Question d'origine :
Bonjour,
je dois préparer un exposé détaillé sur les sites d'infaux et non (d'infos): quand sont-ils nés? quels sont leurs buts, leur impact?...
Connaîtriez-vous des titres d'ouvrages, des revues ou des articles consacrés à ces sites?
Merci pour votre aide.
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 03/04/2019 à 13h28
Bonjour,
C’est au cours des années 2010 qu’ont commencé les sites d’ « infaux » tels que nous les connaissons aujourd’hui. D’après le tour d’horizon que nous avons effectué sur europresse.com (consultable en ligne via votre abonnement BmL), les médias ont rapidement tenté d’aborder le phénomène. Ainsi, dès juillet 2013, le Midi libre dressait un premier panorama :
« Ils s'appellent Le Goraf i, Bilboquet Magazine , Veux Jidéo ou Culture Pute , sans oublier, sur Twitter, l'Agence France Presque et des dizaines de comptes parodiques de personnalités de la politique ou du spectacle. Ils représentent la dernière tendance lourde du web : traiter l'actualité grâce à des articles volontairement loufoques, totalement inventés, mais toujours drôles. Des journalistes et passionnés, la plupart bénévoles, se cachent souvent derrière, conservant un farouche anonymat.
Le Gorafi, éclaireur de la tendance
Inspiré du "taulier" de l'"infaux" sur le web, le site américain The Onion, Le Gorafi a éclairé ses confrères en septembre 2012 . Après avoir été un compte Twitter pendant la campagne présidentielle, il devient un site à la rentrée, avec tous les avatars du site d'information (page Facebook et Twitter, applications mobiles...).
Le Gorafi s'invente même une histoire : le site aurait été créé "en 1826" par le journaliste Jean-René Buissière, après "un désaccord avec la rédaction du Figaro de l'époque". Souhaitant créer un média du nom du Garofi, la légère dyslexie de Buissière le pousse à inverser les lettres ! 187 ans plus tard (ou presque) : l'erreur n'aura pas entamé son succès, puisque Le Gorafi revendique son million de visites mensuelles.
Ici, l'information traitée est générale, mais ce sont les sujets politiques qui font le plus parler. Ce matin, on y trouve encore quelques perles : "Les Français inquiets à l'idée que Jean-Marie Le Pen devienne un jour doyen des Français" ; "Retraites : Michel Sapin fait appel à My Major Company pour financer sa réforme" ou encore l'hilarant "Cahuzac devant la commission d'enquête : 'J'ai été déçu par l'intrigue principale de Man of Steel'". »
L’humour est toujours le mobile des créateurs de ces sites. Ainsi, selon un article de Sud ouest de 2016, « Le Gorafi indique clairement, dans la rubrique ad hoc, que " tous les articles relatés ici sont faux (jusqu'à preuve du contraire) et rédigés dans un but humoristique ". Nordpresse argue, dans le même esprit, que " tous [les] articles sont inventés par des chimpanzés bourrés ". »
Il n’empêche que la rubrique « CheckNews » de liberation.fr a pu considérer ce dernier (né en 2014) comme « ambigu » :
« Si Flibustier [fondateur] mentionne sa visée humoristique sur sa page Facebook, le site Nordpresse n’indique pas clairement si les informations publiées sont fausses. Au contraire, Nordpresse sème le doute. Sur la page d’accueil du site, le nom ou le logo ne sont affichés nulle part. On y trouve régulièrement des photomontages et des articles mélangeant vraies et fausses informations. Par exemple, dans un article publié en novembre 2017 intitulé «Christine Boutin annonce la mort de Johnny», Flibustier raconte que «Dans un tweet laconique, Christine Boutin annonce la mort de l’idole des jeunes, Johnny Hallyday», ce qui était faux à l’époque. Mais rappelle que Christine Boutin est coutumière du fait, puisqu’elle avait «annoncé à tort la mort de Jacques Chirac en septembre», ce qui est vrai. Questionné sur le sujet par CheckNews, le créateur de Nordpresse s’explique : «Je n’ai pas vraiment de ligne éditoriale ou de conduite. Parfois je publie des vraies infos qui me semblent importantes et je veux profiter de l’audience de Nordpresse pour ça.» »
Ambiguïté renforcée par le fait que personne ne maîtrise la façon dont les internautes diffusent les articles sur les réseaux sociaux :
« C’est sur Facebook que Nordpresse trouve son public (95% de son audience selon l’auteur du site) et c’est sur le réseau social qu’il brouille le plus les pistes. Sur diverses publications Facebook, le nom de domaine de Nordpresse est remplacé par ceux de médias français (ou approchant), comme lecanardenchaine.net, 20minutes.fr, nicesoir.press ou encore, franceinfotele.com. Un faux site de presse est même inventé, actubelgique.be, pour tromper encore un peu plus ses lecteurs. Une fois que l’internaute clique sur le lien, il est automatiquement redirigé vers la page web d’un article de Nordpresse. Bannie par Facebook depuis 2017, cette pratique porte un nom : le cloaking. »
Bien qu’il soit parfois accusé de partager délibérément ses articles sur des groupes Facebook d’extrême droite, «Le créateur du site se réclame d’une démarche d’éducation aux médias : «C’est surtout la faute de l’éducation et de la société qui font que les gens croient [Nordpresse]. J’essaie de rendre les gens un peu moins cons. A ma petite échelle, je pense avoir une utilité, notamment celle de pousser les gens à tout vérifier.»
Pour aller au bout de sa démarche, Flibustier donne depuis 2015 des cours sur les thématiques de la «désinformation» et des «fake news», à des élèves belges âgés de 16 à 18 ans, selon Jonathan Fischbach, administrateur délégué de la plateforme pédagogique pour les enseignants francophones, Enseignons.be. »
Répondant à Télérama, l’un des fondateurs du Gorafi assure lui aussi que son propos est de pousser l’internaute à réfléchir :
« Basile Sangène, soudain sérieux, explique que le Gorafi ne se sent pas responsable de la crédulité des gens. « Ce n'est pas de notre faute, nous, on écrit, on se met dans la peau de journalistes. Mais en même temps, quand on écrit, on essaie de ne pas tomber dans la facilité, la méchanceté, par exemple, parce que ce n'est pas le but du site. On n'est pas là pour donner des leçons de journalisme, ni pour dire aux journalistes de vérifier leurs sources. »
« On aime bien s'amuser avec l'actualité. […] Il ne s'agit pas de piéger les gens mais de réussir à les faire réagir. »
Selon neonmag.fr, « dénoncer les fakes news avec humour » est aussi le propos d’un site comme Complots faciles pour briller en société.
Pourtant, la nuance entre un site de désinformation et un site parodique n’est pas facile à saisir pour tout le monde. Le site du Monde a donc mis au point la page Décodex, outil de vérification de la fiabilité des sites, qui considère par exemple BuzzBeed comme “Un site parodique qui détourne le nom et le logo de BuzzFeed » et dont les « canulars visent principalement les adversaires de l'extrême droite. », et juge assez défavorablement Nordpresse :
« Attention : le site est adepte des canulars complexes, affirmant par exemple avoir piégé des médias sans en apporter la preuve ou utilisant des adresses Web ressemblant à celles de vraies sites d'information pour déguiser ses propres publications. »
lemonde.fr a d’ailleurs publié en 2017 un article sur l’aspect « délicat » de la parodie sur internet, pointant notamment un cas de figure fréquent – et lucratif : la reprise malveillante d’articles parodiques par des sites prétendant informer :
« De la même manière, au moins quinze sites Internet ont publié ces derniers mois un autre canular du même site disant qu’une femme aurait « développé un QI de 220 après avoir bu du sperme tous les jours pendant un an », sans signaler qu’il s’agissait d’une information fausse. L’absurdité de ce cas souligne en fait le seul intérêt qu’il peut y avoir à diffuser un tel contenu, dépourvu d’intérêt et de tout fondement :générer des clics sur les sites en question, et donc des revenus publicita ires. »
Nous vous conseillons la lecture in extenso de l’article, qui fait un point très clair et toujours d’actualité sur le sujet.
En-dehors des publications du Gorafi et Complots faciles pour briller en société de Dimitri Halby (Tana éditions), nous n’avons pas trouvé de livre abordant spécifiquement le sujet des sites parodiques. Voici tout de même quelques articles qui pourront vous intéresser :
- Arnaud Mercier, « Fake news et post-vérité : 20 textes pour comprendre la manace », sur https://hal.univ-lorraine.fr.
- Laurence Leveneur, « Tweets et humour : le cas du Gorafi » sur openedition.org.
- Patrick Troude-Chastenet, « Fake news et post-vérité. De l’extension de la propagande au Royaume-Uni, aux États-Unis et en France » sur cairn.info (accessible en bibliothèque).
- Pierre Haski, « Démêler le vrai du faux » sur cairn.info (accessible en bibliothèque).
Bonnes lectures.
C’est au cours des années 2010 qu’ont commencé les sites d’ « infaux » tels que nous les connaissons aujourd’hui. D’après le tour d’horizon que nous avons effectué sur europresse.com (consultable en ligne via votre abonnement BmL), les médias ont rapidement tenté d’aborder le phénomène. Ainsi, dès juillet 2013, le Midi libre dressait un premier panorama :
« Ils s'appellent
Inspiré du "taulier" de l'"infaux" sur le web, le site américain The Onion,
Le Gorafi s'invente même une histoire : le site aurait été créé "en 1826" par le journaliste Jean-René Buissière, après "un désaccord avec la rédaction du Figaro de l'époque". Souhaitant créer un média du nom du Garofi, la légère dyslexie de Buissière le pousse à inverser les lettres ! 187 ans plus tard (ou presque) : l'erreur n'aura pas entamé son succès, puisque Le Gorafi revendique son million de visites mensuelles.
Ici, l'information traitée est générale, mais ce sont les sujets politiques qui font le plus parler. Ce matin, on y trouve encore quelques perles : "Les Français inquiets à l'idée que Jean-Marie Le Pen devienne un jour doyen des Français" ; "Retraites : Michel Sapin fait appel à My Major Company pour financer sa réforme" ou encore l'hilarant "Cahuzac devant la commission d'enquête : 'J'ai été déçu par l'intrigue principale de Man of Steel'". »
L’humour est toujours le mobile des créateurs de ces sites. Ainsi, selon un article de Sud ouest de 2016, «
Il n’empêche que la rubrique « CheckNews » de liberation.fr a pu considérer ce dernier (né en 2014) comme « ambigu » :
« Si Flibustier [fondateur] mentionne sa visée humoristique sur sa page Facebook, le site Nordpresse n’indique pas clairement si les informations publiées sont fausses. Au contraire, Nordpresse sème le doute. Sur la page d’accueil du site, le nom ou le logo ne sont affichés nulle part. On y trouve régulièrement des photomontages et des articles mélangeant vraies et fausses informations. Par exemple, dans un article publié en novembre 2017 intitulé «Christine Boutin annonce la mort de Johnny», Flibustier raconte que «Dans un tweet laconique, Christine Boutin annonce la mort de l’idole des jeunes, Johnny Hallyday», ce qui était faux à l’époque. Mais rappelle que Christine Boutin est coutumière du fait, puisqu’elle avait «annoncé à tort la mort de Jacques Chirac en septembre», ce qui est vrai. Questionné sur le sujet par CheckNews, le créateur de Nordpresse s’explique : «Je n’ai pas vraiment de ligne éditoriale ou de conduite. Parfois je publie des vraies infos qui me semblent importantes et je veux profiter de l’audience de Nordpresse pour ça.» »
Ambiguïté renforcée par le fait que personne ne maîtrise la façon dont les internautes diffusent les articles sur les réseaux sociaux :
« C’est sur Facebook que Nordpresse trouve son public (95% de son audience selon l’auteur du site) et c’est sur le réseau social qu’il brouille le plus les pistes. Sur diverses publications Facebook, le nom de domaine de Nordpresse est remplacé par ceux de médias français (ou approchant), comme lecanardenchaine.net, 20minutes.fr, nicesoir.press ou encore, franceinfotele.com. Un faux site de presse est même inventé, actubelgique.be, pour tromper encore un peu plus ses lecteurs. Une fois que l’internaute clique sur le lien, il est automatiquement redirigé vers la page web d’un article de Nordpresse. Bannie par Facebook depuis 2017, cette pratique porte un nom : le cloaking. »
Bien qu’il soit parfois accusé de partager délibérément ses articles sur des groupes Facebook d’extrême droite, «Le créateur du site se réclame d’une démarche d’éducation aux médias : «C’est surtout la faute de l’éducation et de la société qui font que les gens croient [Nordpresse]. J’essaie de rendre les gens un peu moins cons. A ma petite échelle, je pense avoir une utilité, notamment celle de pousser les gens à tout vérifier.»
Pour aller au bout de sa démarche, Flibustier donne depuis 2015 des cours sur les thématiques de la «désinformation» et des «fake news», à des élèves belges âgés de 16 à 18 ans, selon Jonathan Fischbach, administrateur délégué de la plateforme pédagogique pour les enseignants francophones, Enseignons.be. »
Répondant à Télérama, l’un des fondateurs du Gorafi assure lui aussi que son propos est de pousser l’internaute à réfléchir :
« Basile Sangène, soudain sérieux, explique que le Gorafi ne se sent pas responsable de la crédulité des gens. « Ce n'est pas de notre faute, nous, on écrit, on se met dans la peau de journalistes. Mais en même temps, quand on écrit, on essaie de ne pas tomber dans la facilité, la méchanceté, par exemple, parce que ce n'est pas le but du site. On n'est pas là pour donner des leçons de journalisme, ni pour dire aux journalistes de vérifier leurs sources. »
« On aime bien s'amuser avec l'actualité. […] Il ne s'agit pas de piéger les gens mais de réussir à les faire réagir. »
Selon neonmag.fr, « dénoncer les fakes news avec humour » est aussi le propos d’un site comme Complots faciles pour briller en société.
Pourtant, la nuance entre un site de désinformation et un site parodique n’est pas facile à saisir pour tout le monde. Le site du Monde a donc mis au point la page Décodex, outil de vérification de la fiabilité des sites, qui considère par exemple BuzzBeed comme “Un site parodique qui détourne le nom et le logo de BuzzFeed » et dont les « canulars visent principalement les adversaires de l'extrême droite. », et juge assez défavorablement Nordpresse :
« Attention : le site est adepte des canulars complexes, affirmant par exemple avoir piégé des médias sans en apporter la preuve ou utilisant des adresses Web ressemblant à celles de vraies sites d'information pour déguiser ses propres publications. »
lemonde.fr a d’ailleurs publié en 2017 un article sur l’aspect « délicat » de la parodie sur internet, pointant notamment un cas de figure fréquent – et lucratif : la reprise malveillante d’articles parodiques par des sites prétendant informer :
« De la même manière, au moins quinze sites Internet ont publié ces derniers mois un autre canular du même site disant qu’une femme aurait « développé un QI de 220 après avoir bu du sperme tous les jours pendant un an », sans signaler qu’il s’agissait d’une information fausse. L’absurdité de ce cas souligne en fait le seul intérêt qu’il peut y avoir à diffuser un tel contenu, dépourvu d’intérêt et de tout fondement :
Nous vous conseillons la lecture in extenso de l’article, qui fait un point très clair et toujours d’actualité sur le sujet.
En-dehors des publications du Gorafi et Complots faciles pour briller en société de Dimitri Halby (Tana éditions), nous n’avons pas trouvé de livre abordant spécifiquement le sujet des sites parodiques. Voici tout de même quelques articles qui pourront vous intéresser :
- Arnaud Mercier, « Fake news et post-vérité : 20 textes pour comprendre la manace », sur https://hal.univ-lorraine.fr.
- Laurence Leveneur, « Tweets et humour : le cas du Gorafi » sur openedition.org.
- Patrick Troude-Chastenet, « Fake news et post-vérité. De l’extension de la propagande au Royaume-Uni, aux États-Unis et en France » sur cairn.info (accessible en bibliothèque).
- Pierre Haski, « Démêler le vrai du faux » sur cairn.info (accessible en bibliothèque).
Bonnes lectures.
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