citoyenneté romaine
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 03/02/2019 à 08h48
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Question d'origine :
Cher bibliothécaire,
Pourriez-vous me dire comment les citoyens romains de l'Antiquité étaient en mesure de prouver leur statut quand ils voyageaient loin de chez eux ?
Merci d'avance et bonne année 2019.
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 05/02/2019 à 13h53
Bonjour,
A notre connaissance, un citoyen romain n’avait pas en sa possession de preuve matérielle de son statut qui serait l’équivalent d’une carte d’identité. Seule sa parole, le témoignage d’autrui et son nom de citoyen, composé du praenomen (prénom), du nomen ou gentilice (nom de famille), et du cognomen (surnom), permettaient à un romain de justifier de son identité et de sa qualité de citoyen lorsqu’il se trouvait hors de Rome, ce dont témoigne ce document cité dans l’ouvrage d’Elisabeth Deniaux Rome, de la cité-Etat à l'Empire : institutions et vie politique aux 2e et 1er siècles av. J.-C :
«Le citoyen et la garantie de la liberté
Le privilège du citoyen romain est de pouvoir faire reconnaître qu’il bénéficie partout, dans le monde dominé par Rome, des garanties de la liberté individuelle. Il ne peut être soumis à l’arbitraire du gouverneur romain en province ni à celui des magistrats à Rome. Le récit des supplices infligés par Verrès, gouverneur de Sicile, à des citoyens romains, fit scandale.
En vérité, juges, que vous dirai-je de Publius Gavius, de la ville municipale de Compsa ? Ma voix sera-t-elle assez forte, mes paroles auront-elles assez de poids, mon âme assez de douleur pathétique ? On tailladait à coups de verges un citoyen romain, juges, en plein Forum de Messine et, pendant ce temps, dans la souffrance et sous le claquement des coups, le malheureux ne poussait ni un gémissement ni autre cri que ces mots : « je suis citoyen romain. » En rappelant sa qualité de citoyen, il croyait fermement qu’il écarterait les coups et détournerait Verrès de le crucifier. O doux nom de liberté ! Privilèges merveilleux de notre cité ! O loi Porcia ! Lois de Sempronius ! O pouvoir tribunicien fortement regretté et enfin rendu à la plèbe romaine ! Toutes ces garanties ont-elles donc abouti à ce qu’un citoyen romain, dans une province du peuple romain, dans une ville d’alliés, fut attaché et tailladé à coup de verges sur le Forum par celui qui tenait des suffrages du peuple romain les haches et les faisceaux ? Des hommes de petite condition, de naissance obscure, voyagent sur la mer, abordent en des lieux qu’ils n’ont jamais vus auparavant, où ils ne peuvent ni être connus des indigènes ni trouver toujours des répondants de leur identité ; cependant se fiant uniquement à leur titre de citoyens, ils croient être en sûreté, non pas seulement devant nos magistrats, que tient la crainte d’être frappés par les lois et par l’opinion, non pas seulement devant des citoyens romains à qui langage, droit et beaucoup d’autres liens les unissent, mais en tout lieu ils espèrent que cette qualité sera leur sauvegarde.
Cicéron, 2, Verrines, 5, 162-167 »
Précisons qu’à Rome les citoyens sont régulièrement recensés (census) :
«Les censeurs et la communauté des citoyens
Les censeurs sont des magistrats élus tous les cinq ans afin d’établir le census, institution qui sert de base à l’organisation militaire, fiscale et politique. Le classement qu’ils constituent, après avoir recensé les citoyens et évalué leur fortune, fonde la hiérarchie des citoyens. C’est en fonction de son census que le citoyen romain est ou non mobilisable dans la légion. Les censeurs, garants de la morale de la communauté, sont aussi ceux qui composent les listes des membres des catégories les plus honorables de la cité, du Sénat et de l’ordre équestre. Leur fonction est associée au contrôle des mœurs des Romains qu’ils peuvent sanctionner pour des manquements considérés comme des menaces pour la survie de la communauté. Leur charge inclut la gestion du patrimoine de l’Etat et les grands travaux publics. En gérant les revenus de la res publica, les censeurs contribuent au bien-être de leurs concitoyens.
[…]Le census, institution très ancienne de Rome, fonde la hiérarchie sociale. Avec le recensement des citoyens et l’évaluation de leurs richesses, les censeurs opèrent un classement nécessaire à l’organisation militaire, fiscale et politique de l’ancienne Rome. Ils confectionnent des registres qui conditionnent la participation à la communauté politique des citoyens. Les censeurs réalisaient également tous les cinq ans la liste des sénateurs et des chevaliers romains. Ils étaient donc les maîtres du recrutement des catégories d’individus supérieurs aux simples citoyens.
[…]Le census n’était pas une simple opération de dénombrement des citoyens destinée à établir des relevés d’état civil. Beaucoup plus large que le recensement, terme que nous utilisons aujourd’hui pour traduire ce mot, il était lié à l’établissement de listes pour le service militaire, pour les registres des impôts et pour le classement de ceux qui votaient dans les comices. Ses fonctions étaient donc multiples. L’inscription au census ne donnait pas la citoyenneté romaine, mais elle en permettait l’obtention. Il était impossible d’exercer ses droits politiques si l’on n’était pas inscrit dans une centurie pour participer aux comices centuriates ou si l’on ne l’était pas inclus dans une tribu pour participer aux comices tributes. Ceux qui renonçaient à se soumettre au census étaient vendus comme esclaves. Ils refusaient les droits et les devoirs qu’impliquait leur appartenance à la communauté et pouvaient donc être privés de toute autre forme de liberté. Cicéron l’affirmait encore, alors qu’à son époque on n’avait plus connaissance de ce type de sanction. »
Source : Rome, de la cité-Etat à l'Empire : institutions et vie politique aux 2e et 1er siècles av. J.-C, Elizabeth Deniaux
« Au sens le plus littéral du terme, le citoyen n’existait d’abord que si la collectivité, représentée en l’espèce par les censeurs, prenait connaissance de sa réalité physique et biologique à travers une déclaration qui, en outre, le cernait dans toutes ses particularités : sexe, âge, filiation, gens et famille, situation au regard du droit privé (tutelle, etc.), domicile, appartenance à telle ou telle tribu, enfin montant de sa fortune. Cette déclaration, publique et contrôlée, déterminait à son tour la cité à lui assigner solennellement une place dans un organisme complexe (le système censitaire) qui lui conférait son rang, sa dignité, et qui du même coup lui confiait un rôle précis dans l’ensemble des relations qui formaient sa vie civique. »
Source : Le métier de citoyen dans la Rome républicaine, Claude Nicolet
Bonne journée.
A notre connaissance, un citoyen romain n’avait pas en sa possession de preuve matérielle de son statut qui serait l’équivalent d’une carte d’identité. Seule sa parole, le témoignage d’autrui et son nom de citoyen, composé du praenomen (prénom), du nomen ou gentilice (nom de famille), et du cognomen (surnom), permettaient à un romain de justifier de son identité et de sa qualité de citoyen lorsqu’il se trouvait hors de Rome, ce dont témoigne ce document cité dans l’ouvrage d’Elisabeth Deniaux Rome, de la cité-Etat à l'Empire : institutions et vie politique aux 2e et 1er siècles av. J.-C :
«
Le privilège du citoyen romain est de pouvoir faire reconnaître qu’il bénéficie partout, dans le monde dominé par Rome, des garanties de la liberté individuelle. Il ne peut être soumis à l’arbitraire du gouverneur romain en province ni à celui des magistrats à Rome. Le récit des supplices infligés par Verrès, gouverneur de Sicile, à des citoyens romains, fit scandale.
En vérité, juges, que vous dirai-je de Publius Gavius, de la ville municipale de Compsa ? Ma voix sera-t-elle assez forte, mes paroles auront-elles assez de poids, mon âme assez de douleur pathétique ? On tailladait à coups de verges un citoyen romain, juges, en plein Forum de Messine et, pendant ce temps, dans la souffrance et sous le claquement des coups, le malheureux ne poussait ni un gémissement ni autre cri que ces mots : « je suis citoyen romain. » En rappelant sa qualité de citoyen, il croyait fermement qu’il écarterait les coups et détournerait Verrès de le crucifier. O doux nom de liberté ! Privilèges merveilleux de notre cité ! O loi Porcia ! Lois de Sempronius ! O pouvoir tribunicien fortement regretté et enfin rendu à la plèbe romaine ! Toutes ces garanties ont-elles donc abouti à ce qu’un citoyen romain, dans une province du peuple romain, dans une ville d’alliés, fut attaché et tailladé à coup de verges sur le Forum par celui qui tenait des suffrages du peuple romain les haches et les faisceaux ? Des hommes de petite condition, de naissance obscure, voyagent sur la mer, abordent en des lieux qu’ils n’ont jamais vus auparavant, où ils ne peuvent ni être connus des indigènes ni trouver toujours des répondants de leur identité ; cependant se fiant uniquement à leur titre de citoyens, ils croient être en sûreté, non pas seulement devant nos magistrats, que tient la crainte d’être frappés par les lois et par l’opinion, non pas seulement devant des citoyens romains à qui langage, droit et beaucoup d’autres liens les unissent, mais en tout lieu ils espèrent que cette qualité sera leur sauvegarde.
Cicéron, 2, Verrines, 5, 162-167 »
Précisons qu’à Rome les citoyens sont régulièrement recensés (census) :
«
Les censeurs sont des magistrats élus tous les cinq ans afin d’établir le census, institution qui sert de base à l’organisation militaire, fiscale et politique. Le classement qu’ils constituent, après avoir recensé les citoyens et évalué leur fortune, fonde la hiérarchie des citoyens. C’est en fonction de son census que le citoyen romain est ou non mobilisable dans la légion. Les censeurs, garants de la morale de la communauté, sont aussi ceux qui composent les listes des membres des catégories les plus honorables de la cité, du Sénat et de l’ordre équestre. Leur fonction est associée au contrôle des mœurs des Romains qu’ils peuvent sanctionner pour des manquements considérés comme des menaces pour la survie de la communauté. Leur charge inclut la gestion du patrimoine de l’Etat et les grands travaux publics. En gérant les revenus de la res publica, les censeurs contribuent au bien-être de leurs concitoyens.
[…]Le census, institution très ancienne de Rome, fonde la hiérarchie sociale. Avec le recensement des citoyens et l’évaluation de leurs richesses, les censeurs opèrent un classement nécessaire à l’organisation militaire, fiscale et politique de l’ancienne Rome. Ils confectionnent des registres qui conditionnent la participation à la communauté politique des citoyens. Les censeurs réalisaient également tous les cinq ans la liste des sénateurs et des chevaliers romains. Ils étaient donc les maîtres du recrutement des catégories d’individus supérieurs aux simples citoyens.
[…]Le census n’était pas une simple opération de dénombrement des citoyens destinée à établir des relevés d’état civil. Beaucoup plus large que le recensement, terme que nous utilisons aujourd’hui pour traduire ce mot, il était lié à l’établissement de listes pour le service militaire, pour les registres des impôts et pour le classement de ceux qui votaient dans les comices. Ses fonctions étaient donc multiples. L’inscription au census ne donnait pas la citoyenneté romaine, mais elle en permettait l’obtention. Il était impossible d’exercer ses droits politiques si l’on n’était pas inscrit dans une centurie pour participer aux comices centuriates ou si l’on ne l’était pas inclus dans une tribu pour participer aux comices tributes. Ceux qui renonçaient à se soumettre au census étaient vendus comme esclaves. Ils refusaient les droits et les devoirs qu’impliquait leur appartenance à la communauté et pouvaient donc être privés de toute autre forme de liberté. Cicéron l’affirmait encore, alors qu’à son époque on n’avait plus connaissance de ce type de sanction. »
Source : Rome, de la cité-Etat à l'Empire : institutions et vie politique aux 2e et 1er siècles av. J.-C, Elizabeth Deniaux
« Au sens le plus littéral du terme, le citoyen n’existait d’abord que si la collectivité, représentée en l’espèce par les censeurs, prenait connaissance de sa réalité physique et biologique à travers une déclaration qui, en outre, le cernait dans toutes ses particularités : sexe, âge, filiation, gens et famille, situation au regard du droit privé (tutelle, etc.), domicile, appartenance à telle ou telle tribu, enfin montant de sa fortune. Cette déclaration, publique et contrôlée, déterminait à son tour la cité à lui assigner solennellement une place dans un organisme complexe (le système censitaire) qui lui conférait son rang, sa dignité, et qui du même coup lui confiait un rôle précis dans l’ensemble des relations qui formaient sa vie civique. »
Source : Le métier de citoyen dans la Rome républicaine, Claude Nicolet
Bonne journée.
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