une vengeance contre l'esprit de l'escalier
LANGUES ET LITTÉRATURES
+ DE 2 ANS
Le 27/01/2019 à 15h29
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Question d'origine :
Bonjour,
Il semble que Valéry ait défini la littérature comme ''vengeance'' contre ''l'esprit de l'escalier''. Seulement, je n'arrives pas vraiment à cerner ce qu'il entendait par là, surtout au regard de ses poèmes davantage portés sur leur forme que sur leur sens.
Est-il possible d'avoir quelques éclaircissements ou des exemples de poèmes qui seraient l'illustration de cet esprit?
Un grand merci pour votre site très enrichissant,
Une internaute fidèle.
Réponse du Guichet
bml_litt
- Département : Langues et Littératures
Le 30/01/2019 à 13h40
Bonjour,
Nous ne pensons pas qu’il soit nécessaire de se livrer à une analyse littéraire de l’œuvre de Paul Valéry pour saisir ce que cette citation signifie.
Il nous semble, tout d’abord, pertinent de poser les termes de cette expression figurée. Le dictionnaire des expressions imagées nous apporte ainsi un éclaircissement précieux :
« Une des raisons d’être des salons est de s’y rencontrer pour briller auprès de ses amis, et si possible de ses ennemis. Là plus que partout ailleurs il est nécessaire d’avoir de l’esprit, la repartie facile, le trait piquant. Malheur à celui qui est incapable de glisser un bon mot, au moment voulu, pour mettre les rieurs avec lui. Il arrive pourtant que la saillie se fasse attendre, que la réplique fasse défaut, que le bonhomme ne pense à ce qu’il aurait dû répondre que trop tard, alors qu’on parle de tout à fait autre chose, ou même quand la réunion est terminée, qu’il est sorti... Il trouve alors, en descendant l’escalier, ce qu’il aurait fallu dire! C’est précisément « avoir l’esprit de l’escalier »
Pour faire court, l’esprit de l’escalier, c’est l’esprit, la répartie qui nous vient trop tard.
L’idée est formulée, pour la première fois, dans l’étude théâtrale de Diderot, Paradoxe sur le comédien, rédigé entre 1773 et 1778. Il écrit, ainsi :
« l'homme sensible comme moi, tout entier à ce qu'on lui objecte, perd la tête et ne se retrouve qu'au bas de l'escalier »
Mais l’expression n’apparaît sous sa forme définitive que dans la correspondance de Paul Verlaine, en 1886 :
« L'autre jour, avec cet esprit de l'escalier qui me caractérise, j'ai réfléchi que vous aviez été des moins explicites quant aux sommes dont Chanzy peut se reconnaître redevable envers moi »
Paul Valéry a très certainement voulu signifier que la littérature par sa dimension réflexive laissait le temps à la maturation des idées et pouvait, par conséquent, apporter un recours à la frustration de celui qui n'avait pas su faire preuve d'esprit au moment opportun (le venger ?).
A l’image, de cette réflexion de Jean-Jacques Rousseau, extraite des Confessions, qui se désespérait de ne pas avoir ce sens de la répartie sur le moment :
« Deux choses presque inalliables s'unissent en moi sans que j'en puisse concevoir la manière : un tempérament très ardent, des passions vives, impétueuses, et des idées lentes à naître, embarrassées, et qui ne se présentent jamais qu'après coup. On dirait que mon cœur et mon esprit n'appartiennent pas au même individu. Le sentiment plus prompt que l'éclair vient remplir mon âme, mais au lieu de m'éclairer il me brûle et m'éblouit. Je sens tout et je ne vois rien. je suis emporté mais stupide ; il faut que je sois de sang-froid pour penser. Ce qu'il y a d'étonnant est que j'ai cependant le tact assez sûr, de la pénétration, de la finesse même pourvu qu'on m'attende :je fais d'excellents impromptus à loisir ; mais sur le temps je n'ai jamais rien fait ni dit qui vaille. je ferais une fort jolie conversation par la poste »
Nous espérons que cette réponse vous apportera satisfaction.
Bonne journée,
Nous ne pensons pas qu’il soit nécessaire de se livrer à une analyse littéraire de l’œuvre de Paul Valéry pour saisir ce que cette citation signifie.
Il nous semble, tout d’abord, pertinent de poser les termes de cette expression figurée. Le dictionnaire des expressions imagées nous apporte ainsi un éclaircissement précieux :
« Une des raisons d’être des salons est de s’y rencontrer pour briller auprès de ses amis, et si possible de ses ennemis. Là plus que partout ailleurs il est nécessaire d’avoir de l’esprit, la repartie facile, le trait piquant. Malheur à celui qui est incapable de glisser un bon mot, au moment voulu, pour mettre les rieurs avec lui. Il arrive pourtant que la saillie se fasse attendre, que la réplique fasse défaut, que le bonhomme ne pense à ce qu’il aurait dû répondre que trop tard, alors qu’on parle de tout à fait autre chose, ou même quand la réunion est terminée, qu’il est sorti... Il trouve alors, en descendant l’escalier, ce qu’il aurait fallu dire! C’est précisément « avoir l’esprit de l’escalier »
L’idée est formulée, pour la première fois, dans l’étude théâtrale de Diderot, Paradoxe sur le comédien, rédigé entre 1773 et 1778. Il écrit, ainsi :
« l'homme sensible comme moi, tout entier à ce qu'on lui objecte, perd la tête et ne se retrouve qu'au bas de l'escalier »
Mais l’expression n’apparaît sous sa forme définitive que dans la correspondance de Paul Verlaine, en 1886 :
« L'autre jour, avec cet esprit de l'escalier qui me caractérise, j'ai réfléchi que vous aviez été des moins explicites quant aux sommes dont Chanzy peut se reconnaître redevable envers moi »
Paul Valéry a très certainement voulu signifier que la littérature par sa dimension réflexive laissait le temps à la maturation des idées et pouvait, par conséquent, apporter un recours à la frustration de celui qui n'avait pas su faire preuve d'esprit au moment opportun (le venger ?).
A l’image, de cette réflexion de Jean-Jacques Rousseau, extraite des Confessions, qui se désespérait de ne pas avoir ce sens de la répartie sur le moment :
« Deux choses presque inalliables s'unissent en moi sans que j'en puisse concevoir la manière : un tempérament très ardent, des passions vives, impétueuses, et des idées lentes à naître, embarrassées, et qui ne se présentent jamais qu'après coup. On dirait que mon cœur et mon esprit n'appartiennent pas au même individu. Le sentiment plus prompt que l'éclair vient remplir mon âme, mais au lieu de m'éclairer il me brûle et m'éblouit. Je sens tout et je ne vois rien. je suis emporté mais stupide ; il faut que je sois de sang-froid pour penser. Ce qu'il y a d'étonnant est que j'ai cependant le tact assez sûr, de la pénétration, de la finesse même pourvu qu'on m'attende :
Nous espérons que cette réponse vous apportera satisfaction.
Bonne journée,
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