Question d'origine :
Quel est le sens, éclairé par son étymologie de "grammaire"?
A-t-il, au Moyen Âge un sens en relation avec la religion?
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 05/03/2019 à 13h56
Bonjour,
L’étymologie ne nous apprendra pas grand-chose sur le rapport entre grammaire et religion au Moyen Âge : d’après le Dictionnaire historique de la langue française, le mot est dérivé du latin grammatica , lui-même dérivé du grec grammatikê , signifiant, à l’époque classique… « grammaire ». L’étymon grec est issu de gramma, « lettre, caractère d’écriture », lui-même issu de graphein , « écrire ». Il évoluera ensuite vers les sens de « culture », « érudition ».
Avant toute considération religieuse, « la grammaire, l'un des trois « arts du langage » (trivium), avec logique et rhétorique, ouvre le cursus universitaire : fondée sur Donat et Priscien, elle sert à interpréter et à commenter les textes, puis, avec la redécouverte successive d'Aristote et les progrès de la logique, elle devient une réflexion originale sur le langage 1. en confrontant à ses définitions celles des logiciens […] ; 2. en se donnant pour objet propre le discours « correct » (congruus), conforme aux règles de la grammaire, la logique traitant du discours conforme à la vérité (verus). [Puis], vers 1125-1150, elle se définit non plus comme art, mais comme science (Fredborg) énonçant donc, suivant l'exigence d'Aristote, des règles de portée générale, en établissant leurs causes. Grammaire universelle, « s'abstrayant de toute langue particulière » ».
(Source : universalis-edu.com)
La grammaire a fait au moyen-âge l’objet d’une intense production intellectuelle, s’intéressant à des questions qui seraient plutôt du domaine de la linguistique aujourd’hui. Elle acquiert peu à peu malgré tout une dimension chrétienne, du fait qu’elle est enseignée par des religieux d’abord, puis par le but qu’on assignera de plus en plus à l’enseignement des lettres (l’édification chrétienne, la formation des clercs). Ce qui peut sembler paradoxal, puisque la grammaire médiévale restera jusqu’au bout héritière de l’antiquité, et que l’essentiel de l’enseignement et de la réflexion linguistique de la période se fera sur la base de théoricien et d’écrivains de l’antiquité païenne :
« L'instruction au moyen âge étant surtout destinée à former les clercs, tout était subordonné à l'utilité de l'Eglise. Seuls les membres du clergé pouvaient enseigner publiquement. Maîtres et élèves étaient tonsurés et portaient la soutane. Il s'agissait donc surtout d'apprendre à lire les livres sacrés et les pères de l'Eglise, à prêcher, à démontrer les dogmes. A mesure qu'on avance dans le moyen âge, ce but apparaît davantage et l'enseignement des arts libéraux devient de moins en moins littéraire et classique.
Du neuvième au douzième siècle, la grammaire s'enseignait par des extraits de Priscien, quelquefois aussi de Donat, grammairiens latins, qui contenaient un assez grand nombre d'exemples tirés des poètes latins anciens. A cette occasion, dans certaines écoles, celles par exemple de Corbie, du Bec, de Reims, d'Auxerre, de Laon, de Paris, de Saint-Denis, de Ferrières, de Bobbio en Italie, de Canterbury en Angleterre, de Saint-Gall et de Reichenau en Allemagne, on lisait les auteurs ou au moins des extraits des auteurs que l'on possédait alors, surtout Virgile, Lucain, Cicéron et les poètes latins chrétiens. »
(Source : Institut français de l’éducation)
Peu à peu, les réflexions sur Cicéron et Aristote vont être christianisées, avec le développement de la pensée scolastique :
« De fait, c'est bien sur ce terrain que s'est formée la notion clé de la logique scolastique : la suppositio termini. En d'autres mots : la doctrine trinitaire des médiévaux est non seulement imprégnée de sémantique, elle est productrice de sémantique ; ce qui revient à dire que la rationalité religieuse produit de la rationalité tout court. Au fondement de la sémantique moderne et des diverses moutures de la distinction frégéenne entre Sinn et Bedeutung, il y a un usage théologique d'une notion de « supposition » liée à l'analyse de la signification en signification première et signification secondaire. Dès le xiie siècle, les théologiens s'accordent à dire que le mot persona « suppose » ou « signifie à titre premier » chacune des trois Personnes de la Trinité et qu'il « consignifie » ou « connote » l'essence divine commune aux trois Personnes. »
(Source : universalis-edu.com)
Bonne journée.
L’étymologie ne nous apprendra pas grand-chose sur le rapport entre grammaire et religion au Moyen Âge : d’après le Dictionnaire historique de la langue française, le mot est dérivé du latin grammatica , lui-même dérivé du grec grammatikê , signifiant, à l’époque classique… « grammaire ». L’étymon grec est issu de gramma, « lettre, caractère d’écriture », lui-même issu de graphein , « écrire ». Il évoluera ensuite vers les sens de « culture », « érudition ».
Avant toute considération religieuse, « la grammaire, l'un des trois « arts du langage » (trivium), avec logique et rhétorique, ouvre le cursus universitaire : fondée sur Donat et Priscien, elle sert à interpréter et à commenter les textes, puis, avec la redécouverte successive d'Aristote et les progrès de la logique, elle devient une réflexion originale sur le langage 1. en confrontant à ses définitions celles des logiciens […] ; 2. en se donnant pour objet propre le discours « correct » (congruus), conforme aux règles de la grammaire, la logique traitant du discours conforme à la vérité (verus). [Puis], vers 1125-1150, elle se définit non plus comme art, mais comme science (Fredborg) énonçant donc, suivant l'exigence d'Aristote, des règles de portée générale, en établissant leurs causes. Grammaire universelle, « s'abstrayant de toute langue particulière » ».
(Source : universalis-edu.com)
La grammaire a fait au moyen-âge l’objet d’une intense production intellectuelle, s’intéressant à des questions qui seraient plutôt du domaine de la linguistique aujourd’hui. Elle acquiert peu à peu malgré tout une dimension chrétienne, du fait qu’elle est enseignée par des religieux d’abord, puis par le but qu’on assignera de plus en plus à l’enseignement des lettres (l’édification chrétienne, la formation des clercs). Ce qui peut sembler paradoxal, puisque la grammaire médiévale restera jusqu’au bout héritière de l’antiquité, et que l’essentiel de l’enseignement et de la réflexion linguistique de la période se fera sur la base de théoricien et d’écrivains de l’antiquité païenne :
« L'instruction au moyen âge étant surtout destinée à former les clercs, tout était subordonné à l'utilité de l'Eglise. Seuls les membres du clergé pouvaient enseigner publiquement. Maîtres et élèves étaient tonsurés et portaient la soutane. Il s'agissait donc surtout d'apprendre à lire les livres sacrés et les pères de l'Eglise, à prêcher, à démontrer les dogmes. A mesure qu'on avance dans le moyen âge, ce but apparaît davantage et l'enseignement des arts libéraux devient de moins en moins littéraire et classique.
Du neuvième au douzième siècle, la grammaire s'enseignait par des extraits de Priscien, quelquefois aussi de Donat, grammairiens latins, qui contenaient un assez grand nombre d'exemples tirés des poètes latins anciens. A cette occasion, dans certaines écoles, celles par exemple de Corbie, du Bec, de Reims, d'Auxerre, de Laon, de Paris, de Saint-Denis, de Ferrières, de Bobbio en Italie, de Canterbury en Angleterre, de Saint-Gall et de Reichenau en Allemagne, on lisait les auteurs ou au moins des extraits des auteurs que l'on possédait alors, surtout Virgile, Lucain, Cicéron et les poètes latins chrétiens. »
(Source : Institut français de l’éducation)
Peu à peu, les réflexions sur Cicéron et Aristote vont être christianisées, avec le développement de la pensée scolastique :
« De fait, c'est bien sur ce terrain que s'est formée la notion clé de la logique scolastique : la suppositio termini. En d'autres mots : la doctrine trinitaire des médiévaux est non seulement imprégnée de sémantique, elle est productrice de sémantique ; ce qui revient à dire que la rationalité religieuse produit de la rationalité tout court. Au fondement de la sémantique moderne et des diverses moutures de la distinction frégéenne entre Sinn et Bedeutung, il y a un usage théologique d'une notion de « supposition » liée à l'analyse de la signification en signification première et signification secondaire. Dès le xiie siècle, les théologiens s'accordent à dire que le mot persona « suppose » ou « signifie à titre premier » chacune des trois Personnes de la Trinité et qu'il « consignifie » ou « connote » l'essence divine commune aux trois Personnes. »
(Source : universalis-edu.com)
Bonne journée.
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