Quelle Légion sous Ponce Pilate
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 14/01/2019 à 11h52
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Question d'origine :
Bonjour,
Sauriez-vous me dire quelle légion était, si ce n'est cantonnée du moins chargée de l'occupation de la région de Jérusalem sous Ponce Pilate ?
Merci !
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 16/01/2019 à 14h21
Bonjour,
Voici les informations que nous trouvons dans l’ouvrage d’Aldo Schiavone, Ponce Pilate : une énigme entre histoire et mémoire (p.24-25) :
« […] le dispositif militaire sur lequel il pouvait compter était loin d’être imposant. A la différence de la province voisine de Syrie, une région bien plus vaste et exposée, où le légat impérial disposait de quatre légions – la VIe « Ferrata », la Xe « Fretensis », la IIIe « Gallica » et, depuis l’an 18, la XIIe « Fulminata » -, le gouverneur de la Judée ne commandait qu’un escadron de cavalerie (l’Ala I gemina Sebastenorum, représentant environ un régiment) et cinq cohortes d’infanterie, dont une probablement romaine et les autres recrutées sur place (mais non parmi les Juifs, exemptés de service militaire), sous les ordres d’officiers d’origine orientale. Ces troupes étaient en grande partie cantonnées à Césarée. D’ordinaire, à Jérusalem, dans l’imposante forteresse Antonia adossée au Temple, se trouvait seulement une cohorte (de cinq cent à mille hommes), appuyée par un petit détachement de cavalerie commandé par un tribun, chargée du maintien de l’ordre. Il est possible que quelques unités supplémentaires aient été déployées en ville lorsque le gouverneur y séjournait, basées dans le palais d’Hérode et dans son voisinage immédiat, mais toujours en petit nombre : la prudence déconseillait de poster un effectif trop élevé dans les sanctuaires des Juifs, qui l’auraient vécu comme une provocation gratuite. La stratégie romaine, du reste, était la suivante : partout où cela était possible, de faibles moyens militaires et une poignée d’hommes devaient suffire. Il s’agissait de gouverner bien plus par le consentement que par les armes. »
L’ouvrage de Jean-Pierre Lémonon sur Ponce Pilate fournit de nombreuses informations sur la gouvernance de la Judée sous la domination de l’empire romain. En voici quelques extraits :
«L’organisation provinciale de l’Empire
Afin de situer la Judée dans le système d’organisation de l’Empire, nous décrivons brièvement celui-ci. Sous Auguste, en 27 av. J.-C., l’Empire est divisé en deux parties ; l’une revient à l’empereur, l’autre au peuple romain : « les provinces de César » et « les provinces du peuple ». Ces expressions de Strabon ne doivent pas induire en erreur. Mis à part quelques territoires qui étaient son bien propre, les provinces impériales ne furent jamais considérées comme le bien particulier de l’empereur, elles étaient administrées par celui-ci pour Rome. Auguste confiait à l’administration du Sénat les provinces pacifiées, il se réservait les provinces difficiles qui exigeaient un effort militaire particulier ; cette division habile lui permettait d’avoir les troupes sous son commandement. Une province sénatoriale était administrée par un gouverneur choisi par le Sénat, sous la responsabilité de celui-ci. Dans la partie orientale de l’Empire, la province d’Asie relevait de cette catégorie. Les provinces impériales, quant à elles, se subdivisaient en deux groupes, les provinces proprétoriennes et les provinces administrées par un préfet. Les premières avaient à leur tête des gouverneurs, membres de l’ordre sénatorial, qui, en tant que légats de l’empereur, commandaient les troupes cantonnées dans leur province. Les autres provinces impériales, moins importantes que les précédentes quant à leur étendue et à leur revenu, étaient en principe dirigées par des membres de l’ordre équestre. Ce dernier type de province réunissait un ensemble de territoires dont la population présentait des caractères particuliers. A sa création, comme il convenait, la Judée prenait place parmi les provinces dont le gouverneur était membre de l’ordre équestre.
Cette dernière assertion peut surprendre, car certains gouverneurs, surtout au début de l’Empire, n’étaient pas des hommes de rang équestre ; il arrivait que des centurions reçoivent cette charge dans le prolongement de leur commandement militaire. Néanmoins, ces exceptions n’enlèvent rien à la pratique courante. Quatre faits montrent que les gouverneurs de Judée, Félix mis à part, étaient de rang équestre :
- La pratique habituelle ;
- Le précédent créé par la nomination de Coponius dont nous connaissons par Josèphe son appartenance à l’ordre équestre ;
- Le fait que peu à peu, sans doute à partir de la seconde moitié du règne de Tibère, l’habitude fut prise de nommer des chevaliers à la tête de provinces. Après avoir accompli une carrière militaire, ces hommes recevaient la charge d’une province où ils accomplissaient alors des tâches plus diversifiées ;
- L’importance toujours plus grande prise par des membres de l’ordre équestre. Même si l’ordre ne représenta pas comme tel une force politique, sous la dynastie julio-claudienne ses membres jouèrent un rôle important. Le statut des provinces, conçu par Auguste, fut maintenu par Tibère, soucieux de continuer l’œuvre de son père. Ce statut était donc en vigueur au temps de Pilate. […]
Nature et importance des troupes stationnées en Judée
Le gouverneur commandait les troupes stationnées en Judée. Ses entreprises militaires étaient limitées par le type même des troupes dont il disposait et par leur petit nombre. Les légions romaines étaient stationnées en Syrie pour la défense de la frontière orientale de l’Empire ; elles étaient susceptibles d’intervenir en Judée si cela s’avérait nécessaire, ce qu’elles firent à plusieurs reprises. Ces interventions révèlent l’insuffisance des troupes stationnées en Judée dès qu’il s’agissait d’accomplir des tâches délicates. Le gouverneur de Judée disposait de troupes auxiliaires levées sur place, et occasionnellement dans les pays voisins, parmi la population non-juive. Au terme de leurs 25 ans de service, lors de leur libération, les membres des troupes auxiliaires pouvaient recevoir la citoyenneté romaine par diplôme. Les commandants des corps auxiliaires par contre étaient des chevaliers romains.
Cette force, aux mains du gouverneur, comportait de la cavalerie et de l’infanterie, la première organisée en alae, ailes, la seconde en cohortes. Selon R. W. Davies, il y aurait eu aussi en Judée sous les gouverneurs des cohortes equitatae, formations mixtes composées de cavaliers et de fantassins. Ces troupes auraient été utilisées en particulier pour un travail de police. […]
Un escadron de cavalerie et cinq cohortes furent levés de Sébaste et de Césarée, ce qui représentait environ 3000 hommes. […] Quand il mentionne cette cohorte, Luc commet sans doute un anachronisme ; il a entendu évoquer la présence d’une cohorte italique basée à Césarée à son époque, il fait à partir de là une projection sur le passé.
Si la situation l’exigeait, le gouverneur levait une force supplémentaire. Le légat de Syrie et le gouverneur de Judée eurent recours à cet expédient. […] Enfin, si les forces locales ne couvraient pas les besoins, le gouverneur faisait appel à une aide extérieure qui, dans le cas de la Judée, provenait de la province de Syrie.
[…] Les unités auxiliaires étaient basées dans diverses places. Les lieux habituels de stationnement de la plus grande partie de ces forces étaient Césarée, lieu de résidence du gouverneur, et Sébaste. Ces deux grandes villes païennes convenaient bien. Cependant les forteresses dispersées sur l’ensemble du territoire n’étaient pas laissées sans garnison. De même, à Jérusalem, l’Antonia abritait en permanence une cohorte, et des soldats demeuraient au palais d’Hérode.
Cette armée, à la disposition du gouverneur, était chargée de maintenir l’ordre dans la province ; formée de non-juifs, elle n’était pas sans danger pour les juifs. Ces derniers risquaient, à tout moment, d’être livrés à la force et à la fureur de leurs rivaux païens. A plusieurs reprises, les interventions des soldats du gouverneur ne sont pas dépourvues de partialité. »
Bonne journée.
Voici les informations que nous trouvons dans l’ouvrage d’Aldo Schiavone, Ponce Pilate : une énigme entre histoire et mémoire (p.24-25) :
« […] le dispositif militaire sur lequel il pouvait compter était loin d’être imposant. A la différence de la province voisine de Syrie, une région bien plus vaste et exposée, où le légat impérial disposait de quatre légions – la VIe « Ferrata », la Xe « Fretensis », la IIIe « Gallica » et, depuis l’an 18, la XIIe « Fulminata » -, le gouverneur de la Judée ne commandait qu’un escadron de cavalerie (l’Ala I gemina Sebastenorum, représentant environ un régiment) et cinq cohortes d’infanterie, dont une probablement romaine et les autres recrutées sur place (mais non parmi les Juifs, exemptés de service militaire), sous les ordres d’officiers d’origine orientale. Ces troupes étaient en grande partie cantonnées à Césarée. D’ordinaire, à Jérusalem, dans l’imposante forteresse Antonia adossée au Temple, se trouvait seulement une cohorte (de cinq cent à mille hommes), appuyée par un petit détachement de cavalerie commandé par un tribun, chargée du maintien de l’ordre. Il est possible que quelques unités supplémentaires aient été déployées en ville lorsque le gouverneur y séjournait, basées dans le palais d’Hérode et dans son voisinage immédiat, mais toujours en petit nombre : la prudence déconseillait de poster un effectif trop élevé dans les sanctuaires des Juifs, qui l’auraient vécu comme une provocation gratuite. La stratégie romaine, du reste, était la suivante : partout où cela était possible, de faibles moyens militaires et une poignée d’hommes devaient suffire. Il s’agissait de gouverner bien plus par le consentement que par les armes. »
L’ouvrage de Jean-Pierre Lémonon sur Ponce Pilate fournit de nombreuses informations sur la gouvernance de la Judée sous la domination de l’empire romain. En voici quelques extraits :
«
Afin de situer la Judée dans le système d’organisation de l’Empire, nous décrivons brièvement celui-ci. Sous Auguste, en 27 av. J.-C., l’Empire est divisé en deux parties ; l’une revient à l’empereur, l’autre au peuple romain : « les provinces de César » et « les provinces du peuple ». Ces expressions de Strabon ne doivent pas induire en erreur. Mis à part quelques territoires qui étaient son bien propre, les provinces impériales ne furent jamais considérées comme le bien particulier de l’empereur, elles étaient administrées par celui-ci pour Rome. Auguste confiait à l’administration du Sénat les provinces pacifiées, il se réservait les provinces difficiles qui exigeaient un effort militaire particulier ; cette division habile lui permettait d’avoir les troupes sous son commandement. Une province sénatoriale était administrée par un gouverneur choisi par le Sénat, sous la responsabilité de celui-ci. Dans la partie orientale de l’Empire, la province d’Asie relevait de cette catégorie. Les provinces impériales, quant à elles, se subdivisaient en deux groupes, les provinces proprétoriennes et les provinces administrées par un préfet. Les premières avaient à leur tête des gouverneurs, membres de l’ordre sénatorial, qui, en tant que légats de l’empereur, commandaient les troupes cantonnées dans leur province. Les autres provinces impériales, moins importantes que les précédentes quant à leur étendue et à leur revenu, étaient en principe dirigées par des membres de l’ordre équestre. Ce dernier type de province réunissait un ensemble de territoires dont la population présentait des caractères particuliers. A sa création, comme il convenait, la Judée prenait place parmi les provinces dont le gouverneur était membre de l’ordre équestre.
Cette dernière assertion peut surprendre, car certains gouverneurs, surtout au début de l’Empire, n’étaient pas des hommes de rang équestre ; il arrivait que des centurions reçoivent cette charge dans le prolongement de leur commandement militaire. Néanmoins, ces exceptions n’enlèvent rien à la pratique courante. Quatre faits montrent que les gouverneurs de Judée, Félix mis à part, étaient de rang équestre :
- La pratique habituelle ;
- Le précédent créé par la nomination de Coponius dont nous connaissons par Josèphe son appartenance à l’ordre équestre ;
- Le fait que peu à peu, sans doute à partir de la seconde moitié du règne de Tibère, l’habitude fut prise de nommer des chevaliers à la tête de provinces. Après avoir accompli une carrière militaire, ces hommes recevaient la charge d’une province où ils accomplissaient alors des tâches plus diversifiées ;
- L’importance toujours plus grande prise par des membres de l’ordre équestre. Même si l’ordre ne représenta pas comme tel une force politique, sous la dynastie julio-claudienne ses membres jouèrent un rôle important. Le statut des provinces, conçu par Auguste, fut maintenu par Tibère, soucieux de continuer l’œuvre de son père. Ce statut était donc en vigueur au temps de Pilate. […]
Le gouverneur commandait les troupes stationnées en Judée. Ses entreprises militaires étaient limitées par le type même des troupes dont il disposait et par leur petit nombre. Les légions romaines étaient stationnées en Syrie pour la défense de la frontière orientale de l’Empire ; elles étaient susceptibles d’intervenir en Judée si cela s’avérait nécessaire, ce qu’elles firent à plusieurs reprises. Ces interventions révèlent l’insuffisance des troupes stationnées en Judée dès qu’il s’agissait d’accomplir des tâches délicates. Le gouverneur de Judée disposait de troupes auxiliaires levées sur place, et occasionnellement dans les pays voisins, parmi la population non-juive. Au terme de leurs 25 ans de service, lors de leur libération, les membres des troupes auxiliaires pouvaient recevoir la citoyenneté romaine par diplôme. Les commandants des corps auxiliaires par contre étaient des chevaliers romains.
Cette force, aux mains du gouverneur, comportait de la cavalerie et de l’infanterie, la première organisée en alae, ailes, la seconde en cohortes. Selon R. W. Davies, il y aurait eu aussi en Judée sous les gouverneurs des cohortes equitatae, formations mixtes composées de cavaliers et de fantassins. Ces troupes auraient été utilisées en particulier pour un travail de police. […]
Un escadron de cavalerie et cinq cohortes furent levés de Sébaste et de Césarée, ce qui représentait environ 3000 hommes. […] Quand il mentionne cette cohorte, Luc commet sans doute un anachronisme ; il a entendu évoquer la présence d’une cohorte italique basée à Césarée à son époque, il fait à partir de là une projection sur le passé.
Si la situation l’exigeait, le gouverneur levait une force supplémentaire. Le légat de Syrie et le gouverneur de Judée eurent recours à cet expédient. […] Enfin, si les forces locales ne couvraient pas les besoins, le gouverneur faisait appel à une aide extérieure qui, dans le cas de la Judée, provenait de la province de Syrie.
[…] Les unités auxiliaires étaient basées dans diverses places. Les lieux habituels de stationnement de la plus grande partie de ces forces étaient Césarée, lieu de résidence du gouverneur, et Sébaste. Ces deux grandes villes païennes convenaient bien. Cependant les forteresses dispersées sur l’ensemble du territoire n’étaient pas laissées sans garnison. De même, à Jérusalem, l’Antonia abritait en permanence une cohorte, et des soldats demeuraient au palais d’Hérode.
Cette armée, à la disposition du gouverneur, était chargée de maintenir l’ordre dans la province ; formée de non-juifs, elle n’était pas sans danger pour les juifs. Ces derniers risquaient, à tout moment, d’être livrés à la force et à la fureur de leurs rivaux païens. A plusieurs reprises, les interventions des soldats du gouverneur ne sont pas dépourvues de partialité. »
Bonne journée.
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