Question d'origine :
S.V.P. A l'époque , pas si lointaine, où la France était encore, essentiellement rurale et paysanne ; quelles étaient,en dehors des animaux et autres travaux d'entretien ou de construction des bâtiments, les activités et loisirs principaux de cette population, pendant le plein hiver ? On nous apprenait , que dans certaines régions- principalement ,en montagne-(Jura,Vosges), l'horlogerie était une autre activité rurale saisonnière . De même que, actuellement, quelques agriculteurs , ont comme deuxième métier, celui de moniteur de ski, entre autre. Mais tout cela , ne concerne que la montagne ! Pouvez vous m'indiquer quelles autres occupations et activités ,occupaient ces ruraux , dans d'autres régions, durant les jours de ces périodes ? De même que, outre casser des noix ou égrener le maïs, dans les régions où ces produits étaient présents, que faisaient les familles, autour du feu de bois , lors des longues veillées d'hiver, et avant que n'arrive radio et télévision ? merci.
Réponse du Guichet
Vous nous demandez de répondre en fait à deux questions bien distinctes, celle de la pluriactivité et celle des loisirs.
Ce premier sujet est abordé dans de nombreux ouvrages, qu’il vous faudra donc parcourir, dont La petite exploitation rurale triomphante : France XIXe dans lequel Jean-Luc Mayaud indique que « la pluriactivité, en effet, est omniprésente, qu’il s’agisse de l’ouvrier-paysan de l’usine ou la mine, ou du paysan-tisserand travaillant dans la mouvance du négoce textile proto-industriel, ou encore paysan-horloger de l’économie de montagne(…) il convient de souligner le puissant attachement de l’ouvrier d’usine à la liberté du paysan, la difficile intériorisation de la discipline des horaires fixes, qui contrarient jardinage et bucheronnage, et la pratique de l’absentéisme au profit des travaux des champs (…) Les forges, dans les premières décennies de l’industrialisation intègrent la pluriactivité et l’ambivalence de la main-d’œuvre… ».
L’auteur mentionne en fonction des localisations les types d’activités comme la petite mécanique pour les villages qui gravitent dans l’orbite de Saint-Etienne ou encore le travail textile à domicile.
Dans La pluriactivité dans l'agriculture des montagnes françaises: un territoire ..., Anthony Simon rappelle également les diverses activités pratiquées comme l’activité coutelière dans les montagnes de Thiers ou la fabrication de chapelets à Ambert : « quelques fabricants ont su créer des petites usines tout en confiant le montage des chapelets aux paysannes des environs (…) Philippe Arbos a pu parler, en 1929, de sept mille paysannes occupées en hiver au montage des chapelets ».
Michel Vanderpooten dans Les campagnes françaises au XIXe siècle. Economie, société, politique consacre tout un chapitre à la pluriactivité dans des secteurs bien variés, du cuir à la métallurgie en passant par le textile.
Nous vous laissons parcourir ces ouvrages pour connaître les « occupations » des paysans.
Par ailleurs, les ouvrages Histoire de la France rurale. Apogée et crise de la civilisation paysanne. De 1789 à 1914 et Histoire de la France rurale. La fin de la France paysanne. Depuis 1914 abordent la question des loisirs, des veillées et des fêtes et montrent que celles-ci tendent à disparaître dès le XIXe siècle. Nous en citerons ici que quelques extraits et il vous faudra poursuivre la lecture pour en savoir plus.
Dans le premier volume, il est indiqué que « le fait dominant est qu’au milieu du XIXe siècle, bien des observateurs, fort divers, s’accordent à constater que le monde paysan voit s’affronter deux cultures, celle qui lui est traditionnelle, celle que la ville lui apprend (…) l’antithèse se forme autour des lieux où se rassemblent les hommes pour les loisirs (soirées d’hiver, et dimanche d’après-midi). Le lieu de tradition, c’est la « veillée », son antithèse c’est le « café ». Nous avons déjà cité le Simple de Guillaumin : Peut-être avait-on moins raison (on est vers la fin du second Empire) de délaisser les simples amusements d’autrefois, vijons, veillées, petits jeux avec des gages. L’auberge en venait à être le cadre obligé de tous les plaisirs « (…) En ce temps-là [1847] la mode de ces réunions joyeuses [les veillées] était loin d’être perdue ; elles se tenaient en général dans les étables ou dans les bergeries … Aujourd’hui [vers 1900] dans nos villages les paysans, après souper, vont au café faire leur partie de billard, de manille ou d’un jeu de cartes quelconque
(…) « Autrefois les veillées et autres occasions réunissaient presque journellement les familles d’un même voisinage. De longues heures passaient dans un travail commun (…) et des entretiens où chacun apportait sa quote-part d’expérience et de savoir en toutes choses, ses réflexions, ses idées, voire même sa poésie (…) Aujourd’hui [1871] le paysan, même le plus rangé, cherche avec prédilection pour passer ses heures de repos le cabaret et surtout le café (…) un grand tournant de la sociabilité paysanne ».
Dans le deuxième volume, les auteurs notent que « les folkloristes du XIXe siècle observent déjà un recul très net des traditions après la guerre de 1870 (…) la vie religieuse notamment qui tient une place importante dans la vie sociale du village au XIXe siècle est fortement en régression (…) le calendrier religieux du paysan creusois se réduit à trois fêtes, nous dit un observateur. » Ils sont venus aux Rameaux et, à Pâques, après l’alleluia, ils ont parcouru leurs champs de seigle pour y planter le buis protecteur des moissons. Quant à la troisième et dernière fête du cycle qui rompt le fil de leur année peineuse », c’est à la Toussaint.
(…)
Une carte établie en 1937, fait apparaître que les feux de brandons et les feux de la Saint-Jean ne continuent d’être allumés de façon systématique que dans très peu de régions : les collines de l’Artois, certaines parties du massif central ».
Les auteurs parlent du carnaval pour conclure sur le fait que « les fêtes profanes n’ont donc pas mieux résisté que les fêtes religieuses et « la disparition des veillées résulte sans doute, elle aussi, en partie du dépeuplement » mais aussi que « la transformation des conditions de vie contribue également au déclin des fêtes ».
Dans Rase campagne: La fin des communautés villageoises, Hervé Luxardo revient sur la veillée : « c’est surtout en hiver (..) qu’on se rend d’une maisons l’autre « faire assemblée. A elle seule, la veillée mesure l’état de précarité dans lequel vivent les campagnes. On se réunit d’abord pour économiser fagots de bois et chandelles et se défendre du froid. En Languedoc, les voisins se cotisent pour acheter une chandelle. Lorsqu’ils pénètrent dans la grande salle l’hôtesse souffle la sienne. En Mâconnais, à l’extrême fin du XIXe siècle, chaque participant procure « à tour de rôle la quantité d’huile nécessaire » (…) on peut aussi veiller dans les écuries, les étables ou les bergeries …
Nous vous laissons lire en ligne ce document ainsi que Histoire de la nuit: Europe occidentale. XVIIe-XVIIIe siècle par Alain Cabantous qui vous renseignera plus précisément sur la veillée.