Question d'origine :
Bonjour,
Je souhaite savoir :
Connait-on en détail le régime alimentaire des humains avant l'invention de l'agriculture ?
Je souhaite notamment savoir comment ces humains obtenaient leur ration quotidienne en glucides ?
Merci pour votre réponse.
Réponse du Guichet
gds_alc
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 02/04/2019 à 09h09
Bonjour,
Bien qu’un peu ancien, puisque datant de 2006, l’article « ce que mangeaient nos ancêtres..., publié sur lanutrition.fr répond à votre question :
Selon Boyd Eaton, en effet, si les gènes ont peu changé depuis le paléolithique, il y a 40 000 ans, notre alimentation a été bouleversée par l’avènement de l’agriculture il y a dix mille ans, et surtout par la révolution industrielle. « Nous ne sommes plus, dit-il, adaptés génétiquement au mode alimentaire actuel. L’alimentation paléolithique ou pré-agricole peut donc être considérée comme un modèle pour la nutrition moderne.»
Que mangeaient nos ancêtres ?
Premier constat :les produits de la cueillette y abondent : fruits, légumes, plantes sauvages, baies, noix, rhizomes fournissent jusqu’à 70% de la base de subsistance. Les végétaux sont consommés peu après leur cueillette, sans transformation. Les plantes d’alors sont plus riches en protéines que les céréales modernes, et surtout plus généreuses en vitamines, minéraux et composés phytochimiques . Sur la base d’un apport énergétique quotidien de 3 000 calories (kcal), Eaton estime que nos ancêtres du Paléolithique supérieur recevaient 3 à 10 fois plus de vitamines que nous. Pour la vitamine C, que l’homme est l’un des rares êtres vivants à ne plus synthétiser, Boyd Eaton estime que Cro-Magnon en recevait 600 mg par jour, soit 6 fois les apports actuels conseillés. L’alimentation paléolithique apporte aussi significativement plus de calcium (jusqu’à 2 fois les doses recommandées) et surtout de potassium : 10 g au lieu des 2,5 g actuel. Comme le sel est une denrée rare, le ratio sodium/potassium, un marqueur du risque d’hypertension, est au moins 30 fois plus bas qu’aujourd’hui !
A côté des produits de la cueillette, la viande occupe une place importante, indique Marylène Patou-Mathis, chargée de recherche à l’Institut de Paléontologie Humaine (Paris). A partir du dosage des isotopes du carbone et de l’azote dans les ossements retrouvés, mais aussi de l’analyse des stries dentaires par microscope à balayage électronique, se dégage l’image d’ancêtres carnivores, même si la plupart des travaux portent sur les Néanderthaliens, branche cousine de nos Sapiens Sapiens. « Les Néanderthaliens ont un régime de type loup, dit-elle. Mais les Sapiens Sapiens sont aussi très carnivores. » La chasse, mais aussi le charognage des gros animaux fournissent des muscles et surtout des abats, très recherchés pour leur haute densité nutritionnelle. Au total, Boyd Eaton estime que les hommes du paléolithique se procuraient 30% de leurs calories sous la forme de protéines, soit deux fois les apports actuellement conseillés pour la population française.
Mais la viande du Paléolithique n’est pas celle de votre boucher. « Les animaux sauvages qui se nourrissent de plantes sauvages donnent une viande maigre, dont le contenu en graisses ne dépasse pas 4%, au lieu de 25% aujourd’hui» dit le Dr Artemis Simopoulos (Washington, DC). Boyd Eaton en déduit que l’alimentation paléolithique était relativement pauvre en matières grasses : 22% des calories, soit 8% de moins que les apports conseillés. Mais ce niveau a probablement fluctué selon les époques (froides ou chaudes) et les zones géographiques. La fracturation des os longs signe en effet la recherche de moëlle, source de graisse. Marylène Patou-Mathis relève que des femelles ont été chassées, vraisemblablement pour leur viande plus grasse. « A certaines périodes, les Préhistoriques consomment des femelles gravides, pour leur placenta et leur fœtus. De très jeunes animaux sont abattus, là encore pour la richesse en graisses. » Ces graisses réalisent un équilibre quasi-idéal entre les deux familles d’acides gras essentiels, Oméga 3 et Oméga 6. « L’homme préhistorique trouvait ces deux familles dans la proportion physiologique de 1 pour 1, alors que le ratio actuel est de 20 pour 1 en faveur des Oméga 6, » précise Artemis Simopoulos. Les Préhistoriques ne consommant aucun laitage, Simopoulos a calculé qu’ils reçoivent deux à trois fois moins de graisses saturées que l’homme moderne.
La révolution agricole
Changement de décor dès la fin du Paléolithique supérieur, avec la percée des céréales, négligées jusqu’alors. « Contrairement aux espèces domestiquées, les céréales et légumineuses sauvages libèrent spontanément leurs graines, qu’il suffit de ramasser. Cette cueillette apparaît vers – 19 000 ans, précise George Wilcox (CNRS, Berrias). Des grains de blé amidonnier, d’orge, de lentilles ont été retrouvés à Ohalo II, en Israël. La domestication de ces plantes s’établira progressivement jusqu’à – 9 000 ans. » C’est alors le début du Néolithique, qui préfigure l’alimentation moderne. « Bien avant que les céréales soient cultivées, il y a des meules dans chaque maison », témoigne Aimé Bocquet, qui préside le Centre de documentation de la préhistoire alpine (Grenoble). « On y prépare un pain bluté, proche de celui vendu dans nos boulangeries. » C’est certes à l’agriculture et à l’élevage que l’humanité doit sa formidable expansion. Mais avec la farine céréalière apparaissent les premières caries. Les dents et les os du Néolithique portent la trace de carences provoquées par le raffinage, mais surtout l’acide phytique des céréales, un composé anti-nutritionnel qui piège les minéraux. Comme l’alimentation carnée et la part des protéines reculent, cette époque est marquée par une nette diminution de la taille moyenne. De nouveaux aliments vont achever de balayer le régime préhistorique : sel, sucre, et surtout laitages. La plupart d’entre nous restent d’ailleurs incapables de digérer le lactose (sucre) du lait, parce que nous ne synthétisons presque plus de lactase, l’enzyme nécessaire à sa transformation, après l’enfance. D’où les manifestations digestives (ballonnements, diarrhées, flatulence) chez la majorité des adultes qui boivent du lait.
Dans une Histoire politique de l’alimentation. Du paléolithique à nos jours, Paul Ariès insiste sur l’évolution de l’alimentation en fonction des périodes et note ainsi que le paléolithique peut être divisé en quatre périodes : archaïque (avant 2 millions d’années et jusqu’à 600 000 ans BP), inférieur (de 600 000 ans BP à 300 000 ans BP), moyen (de 300 000 ans BP à 35 000 ans BP) et supérieur ( de 35 000 ans BP à 9000 ans BP)
(…)
L’expression « homme préhistorique » recouvre donc nécessairement des réalités alimentaires très différentes. Une vingtaine d’espèce d’hominidés se succèdent entre 2 et 2,8 millions d’années BP. Notre ancêtre le plus lointain est végétarien comme tous les grands anthropoïdes , mais, il, y a un peu moins de trois millions d’années, des primates bipèdes (australopithèques, Homo habilis) apparaissent avec une dentition d’omnivore, ce qui indique une consommation accrue de viande . (…) [selon Juan Luis Arsuaga] Les produits de la cueillette ne sont abondants, en effet que l’automne. Marc Groenen nuance cette thèse car si Homo Ergaster (il y a environ deux millions d’années) est un grand consommateur de gibiers, il se nourrit également de fruits, de baies, de racines ou de tubercules. Ses comportements alimentaires comportent déjà des préférences, certains animaux sont principalement exploités pour leur viande (cervidés), d’autres pour leur fourrure (ours). S. Boyd Eaton rappelle que vers 40 000 BP trois espèces coexistent : Neandertal en train de s’éteindre, l’homme de Florès déjà condamné et homo Sapiens, notre lointain ancêtre, le dernier venu. Ces hominidés partagent beaucoup de choses mais mangent différemment. Les Néandertaliens ont ainsi un régime principalement carné (…) homo sapiens qui arrive en Europe vers 30 000 ans BP, a tout de suite un régime alimentaire diversifié principalement carné mais avec beaucoup de poissons (…) Homo sapiens (…) est d’abord carnivore puisque le climat est trop froid pour lui permettre une alimentation végétale. Cette longue période est celle du développement de la chasse (…) cette période est aussi celle d’une grande activité de pêche en mer et en eau douce, de récolte de coquillages, de consommation d’oiseaux et d’œufs. Le climat permet aussi de cueillir des plantes sauvages, comme des mousses, des lichens, des fruits, mais aussi quelques céréales sauvages…. »
Dans Histoire naturelle et morale de la nourriture, Maguelonne Toussaint-Samat consacre tout un chapitre à la collecte, au ramassage et à la chasse, incluant des parties sur la collecte du miel ou le ramassage des légumes secs.
Par ailleurs, Marylène Patou-Mathis dans Mangeurs de viande : de la préhistoire à nos jours, s’intéresse également à‘l’alimentation et répond à votre dernière question à savoir la part de glucides.
Pour ne citer que quelques passages l’auteure explique qu’en «Europe, les chasseurs-cueilleurs préhistoriques pouvaient trouver les glucides dans les baies, les fruits des noisetiers, des chênes ou des châtaigniers, les tubercules, la graisse (la graisse peut-être par néoglucogenèse) et probablement durant les périodes tempérées dans les miel (les abeilles semblent déserter l’Europe lors des phases glaciaires) .
Nous vous laissons poursuivre ces lectures et vous invitons aussi à consulter l’une de nos réponses portant sur la viande à la préhistoire.
Enfin, nous vous renvoyons vers ces articles récemment publiés :
• « Le régime paléolithique de Neandertal confirmé : de la viande de mammouth fraîche, sur futura-sciences.com
• « Nos ancêtres étaient-ils cannibales ou végétariens? » sur sciencesetavenir.fr
• « préhistoire : l’alimentation de l’homme de Cro-Magnon publié sur education.francetv .fr
Bien qu’un peu ancien, puisque datant de 2006, l’article « ce que mangeaient nos ancêtres..., publié sur lanutrition.fr répond à votre question :
Selon Boyd Eaton, en effet, si les gènes ont peu changé depuis le paléolithique, il y a 40 000 ans, notre alimentation a été bouleversée par l’avènement de l’agriculture il y a dix mille ans, et surtout par la révolution industrielle. « Nous ne sommes plus, dit-il, adaptés génétiquement au mode alimentaire actuel. L’alimentation paléolithique ou pré-agricole peut donc être considérée comme un modèle pour la nutrition moderne.»
Que mangeaient nos ancêtres ?
Premier constat :
A côté des produits de la cueillette, la viande occupe une place importante, indique Marylène Patou-Mathis, chargée de recherche à l’Institut de Paléontologie Humaine (Paris). A partir du dosage des isotopes du carbone et de l’azote dans les ossements retrouvés, mais aussi de l’analyse des stries dentaires par microscope à balayage électronique, se dégage l’image d’ancêtres carnivores, même si la plupart des travaux portent sur les Néanderthaliens, branche cousine de nos Sapiens Sapiens. « Les Néanderthaliens ont un régime de type loup, dit-elle. Mais les Sapiens Sapiens sont aussi très carnivores. » La chasse, mais aussi le charognage des gros animaux fournissent des muscles et surtout des abats, très recherchés pour leur haute densité nutritionnelle. Au total, Boyd Eaton estime que les hommes du paléolithique se procuraient 30% de leurs calories sous la forme de protéines, soit deux fois les apports actuellement conseillés pour la population française.
Mais la viande du Paléolithique n’est pas celle de votre boucher. « Les animaux sauvages qui se nourrissent de plantes sauvages donnent une viande maigre, dont le contenu en graisses ne dépasse pas 4%, au lieu de 25% aujourd’hui» dit le Dr Artemis Simopoulos (Washington, DC). Boyd Eaton en déduit que l’alimentation paléolithique était relativement pauvre en matières grasses : 22% des calories, soit 8% de moins que les apports conseillés. Mais ce niveau a probablement fluctué selon les époques (froides ou chaudes) et les zones géographiques. La fracturation des os longs signe en effet la recherche de moëlle, source de graisse. Marylène Patou-Mathis relève que des femelles ont été chassées, vraisemblablement pour leur viande plus grasse. « A certaines périodes, les Préhistoriques consomment des femelles gravides, pour leur placenta et leur fœtus. De très jeunes animaux sont abattus, là encore pour la richesse en graisses. » Ces graisses réalisent un équilibre quasi-idéal entre les deux familles d’acides gras essentiels, Oméga 3 et Oméga 6. « L’homme préhistorique trouvait ces deux familles dans la proportion physiologique de 1 pour 1, alors que le ratio actuel est de 20 pour 1 en faveur des Oméga 6, » précise Artemis Simopoulos. Les Préhistoriques ne consommant aucun laitage, Simopoulos a calculé qu’ils reçoivent deux à trois fois moins de graisses saturées que l’homme moderne.
La révolution agricole
Changement de décor dès la fin du Paléolithique supérieur, avec la percée des céréales, négligées jusqu’alors. « Contrairement aux espèces domestiquées, les céréales et légumineuses sauvages libèrent spontanément leurs graines, qu’il suffit de ramasser. Cette cueillette apparaît vers – 19 000 ans, précise George Wilcox (CNRS, Berrias). Des grains de blé amidonnier, d’orge, de lentilles ont été retrouvés à Ohalo II, en Israël. La domestication de ces plantes s’établira progressivement jusqu’à – 9 000 ans. » C’est alors le début du Néolithique, qui préfigure l’alimentation moderne. « Bien avant que les céréales soient cultivées, il y a des meules dans chaque maison », témoigne Aimé Bocquet, qui préside le Centre de documentation de la préhistoire alpine (Grenoble). « On y prépare un pain bluté, proche de celui vendu dans nos boulangeries. » C’est certes à l’agriculture et à l’élevage que l’humanité doit sa formidable expansion. Mais avec la farine céréalière apparaissent les premières caries. Les dents et les os du Néolithique portent la trace de carences provoquées par le raffinage, mais surtout l’acide phytique des céréales, un composé anti-nutritionnel qui piège les minéraux. Comme l’alimentation carnée et la part des protéines reculent, cette époque est marquée par une nette diminution de la taille moyenne. De nouveaux aliments vont achever de balayer le régime préhistorique : sel, sucre, et surtout laitages. La plupart d’entre nous restent d’ailleurs incapables de digérer le lactose (sucre) du lait, parce que nous ne synthétisons presque plus de lactase, l’enzyme nécessaire à sa transformation, après l’enfance. D’où les manifestations digestives (ballonnements, diarrhées, flatulence) chez la majorité des adultes qui boivent du lait.
Dans une Histoire politique de l’alimentation. Du paléolithique à nos jours, Paul Ariès insiste sur l’évolution de l’alimentation en fonction des périodes et note ainsi que le paléolithique peut être divisé en quatre périodes : archaïque (avant 2 millions d’années et jusqu’à 600 000 ans BP), inférieur (de 600 000 ans BP à 300 000 ans BP), moyen (de 300 000 ans BP à 35 000 ans BP) et supérieur ( de 35 000 ans BP à 9000 ans BP)
(…)
Dans Histoire naturelle et morale de la nourriture, Maguelonne Toussaint-Samat consacre tout un chapitre à la collecte, au ramassage et à la chasse, incluant des parties sur la collecte du miel ou le ramassage des légumes secs.
Par ailleurs, Marylène Patou-Mathis dans Mangeurs de viande : de la préhistoire à nos jours, s’intéresse également à‘l’alimentation et répond à votre dernière question à savoir la part de glucides.
Pour ne citer que quelques passages l’auteure explique qu’en «
Nous vous laissons poursuivre ces lectures et vous invitons aussi à consulter l’une de nos réponses portant sur la viande à la préhistoire.
Enfin, nous vous renvoyons vers ces articles récemment publiés :
• « Le régime paléolithique de Neandertal confirmé : de la viande de mammouth fraîche, sur futura-sciences.com
• « Nos ancêtres étaient-ils cannibales ou végétariens? » sur sciencesetavenir.fr
• « préhistoire : l’alimentation de l’homme de Cro-Magnon publié sur education.francetv .fr
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter