Question d'origine :
cher guichet,
Comment travaillent les médecins lyonnais à l’Hôtel-Dieu : Quel est leur nombre et leurs obligations? Font-ils fortune ?
Réponse du Guichet
bml_reg
- Département : Documentation régionale
Le 29/01/2019 à 08h18
Réponse de la Documentation Régionale
Bonjour,
Les longues guerres qui marquent la fin du XVII et le début du XVIIIe siècle ont une répercussion désastreuse sur les finances de l'Hôtel Dieu. Mais dans la première partie du XVIIIe siècle, grâce en partie aux legs et dons, la situation s'améliore, et l'Hôtel-Dieu accumule un patrimoine immobilier qui prendra une importance capitale un siècle plus tard. La situation est tellement souriante qu’on entreprend à cette époque la construction du « palais érigée à la fièvre », le bâtiment en bord de Rhône qu’on associe aujourd’hui à l’Hôtel-Dieu. A la fin du siècle, c’est un hospice dont la réputation dépasse largement les frontières de la Ville, réputation due autant à la magnificence de ses bâtiments qu’à la renommée de ses médecins et chirurgiens ; un rapport de l’Académie des Sciences, chargés par Louis XVI de l’examen d’un nouvel Hôtel-Dieu de Paris écrivent dans leur rapport : « Les hôpitaux de Lyon sont les plus parfaits du royaume ».
Dans La médecine à Lyon des origines à nos jours, on peut lire à propos du personnel hospitalier :
Le personnel médical
En 1755, le personnel soignant est évalué à 130 Sœurs, dont 70 portent la Croix d'Argent, à l'effigie de Notre-Dame de Pitié, et à 50 frères hospitaliers, dont 30 portent sur leur habit la plaque d'Argent, aux mêmes armes. Les unes et les autres sont sous la direction de quatre aumôniers ordinaires, nommés par l’Archevêque, et d’un Aumônier en chef, maître spirituel de la congrégation.
L'histoire des médecins de l’Hôtel-Dieu est pauvre à cette époque. La plupart d’entre eux exercent leur activité pendant quelques mois seulement. Deux médecins « ordinaires» sont affectés à cet hôpital : le plus ancien prend le titre de «premier médecin ».
Ses prérogatives sont importantes : il a le pas sur tous les employés de la maison dans les cérémonies, il choisit son propre service, et interroge lui-même les garçons-chirurgiens, les chirurgiens et les apothicaires, lors des concours. Laurent Garnier, fils de Pierre Garnier, occupe ces fonctions de 1729 à 1734. Médecin ordinaire du roi, doyen du Collège des médecins, il eut une grosse influence et facilita l’organisation d’un cours d'anatomie à Lyon. Le «deuxième médecin» est Claude Chol, qui prend la place de François Borin, décédé en 1747; il occupera cette place jusqu’en 1781.
Devant l’augmentation des malades, au nombre de 1 400 en 1776, les recteurs décident de nommer, cette année là, un troisième médecin, puis, en 1782, deux suppléants «en survivance».
Le plus connu de ces médecins fut J.-E. Gilibert (1741-1814), nommé en 1784, après des pérégrinations polonaises. Il fut élu à la mairie de Lyon, lors du siège de 1793, et dut s’enfuir pendant les proscriptions qui suivirent; il écrivit beaucoup, sur la «médecine naturaliste»), «l’anarchie médicinale», et publia plusieurs Traités sur l'histoire naturelle.
Les chirurgiens
Au milieu du XVINI° siècle, huit à dix chirurgiens sont en fonction, répartis dans les salles de blessés, hommes ou femmes. Ils doivent suivre un enseignement mis au point par le règlement de 1753. Le maître chirurgien et le chirurgien principal en sont chargés : ils font pendant trois ans deux cours par Semaine, consacrés à l’anatomie et aux rudiments de la technique chirurgicale. De plus, les trois plus anciens garçons-chirurgiens font les opérations sur le cadavre, en présence du maître chirurgien et du chirurgien principal, «afin qu'ayant resté dans la maison le temps prescrit ils sachent tous leur anatomie, et faire les opérations». Il ne leur est accordé chaque année qu’une femme ou deux, si le cas l'exige, pour démontrer les parties de la génération, «qui sont les seules qui diffèrent du corps de l’homme».
Au XVII siècle, la chirurgie lyonnaise est dominée par le nom prestigieux de Claude Pouteau, «qui occupe un rang distingué dans cette longue série de brillants chirurgiens dont s’honore la ville».
En 1744, il devient garçon-chirurgien, sans concours «attendu la certitude du bureau de sa Capacité»; il est donc l’objet d’une faveur spéciale de la part des Recteurs.
En 1747, il est nommé chirurgien principal en même temps que son maître Pierre Grassot obtient la maîtrise. Son nom reste attaché à la description de la fracture de l'extrémité inférieure du radius, mais ses nombreux travaux résument en fait l’activité chirurgicale de l’époque : recherches sur l’inoculation de la «pourriture d'hôpital», sur les luxations et les fractures des membres, nouveau procédé pour l’opération de la taille, et pour la cure chirurgicale des épiplocèles, cure des fistules lacrymales, avantages de la ligature immédiate des artères après une plaie, emploi du feu en chirurgie, etc.
En 1753, il est nommé maître chirurgien; mais, la communauté des chirurgiens commence à s’émouvoir d’un mode de nomination sans concours : elle refuse d’assister à son examen de réception, qui a lieu sans les autorités de la ville. En même temps, un arrêté décide qu’à l’avenir les chirurgiens sortants continueront à aider de leur expérience leur successeur, pendant trois ans, avec un appointement annuel de 800 livres. Pouteau va donc exercer cette fonction auprès de Joachim Puy, avant de se retirer dans la chirurgie privée, où il continuera jusqu’en 1775 sa brillante carrière.
Après lui, d’autres chirurgiens célèbres peuvent être cités : J.-J. Guérin (de 1759 à 1765), le premier en date des ophtalmologistes lyonnais: J.-F. Dufieu (de 1765 à 1769), qui publia un traité de physiologie; M. Carret (de 1769 à 1775), surtout connu comme politicien, appartenant à la fraction modérée du Conseil municipal en 1793; Pierre Bouchet (de 1775 à 1781), élève de Desault à Paris; A.-C. Dussaussoy (de 1781 à 1787), qui supporta mieux le siège de 1793 que son prédécesseur; J.-V. Rey (de 1787 à 1793), dernier des chirurgiens-majors de l’Ancien Régime.
Les Hôtels-Dieu de Paris et de Lyon
Ainsi, grâce à quelques-uns de ses représentants, médecins et chirurgiens, l’'Hôtel-Dieu de Lyon justifie-t-il l'excellente réputation que l’on attribue aux soins qu’il dispense.
De 1737 à 1748, on note une mortalité de un sur quatre à l'Hôtel-Dieu de Paris, contre un sur huit à la Charité de Paris, et seulement un sur quatorze à l’'Hôtel-Dieu de Lyon.
L'anglais John Howard n’hésite pas à déclarer en 1777 que l’Hôtel-Dieu de Lyon est «le meilleur hôpital qu'il y ait dans notre pays».
Vous pouvez également consulter Histoire du Grand Hôtel Dieu de Lyon, Vivre et mourir à l'Hôtel-Dieu de Lyon sous l'Ancien Régime [Livre] : 1478-1802 : histoire du Grand-Hôtel-Dieu de Lyon, ou vous rendre aux archives municipales où sont conservés les fonds de l’Hôtel-Dieu (rèf. FRAC069123_HD_01).
Bonjour,
Les longues guerres qui marquent la fin du XVII et le début du XVIIIe siècle ont une répercussion désastreuse sur les finances de l'Hôtel Dieu. Mais dans la première partie du XVIIIe siècle, grâce en partie aux legs et dons, la situation s'améliore, et l'Hôtel-Dieu accumule un patrimoine immobilier qui prendra une importance capitale un siècle plus tard. La situation est tellement souriante qu’on entreprend à cette époque la construction du « palais érigée à la fièvre », le bâtiment en bord de Rhône qu’on associe aujourd’hui à l’Hôtel-Dieu. A la fin du siècle, c’est un hospice dont la réputation dépasse largement les frontières de la Ville, réputation due autant à la magnificence de ses bâtiments qu’à la renommée de ses médecins et chirurgiens ; un rapport de l’Académie des Sciences, chargés par Louis XVI de l’examen d’un nouvel Hôtel-Dieu de Paris écrivent dans leur rapport : « Les hôpitaux de Lyon sont les plus parfaits du royaume ».
Dans La médecine à Lyon des origines à nos jours, on peut lire à propos du personnel hospitalier :
En 1755, le personnel soignant est évalué à 130 Sœurs, dont 70 portent la Croix d'Argent, à l'effigie de Notre-Dame de Pitié, et à 50 frères hospitaliers, dont 30 portent sur leur habit la plaque d'Argent, aux mêmes armes. Les unes et les autres sont sous la direction de quatre aumôniers ordinaires, nommés par l’Archevêque, et d’un Aumônier en chef, maître spirituel de la congrégation.
L'histoire des médecins de l’Hôtel-Dieu est pauvre à cette époque. La plupart d’entre eux exercent leur activité pendant quelques mois seulement. Deux médecins « ordinaires» sont affectés à cet hôpital : le plus ancien prend le titre de «premier médecin ».
Ses prérogatives sont importantes : il a le pas sur tous les employés de la maison dans les cérémonies, il choisit son propre service, et interroge lui-même les garçons-chirurgiens, les chirurgiens et les apothicaires, lors des concours. Laurent Garnier, fils de Pierre Garnier, occupe ces fonctions de 1729 à 1734. Médecin ordinaire du roi, doyen du Collège des médecins, il eut une grosse influence et facilita l’organisation d’un cours d'anatomie à Lyon. Le «deuxième médecin» est Claude Chol, qui prend la place de François Borin, décédé en 1747; il occupera cette place jusqu’en 1781.
Devant l’augmentation des malades, au nombre de 1 400 en 1776, les recteurs décident de nommer, cette année là, un troisième médecin, puis, en 1782, deux suppléants «en survivance».
Le plus connu de ces médecins fut J.-E. Gilibert (1741-1814), nommé en 1784, après des pérégrinations polonaises. Il fut élu à la mairie de Lyon, lors du siège de 1793, et dut s’enfuir pendant les proscriptions qui suivirent; il écrivit beaucoup, sur la «médecine naturaliste»), «l’anarchie médicinale», et publia plusieurs Traités sur l'histoire naturelle.
Au milieu du XVINI° siècle, huit à dix chirurgiens sont en fonction, répartis dans les salles de blessés, hommes ou femmes. Ils doivent suivre un enseignement mis au point par le règlement de 1753. Le maître chirurgien et le chirurgien principal en sont chargés : ils font pendant trois ans deux cours par Semaine, consacrés à l’anatomie et aux rudiments de la technique chirurgicale. De plus, les trois plus anciens garçons-chirurgiens font les opérations sur le cadavre, en présence du maître chirurgien et du chirurgien principal, «afin qu'ayant resté dans la maison le temps prescrit ils sachent tous leur anatomie, et faire les opérations». Il ne leur est accordé chaque année qu’une femme ou deux, si le cas l'exige, pour démontrer les parties de la génération, «qui sont les seules qui diffèrent du corps de l’homme».
Au XVII siècle, la chirurgie lyonnaise est dominée par le nom prestigieux de Claude Pouteau, «qui occupe un rang distingué dans cette longue série de brillants chirurgiens dont s’honore la ville».
En 1744, il devient garçon-chirurgien, sans concours «attendu la certitude du bureau de sa Capacité»; il est donc l’objet d’une faveur spéciale de la part des Recteurs.
En 1747, il est nommé chirurgien principal en même temps que son maître Pierre Grassot obtient la maîtrise. Son nom reste attaché à la description de la fracture de l'extrémité inférieure du radius, mais ses nombreux travaux résument en fait l’activité chirurgicale de l’époque : recherches sur l’inoculation de la «pourriture d'hôpital», sur les luxations et les fractures des membres, nouveau procédé pour l’opération de la taille, et pour la cure chirurgicale des épiplocèles, cure des fistules lacrymales, avantages de la ligature immédiate des artères après une plaie, emploi du feu en chirurgie, etc.
En 1753, il est nommé maître chirurgien; mais, la communauté des chirurgiens commence à s’émouvoir d’un mode de nomination sans concours : elle refuse d’assister à son examen de réception, qui a lieu sans les autorités de la ville. En même temps, un arrêté décide qu’à l’avenir les chirurgiens sortants continueront à aider de leur expérience leur successeur, pendant trois ans, avec un appointement annuel de 800 livres. Pouteau va donc exercer cette fonction auprès de Joachim Puy, avant de se retirer dans la chirurgie privée, où il continuera jusqu’en 1775 sa brillante carrière.
Après lui, d’autres chirurgiens célèbres peuvent être cités : J.-J. Guérin (de 1759 à 1765), le premier en date des ophtalmologistes lyonnais: J.-F. Dufieu (de 1765 à 1769), qui publia un traité de physiologie; M. Carret (de 1769 à 1775), surtout connu comme politicien, appartenant à la fraction modérée du Conseil municipal en 1793; Pierre Bouchet (de 1775 à 1781), élève de Desault à Paris; A.-C. Dussaussoy (de 1781 à 1787), qui supporta mieux le siège de 1793 que son prédécesseur; J.-V. Rey (de 1787 à 1793), dernier des chirurgiens-majors de l’Ancien Régime.
Ainsi, grâce à quelques-uns de ses représentants, médecins et chirurgiens, l’'Hôtel-Dieu de Lyon justifie-t-il l'excellente réputation que l’on attribue aux soins qu’il dispense.
De 1737 à 1748, on note une mortalité de un sur quatre à l'Hôtel-Dieu de Paris, contre un sur huit à la Charité de Paris, et seulement un sur quatorze à l’'Hôtel-Dieu de Lyon.
L'anglais John Howard n’hésite pas à déclarer en 1777 que l’Hôtel-Dieu de Lyon est «le meilleur hôpital qu'il y ait dans notre pays».
Vous pouvez également consulter Histoire du Grand Hôtel Dieu de Lyon, Vivre et mourir à l'Hôtel-Dieu de Lyon sous l'Ancien Régime [Livre] : 1478-1802 : histoire du Grand-Hôtel-Dieu de Lyon, ou vous rendre aux archives municipales où sont conservés les fonds de l’Hôtel-Dieu (rèf. FRAC069123_HD_01).
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