changement climatique et politique agricole commune
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 22/02/2019 à 18h18
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Question d'origine :
Bonjour,
J'aurai aimé savoir si la politique agricole commune de l'Union européenne prend en compte le changement climatique dans ses orientations?
Merci pour votre réponse
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 25/02/2019 à 15h19
Bonjour,
Rappelons tout d’abord quelques mots du ministère de l’agriculture, « depuis sa création en 1962, la politique agricole commune (PAC) a connu de nombreuses réformes et c'est son adaptabilité qui lui a permis d'être toujours pertinente ». Ainsi, depuis sa fondation, la PAC s’est toujours organisée selon des plans pluriannuels dont les objectifs, les mesures obligatoires ET facultatives, sont âprement négociés par les instances dirigeantes des Etats-membres en concertation avec le secteur agricole des pays concernés. Nous sommes actuellement dans la dernière ligne droite de la politique 2015-2020. Laquelle comprenait bien des mesures agro-environnementales et climatique (MAEC), ainsi que des aides pour l'agriculture biologique :
« Il s’agit de mesures permettant d’accompagner les exploitations agricoles qui s’engagent dans le développement de pratiques combinant performance économique et performance environnementale ou dans le maintien de telles pratiques lorsqu’elles sont menacées de disparition. C’est un outil clé pour la mise en œuvre du projet agro-écologique pour la France. Par rapport à ce qui existait précédemment, sont mises en place dès 2015 des MAEC d’un nouveau type : les MAEC « systèmes ». Elles consistent à proposer un engagement global d’une exploitation, plutôt que l’engagement des seules parcelles sur lesquelles existe un enjeu environnemental singulier. […]
Le montant total des aides publiques consacrées aux MAEC sur la période 2014/2020 est doublé par rapport à la période 2007/2013.
Les aides pour la conversion et le maintien en agriculture biologique seront progressivement doublées sur la période, pour atteindre 180M€ annuels (FEADER + crédits Ministère de l’agriculture) en fin de période, de façon à accompagner les objectifs du plan « Ambition bio » qui prévoit le doublement des surfaces en agriculture biologique. En 2012, le montant versé (1er pilier + FEADER + crédits Ministère de l’agriculture) pour les aides à la conversion et au maintien en agriculture biologique avait été de 90M€. »
(Source : agriculture.gouv.fr)
Le ministère a par ailleurs mis en ligne un document résumant les dispositifs mis en place. La première constatation
, c’est que ces mesures, incitatives, sont toutes proposées sur la base du volontariat :
« Les MAEC sont des mesures souscrites volontairement pour une durée de 5 ans. Elles permettent d’accompagner les exploitations agricoles qui s’engagent dans le développement de pratiques combinant
performance économique et performance environnementale ou dans le maintien de telles pratiques lorsqu’elles sont menacées de disparition. Leur rémunération est fondée sur les surcoûts et manques à gagner qu'impliquent le maintien ou le changement de pratiques. Le montant d'aide calculé par hectare et par an est versé en contrepartie d'un certain nombre d'obligations. »
Nous n’avons pas la compétence pour juger de l’efficacité incitative des aides proposées ; mais certains parmi les premiers concernés soulignent un certain décalage entre les ambitions de la PAC et les enjeux du monde l’aujourd’hui. Interrogé par reporterre.net/, l’agriculteur Quentin Delachapelle, porte-parole du collectif « pour une autre PAC » dit ainsi :
« La PAC rend dépendante une grande partie de l’agriculture et influence son développement. L’objectif est d’occuper le moins d’hommes possible et de produire au prix le plus bas possible, pour que la valeur ajoutée soit déplacée vers l’industrie agroalimentaire. La PAC incite les agriculteurs à faire de l’économie d’échelle. Donc, plus une exploitation a de surface, plus elle touche d’aides. Ce type d’exploitations perçoit toujours autant d’aides alors que le nombre d’actifs qu’elles emploient est plutôt en régression. Et, en face, il y a de plus en plus de petites fermes qui ne sont pas dépendantes de la PAC, qui cultivent souvent moins de 50 hectares, et qui ont cherché à créer de la valeur ajoutée par de la vente directe, de l’agriculture bio, etc. Cette deuxième catégorie répond aujourd’hui à des attentes sociétales. Mais si on veut que ces exploitations se généralisent, il faut se donner les moyens de les accompagner, car ce sont celles-là qui ont malgré tout beaucoup de difficultés. On est loin de l’image bucolique de la petite ferme.
Je suis en polyculture élevage et je fais partie de la catégorie des exploitations qui dépendent de la PAC. Selon les années, les aides PAC représentent de 50 % à la totalité de mon revenu, en fonction des prix du marché et des aléas climatiques que l’on peut rencontrer. Mais cette PAC ne nous apporte aucun levier pour évoluer. Elle favorise davantage le statu quo qu’une transition vers l’agroécologie.
Par exemple, un producteur de tomates : s’il fait de la tomate industrielle de plein champ en toutes saisons pour la vendre à un transformateur qui fait du coulis, il peut bénéficier d’aides PAC. Mais, si ce producteur décide de changer son système et de se mettre à faire des légumes diversifiés et à les vendre sur le marché, il perd ces aides, car elles étaient liées au contrat avec le transformateur. »
Une page du site du collectif Pour une autre PAC résume bien les spécificités de la PAC 2015-2020, et notamment la création du « paiement vert », un « conditionnement de 30% des aides de base au revenu d’une ferme au respect de trois critères écologiques. Il s’agit du maintien du ratio des prairies permanentes à échelle régionale (pour éviter l’utilisation de ces prairies très précieuses pour l’environnement en surfaces de culture), de la diversité du nombre de cultures présentes sur la ferme (pour éviter les monocultures) et de la présence de surfaces d’intérêt écologique (pour lutter contre l’érosion des sols et favoriser la présence d’animaux axillaires des cultures). »
Les incitations de la PAC seront-elles suffisantes pour lutter contre les conséquences du réchauffement climatique ? Difficile de le savoir actuellement, surtout que nous sommes à nouveau en phase de négociations, pour une nouvelle PAC (2020-2027). Une déclaration d’intention a déjà été publiée par la commission européenne. Elle affiche les ambitions de l’Union pour ce qui est du climat :
« Des ambitions plus élevées en matière d'environnement et d'action pour le climat: Le changement climatique, les ressources naturelles, la biodiversité, les habitats et les paysages sont tous inclus dans les objectifs proposés aujourd'hui à l'échelle de l'Union. L'aide aux revenus des agriculteurs est déjà liée à l'application de pratiques respectueuses de l'environnement et du climat et avec la nouvelle PAC, les agriculteurs seront tenus d'atteindre un niveau d'ambition plus élevé en adoptant à la fois des mesures obligatoires et facultatives:
• Les paiement directs seront subordonnés à des exigences accrues en matière d'environnement et de climat.
• chaque État membre devra disposer de programmes écologiques pour aider les agriculteurs à aller au-delà des exigences obligatoires, et qui seront financés en partie par sa dotation nationale en paiements directs;
• au moins 30 % de chaque dotation nationale destinée au développement rural seront consacrés à des mesures environnementales et en faveur du climat;
• 40 % du budget total de la PAC devrait contribuer à l'action pour le climat;
• outre la possibilité de transférer 15 % entre les piliers, les États membres auront également la possibilité de transférer 15 % supplémentaires du pilier 1 vers le pilier 2 pour couvrir des dépenses relatives aux mesures environnementales et en faveur du climat (sans cofinancement national).
(Source : europa.eu)
Une déclaration déjà brocardée : « du flou, et encore du flou », selon l’Humanité ; « L’environnement et le climat, parents pauvres de la PAC post-2020 », ajoute euractiv.fr. Tout cela sur fond de baisse de budget post-Brexit.
Bonne journée.
Rappelons tout d’abord quelques mots du ministère de l’agriculture, « depuis sa création en 1962, la politique agricole commune (PAC) a connu de nombreuses réformes et c'est son adaptabilité qui lui a permis d'être toujours pertinente ». Ainsi, depuis sa fondation, la PAC s’est toujours organisée selon des plans pluriannuels dont les objectifs, les mesures obligatoires ET facultatives, sont âprement négociés par les instances dirigeantes des Etats-membres en concertation avec le secteur agricole des pays concernés. Nous sommes actuellement dans la dernière ligne droite de la politique 2015-2020. Laquelle comprenait bien des mesures agro-environnementales et climatique (MAEC), ainsi que des aides pour l'agriculture biologique :
« Il s’agit de mesures permettant d’accompagner les exploitations agricoles qui s’engagent dans le développement de pratiques combinant performance économique et performance environnementale ou dans le maintien de telles pratiques lorsqu’elles sont menacées de disparition. C’est un outil clé pour la mise en œuvre du projet agro-écologique pour la France. Par rapport à ce qui existait précédemment, sont mises en place dès 2015 des MAEC d’un nouveau type : les MAEC « systèmes ». Elles consistent à proposer un engagement global d’une exploitation, plutôt que l’engagement des seules parcelles sur lesquelles existe un enjeu environnemental singulier. […]
Le montant total des aides publiques consacrées aux MAEC sur la période 2014/2020 est doublé par rapport à la période 2007/2013.
Les aides pour la conversion et le maintien en agriculture biologique seront progressivement doublées sur la période, pour atteindre 180M€ annuels (FEADER + crédits Ministère de l’agriculture) en fin de période, de façon à accompagner les objectifs du plan « Ambition bio » qui prévoit le doublement des surfaces en agriculture biologique. En 2012, le montant versé (1er pilier + FEADER + crédits Ministère de l’agriculture) pour les aides à la conversion et au maintien en agriculture biologique avait été de 90M€. »
(Source : agriculture.gouv.fr)
Le ministère a par ailleurs mis en ligne un document résumant les dispositifs mis en place. La première constatation
, c’est que ces mesures, incitatives, sont toutes proposées sur la base du volontariat :
« Les MAEC sont des mesures souscrites volontairement pour une durée de 5 ans. Elles permettent d’accompagner les exploitations agricoles qui s’engagent dans le développement de pratiques combinant
performance économique et performance environnementale ou dans le maintien de telles pratiques lorsqu’elles sont menacées de disparition. Leur rémunération est fondée sur les surcoûts et manques à gagner qu'impliquent le maintien ou le changement de pratiques. Le montant d'aide calculé par hectare et par an est versé en contrepartie d'un certain nombre d'obligations. »
Nous n’avons pas la compétence pour juger de l’efficacité incitative des aides proposées ; mais certains parmi les premiers concernés soulignent un certain décalage entre les ambitions de la PAC et les enjeux du monde l’aujourd’hui. Interrogé par reporterre.net/, l’agriculteur Quentin Delachapelle, porte-parole du collectif « pour une autre PAC » dit ainsi :
« La PAC rend dépendante une grande partie de l’agriculture et influence son développement. L’objectif est d’occuper le moins d’hommes possible et de produire au prix le plus bas possible, pour que la valeur ajoutée soit déplacée vers l’industrie agroalimentaire. La PAC incite les agriculteurs à faire de l’économie d’échelle. Donc, plus une exploitation a de surface, plus elle touche d’aides. Ce type d’exploitations perçoit toujours autant d’aides alors que le nombre d’actifs qu’elles emploient est plutôt en régression. Et, en face, il y a de plus en plus de petites fermes qui ne sont pas dépendantes de la PAC, qui cultivent souvent moins de 50 hectares, et qui ont cherché à créer de la valeur ajoutée par de la vente directe, de l’agriculture bio, etc. Cette deuxième catégorie répond aujourd’hui à des attentes sociétales. Mais si on veut que ces exploitations se généralisent, il faut se donner les moyens de les accompagner, car ce sont celles-là qui ont malgré tout beaucoup de difficultés. On est loin de l’image bucolique de la petite ferme.
Je suis en polyculture élevage et je fais partie de la catégorie des exploitations qui dépendent de la PAC. Selon les années, les aides PAC représentent de 50 % à la totalité de mon revenu, en fonction des prix du marché et des aléas climatiques que l’on peut rencontrer. Mais cette PAC ne nous apporte aucun levier pour évoluer. Elle favorise davantage le statu quo qu’une transition vers l’agroécologie.
Par exemple, un producteur de tomates : s’il fait de la tomate industrielle de plein champ en toutes saisons pour la vendre à un transformateur qui fait du coulis, il peut bénéficier d’aides PAC. Mais, si ce producteur décide de changer son système et de se mettre à faire des légumes diversifiés et à les vendre sur le marché, il perd ces aides, car elles étaient liées au contrat avec le transformateur. »
Une page du site du collectif Pour une autre PAC résume bien les spécificités de la PAC 2015-2020, et notamment la création du « paiement vert », un « conditionnement de 30% des aides de base au revenu d’une ferme au respect de trois critères écologiques. Il s’agit du maintien du ratio des prairies permanentes à échelle régionale (pour éviter l’utilisation de ces prairies très précieuses pour l’environnement en surfaces de culture), de la diversité du nombre de cultures présentes sur la ferme (pour éviter les monocultures) et de la présence de surfaces d’intérêt écologique (pour lutter contre l’érosion des sols et favoriser la présence d’animaux axillaires des cultures). »
Les incitations de la PAC seront-elles suffisantes pour lutter contre les conséquences du réchauffement climatique ? Difficile de le savoir actuellement, surtout que nous sommes à nouveau en phase de négociations, pour une nouvelle PAC (2020-2027). Une déclaration d’intention a déjà été publiée par la commission européenne. Elle affiche les ambitions de l’Union pour ce qui est du climat :
« Des ambitions plus élevées en matière d'environnement et d'action pour le climat: Le changement climatique, les ressources naturelles, la biodiversité, les habitats et les paysages sont tous inclus dans les objectifs proposés aujourd'hui à l'échelle de l'Union. L'aide aux revenus des agriculteurs est déjà liée à l'application de pratiques respectueuses de l'environnement et du climat et avec la nouvelle PAC, les agriculteurs seront tenus d'atteindre un niveau d'ambition plus élevé en adoptant à la fois des mesures obligatoires et facultatives:
• Les paiement directs seront subordonnés à des exigences accrues en matière d'environnement et de climat.
• chaque État membre devra disposer de programmes écologiques pour aider les agriculteurs à aller au-delà des exigences obligatoires, et qui seront financés en partie par sa dotation nationale en paiements directs;
• au moins 30 % de chaque dotation nationale destinée au développement rural seront consacrés à des mesures environnementales et en faveur du climat;
• 40 % du budget total de la PAC devrait contribuer à l'action pour le climat;
• outre la possibilité de transférer 15 % entre les piliers, les États membres auront également la possibilité de transférer 15 % supplémentaires du pilier 1 vers le pilier 2 pour couvrir des dépenses relatives aux mesures environnementales et en faveur du climat (sans cofinancement national).
(Source : europa.eu)
Une déclaration déjà brocardée : « du flou, et encore du flou », selon l’Humanité ; « L’environnement et le climat, parents pauvres de la PAC post-2020 », ajoute euractiv.fr. Tout cela sur fond de baisse de budget post-Brexit.
Bonne journée.
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