Question d'origine :
Bonjour,
Y-a-t-il des mythes qui relatent la découverte de l'écriture par les Hommes ?
En tapant ma recherche sur internet, il est fait mention d'Hermès qui l'aurait donné aux Hommes, mais je ne trouve pas de détails à ce propos ; j'ai vu que Platon en parlerait dans Phèdre, concernant Thot - et c'est tout.
Auriez-vous quelques informations supplémentaires et plus substantielles ?
Merci, chers Guichetiers.
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 18/03/2019 à 08h59
Bonjour,
Il existe plusieurs mythes relatant la découverte de l'écriture par les Hommes.
Peut-être avez-vous déjà consulté le site de l'exposition de la BNF (Bibliothèque nationale de France) consacré à l'Aventure des écritures ? Il retrace bien l'histoire des mythes sur l'origine de l'écriture de plusieurs civilisations : Mythe aztèque, Mythe chinois, Mythe égyptien, Mythe grec, Mythe hébraïque, Mythe maya, Mythe mésopotamien, Mythe runique, Mythe touareg.
" Si la reconstitution historique échoue à produire une vision assurée de l'origine des écritures, les récits mythiques en revanche en proposent une version idéalisée, attribuant l'invention instantanée de l'écriture à un personnage extraordinaire, héros civilisateur, dieu ou empereur mû par une inspiration divine, un songe ou une intelligence hors du commun. "
Vous pouvez aussi consulter cette thèse écrite par Elena Guritanu : Types d’écriture et apprentissage.
En voici un extrait :
Nul ne doute que ces techniques d’écriture soient de facture humaine.
Contrairement au récit biblique, Moïse ne descendit pas du mont Sinaï muni des deux Tables du Témoignage gravées de lettres divines ; et, à l’opposé des versets coraniques, la parole d’Allah, magiquement révélée au prophète dans la nuit du vingt-sixième jour du mois de Ramadan, ne s’incarna pas en écriture. Nulle divinité ne fit tomber du ciel des signes graphiques sur des humains ébahis. Pourtant, à chaque occurrence de son apparition, l’écriture fait figure d’entreprise démiurgique et de nombreuses civilisations prétendirent ou prétendent encore l’avoir reçue de leurs dieux.
Aussi, à quelques rares exceptions près, tout système d’écriture donne lieu à un mythe de naissance où celle-ci est un don céleste.
Deux récits légendaires traitent de la naissance de l’écriture àSumer.
Dans le premier, l’écriture apparaît comme étant de conception divine. Elle est offerte à l’humanité par Oannès, être hybride à tête humaine et au corps de poisson. Au début du règne d’Alorus, le premier roi des Mésopotamiens selon la légende, Oannès émergea du golfe Persique afin d’apporter aux hommes l’écriture, le calcul et les connaissances dont ces derniers, qui vivaient comme des bêtes, sans ordre ni discipline, avaient besoin pour bâtir des temples, construire des villes et fonder des lois.
Dans le second, l’écriture semble être le fait d’un homme : Enmerkar. Ce souverain d’Uruk envoya un messager dans la riche cité d’Aratta, afin de demander à son seigneur des matériaux pour reconstruire le temple de la déesse Inanna. Le seigneur d’Aratta y consentit, mais défia Enmerkar avec des énigmes. Celui-ci les résolut toutes, jusqu’au moment où son envoyé, épuisé de traverser les sept chaînes de montagnes séparant les deux cités, fut incapable de répéter le nouveau message, trop long. Enmerkar modela alors de l’argile en forme de tablette et y déposa des paroles. Le seigneur d’Aratta, quoique dérouté par la forme du message que lui remis l’envoyé – les mots étaient de
simples clous – , en comprit le sens et accéda à la requête du souverain. La même épopée nous apprend, cependant, qu’Enmerkar parvint à résoudre les énigmes du seigneur d’Aratta grâce à la sagesse de Nisaba, qui, dans la mythologie mésopotamienne, est la déesse de l’écriture.
EnÉgypte , les récits mythologiques attribuent l’invention de l’écriture au dieu Thot. Maître des paroles divines et scribe des dieux, Thot fut le substitut de Rê, qui,
lassé de la compagnie humaine, quitta l’Égypte en le nommant administrateur à sa place, afin qu’il rétablît l’ordre parmi les hommes. Représenté sous tantôt sous la forme d’un ibis, tantôt sous celle d’un babouin, Thot, le dieu de l’écriture, devint également dieu des magiciens, celui qui détenait les formules de guérison, et dieu du temps, responsable du calendrier et de l’astronomie. Selon Platon, il est aussi l’inventeur des dés. Évoqué par le «Livre des morts» égyptien comme étant le «scribe parfait aux mains pures», Thot est le savant absolu, celui qui préside à toute activité intellectuelle.
EnChine , l’écriture aurait été inventée, selon la légende, par l’empereur Fuxi, divinité à tête d’homme et au corps de serpent. Premier des trois «grand ancêtres» mythiques chinois, Fuxi s’inspira des figurations observées dans le ciel et sur la terre pour créer les signes fondamentaux de l’écriture. Il conçut ainsi huit trigrammes lui permettant de communiquer avec les forces infinies de l’univers et les enseigna aux hommes. Disposés en octogone, les trigrammes sont composés chacun de trois traits superposés, pleins ou brisés en leur milieu, symbolisant respectivement le yang, le masculin, et le yin, le féminin. L’alternance de ces deux symboles régit l’écriture tout comme l’alternance des principes du yin et du yang régit l’univers.
L’invention des idéogrammes proprement dits est attribuée à Cang Jie, scribe et devin sous le règne du troisième «grand ancêtre» et successeur de Fuxi, Qin Shi Huángdì, dit l’Empereur Jaune et considéré comme le fondateur de la Chine. Doté de deux paires d’yeux qui lui permettaient de voir au-delà des apparences, Cang Jie aurait imaginé les caractères chinois en observant les figures géométriques dessinées par le vol des oiseaux ou par les traces de leurs pattes sur le sol. En associant les signes d’un haut et ceux d’en bas, il traça les premiers idéogrammes. Son acte provoqua la colère des dieux car le secret de l’écriture était réservé aux immortels. Pour réparer cet outrage, ils firent de Cang Jie un demi-dieu.
La mythologiemaya évoque toute une hiérarchie de divinités de l’écriture. Selon ses récits, le créateur de l’écriture serait Itsamna, le dieu protecteur des prêtres. Premier prêtre et premier scribe, Itsamna est, avec Pawahtun, une des deux divinités supérieures auxquelles sont subordonnés plusieurs dieux inférieurs, scribes ou lettrés. L’un des plus significatifs de ces dieux-scribes est le jeune dieu du maïs, qui porte sur le devant de sa coiffure un dieu farceur et dont la forme du crâne, allongée et tordue, rappelle celle d’un épi.
Selon la mythologieaztèque , l’inventeur de l’écriture serait Quetzalcoatl.
L’iconographie classique le représente en barbu portant des boucles d’oreille à pendentifs, un pectoral appelé joyau du vent, un masque et un chapeau en forme de
cône. Fils du dieu du soleil et l’une des déesses de la lune, Quetzalcoatl est un dieu civilisateur et bienfaisant. Outre l’écriture, il apporta à ses fidèles la culture du maïs, leur enseigna les techniques, les arts et la mesure du temps par le calendrier et le mouvement des astres.
Une légende raconte que les Aztèques furent guidés jusqu’à la vallée de Mexico par des amoxoaques, des «possesseurs de livres» qui transportaient également de l’encre
noire et des couleurs et portaient le dieu Quetzalcoatl sur leur dos.
La mythologiegrecque est une des rares à attribuer l’invention de l’écriture à un être humain. Cadmos, fils d’Agénor, roi de Tyr, fut envoyé par son père à la recherche de sa sœur, la belle Europe, enlevée par Zeus. Lorsque, après une longue errance sur la Méditerranée, Cadmos arriva à Delphes, l’oracle lui apprit qu’il ne retrouverait jamais sa sœur, mais qu’à l’endroit où le mènerait une génisse blanche, il fonderait une ville. Cadmos y fonda la cité de Thèbes, mais dut, pour remercier les dieux, sacrifier sa génisse. Aussi, envoya-t-il ses compagnons puiser de l’eau dans un bois. Or, le bois appartenait à Arès, le dieu de la guerre, et la source était gardée par un dragon. Avant que Cadmos ne parvienne à le tuer, le dragon dévora ces compagnons. Suivant l’ordre d’Athéna, Cadmos sema les dents du dragon atour de Thèbes, délimitant ainsi les frontières de la nouvelle cité. Des guerriers surgirent alors de la terre, dont tous s’entretuèrent sauf cinq, qui devinrent les nouveaux compagnons de Cadmos.
Attristé par la perte de ses compagnons, Cadmos dessina pour chacun d’eux un emblème sur le sable. Il attribua également à chacun de ses cinq nouveaux compagnons un signe. Ces signes, réunis, racontaient son histoire. Cadmos venait d’inventer l’écriture.
Dans tous les récits mythologiques évoquant sa naissance, l’écriture revêt un caractère prodigieux. Elle y apparaît, la plupart du temps, comme étant de conception
divine, et lorsqu’elle semble être de facture humaine, il s’en faut toujours de peu pour que des dieux s’en mêlent. Or, le propre du mythe est non seulement de réconcilier ces deux origines en apparence contradictoires, mais également de rentre compte de l’extraordinaire énergie qui est à l’œuvre dans l’écriture. Elle garantit le savoir, fonde les cités, apporte les techniques, les arts et la mesure du temps, préside à l’ordre du monde et guide les hommes vers leur destinée. Sa représentation dans le mythe est toujours positive et les dieux qui créent ou apportent l’écriture aux hommes sont (exception faite de l’inquiétant et mystérieux Odin, mythique inventeur des runes, qui, dans les civilisations scandinaves, est la divinité du combat et celle des morts) bienfaisants, généreux et civilisateurs. "
Pour aller plus loin, nous vous renvoyons à cette Bibliographie de la BNF.
Bonne journée.
Il existe plusieurs mythes relatant la découverte de l'écriture par les Hommes.
Peut-être avez-vous déjà consulté le site de l'exposition de la BNF (Bibliothèque nationale de France) consacré à l'Aventure des écritures ? Il retrace bien l'histoire des mythes sur l'origine de l'écriture de plusieurs civilisations : Mythe aztèque, Mythe chinois, Mythe égyptien, Mythe grec, Mythe hébraïque, Mythe maya, Mythe mésopotamien, Mythe runique, Mythe touareg.
" Si la reconstitution historique échoue à produire une vision assurée de l'origine des écritures, les récits mythiques en revanche en proposent une version idéalisée, attribuant l'invention instantanée de l'écriture à un personnage extraordinaire, héros civilisateur, dieu ou empereur mû par une inspiration divine, un songe ou une intelligence hors du commun. "
Vous pouvez aussi consulter cette thèse écrite par Elena Guritanu : Types d’écriture et apprentissage.
En voici un extrait :
Nul ne doute que ces techniques d’écriture soient de facture humaine.
Contrairement au récit biblique, Moïse ne descendit pas du mont Sinaï muni des deux Tables du Témoignage gravées de lettres divines ; et, à l’opposé des versets coraniques, la parole d’Allah, magiquement révélée au prophète dans la nuit du vingt-sixième jour du mois de Ramadan, ne s’incarna pas en écriture. Nulle divinité ne fit tomber du ciel des signes graphiques sur des humains ébahis. Pourtant, à chaque occurrence de son apparition, l’écriture fait figure d’entreprise démiurgique et de nombreuses civilisations prétendirent ou prétendent encore l’avoir reçue de leurs dieux.
Aussi, à quelques rares exceptions près, tout système d’écriture donne lieu à un mythe de naissance où celle-ci est un don céleste.
Deux récits légendaires traitent de la naissance de l’écriture à
Dans le premier, l’écriture apparaît comme étant de conception divine. Elle est offerte à l’humanité par Oannès, être hybride à tête humaine et au corps de poisson. Au début du règne d’Alorus, le premier roi des Mésopotamiens selon la légende, Oannès émergea du golfe Persique afin d’apporter aux hommes l’écriture, le calcul et les connaissances dont ces derniers, qui vivaient comme des bêtes, sans ordre ni discipline, avaient besoin pour bâtir des temples, construire des villes et fonder des lois.
Dans le second, l’écriture semble être le fait d’un homme : Enmerkar. Ce souverain d’Uruk envoya un messager dans la riche cité d’Aratta, afin de demander à son seigneur des matériaux pour reconstruire le temple de la déesse Inanna. Le seigneur d’Aratta y consentit, mais défia Enmerkar avec des énigmes. Celui-ci les résolut toutes, jusqu’au moment où son envoyé, épuisé de traverser les sept chaînes de montagnes séparant les deux cités, fut incapable de répéter le nouveau message, trop long. Enmerkar modela alors de l’argile en forme de tablette et y déposa des paroles. Le seigneur d’Aratta, quoique dérouté par la forme du message que lui remis l’envoyé – les mots étaient de
simples clous – , en comprit le sens et accéda à la requête du souverain. La même épopée nous apprend, cependant, qu’Enmerkar parvint à résoudre les énigmes du seigneur d’Aratta grâce à la sagesse de Nisaba, qui, dans la mythologie mésopotamienne, est la déesse de l’écriture.
En
lassé de la compagnie humaine, quitta l’Égypte en le nommant administrateur à sa place, afin qu’il rétablît l’ordre parmi les hommes. Représenté sous tantôt sous la forme d’un ibis, tantôt sous celle d’un babouin, Thot, le dieu de l’écriture, devint également dieu des magiciens, celui qui détenait les formules de guérison, et dieu du temps, responsable du calendrier et de l’astronomie. Selon Platon, il est aussi l’inventeur des dés. Évoqué par le «Livre des morts» égyptien comme étant le «scribe parfait aux mains pures», Thot est le savant absolu, celui qui préside à toute activité intellectuelle.
En
L’invention des idéogrammes proprement dits est attribuée à Cang Jie, scribe et devin sous le règne du troisième «grand ancêtre» et successeur de Fuxi, Qin Shi Huángdì, dit l’Empereur Jaune et considéré comme le fondateur de la Chine. Doté de deux paires d’yeux qui lui permettaient de voir au-delà des apparences, Cang Jie aurait imaginé les caractères chinois en observant les figures géométriques dessinées par le vol des oiseaux ou par les traces de leurs pattes sur le sol. En associant les signes d’un haut et ceux d’en bas, il traça les premiers idéogrammes. Son acte provoqua la colère des dieux car le secret de l’écriture était réservé aux immortels. Pour réparer cet outrage, ils firent de Cang Jie un demi-dieu.
La mythologie
Selon la mythologie
L’iconographie classique le représente en barbu portant des boucles d’oreille à pendentifs, un pectoral appelé joyau du vent, un masque et un chapeau en forme de
cône. Fils du dieu du soleil et l’une des déesses de la lune, Quetzalcoatl est un dieu civilisateur et bienfaisant. Outre l’écriture, il apporta à ses fidèles la culture du maïs, leur enseigna les techniques, les arts et la mesure du temps par le calendrier et le mouvement des astres.
Une légende raconte que les Aztèques furent guidés jusqu’à la vallée de Mexico par des amoxoaques, des «possesseurs de livres» qui transportaient également de l’encre
noire et des couleurs et portaient le dieu Quetzalcoatl sur leur dos.
La mythologie
Attristé par la perte de ses compagnons, Cadmos dessina pour chacun d’eux un emblème sur le sable. Il attribua également à chacun de ses cinq nouveaux compagnons un signe. Ces signes, réunis, racontaient son histoire. Cadmos venait d’inventer l’écriture.
Dans tous les récits mythologiques évoquant sa naissance, l’écriture revêt un caractère prodigieux. Elle y apparaît, la plupart du temps, comme étant de conception
divine, et lorsqu’elle semble être de facture humaine, il s’en faut toujours de peu pour que des dieux s’en mêlent. Or, le propre du mythe est non seulement de réconcilier ces deux origines en apparence contradictoires, mais également de rentre compte de l’extraordinaire énergie qui est à l’œuvre dans l’écriture. Elle garantit le savoir, fonde les cités, apporte les techniques, les arts et la mesure du temps, préside à l’ordre du monde et guide les hommes vers leur destinée. Sa représentation dans le mythe est toujours positive et les dieux qui créent ou apportent l’écriture aux hommes sont (exception faite de l’inquiétant et mystérieux Odin, mythique inventeur des runes, qui, dans les civilisations scandinaves, est la divinité du combat et celle des morts) bienfaisants, généreux et civilisateurs. "
Pour aller plus loin, nous vous renvoyons à cette Bibliographie de la BNF.
Bonne journée.
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