Question d'origine :
Pensez-vous qu'Henriette de Mortsauf, la "céleste créature" du Lys dans la Vallée de Balzac faisait caca?
Si oui, dans quelles conditions matérielles exactement au regard de l'époque et de sa condition sociale?
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 04/01/2019 à 15h51
Bonjour,
Aussi vertueuse, pure et dévouée soit-elle, Henriette de Mortsauf n'en reste pas moins un être humain qui a des besoins primaires à satisfaire.
Lors de ces instants solennels, peut-être officiait-elle sur une «chaise d'affaires » appelée aussi chaise percée ?
L'astuce des chaises percées est qu'elles ne se distinguaient pas des autres meubles. Une simple trappe donnait accès à un pot niché dans le fauteuil.
Cette chaise était-elle raccordée à unefosse ? Malheureusement, nous l'ignorons.
Ou bien Henriette eut-elle la chance de disposer d'une des premières"garde-robe" hydraulique ?
C'est ainsi qu'on appelait l'endroit dédié à la chose chez les plus riches.
Roger-Henri Guerrand dans Les lieux : histoire des commodités cite un texte de L. Prudhomme, (Miroir historique, politique et critique de l'ancien et du nouveau Paris et du département de la Seine, 1807, 5 vol., t. V) qui décrit assez bien la situation sanitaire de la France de cette époque :
" "Depuis quelques années, l'industrie a fait, dans la capitale, de grands progrès : dans le nombre des inventions précieuses on doit remarquer celle desgarde-robes hydrauliques (water closets). Cette invention est due aux Anglais et perfectionnée par M. Leignardier . On trouve chez lui deux sortes de garde-robes, les unes fixes , qui peuvent se placer dans tous les cabinets d'aisances et que les locataires peuvent facilement enlever en changeant de logement ; les autres, portatives et dans les formes les plus élégantes, représentant un meuble, suivant le prix qu'on veut y mettre." Le système d'adduction d'eau n'est malheureusement pas défini et les garde-robes portatives ressemblent fort aux anciennes chaises percées : celles-ci persisteront jusqu'à la fin du siècle. Nous ignorons quel accueil a fait le public bourgeois à l'invention de ces W.-C. - notons l'apparition de l'expression -, mais leur constructeur en installa au palais du Tribunat où le concessionnaire demandait trois sous.
L'ensemble de la population, comme avant 1789, doit se contenter de loges infectes donnant sur l'escalier commun : tous les observateurs de cette époque - ils répéteront la même chose jusqu'en 1914 - le décrivent comme très souvent recouvert "d'ordures pétrifiées" ou liquides, car le débordement semble une règle presque générale. Dans ces maisons, la fosse ne se dissimule pas au fond des caves, elle est partout.
On pourrait même soutenir qu'elle commence à la cuvette, en fonte, en grès, en plâtre, en pierre, sur laquelle personne ne s'assoit : on y monte. Or la défécation en position accroupie multiplie les risques de voir l'excrément se répandre autour de la cuvette et bien entendu sur le siège - quand il existe. D'où, nous le verrons, l'engouement de certains théoriciens pour les lieux à la turque - dispositif auquel les Français n'ont jamais renoncé et qui fait encore aujourd’hui l’ébahissement des étrangers - à cause de leur simplicité d'entretien. "
Une chose est certaine, Henriette n'a pas dû se risquer à déféquer dans la rue comme la jeune femme de cette estampe :
source : Bonnet, Louis-Marin ; Le Clerc Gallica / BNF
A lire aussi pour développer le sujet :
- Histoire et bizarreries des excréments : des origines à nos jours / Martin Monestier
- Autour du pot : les toilettes dans tous leurs états
- Les manières de propreté : du Moyen Âge à nos jours / Nathalie Mikaïloff
- La toilette : Naissance de l'intime / exposition, Paris, Musée Marmottan Monet, 12 février-5 juillet 2015 ; commissaires Nadeije Laneyrie-Dagen et Georges Vigarello
- Heathcote Owen, « Le mal, la maladie et la mort dans « le lys dans la vallée » », L'Année balzacienne, 2016/1 (n° 17), p. 185-196.
- L'image de la femme dans Le Lys dans la vallée de balzac / Emilie M. Daniel Cersosimo
Bonne journée.
Aussi vertueuse, pure et dévouée soit-elle, Henriette de Mortsauf n'en reste pas moins un être humain qui a des besoins primaires à satisfaire.
Lors de ces instants solennels, peut-être officiait-elle sur une «
L'astuce des chaises percées est qu'elles ne se distinguaient pas des autres meubles. Une simple trappe donnait accès à un pot niché dans le fauteuil.
Cette chaise était-elle raccordée à une
Ou bien Henriette eut-elle la chance de disposer d'une des premières
C'est ainsi qu'on appelait l'endroit dédié à la chose chez les plus riches.
Roger-Henri Guerrand dans Les lieux : histoire des commodités cite un texte de L. Prudhomme, (Miroir historique, politique et critique de l'ancien et du nouveau Paris et du département de la Seine, 1807, 5 vol., t. V) qui décrit assez bien la situation sanitaire de la France de cette époque :
" "Depuis quelques années, l'industrie a fait, dans la capitale, de grands progrès : dans le nombre des inventions précieuses on doit remarquer celle des
On pourrait même soutenir qu'elle commence à la cuvette, en fonte, en grès, en plâtre, en pierre, sur laquelle personne ne s'assoit : on y monte. Or la défécation en position accroupie multiplie les risques de voir l'excrément se répandre autour de la cuvette et bien entendu sur le siège - quand il existe. D'où, nous le verrons, l'engouement de certains théoriciens pour les lieux à la turque - dispositif auquel les Français n'ont jamais renoncé et qui fait encore aujourd’hui l’ébahissement des étrangers - à cause de leur simplicité d'entretien. "
Une chose est certaine, Henriette n'a pas dû se risquer à déféquer dans la rue comme la jeune femme de cette estampe :
source : Bonnet, Louis-Marin ; Le Clerc Gallica / BNF
A lire aussi pour développer le sujet :
- Histoire et bizarreries des excréments : des origines à nos jours / Martin Monestier
- Autour du pot : les toilettes dans tous leurs états
- Les manières de propreté : du Moyen Âge à nos jours / Nathalie Mikaïloff
- La toilette : Naissance de l'intime / exposition, Paris, Musée Marmottan Monet, 12 février-5 juillet 2015 ; commissaires Nadeije Laneyrie-Dagen et Georges Vigarello
- Heathcote Owen, « Le mal, la maladie et la mort dans « le lys dans la vallée » », L'Année balzacienne, 2016/1 (n° 17), p. 185-196.
- L'image de la femme dans Le Lys dans la vallée de balzac / Emilie M. Daniel Cersosimo
Bonne journée.
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