Question d'origine :
S.V.P.
Existe t il encore en France, des Sanatoriums (ou sanatoria !), ayant gardé leurs fonctions et usages initiaux, c'est à dire , principalement, le traitement par l'air pur et le soleil, de certaines maladies pulmonaires et respiratoires ?
Combien en a t il existé à l'époque de leur apogée, et où étaient ils situés? Enfin, ces établissements avaient ils le statut complet ,d'établissement hospitalier et, que sont ils devenus pour la plupart d'entre eux ? merci.
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 26/02/2019 à 17h16
Bonjour,
En France, au début du XXe siècle, la mortalité liée à la tuberculose est estimée selon les statistiquesentre 100 000 et 150 000 décès par an . La loi Honnorat votée le 7 septembre 1919 , faisant suite à la loi Léon Bourgeois du 15 avril 1916 qui instituait des dispensaires d'hygiène sociale, impose la création d'un sanatorium par département. La Fondation Rockfeller va également mener diverses actions de lutte contre la tuberculose et contribuer au développement des sanatoriums. Voici quelques extraits de l'ouvrage de Jean-Bernard Cremnitzer intitulé Architecture et santé : le temps du sanatorium en France et en Europe :
"Il est prévu de créer dans chaque département : un dispensaire d'hygiène dans chaque chef-lieu d'arrondissement, un service rural de dépistage, un laboratoire départemental, des salles d'isolement, et des pavillons dans les hôpitaux, un sanatorium départemental ou interdépartemental pour tuberculoses pulmonaires, articulaires et ganglionnaires, un préventorium, ainsi que la constitution d'un comité départemental chargé de gérer et de contrôler la lutte contre la maladie. Cette organisation totalement nouvelle, adoptée sans amendement par l'Assemblée nationale, définira le paysage de la lutte antituberculeuse jusque dans les années 1950." [...]
"En 1923 , outre les dispensaires et préventoriums, on dénombre déjà soixante-douze sanatoriums pour la tuberculose pulmonaire (18916 lits) et vingt-six pour les tuberculoses osseuses et ganglionnaires (9056 lits), ce qui représente un bond considérable par rapport à la situation de 1917 (1162 lits recensés dans les sanatorium populaires). "
De 1920 à 1950 on assiste à une vague déferlante des réalisations : "A la suite de la loi Honnorat de 1919, la construction de sanatoriums se multiplie à un rythme exceptionnel et devient en France l'un des grands programmes d'équipements sanitaires. [...] La lecture de l'implantation des établissements en France en 1937, établie par D. Dessertine et O. Faure, fait apparaître, malgré la départementalisation annoncée, de fortes disparités géographiques : concentration sur les pôles d'Ile-de-France, du Nord, de la région Rhône-Alpes et dans une moindre mesure au sud-ouest, zones désertées de l'est, et des pays de la Loire. Trente-trois départements ne participent à la création d'aucun sanatorium."
Une carte de France de l'implantation des sanatoriums figure page 65.
Ce sont près de250 réalisations qui s'échelonneront du début du XXe siècle aux années 1950, l'avènement des traitements par antibiotiques annonce alors la désuétude de l'institution et de ses instruments.
Nous vous laissons consulter cet ouvrage dans son intégralité pour en savoir plus.
Pour répondre à votre question sur le devenir de ces établissements, nous citerons un extrait de la conclusion de la thèse de Philippe Grandvoinnet : Histoire des sanatoriums en France, 1915-1945 : une architecture en quête de rendement thérapeutique / :
" La situation actuelle des anciens sanatoriums de cure est problématique à plus d'un titre. L'absence de vision d'ensemble de la production sanatoriale française n'a pas permis, jusqu'à aujourd'hui, de considérer ces édifices à l'aune du corpus architectural auquel ils appartiennent. Le présent travail vise à combler, du moins partiellement, cette lacune. Lesdémolitions récentes (sanatoriums des Genévriers, d'Oissel, des Tilleroyes), comme celles programmées (sanatorium de Belligneux à Hauteville, sanatoriums des Petites-Roches et des étudiants à Saint-Hilaire-du-Touvet, sanatorium Rhône-Azur à Briançon), attestent de la difficulté à valoriser, d'un point de vue économique, architectural et culturel, le patrimoine sanatorial .
Après quarante ans de reconversions successives , réalisées dans l'urgence et sans perspectives à long terme, la plupart des anciens sanatoriums sont en sursis : l'abandon de l'activité médicale et la désaffectation sont la voie de sortie la plus fréquente . Le classement de plusieurs de ces édifices au titre des monuments historiques a constitué une entrée timide des sanatoriums dans le champs patrimonial : ces mesures n'ont été adoptées que parce qu'un projet de réhabilitation, public ou privé, garantissait la pérennité des sites. Les bâtiments détruits comme ceux menacés n'étaient pas moins remarquables : Oissel était l'un des premiers sanatoriums populaires français, les Genévriers présentaient une rare disposition pavillonnaire, les Tilleroyes était un établissement particulièrement «typique» de la conception sanatoriale des annnées trente, Belligneux est l'une des premières applications du « système de Leysin » en France.
La valeur patrimoniale des objets considérés dépend plus fréquemment des opportunités de reconversion que de leurs caractéristiques techniques, architecturales et urbaines.
La situation est bien sûr variable d'un site à l'autre : bien que particulièrement riche, le patrimoine sanatorial de Briançon (Hautes-Alpes) reste dans l'ombre du patrimoine ancien,
notamment lié à l'œuvre de Vauban, et la démolition probable du sanatorium Rhône-Azur ne suscite localement aucune réaction.
Le Plateau d'Assy (Haute-Savoie) et Hauteville (Ain) doivent au contraire leur essor à l'installation des sanatoriums ; ils constituent l'essentiel du patrimoine bâti de ces localités dont l'histoire, au cours du XXe siècle, est indissociable du mouvement sanatorial : au Plateau d'Assy, les sanatoriums ont été valorisés et intégrés de longue date au programme évènementiel de la ville (expositions, colloques, publications) ; à Hauteville, la communauté de communes envisage la création d'un musée consacré au climatisme et au traitement de la tuberculose. La situation est tout autre à Saint-Hilaire-du-Touvet (Isère) : si la ville doit également son essor économique aux sanatoriums implantés dans les années vingt, la crise économique et identitaire résultant de leur fermeture provoque un refoulement de cette histoire sanatoriale : après démolition des bâtiments, la
commune envisage de «renaturaliser» le site afin d'effacer toute trace de l'activité médicale.
Si les établissements situés en milieu urbain ont été facilement réhabilités, ceux construits loin des centres importants, à la campagne ou en montagne, posent des difficultés de gestion que les petites communes ne sont pas en mesure de résoudre par leurs propres moyens. Les dimensions parfois gigantesques de ces bâtiments, le caractère atypique de ces établissements hospitaliers non urbains, les difficultés techniques et financières posées par leur mise aux normes et l'image négative véhiculée par la tuberculose dans la mémoire collective particulièrement forte aux abords des anciens sanatoriums s'opposent fréquemment à la définition de projets de réhabilitation. "
Pour aller plus loin, quelques livres et articles :
- Du désespoir au salut : les tuberculeux aux XIXe et XXe siècles / Pierre Guillaume
- Vaincre la tuberculose (1879-1939). La Normandie en proie à la peste blanche / Stéphane HENRY
- Guillaume Pierre. Tuberculose et montagne. Naissance d'un mythe. In: Vingtième Siècle, revue d'histoire, n°30, avril-juin 1991. pp. 32-39.
- D. N. L'évolution du nombre des malades en sanatorium d'après les recensements de la population de 1954-1962. In: Population, 19ᵉ année, n°2, 1964. pp. 353-356.
- Lüthi Dave. L'influence du bon air sur l'architecture. Une « guérison formelle » ? Apparition du sanatorium alpin en Suisse 1880-1914. In: Revue de géographie alpine, tome 93, n°1, 2005. Le bon air des Alpes, sous la direction de Claude Reichler . pp. 43-52.
Bonne journée.
En France, au début du XXe siècle, la mortalité liée à la tuberculose est estimée selon les statistiques
"Il est prévu de créer dans chaque département : un dispensaire d'hygiène dans chaque chef-lieu d'arrondissement, un service rural de dépistage, un laboratoire départemental, des salles d'isolement, et des pavillons dans les hôpitaux, un sanatorium départemental ou interdépartemental pour tuberculoses pulmonaires, articulaires et ganglionnaires, un préventorium, ainsi que la constitution d'un comité départemental chargé de gérer et de contrôler la lutte contre la maladie. Cette organisation totalement nouvelle, adoptée sans amendement par l'Assemblée nationale, définira le paysage de la lutte antituberculeuse jusque dans les années 1950." [...]
"
Une carte de France de l'implantation des sanatoriums figure page 65.
Ce sont près de
Nous vous laissons consulter cet ouvrage dans son intégralité pour en savoir plus.
Pour répondre à votre question sur le devenir de ces établissements, nous citerons un extrait de la conclusion de la thèse de Philippe Grandvoinnet : Histoire des sanatoriums en France, 1915-1945 : une architecture en quête de rendement thérapeutique / :
" La situation actuelle des anciens sanatoriums de cure est problématique à plus d'un titre. L'absence de vision d'ensemble de la production sanatoriale française n'a pas permis, jusqu'à aujourd'hui, de considérer ces édifices à l'aune du corpus architectural auquel ils appartiennent. Le présent travail vise à combler, du moins partiellement, cette lacune. Les
La valeur patrimoniale des objets considérés dépend plus fréquemment des opportunités de reconversion que de leurs caractéristiques techniques, architecturales et urbaines.
La situation est bien sûr variable d'un site à l'autre : bien que particulièrement riche, le patrimoine sanatorial de Briançon (Hautes-Alpes) reste dans l'ombre du patrimoine ancien,
notamment lié à l'œuvre de Vauban, et la démolition probable du sanatorium Rhône-Azur ne suscite localement aucune réaction.
Le Plateau d'Assy (Haute-Savoie) et Hauteville (Ain) doivent au contraire leur essor à l'installation des sanatoriums ; ils constituent l'essentiel du patrimoine bâti de ces localités dont l'histoire, au cours du XXe siècle, est indissociable du mouvement sanatorial : au Plateau d'Assy, les sanatoriums ont été valorisés et intégrés de longue date au programme évènementiel de la ville (expositions, colloques, publications) ; à Hauteville, la communauté de communes envisage la création d'un musée consacré au climatisme et au traitement de la tuberculose. La situation est tout autre à Saint-Hilaire-du-Touvet (Isère) : si la ville doit également son essor économique aux sanatoriums implantés dans les années vingt, la crise économique et identitaire résultant de leur fermeture provoque un refoulement de cette histoire sanatoriale : après démolition des bâtiments, la
commune envisage de «renaturaliser» le site afin d'effacer toute trace de l'activité médicale.
Pour aller plus loin, quelques livres et articles :
- Du désespoir au salut : les tuberculeux aux XIXe et XXe siècles / Pierre Guillaume
- Vaincre la tuberculose (1879-1939). La Normandie en proie à la peste blanche / Stéphane HENRY
- Guillaume Pierre. Tuberculose et montagne. Naissance d'un mythe. In: Vingtième Siècle, revue d'histoire, n°30, avril-juin 1991. pp. 32-39.
- D. N. L'évolution du nombre des malades en sanatorium d'après les recensements de la population de 1954-1962. In: Population, 19ᵉ année, n°2, 1964. pp. 353-356.
- Lüthi Dave. L'influence du bon air sur l'architecture. Une « guérison formelle » ? Apparition du sanatorium alpin en Suisse 1880-1914. In: Revue de géographie alpine, tome 93, n°1, 2005. Le bon air des Alpes, sous la direction de Claude Reichler . pp. 43-52.
Bonne journée.
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