Question d'origine :
Bonjour,
S'agissant de l'édit de Thessalonique, il est souvent dit qu'il avait été signé par l'empereur d'Orient Théodose sans faire mention de l'empereur Gratien qui était, en 380, toujours empereur d'Occident. Pourriez-vous m'éclairer sur cette question ?
Par avance merci
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 24/01/2019 à 10h55
Bonjour,
L’Édit de Thessalonique en 380 entérine la religion chrétienne comme religion d’État de l'Empire romain. Il fait suite au Concile de Nicée convoqué en 325 par Constantin.
Voici un extrait de l’Édit se trouvant dans le code théodosien, un recueil législatif promulgué en 432 par Théodose II qui compile un siècle de lois élaborées par les empereurs romains successifs. Dans le texte l'Édit est bien attribué à Théodose qui règne sur l'Empire romain d'orient, mais aussi à Gratien et à Valentinien II, qui en 380 se partagent l'empire romain d'occident :
« Édit des empereurs Gratien, Valentinien II et Théodose Auguste, au peuple de la ville de Constantinople. Nous voulons que tous les peuples que régit la modération de Notre Clémence s'engagent dans cette religion que le divin Pierre Apôtre a donné aux Romains - ainsi que l'affirme une tradition qui depuis lui est parvenue jusqu'à maintenant - et qu'il est clair que suivent le pontife Damase et l'évêque d'Alexandrie, Pierre, homme d'une sainteté apostolique : c'est-à-dire que, en accord avec la discipline apostolique et la doctrine évangélique, nous croyons en l'unique Divinité du Père et du Fils et du Saint-Esprit, dans une égale Majesté et une pieuse Trinité.
Nous ordonnons que ceux qui suivent cette loi prennent le nom de Chrétiens catholiques et que les autres, que nous jugeons déments et insensés, assument l'infamie de l'hérésie. Leurs assemblées ne pourront pas recevoir le nom d'églises et ils seront l'objet, d'abord de la vengeance divine, ensuite seront châtiés à notre propre initiative que nous avons adopté suivant la volonté céleste.
Donné le troisième jour des calendes de mars à Thessalonique, Gratien Auguste étant consul pour la cinquième fois et Théodose Auguste pour la première fois. » (Code théodosien 16.1.2)
Nous pouvons effectivement constater avec vous que les noms de Gratien et de Valentinien II sont parfois omis par les historiens concernant l’Édit de Théssalonique. Peut être la raison est-elle liée à la réputation de l'empereur Théodose par rapport à celle de Gratien, qui mourut assassiné en 383 ?
« Il y a peu à dire du jeune Gratien, en revanche Théodose est un homme doté d'une personnalité puissante, qui s'imposait à tous. Il avait atteint le grade de général de la cavalerie et fut choisi. comme Auguste en 379. Originaire d'Espagne il était un bon général et un chrétien orthodoxe, fervent pour les uns , fanatique pour les autres... » (source : Histoire romaine / Marcel Le Glay, Jean-Louis Voisin, Yann Le Bohec- chapitre « le temps de Théodose »
Dans ce même ouvrage, au chapitre 6, il est spécifié que « Les décisions impériales (contre le paganisme) se retrouvent dans un ensemble de mesures prises par Gratien et surtout par Théodose, le grand ennemi du paganisme."
Par ailleurs : « Théodose le Grand est le précurseur des souverains du Moyen Âge : il prend part aux querelles théologiques et surtout il entre en conflit avec l'évêque Ambroise de Milan, après avoir fait exterminer, dans le grand cirque de Thessalonique, sept mille personnes qui s'étaient révoltées. L'évêque le somme de se repentir et lui interdit l'entrée de sa cathédrale par ces mots : « Tu as imité David dans son crime, imite-le dans sa pénitence. » Théodose doit se soumettre. Cette première lutte entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel préfigure les grandes discordes entre les empereurs ou les rois et la papauté. (source : encyclopedia universalis- article sur Théodose I)
Ceci étant, Gratien, lui aussi, dans son combat contre le paganisme fit enlever l'autel de la Victoire (symbole païen érigé par les sénateurs romains de la Curie). Nous vous invitons à lire à ce sujet notre réponse sur le Guichet du savoir.
Par ailleurs Gratien fut le premier empereur à refuser en 383, le titre de « grand pontife » (pontifex maximus). Le livre de Pierre Chuvin intitulé Chroniques des derniers païens nous en apprend plus : "Ce geste marquant une séparation du paganisme et de l’État...Gratien est assassiné en 385 à l'instigation de Maxime commandant des troupes de Bretagne. Ce dernier aurait proclamé peu de temps avant le meurtre de Gratien « si Gratien ne veut pas être pontifex, il y aura sans tarder un pontifex maximus ».
Théodose quant à lui : « décida à franchir le pas, le 8 novembre 392, il prit la décision radicale et définitive : il interdit une fois pour toutes tout sacrifice et tout culte païen, il prohiba jusqu'à l'humble culte quotidien pour lequel dans le moindre foyer, on brûlait de l'encens ou versait un peu de vin devant les statuettes domestiques des Lares et Pénates » (source : Quand notre monde est devenu chrétien (391-394) / Paul Veyne)
Théodose I fut vainqueur de Maxime en 393 puis battu l'usurpateur Eugène (en 394). Il sera le dernier empereur à régner sur l'Empire romain unifié jusqu'à sa mort en 395 !
Enfin pour en savoir plus, nous ne pouvons que vous conseiller la consultation des ouvrages cités dans cet article.
Bonnes lectures !
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