Question d'origine :
Bonjour,
Je n'arrive pas à savoir comment le mot "éléphant" est arrivé jusqu'à nous... un mot quasiment identique existe en latin mais, même question, d'où est-il venu et pourquoi sous cette forme ?
Merci d'avance pour votre réponse !!
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 20/03/2019 à 08h54
Bonjour,
Le Dictionnaire historique de la langue française Robert retrace l’histoire du mot « éléphant » :
« ELEPHANT : n.m. apparaît sous la forme elefant au début du XIIè s. (1121) mais la variante olifant domine en ancien français, jusqu’au XVè siècle. C’est un emprunt au latin elaphantus « éléphant », puis « ivoire » et aussi « éléphantiasis ». Le mot latin vient du grec elephas, elephantos, dont il a repris les différents sens ; on a longtemps pensé que le mot grec était emprunté à l’égyptien, comme le latin ebur, eboris « ivoire », qui fut employé concurremment avec elephantus, l’ivoire ayant été connu à Rome avant l’éléphant ; mais l’origine du mot, qui remonte au IIè millénaire avant J.-C., est plutôt à rechercher en Asie mineure, alors centre florissant de l’ivoirerie. »
D’après la suite de l’entrée, le mot et sa variante médiévale ont continué à désigner à la fois l’animal et l’ivoire, puis, par métonymie, le « cor d’ivoire », instrument à vent utilisé à la guerre (on « sonne l’olifant »dans la littérature médiévale, notamment dans La Chanson de Roland[/]).
Le fait que le très étymologique « éléphant » s’impose au détriment du plus phonologique « olifant » (« la forme latine l’expulse » au XVIè siècle, dit même le Littré), si tel est le sens de votre question, est à replacer dans le contexte d’une querelle sur la fixation de la graphie française qui occupera beaucoup la Renaissance française, le développement de l’imprimerie ayant donné une importance nouvelle à l’écrit dans la société. L’académicienne Danièle Sallenave y consacre un article de son « bloc-notes » sur academie-francaise.fr :
« Les membres de la Pléiade vont s’affronter vivement sur ce sujet. Guillaume Des Autels qui fait partie de la première Brigade, mouvement dont la Pléiade tire ses origines, s’oppose vigoureusement aux propositions de Louis Meigret qui, dans [i]Traite touchant le commun usage de l’escriture françoise (1542), s’inscrivait dans le courant de fidélité à la prononciation. En fait, le premier à avoir soutenu qu’on devait « écrire comme on parle » fut Jacques Peletier du Mans, suivi donc par Louis Meigret, qui attaque vivement les partisans d’une orthographe étymologique : il les nomme les « Latins » et leur oppose ceux dont il fait partie, qu’il nomme les « Modernes » et qui défendent une orthographe phonologique. Cette querelle révèle des arrière-plans politiques et sociaux : Marot, Meigret et les réformés se préoccupent des difficultés que peut rencontrer un peuple qui n’a pas accès au latin ni au grec, et sont donc favorables à une modernisation de l’orthographe. Quant à Rabelais, il crée son propre système graphique, intitulé, en 1552, censure antique. « La graphie doit rendre compte de l’origine du mot (ecclise, medicin, dipner) et être à même de noter les corruptions phonétiques qu’il a subies », souligne Mireille Huchon.
Au fond, le tableau est déjà posé et il ne variera guère : la manière d’écrire les mots doit ou bien tenir compte de leur origine ou bien tenter de les transcrire phonétiquement.
D’où, aux extrêmes, d’un côté le phonétisme absolu (chez Louis Meigret), de l’autre, la latinisation et parfois même l’hellénisation chez Robert Estienne. C’est à cette deuxième tendance qu’on doit d’avoir écrit « sçavoir » avec un ç, parce qu’on rattachait le verbe au latin scire et non à sapere. »
Lorsque l’académie française est chargée de trancher, au siècle suivant, « Les choix des Académiciens sont clairs,leur souci est de préserver l’information étymologique dans leur Dictionnaire. Préface : « L’Académie s’est attachée à l’ancienne Orthographe receuë parmi tous les gens de lettres, parce qu’elle ayde à faire connoistre l’Origine des mots. C’est pourquoy elle a creu ne devoir pas authoriser le retranchement que des Particuliers, & principalement les Imprimeurs ont fait de quelques lettres, à la place desquelles ils ont introduit certaines figures qu’ils ont inventées, parce que ce retranchement oste tous les vestiges de l’Analogie & des rapports qui sont entre les mots qui viennent du Latin ou de quelque autre Langue. Ainsi elle a écrit les mots Corps, Temps, avec un P, & les mots Teste, Honneste avec une S, pour faire voir qu’ils viennent du Latin Tempus, Corpus, Testa, Honestus. » ».
Avant de vous quitter, nous tenons à vous informer que le délai de réponse dépassé pour votre question est imputable au mouvement social du 19/03, nous vous remercions de votre compréhension.
Bonne journée.
Le Dictionnaire historique de la langue française Robert retrace l’histoire du mot « éléphant » :
« ELEPHANT : n.m. apparaît sous la forme elefant au début du XIIè s. (1121) mais la variante olifant domine en ancien français, jusqu’au XVè siècle. C’est un emprunt au latin elaphantus « éléphant », puis « ivoire » et aussi « éléphantiasis ». Le mot latin vient du grec elephas, elephantos, dont il a repris les différents sens ; on a longtemps pensé que le mot grec était emprunté à l’égyptien, comme le latin ebur, eboris « ivoire », qui fut employé concurremment avec elephantus, l’ivoire ayant été connu à Rome avant l’éléphant ; mais l’origine du mot, qui remonte au IIè millénaire avant J.-C., est plutôt à rechercher en Asie mineure, alors centre florissant de l’ivoirerie. »
D’après la suite de l’entrée, le mot et sa variante médiévale ont continué à désigner à la fois l’animal et l’ivoire, puis, par métonymie, le « cor d’ivoire », instrument à vent utilisé à la guerre (on « sonne l’olifant »dans la littérature médiévale, notamment dans La Chanson de Roland[/]).
Le fait que le très étymologique « éléphant » s’impose au détriment du plus phonologique « olifant » (« la forme latine l’expulse » au XVIè siècle, dit même le Littré), si tel est le sens de votre question, est à replacer dans le contexte d’une
« Les membres de la Pléiade vont s’affronter vivement sur ce sujet. Guillaume Des Autels qui fait partie de la première Brigade, mouvement dont la Pléiade tire ses origines, s’oppose vigoureusement aux propositions de Louis Meigret qui, dans [i]Traite touchant le commun usage de l’escriture françoise (1542), s’inscrivait dans le courant de fidélité à la prononciation. En fait, le premier à avoir soutenu qu’on devait « écrire comme on parle » fut Jacques Peletier du Mans, suivi donc par Louis Meigret, qui attaque vivement les partisans d’une orthographe étymologique : il les nomme
Au fond, le tableau est déjà posé et il ne variera guère : la manière d’écrire les mots doit ou bien tenir compte de leur origine ou bien tenter de les transcrire phonétiquement.
D’où, aux extrêmes, d’un côté le phonétisme absolu (chez Louis Meigret), de l’autre, la latinisation et parfois même l’hellénisation chez Robert Estienne. C’est à cette deuxième tendance qu’on doit d’avoir écrit « sçavoir » avec un ç, parce qu’on rattachait le verbe au latin scire et non à sapere. »
Lorsque l’académie française est chargée de trancher, au siècle suivant, « Les choix des Académiciens sont clairs,
Avant de vous quitter, nous tenons à vous informer que le délai de réponse dépassé pour votre question est imputable au mouvement social du 19/03, nous vous remercions de votre compréhension.
Bonne journée.
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