Les Anglais peuvent-ils jouir de leur gourmandise ?
LANGUES ET LITTÉRATURES
+ DE 2 ANS
Le 28/02/2019 à 00h15
274 vues
Question d'origine :
Ma connaissance de la langue anglaise étant calamiteuse, je ne peux pas juger de ceci, que j'ai entendu dans un débat radiodiffusé : "Le verbe jouir et l’adjectif gourmand sont presque intraduisibles en anglais". Entendons-nous bien : avec les mêmes sens précis qu’en français. Greedy, par exemple, semble péjoratif et correspondrait plutôt à notre glouton.
Qu'en dites-vous ?
Merci d'avance.
Réponse du Guichet
bml_litt
- Département : Langues et Littératures
Le 02/03/2019 à 10h48
Bonjour,
N’étant pas, nous non plus, anglicistes chevronnés, nous nous sommes tournés vers les dictionnaires pour vous répondre.
La page scannée (en pièce jointe) du Harrap's unabridged dictionary propose bien, à l’article
La lecture de la notice complète vous permettra de prendre connaissance des différents termes anglais proposés.
Il est intéressant de souligner que dans le
Ce qui confirme ce que vous avez entendu à la radio sur la difficulté à traduire en anglais le mot français gourmand. La cuisine serait-elle d’avantage une affaire française que britannique ? …
Le livre de Jim Harrison Un sacré gueuleton porte en version originale anglaise le titre suivant :
Vous pouvez également consulter cette conversation entre traducteurs
Ou encore ce blog d’une traductrice de l’anglais au français
Bonne journée
Pièces jointes
Commentaire de
Fromon :
Publié le 02/03/2019 à 11:19
Grand merci pour votre réponse concernant la traduction en anglais du nom et adjectif français gourmand.
Mais vous avez oublié (oh ! je ne vous en veux point) de me répondre sur le verbe jouir.
Aussi est-ce que je me permets de vous reposer ma question :
"Ma connaissance de la langue anglaise étant calamiteuse, je ne peux pas juger de ceci, que j'ai entendu dans un débat radiodiffusé : 'Le verbe jouir [et l’adjectif gourmand] sont presque intraduisibles en anglais'."
Re grand merci d'avance.
Réponse du Guichet
bml_litt
- Département : Langues et Littératures
Le 06/03/2019 à 11h11
Réponse du département Langues et Littératures :
Bonjour,
Après quelques recherches sur la complexité de traduction du verbe « jouir », nous revoilà avec, nous l’espérons, quelque infos pour éclairer votre lanterne.
Comme vous l’avez entendu précédemment, il s’avère que ce verbe, tout comme le substantif « jouissance », posent pour les traducteurs un problème épineux. Il semblerait en effet que la langue de Shakespeare ne dispose pas de verbe permettant de traduire « jouir » dans ses différentes acceptions et que les traducteurs soient obligés de recourir à des traductions basées sur le sens global dans lequel ce mot est employé.
De fait, s’il s’agit de la simple jouissance d’un objet ou d’une situation, la traduction du verbe ne pose aucun réel problème. Ainsi dans les acceptions signifiant « profiter de », et dépourvues de cette idée d’absolu (jouir d’une maison à la campagne, jouir d’une belle journée...) seront très généralement traduites en utilisant le verbe « to enjoy » (qui signifie « profiter de » ou « tirer de la joie de »).
Cependant, s’il s’agit plus d’une situation dans laquelle jouir a une valeur de possession comme lorsque l’on dit « jouir d’une bonne réputation », il n’y aura pas de réel équivalent en langue anglaise, et les traducteurs devront souvent se rabattre sur des verbes possessifs tels « to have » ou « to own ».
De la même manière, s’il s’agit de retranscrire jouissance sexuelle, les britanniques utiliserons le plus souvent « to come » qui traduit l’idée d’un aboutissement, mais uniquement du point de vue physique.
Cependant, dans la langue française, « jouir » implique souvent unenotion d’absolu , puisqu’il s’agit d’éprouver ou de profiter pleinement « de la joie, du plaisir, d’un état de bien-être physique et moral procuré par quelque chose ».
En s’intéressant plus spécifiquement aux travaux des traducteurs de Lacan qui a fait de la notion de jouissance une pierre angulaire de sa pensée, on comprend vite que ce qui pose vraiment problème dans la traduction de « jouir », réside en fait dans cette notion de plénitude du corps et de l’esprit en même temps, au point que les traducteurs, ne parvenant pas à trouver d’équivalence satisfaisante, finissent par garder les mots « jouir » et « jouissance » en français, les mettant dès lors entre guillemets, ou en italique dans le texte.
Pour aller plus loin : les deux articles sur les difficultés rencontrées par les traducteurs de Jacques Lacan.
La « jouissance » selon Lacan
Lacan en anglais - Dans La Cause freudienne 2011/3 (N° 79)
Bonjour,
Après quelques recherches sur la complexité de traduction du verbe « jouir », nous revoilà avec, nous l’espérons, quelque infos pour éclairer votre lanterne.
Comme vous l’avez entendu précédemment, il s’avère que ce verbe, tout comme le substantif « jouissance », posent pour les traducteurs un problème épineux. Il semblerait en effet que la langue de Shakespeare ne dispose pas de verbe permettant de traduire « jouir » dans ses différentes acceptions et que les traducteurs soient obligés de recourir à des traductions basées sur le sens global dans lequel ce mot est employé.
De fait, s’il s’agit de la simple jouissance d’un objet ou d’une situation, la traduction du verbe ne pose aucun réel problème. Ainsi dans les acceptions signifiant « profiter de », et dépourvues de cette idée d’absolu (jouir d’une maison à la campagne, jouir d’une belle journée...) seront très généralement traduites en utilisant le verbe « to enjoy » (qui signifie « profiter de » ou « tirer de la joie de »).
Cependant, s’il s’agit plus d’une situation dans laquelle jouir a une valeur de possession comme lorsque l’on dit « jouir d’une bonne réputation », il n’y aura pas de réel équivalent en langue anglaise, et les traducteurs devront souvent se rabattre sur des verbes possessifs tels « to have » ou « to own ».
De la même manière, s’il s’agit de retranscrire jouissance sexuelle, les britanniques utiliserons le plus souvent « to come » qui traduit l’idée d’un aboutissement, mais uniquement du point de vue physique.
Cependant, dans la langue française, « jouir » implique souvent une
En s’intéressant plus spécifiquement aux travaux des traducteurs de Lacan qui a fait de la notion de jouissance une pierre angulaire de sa pensée, on comprend vite que ce qui pose vraiment problème dans la traduction de « jouir », réside en fait dans cette notion de plénitude du corps et de l’esprit en même temps, au point que les traducteurs, ne parvenant pas à trouver d’équivalence satisfaisante, finissent par garder les mots « jouir » et « jouissance » en français, les mettant dès lors entre guillemets, ou en italique dans le texte.
La « jouissance » selon Lacan
Lacan en anglais - Dans La Cause freudienne 2011/3 (N° 79)
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