Question d'origine :
Bonjour,
Que sait-on de la fabrication par les nazis de savons à partir de graisses humaines ?
Merci
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 09/01/2019 à 20h39
Bonjour,
Selon l’article Wikipédia, « l'affirmation selon laquelle les Allemands utilisaient la graisse de cadavres humains pour fabriquer des produits avait déjà été avancée par les Anglais pendant la Première Guerre mondiale. The Times écrira en avril 1917 que les Allemands faisaient bouillir les corps de leurs soldats morts pour en faire du savon et d'autres produits. En 1925, le ministre d'affaires étrangères britannique, Austen Chamberlain, admit cependant que l'histoire de « l'usine à cadavres » était entièrement imaginaire. »
Les mêmes rumeurs ressurgissent pendant la seconde guerre mondiale. Cette fois, la fabrication par les allemands de savon à partir des cadavres des prisonniers juifs issus des camps de concentration est avancée.
Parmi les témoignages des survivants d’Auschwitz, nous avons trouvé celui d’un prisonnier de guerre britannique qui, à l’occasion du procès de Nuremberg, mentionne que : « les civils allemands menaçaient les déportés d’être gazés et transformés en savon ». Une telle fabrication n’a jamais eu lieu mais il semble bien que de nombreuses personnes y aient cru. Ainsi, à l’Holocaust Memorial Museum aux Etats-Unis, des barres de savon prétendument composées de graisse humaine ont été analysées, mais aucune trace ne fut trouvée. Après la guerre, la notion de savons marqués d’un sigle R.I.F "Reines Jüdisches Fett" apparaît, et aurait signifié « pure graisse juive ». Là encore, cette rumeur trouve son origine dans les sarcasmes véhiculés par les nazis. En fait le sigle R.I.F figurant sur certains savons correspondait au "Reichsstelle fur Industrielle Fettversorgung" (Centre d’état pour la fourniture de graisses) qui fabriquait ceux-ci.
Néanmoins, en 1942, Himmler lui-même se préoccupe de ces rumeurs d'utilisation des cadavres pour la fabrication de savon et/ou d'engrais. Le 24 novembre 1942, le rabbin Stephen Wise avait évoqué ces rumeurs lors d'une conférence de presse à New York. Himmler écrit alors à Heinrich Müller, chef de la Gestapo: "Dans le cadre du grand mouvement d'émigration des Juifs, je ne m'étonne pas que de telles rumeurs se répandent dans le monde. Nous savons tous deux qu'il y a actuellement un taux de mortalité plus élevé parmi les Juifs mis au travail. Vous devez vous assurer que les corps des Juifs morts sont soit brûlés soit ensevelis sur place et qu'en aucun lieu absolument rien d'autre n'advienne de ces corps.
Menez partout une enquête immédiatement afin de déterminer si le genre d'usage détourné [des corps] du genre évoqué au point 1, sans doute des rumeurs mensongères, s'est produit.
Conformément aux vœux SS je dois être tenu au courant de tout usage détourné de ce genre."
La réalité quant à elle, nuance clairement la chose. On trouve effectivement mention dans le jugement du tribunal de Nuremberg du savon fabriqué à partir de graisse humaine : « Après la crémation, les cendres étaient utilisées comme fertilisant, dans quelques cas, des tentatives furent effectuées afin d’utiliser la graisse des corps des victimes dans la fabrication industrielle du savon ».
Mais les tentatives, ou plutôt la tentative expérimentale dont il est question et qui revient le plus souvent, fut menée par le Dr Rudolph Spanner à l’Institut anatomique de Dantzig et reste un cas isolé et marginal.
Le maire de Dantzig, Kotus Jankowski témoigne dans un rapport : "Nous avons découvert, à l'institut d'hygiène de Dantzig, une fabrique de savon où l'on utilisait des corps humains venant du camp de Stutthof, proche de Dantzig. Nous avons découvert 350 cadavres, des prisonniers polonais et soviétiques. Nous avons trouvé des marmites contenant des restes de chair humaine bouillie, une boite d'os humains préparés, et des paniers de mains et de pieds et de peau humaine, dont la graisse avait été enlevée."
Dans son livre La Russie en guerre, Alexander Werth rapporte qu'en visitant Dantzig en 1945, peu après son occupation par l'Armée rouge, il vit une usine expérimentale à l'extérieur de la ville destinée à fabrique du savon à partir de corps humains. Selon Werth, elle était dirigée par "un professeur allemand appelé Spanner" et "était une vision de cauchemar, avec ses bacs pleins de têtes humaines et de torses baignant dans des liquides, et ses bacs pleins d'une substance molle."
Le meilleur témoignage de ce qui se passa à l'Institut anatomique de Dantzig est donné par Sigmund Mazur qui y fut employé comme laborantin à partir de janvier 1941 jusqu'à la prise de la ville par les Soviétiques. Il existe un document présenté à Nuremberg mentionnant une recette de savon. Ce document ne mentionne pas qu'il s'agit de savon humain, mais la recette avait été tapée sur un papier à entête de l'Institut anatomique de Dantzig. Dans son témoignage du 11 juin 1945, Mazur a reconnu cette recette comme celle utilisée pour l'essai de fabrication de savon humain. Mazur, avant même de déposer devant les autorités soviétiques avait été interrogé par la Commission d'Enquête sur les Crimes Allemands en Pologne, commission formée notamment d'éminents journalistes, scientifiques et juristes polonais. Mazur déposa auprès de cette commission le 12 mai 1945, 16 jours avant sa première déposition auprès des Soviétiques. La substance de ce qu'il rapporta auprès de la commission est la même que celle de sa déposition devant les autorités Soviétiques. Zofia Nalkowska, femme de lettres polonaise, faisait partie de cette commission et a rapporté le témoignage de Mazur.
Si le public et les médias ont fait l’amalgame entre les rumeurs qui apparurent en 1942, et la réalité de la tentative de Dantzig, il n’en est pas de même des historiens. Il n’y a pas eu de production massive ou à échelle industrielle, mais une tentative expérimentale et isolée.
Les auteurs des principales monographies sur l'histoire du génocide juif n'évoquent pas particulièrement la question du savon humain. Raul Hilberg précise dans son ouvrage La destruction des juifs d’Europe, qu'il ne cherchait pas à déterminer si des barres de savon avaient été fabriquées dans les camps d’extermination et ajoutait qu'à son avis ce n'était pas le cas. Cependant, dans ce contexte, il rapporte également l'épisode de l'Institut anatomique de Dantzig. Il est clair qu'Hilberg ne croit pas à la production industrielle de savon humain dans les centres de mise à mort, mais que l’expérimentation de Spanner lui paraît crédible.
Le journaliste William Shirer a en 1960, rapporté le même épisode en ces termes: « Selon un document présenté par l'accusation russe, une firme de Dantzig construisit une cuve chauffée électriquement pour transformer en savon la graisse humaine » (William Shirer, Le troisième Reich, des origines à la chute). Remarquons que Shirer ne souscrit ni ne confirme ces allégations. Il ne mentionne d'aucune manière la moindre fabrication en masse de savon par quelle qu’usine que ce soit. Il évoque seulement une firme qui a fabriqué un réservoir, et ce d'après un document du Tribunal de Nuremberg.
Enfin en 1968, Olga Wormser-Migot dans Le système concentrationnaire nazi, évoque la fabrication du savon humain. Là encore elle ne mentionne que les expériences de Dantzig effectuées à partir de cadavres de concentrationnaires du Stutthof, de prisonniers ou encore de pensionnaires d’asile.
Pour conclure, nous pouvons trouver dans quelques mémoriaux et cimetières juifs, des urnes présentées comme renfermant des restes de ces savons.
Ci dessous la photo de l’entrée du cimetière israélite de Nice qui rend hommage aux victimes de la déportation sous la forme de deux urnes. La première contient des cendres recueillies dans les chambres à gaz et les fours crématoires d’Auschwitz ; la seconde du savon à la graisse humaine fabriqué par les nazis.
Selon l’article Wikipédia, « l'affirmation selon laquelle les Allemands utilisaient la graisse de cadavres humains pour fabriquer des produits avait déjà été avancée par les Anglais pendant la Première Guerre mondiale. The Times écrira en avril 1917 que les Allemands faisaient bouillir les corps de leurs soldats morts pour en faire du savon et d'autres produits. En 1925, le ministre d'affaires étrangères britannique, Austen Chamberlain, admit cependant que l'histoire de « l'usine à cadavres » était entièrement imaginaire. »
Les mêmes rumeurs ressurgissent pendant la seconde guerre mondiale. Cette fois, la fabrication par les allemands de savon à partir des cadavres des prisonniers juifs issus des camps de concentration est avancée.
Parmi les témoignages des survivants d’Auschwitz, nous avons trouvé celui d’un prisonnier de guerre britannique qui, à l’occasion du procès de Nuremberg, mentionne que : « les civils allemands menaçaient les déportés d’être gazés et transformés en savon ». Une telle fabrication n’a jamais eu lieu mais il semble bien que de nombreuses personnes y aient cru. Ainsi, à l’Holocaust Memorial Museum aux Etats-Unis, des barres de savon prétendument composées de graisse humaine ont été analysées, mais aucune trace ne fut trouvée. Après la guerre, la notion de savons marqués d’un sigle R.I.F "Reines Jüdisches Fett" apparaît, et aurait signifié « pure graisse juive ». Là encore, cette rumeur trouve son origine dans les sarcasmes véhiculés par les nazis. En fait le sigle R.I.F figurant sur certains savons correspondait au "Reichsstelle fur Industrielle Fettversorgung" (Centre d’état pour la fourniture de graisses) qui fabriquait ceux-ci.
Néanmoins, en 1942, Himmler lui-même se préoccupe de ces rumeurs d'utilisation des cadavres pour la fabrication de savon et/ou d'engrais. Le 24 novembre 1942, le rabbin Stephen Wise avait évoqué ces rumeurs lors d'une conférence de presse à New York. Himmler écrit alors à Heinrich Müller, chef de la Gestapo: "Dans le cadre du grand mouvement d'émigration des Juifs, je ne m'étonne pas que de telles rumeurs se répandent dans le monde. Nous savons tous deux qu'il y a actuellement un taux de mortalité plus élevé parmi les Juifs mis au travail. Vous devez vous assurer que les corps des Juifs morts sont soit brûlés soit ensevelis sur place et qu'en aucun lieu absolument rien d'autre n'advienne de ces corps.
Menez partout une enquête immédiatement afin de déterminer si le genre d'usage détourné [des corps] du genre évoqué au point 1, sans doute des rumeurs mensongères, s'est produit.
Conformément aux vœux SS je dois être tenu au courant de tout usage détourné de ce genre."
La réalité quant à elle, nuance clairement la chose. On trouve effectivement mention dans le jugement du tribunal de Nuremberg du savon fabriqué à partir de graisse humaine : « Après la crémation, les cendres étaient utilisées comme fertilisant, dans quelques cas, des tentatives furent effectuées afin d’utiliser la graisse des corps des victimes dans la fabrication industrielle du savon ».
Mais les tentatives, ou plutôt la tentative expérimentale dont il est question et qui revient le plus souvent, fut menée par le Dr Rudolph Spanner à l’Institut anatomique de Dantzig et reste un cas isolé et marginal.
Le maire de Dantzig, Kotus Jankowski témoigne dans un rapport : "Nous avons découvert, à l'institut d'hygiène de Dantzig, une fabrique de savon où l'on utilisait des corps humains venant du camp de Stutthof, proche de Dantzig. Nous avons découvert 350 cadavres, des prisonniers polonais et soviétiques. Nous avons trouvé des marmites contenant des restes de chair humaine bouillie, une boite d'os humains préparés, et des paniers de mains et de pieds et de peau humaine, dont la graisse avait été enlevée."
Dans son livre La Russie en guerre, Alexander Werth rapporte qu'en visitant Dantzig en 1945, peu après son occupation par l'Armée rouge, il vit une usine expérimentale à l'extérieur de la ville destinée à fabrique du savon à partir de corps humains. Selon Werth, elle était dirigée par "un professeur allemand appelé Spanner" et "était une vision de cauchemar, avec ses bacs pleins de têtes humaines et de torses baignant dans des liquides, et ses bacs pleins d'une substance molle."
Le meilleur témoignage de ce qui se passa à l'Institut anatomique de Dantzig est donné par Sigmund Mazur qui y fut employé comme laborantin à partir de janvier 1941 jusqu'à la prise de la ville par les Soviétiques. Il existe un document présenté à Nuremberg mentionnant une recette de savon. Ce document ne mentionne pas qu'il s'agit de savon humain, mais la recette avait été tapée sur un papier à entête de l'Institut anatomique de Dantzig. Dans son témoignage du 11 juin 1945, Mazur a reconnu cette recette comme celle utilisée pour l'essai de fabrication de savon humain. Mazur, avant même de déposer devant les autorités soviétiques avait été interrogé par la Commission d'Enquête sur les Crimes Allemands en Pologne, commission formée notamment d'éminents journalistes, scientifiques et juristes polonais. Mazur déposa auprès de cette commission le 12 mai 1945, 16 jours avant sa première déposition auprès des Soviétiques. La substance de ce qu'il rapporta auprès de la commission est la même que celle de sa déposition devant les autorités Soviétiques. Zofia Nalkowska, femme de lettres polonaise, faisait partie de cette commission et a rapporté le témoignage de Mazur.
Si le public et les médias ont fait l’amalgame entre les rumeurs qui apparurent en 1942, et la réalité de la tentative de Dantzig, il n’en est pas de même des historiens. Il n’y a pas eu de production massive ou à échelle industrielle, mais une tentative expérimentale et isolée.
Les auteurs des principales monographies sur l'histoire du génocide juif n'évoquent pas particulièrement la question du savon humain. Raul Hilberg précise dans son ouvrage La destruction des juifs d’Europe, qu'il ne cherchait pas à déterminer si des barres de savon avaient été fabriquées dans les camps d’extermination et ajoutait qu'à son avis ce n'était pas le cas. Cependant, dans ce contexte, il rapporte également l'épisode de l'Institut anatomique de Dantzig. Il est clair qu'Hilberg ne croit pas à la production industrielle de savon humain dans les centres de mise à mort, mais que l’expérimentation de Spanner lui paraît crédible.
Le journaliste William Shirer a en 1960, rapporté le même épisode en ces termes: « Selon un document présenté par l'accusation russe, une firme de Dantzig construisit une cuve chauffée électriquement pour transformer en savon la graisse humaine » (William Shirer, Le troisième Reich, des origines à la chute). Remarquons que Shirer ne souscrit ni ne confirme ces allégations. Il ne mentionne d'aucune manière la moindre fabrication en masse de savon par quelle qu’usine que ce soit. Il évoque seulement une firme qui a fabriqué un réservoir, et ce d'après un document du Tribunal de Nuremberg.
Enfin en 1968, Olga Wormser-Migot dans Le système concentrationnaire nazi, évoque la fabrication du savon humain. Là encore elle ne mentionne que les expériences de Dantzig effectuées à partir de cadavres de concentrationnaires du Stutthof, de prisonniers ou encore de pensionnaires d’asile.
Pour conclure, nous pouvons trouver dans quelques mémoriaux et cimetières juifs, des urnes présentées comme renfermant des restes de ces savons.
Ci dessous la photo de l’entrée du cimetière israélite de Nice qui rend hommage aux victimes de la déportation sous la forme de deux urnes. La première contient des cendres recueillies dans les chambres à gaz et les fours crématoires d’Auschwitz ; la seconde du savon à la graisse humaine fabriqué par les nazis.
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