils avaient fortement réduit leurs activités depuis le XVIIIe siècle. Le dey avait dû renoncer en 1818 à la traite des esclaves chrétiens comme à la piraterie à la suite de l'intervention de la flotte britannique deux ans plus tôt, soit plus de dix ans avant le conflit avec la France. Officieusement, une des raisons les plus vraisemblables semble être le contentieux financier à la suite de l'emprunt par la France durant la révolution de blé algérien. Cette somme n'ayant jamais été payée à l'État algérien envenime de façon croissante les relations algéro-françaises. L'expédition apparaît alors comme un moyen pour la France de se débarrasser d'un créancier.»
Par ailleurs, comme pour confirmer ce prétexte, Roger Botte dans son ouvrage Esclavages et abolitions en terres d’Islam note: « L’extinction du trafic esclavagiste en Algérie fut très lente comme le montre ce témoignage datant de 1863 : On pourrait s’étonner qu’il y ait encore un trafic d‘esclaves en Algérie, et pourtant il en est ainsi dans les régions du sud. Mais le gouvernement ferme les yeux, d’une part parce qu’il connaît le comportement humain envers les esclaves et d’autre part parce qu’il aimerait bien attirer le commerce de Soudan, qui s’écoule à l’heure actuelle presque uniquement par Tunis et Tripoli. Mais à la vérité, les commandants sur le terrain et les chefs de bureaux sont sans doute les seuls à être au courant. L’enjeu politico-économique majeur fut simplement résolu par le fait de fermer les yeux sur la traite des esclaves. Les officiers des affaires indigènes s’appliquèrent à ne pas brusquer les choses au nom du respect des « coutumes indigènes ». C’est pourquoi, en dépit de la présence coloniale française, la traite s’intensifiait à mesure que l’on approchait de la fin du XIXe siècle.»
Pour approfondir le sujet:
Un article dans la revue l’Histoire La traite oubliée des négriers musulmans
Histoire de l'Algérie coloniale : 1830-1954 / Benjamin Stora
La France en Algérie 1830-1954 / Guy Pervillé
La conquête de l’Algérie / Jacques Frémeaux
L’Algérie algérienne / Jean Lacouture
Bonnes lectures.
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