Question d'origine :
Cher guichet,
Comment vit un maître écrivain dans une ville de 5000-7000 habitants au 18 siècle?
Peut-il cumuler avec maître d'école?
Bonne année!
P.S. Comment va fonctionner le guichet avec les transferts dus au désamiantage ?
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 28/01/2019 à 16h13
Bonjour,
Concernant votre demande, permettez-nous de revenir tout d’abord sur une définition succincte du métier de maître–écrivain :
Un maître écrivain est un professionnel qui, sous l'Ancien Régime, faisait son métier de bien écrire et généralement d'enseigner cet art. Aux XVIe et XVIIe siècles, les maîtres écrivains se sont regroupés dans des corporations (en France). Ce terme de « maître écrivain » doit en principe être réservé à ceux d'entre eux qui avaient été reçus maîtres dans leur corporation. Pour les autres, on parlera plus volontiers d'écrivain public ou, pour ceux qui travaillaient sur des ouvrages de luxe, de calligraphes
(source : article wikipedia maître-écrivain)
Si vous souhaitez en savoir plus sur le contexte de l’émergence de la corporation des maîtres écrivains, nous vous conseillons la lecture l’article de Jean Hébrard "Des écritures exemplaires : l'art du maître-écrivain en France du XVI au XVIIIeme siècle" paru dans "Mélanges de l'école française de Rome" et également consultable sur Persée. En voici quelques extraits :
En France, les maîtres écrivains accèdent au XVIe siècle à un statut très spécifique à la suite d'une affaire qui met en cause la chancellerie royale.
En 1569, en effet, le secrétaire de Charles IX imite frauduleusement la signature du roi. Le chancelier réunit quelques-uns des plus habiles maîtres écrivains de Paris pour confondre le faussaire. Ce dernier démasqué est condamné à mort et pendu. Le 16 octobre 1570, les maîtres-écrivains reçoivent du roi les lettres patentes qui les érigent en corporation. Ils sont désignés sous le titre «Experts Jurés Écrivains, seuls vérificateurs des écritures, signatures contestées en Justice» et établis «pour enseigner l'écriture et l'arithmétique à Paris et par tout le Royaume».
Sur la question du cumul du métier de maître-écrivain et de maître d'école :
Un arrêté pris le 2 novembre 1813 par le Grand-Maître de l'Université impériale avait pratiquement interdit aux maîtres écrivains l'exercice de leur profession en les obligeant à s'inscrire dans le statut non universitaire de maître d'école, à respecter les programmes strictement élémentaires auxquels ces derniers étaient astreints ainsi qu'à ne plus rassembler adultes et enfants dans une même classe.(source : Des écritures exemplaires : l'art du maître-écrivain en France du XVI au XVIIIeme siècle)
Nos recherches nous ont également éclairées sur la querelle entre maîtres écrivains et maîtres d’école. Un conflit qui existe d’abord dans les villes puis s’étend dès le milieu du XVIIIème siècle aux plus petites communes :
Les relations entre le monde des maîtres écrivains et celui des maîtres d'école n'ont jamais été très bonnes. Cette confrontation ne concerne évidemment pas le monde des petites écoles rurales. Celles-ci, jusqu'au XVIIIe siècle, enseignent rarement à écrire et à compter. Par contre dès que l'on se rapproche d'un centre urbain, même petit, il se trouve toujours quelques familles pour souhaiter donner à leurs enfants les rudiments d'un savoir écrire. Dès lors le maître d'école se doit d'avoir dans ses compétences ce type de savoir-faire et s'il se trouve dans le même lieu ou à proximité un maître écrivain, qu'il soit ou non juré ou membre d'une corporation, ce dernier devient un concurrent dangereux.. »
D'ailleurs, dans les périodes difficiles pour la corporation, nombreux sont les maîtres écrivains à abandonner les grandes villes marchandes et à tenter leur chance dans les villages plus modestes…une situation qui se généralisera à la mi-XVIIIe siècle (voir par exemple les nombreux maîtres écrivains jurés parisiens acceptant les charges de régent des écoles dans les petites communes du Bassin parisien)
Ce n’est qu’au XVIIIeme siècle que théoriciens et praticiens de l’éducation comme l’abbé Cherrier commencent à préconiser l’apprentissage simultané de la lecture et de l’écriture
L’apprentissage de l’écriture dans les petites écoles rencontre l’hostilité des maîtres écrivains, corporation jalouse de son monopole d’écriture. A Lyon, ils font procéder à des contrôles par huissier chez les maîtres d’école avec saisie du matériel d’écriture…
L’implantation des écoles des Frères des écoles chrétiennes est parfois difficile. A Abbeville (Somme) , par exemple, les frères se heurtent à la résistance des maîtres des écoles payantes et des maîtres écrivains qui les accusent de leur faire une concurrence déloyale en acceptant des élèves dont les parents sont capables de payer des droits de scolarité.. [source :Histoire de l'école élementaire en France / Jean Combes p 58-60 Les écoles de l’Ancien Régime (XVI –XVIII siècle)]
Pour aller plus loin :
Au tombeaux des secrets : les écrivains publics du Paris populaire, cimetière des Saints-Innocents : XVIe-XVIIIe siècle / Christine Métayer
Les maîtres écrivains, contribution à l'histoire de l'enseignement à Amiens du 15e au 18e siècle [Article] / Albert Labarre
L'art d'écrire / Charles Paillasson et Michel Aubin
Histoire de la calligraphie / Claude Mediavilla
Bonnes lectures !
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