Question d'origine :
Bonjour
je voudrais savoir quand les bibliothèques ont été ouvertes aux femmes? Qui a été la 1ère femme a pouvoir rentrer dans une bibliothèque?
merci
Sara Ricci
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 14/03/2019 à 14h59
Bonjour,
Nous sommes partis du présupposé que votre message concerne la France et les bibliothèques publiques. Si ce n’est pas le cas, merci de nous envoyer un autre message pour préciser votre question.
La plus ancienne bibliothèque publique française,la bibliothèque Mazarine , n’interdisait pas l’accès aux femmes, puisque Naudé souhaitait qu’elle soit « ouverte pour tout le monde sans excepter âme vivante » (cf. Histoire des bibliothèques Françaises vol 2, p180). Malgré nos recherches, nous n’avons pas trouvé trace du nom de la 1ère femme qui a franchi les portes de cette bibliothèque !
Notons qu'en revanche,la bibliothèque Sainte Geneviève , ouverte tous les jours, en deux séances, interdisait l’accès des femmes aux séances du soir jusqu’en 1898 , par crainte qu'elle ne devienne un lieu de rendez-vous, comme cela est indiqué dans l’Histoire des bibliothèques françaises vol.3:
« Les jeunes gens de moins de seize ans ne sont pas admis sans autorisation spéciale et les femmes sont exclues des séances du soir. (arrêté du 15 octobre 1856, article 15) » (p.484)
« L’administrateur Lavoix justifiait son refus en 1894 en indiquant : « si cette interdiction était levée, on pourrait craindre qu’au bout de peu de mois la salle de bibliothèque (…) ne devînt un lieu de rendez-vous plus commode que les cafés du quartier ou même que le trottoir du boulevard Saint-Michel ». (p.495)
Par ailleurs, la fréquentation des femmes des bibliothèques publiques est étroitementliée à leur accès à l’instruction et à la lecture . Si les bibliothèques Mazarine, et de l’Arsenal n’interdisent pas l’accès aux femmes, leurs usagers sont pour la plupart des « des hommes instruits qui y viennent faire des recherches plutôt que des lectures suivies » (ibid, p.479).
En effet, comme l’explique Anne-Maya Guérin, dans l’article Une petite histoire de la lecture au féminin illustrée dans la peinture,la lecture féminine était considérée dangereuse au XIXe siècle :
« La grande révolution de la lecture se fait au XIXème avec une alphabétisation qui touche toutes les couches de la population, engendre une véritable « fureur de lire », et lorsque l’on voit des femmes se promener un livre dans la poche, les moralistes s’inquiètent, et tentent de canaliser cette passion vers la vertu et l’éducation, déplorant la manie de lire des romans, « lectures nuisibles à la société », symptôme du déclin des mœurs, et de l’ordre social. Ce vice aristocratique étant opposé aux vertus bourgeoises.La lecture féminine est condamnée comme excitant l’imagination , ce qui conduira les hommes, alors chefs de famille à vouloir réglementer ces lectures. Souvenons-nous du procès fait à Flaubert pour son Roman, Madame Bovary, où l’héroïne est entraînée par ses lectures romanesque sur la voie de l’adultère. »
En 1801, Sylvain Marechal avait même rédigé un Projet de loi portant défense d’apprendre à lire aux femmes, considérant notamment :
« Les inconvéniens graves qui résultent pour les deux sexes, de ce que les femmes sachent lire. »;
« Qu’apprendre à lire aux femmes est un hors-d’œuvre, nuisible à leur éducation naturelle : c’est un luxe dont l’effet fut presque toujours l’altération et la ruine des mœurs »;
« Combien il est dangereux de cultiver l’esprit des femmes, d’après la Réflexion morale de la Rochefoucault qui les connaissait si bien : "L’esprit de la plupart des femmes sert plus à fortifier leur folie que leur raison." »
Daniel Fabre indique, dans l’article Lire au féminin , que c'est «à la fin du XIXème siècle, puis au XXème siècle , [que] les jeunes filles, et les femmes vont pouvoir petit à petit s’affranchir des dictats sociaux qui régissaient leurs lectures, pour pouvoir faire de réels choix littéraires. »
L’administrateur Lavoix reconnaît ainsi en 1898 que « depuis que l'interdiction [à l'accès des femmes aux séances du soir de la bibliothèque Sainte Geneviève] existe, les choses se sont modifiées : l’enseignement des femmes s’est étendu et répandu, les écoles, les cours, comptent de nombreux élèves féminins » (…) Il propose d’assimiler les lectrices du soir « aux jeunes gens de moins de 18 ans » qui ne sont admis aux séances [du soir] que « sur la demande de leurs parents ou la recommandation de leurs professeurs » Le ministre accorde le 24 novembre 1898, à titre d’expérience, l’admission des lectrices aux séances du soir [de la bibliothèque Sainte Geneviève] (p.495)»
Pour aller plus loin dans cette réflexion sur l’histoire de l’accès des femmes à la lecture, nous vous conseillons le livre de Laure Adler et Stefan Bollmann Les femmes qui lisent sont dangereuses, où Laure Adler écrit que:
" Les livres ne sont pas des objets comme les autres pour les femmes ; depuis l'aube du christianisme jusqu'à aujourd'hui, entre nous et eux, circule un courant chaud, une affinité secrète, une relation étrange et singulière tissée d'interdits, d'appropriations, de réincorporations. "
Nous sommes partis du présupposé que votre message concerne la France et les bibliothèques publiques. Si ce n’est pas le cas, merci de nous envoyer un autre message pour préciser votre question.
La plus ancienne bibliothèque publique française,
Notons qu'en revanche,
« Les jeunes gens de moins de seize ans ne sont pas admis sans autorisation spéciale et les femmes sont exclues des séances du soir. (arrêté du 15 octobre 1856, article 15) » (p.484)
« L’administrateur Lavoix justifiait son refus en 1894 en indiquant : « si cette interdiction était levée, on pourrait craindre qu’au bout de peu de mois la salle de bibliothèque (…) ne devînt un lieu de rendez-vous plus commode que les cafés du quartier ou même que le trottoir du boulevard Saint-Michel ». (p.495)
Par ailleurs, la fréquentation des femmes des bibliothèques publiques est étroitement
En effet, comme l’explique Anne-Maya Guérin, dans l’article Une petite histoire de la lecture au féminin illustrée dans la peinture,
« La grande révolution de la lecture se fait au XIXème avec une alphabétisation qui touche toutes les couches de la population, engendre une véritable « fureur de lire », et lorsque l’on voit des femmes se promener un livre dans la poche, les moralistes s’inquiètent, et tentent de canaliser cette passion vers la vertu et l’éducation, déplorant la manie de lire des romans, « lectures nuisibles à la société », symptôme du déclin des mœurs, et de l’ordre social. Ce vice aristocratique étant opposé aux vertus bourgeoises.
En 1801, Sylvain Marechal avait même rédigé un Projet de loi portant défense d’apprendre à lire aux femmes, considérant notamment :
« Les inconvéniens graves qui résultent pour les deux sexes, de ce que les femmes sachent lire. »;
« Qu’apprendre à lire aux femmes est un hors-d’œuvre, nuisible à leur éducation naturelle : c’est un luxe dont l’effet fut presque toujours l’altération et la ruine des mœurs »;
« Combien il est dangereux de cultiver l’esprit des femmes, d’après la Réflexion morale de la Rochefoucault qui les connaissait si bien : "L’esprit de la plupart des femmes sert plus à fortifier leur folie que leur raison." »
Daniel Fabre indique, dans l’article Lire au féminin , que c'est «
L’administrateur Lavoix reconnaît ainsi en 1898 que « depuis que l'interdiction [à l'accès des femmes aux séances du soir de la bibliothèque Sainte Geneviève] existe, les choses se sont modifiées : l’enseignement des femmes s’est étendu et répandu, les écoles, les cours, comptent de nombreux élèves féminins » (…) Il propose d’assimiler les lectrices du soir « aux jeunes gens de moins de 18 ans » qui ne sont admis aux séances [du soir] que « sur la demande de leurs parents ou la recommandation de leurs professeurs » Le ministre accorde le 24 novembre 1898, à titre d’expérience, l’admission des lectrices aux séances du soir [de la bibliothèque Sainte Geneviève] (p.495)»
Pour aller plus loin dans cette réflexion sur l’histoire de l’accès des femmes à la lecture, nous vous conseillons le livre de Laure Adler et Stefan Bollmann Les femmes qui lisent sont dangereuses, où Laure Adler écrit que:
" Les livres ne sont pas des objets comme les autres pour les femmes ; depuis l'aube du christianisme jusqu'à aujourd'hui, entre nous et eux, circule un courant chaud, une affinité secrète, une relation étrange et singulière tissée d'interdits, d'appropriations, de réincorporations. "
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