Question d'origine :
Bonjour,
Y a-t-il eu des civilisations anciennes qui ont existé sans religion ?
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 04/02/2019 à 15h16
Bonjour,
L'existence et le besoin decroyances - au surnaturel, à des puissances transcendantes, à une divinité unique ou à un ensemble de divinités, etc.- semble être profondément inscrit dans la nature de l’homme.
C'est ce qu'indique Michel Piquemal dans "Heureux sans dieu ni religions" dont voici un extrait :
" Dieu est une création humaine
Dans les temps premiers de l'humanité, l'être humain qui s'éveille à une conscience de soi attribue légitimement des pouvoirs aux éléments naturels qui l'entourent, dont sa vie si fragile dépend. Le soleil, la mer, l'orage, le lac, la source, l'animal dangereux ou l'animal qu'on mange représentent des forces dont il faut s'assurer les bonnes grâces. Faire une offrande à un fleuve avant de le traverser ou au renne avant d'aller le chasser sont des comportements courants chez les peuples premiers. Des pratiques rituelles voient le jour. Des récits s'inventent. Des mythologies naissent. Le concept de dieu y est en germe ! "
* A-t-il existé des sociétés sans croyances sous l'Antiquité ?
D'après Jean-François Dortier, la réponse est négative :
"« Aucune société sans religion n’a été découverte à ce jour », poursuit Jean-François Dortier. Même si des individus athées ou sceptiques se retrouvent ici ou là. Et si les croyances et rites varient d’un peuple à l’autre, partout la foi joue le rôle de ciment social. « La vérité est que la religion, étant coextensive à notre espèce, doit tenir à notre structure », déduisait le philosophe Henri Bergson. Autrement dit, croire serait inhérent à l’homme, comme l’est le fait de marcher sur deux jambes ou de parler . « Qu’il y ait bien là une disposition originelle, renchérissait Bergson, c’est ce que nous pouvons constater quand un choc brusque réveille l’homme primitif qui sommeille au fond de chacun de nous », lorsque la peur nous pousse à prier ou à croiser les doigts, par exemple.
L’anthropologue américain Scott Atran estime quant à lui que l’homme cherche spontanément une raison aux choses : soit une explication rationnelle quand cela est possible (le sol est mouillé parce qu’il a plu), soit un responsable lorsque le phénomène semble plus mystérieux (mais qui fait tomber la pluie ?). Cette disposition serait innée. Qu’il le veuille ou non, l’Homo sapiens reste d’abord et avant tout un… Homo religiosus !"
source : Depuis quand croit-on en dieu ?
* Mais chez les peuples antiques ou primitifs, peut-on parler de "religion" ou bien s'agit-il d'un animisme naturaliste ?
Voici comment Jean-François Mayer définit la "religion" :
« Un ensemble de croyances, rites et pratiques par lesquels un groupe humain estime entrer en contact avec des réalités supra-humaines et donner une réponse à la fois théorique et pratique, selon un dosage différent dans chaque cas, aux questions relatives à l’origine, à la réussite et à la finalité de l’existence en société. »
Si chacun s’accorde à reconnaître qu’il a sans doute existé une « dimension religieuse » dans toute société humaine, l’accord n’est plus de mise lorsqu’il s’agit de « la religion » en tant que réalité autonome regroupant l’ensemble des « croyances, rites et pratiques » d’une société. Des travaux récents, remarquables et parfois discutables de spécialistes de l’Antiquité « païenne » ont remis en cause le semblant de consensus qui paraissait avoir régné jusque-là. De ce consensus plus ou moins implicite témoignent les titres d’ouvrages innombrables consacrés à « la religion babylonienne », « la religion égyptienne », grecque, romaine, etc. Point commun de ces travaux, souvent de grande qualité : indépendamment des options personnelles de leurs auteurs, ils considèrent implicitement que « le » type de « la » religion est celui des religions monothéistes, c’est-à-dire, en Occident, au premier chef le christianisme. Non moins implicite est la conception de l’évolution qui correspond à ce schéma : une évolution en quelque sorte nécessaire vers le « plein épanouissement » de « la religion », à partir d’origines pauvres, froides, impersonnelles, ou encore fantasmatiques, imparfaitement religieuses en somme.
source : Jean-Marie Pailler, « Enseigner l’« histoire des religions » Que faire de l’Antiquité ? », Anabases, 2 | 2005, 195-208
* Dans l'ouvrage intitulé Histoire de l'athéisme : les incroyants dans le monde occidental des origines à nos jours, Georges Minois, aux pages 34 et suivantes, s'interroge sur l'existence de l'athéisme chez les peuples primitifs et antiques :
"Les traces de l'athéisme sont aussi anciennes que celles de la religion. Mais seules ces dernières se prêtent à une étude spécifique, ce qui a conduit à postuler le caractère exclusif de l'attitude religieuse dans les sociétés antiques . Temples, bas-reliefs, peintures, textes culturels constituent l'essentiel des matériaux légués par ces civilisations anciennes. Cela signifie-t-il pour autant que pour tous les paysans, les artisans, les hommes de guerre, le monde du divin aille de soi ? [...]
...les plus vieilles civilisations ont connu une part d'athéisme. De l'aveu même du Dictionnaire de théologie catholique, "c'est par l'Inde que doit s'ouvrir l'histoire de l'athéisme ", et le Norvégien Finngeir Hiorth écrit : "Il y a des documents qui montrent l'existence d'athées en Inde environ deux mille ans plus tôt qu'en Grèce, c'est-à-dire au moins deux mille cinq cent ans avant Jésus-Christ. Sans remonter jusqu'à ces temps très reculés, une tradition athée est fermement établie depuis au moins le IVe siècle avant notre ère dans les philosophies indiennes Vaïçeshika-Nyâya. Cette dernière, qui accorde une grande importance aux nombres, s'est perpétuée ; on en retrouve des traces chez un petit nombre d'intellectuels indiens qui se réclament ouvertement de l'athéisme."
L'auteur aborde aussi l'existence d'athéisme chez les Chinois, en Perse antique, en Égypte, Babylonie, chez les Vikings ou encore les Hébreux. Puis dans le chapitre II, il parle de l'athéisme gréco-romain. Nous vous laissons poursuivre la lecture de cet ouvrage pour aller plus loin.
Nous vous renvoyons également à notre précédente réponse sur Les civilisations agnostiques.
Bonne journée.
L'existence et le besoin de
C'est ce qu'indique Michel Piquemal dans "Heureux sans dieu ni religions" dont voici un extrait :
" Dieu est une création humaine
Dans les temps premiers de l'humanité, l'être humain qui s'éveille à une conscience de soi attribue légitimement des pouvoirs aux éléments naturels qui l'entourent, dont sa vie si fragile dépend. Le soleil, la mer, l'orage, le lac, la source, l'animal dangereux ou l'animal qu'on mange représentent des forces dont il faut s'assurer les bonnes grâces. Faire une offrande à un fleuve avant de le traverser ou au renne avant d'aller le chasser sont des comportements courants chez les peuples premiers. Des pratiques rituelles voient le jour. Des récits s'inventent. Des mythologies naissent. Le concept de dieu y est en germe ! "
* A-t-il existé des sociétés sans croyances sous l'Antiquité ?
D'après Jean-François Dortier, la réponse est négative :
"«
L’anthropologue américain Scott Atran estime quant à lui que l’homme cherche spontanément une raison aux choses : soit une explication rationnelle quand cela est possible (le sol est mouillé parce qu’il a plu), soit un responsable lorsque le phénomène semble plus mystérieux (mais qui fait tomber la pluie ?). Cette disposition serait innée. Qu’il le veuille ou non, l’Homo sapiens reste d’abord et avant tout un… Homo religiosus !"
source : Depuis quand croit-on en dieu ?
* Mais chez les peuples antiques ou primitifs, peut-on parler de "religion" ou bien s'agit-il d'un animisme naturaliste ?
Voici comment Jean-François Mayer définit la "religion" :
« Un ensemble de croyances, rites et pratiques par lesquels un groupe humain estime entrer en contact avec des réalités supra-humaines et donner une réponse à la fois théorique et pratique, selon un dosage différent dans chaque cas, aux questions relatives à l’origine, à la réussite et à la finalité de l’existence en société. »
source : Jean-Marie Pailler, « Enseigner l’« histoire des religions » Que faire de l’Antiquité ? », Anabases, 2 | 2005, 195-208
* Dans l'ouvrage intitulé Histoire de l'athéisme : les incroyants dans le monde occidental des origines à nos jours, Georges Minois, aux pages 34 et suivantes, s'interroge sur l'existence de l'athéisme chez les peuples primitifs et antiques :
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L'auteur aborde aussi l'existence d'athéisme chez les Chinois, en Perse antique, en Égypte, Babylonie, chez les Vikings ou encore les Hébreux. Puis dans le chapitre II, il parle de l'athéisme gréco-romain. Nous vous laissons poursuivre la lecture de cet ouvrage pour aller plus loin.
Nous vous renvoyons également à notre précédente réponse sur Les civilisations agnostiques.
Bonne journée.
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