Question d'origine :
Bonjour,
L'Ancien Testament édicte des règles de conduite et des lois totalement contraires aux idéologies chrétiennes actuelles comme l'autorisation de l'esclavage dans le Deutéronome ou l'interdiction de manger du porc dans le Lévitique par exemple. Comment se fait-il que la Bible ne soit pas "mise à jour" en retirant ces passages ? Ces livres sont trop souvent utilisés de nos jours pour interdire des comportements voire pire. Pourquoi donc ne pas faire une mise à niveau au lieu de seulement rédiger des encycliques qui ne sont pas centralisées ?
Merci.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 04/01/2019 à 17h32
Bonjour,
L’Ancien Testament est-il en son état périmé ? C’est en substance la question que vous vous posez et, si cela peut vous rassurer, vous n’êtes pas le seul ; de nombreux sites chrétiens se font le relais de cette interrogation.
Et en effet, dans la société qui est la nôtre, il semble pour le moins délicat de souscrire à des versets tels que celui de Lévitique 20:13 : « Quand un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ce qu’ils ont fait tous les deux est une abomination ; ils seront mis à mort, leur sang retombe sur eux ». Cela dit, certains fondamentalistes, qui ont une lecture littéraliste de la Bible, n’hésiteront pas à soutenir cette affirmation terrible. A ce titre, si vous avez le cœur bien accroché, tapez donc homosexuality + abomination dans un moteur de recherche…
De même, dans un Etat de droit, la loi du talion, exprimée par exemple dans Exode 21:23, relève de l’archaïsme : « Mais si malheur arrive, tu paieras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure ».
Mais, et c’est là que les choses se compliquent, on trouve aussi dans l’Ancien Testament des versets qui contredisent cette loi « désuète ». Dans le Lévitique 19:18, on lit : « ne te venge pas, et ne sois pas rancunier à l’égard des fils de ton peuple : c’est ainsi que tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
Quant au Nouveau Testament, dans L’évangile de Matthieu (Chapitre 5, verset 38) il est expressément fait mention de l’opposition de Jésus-Christ à cette loi : « Vous avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil, dent pour dent. Et moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre ».
C’est que le Nouveau Testament accomplit théoriquement l’Ancien. Dans ce même Evangile selon Matthieu, Jésus affirme en effet : « n’allez pas croire que je sois venu abroger la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abroger, mais accomplir ».
Du point de vue chrétien donc, « L’ancien Testament n’est ancien que par rapport au Nouveau, c’est-à-dire à la nouvelle alliance instaurée par Jésus-Christ. Mais il ne faudrait pas outrer la différence entre les deux, comme si l’ancienne alliance et la littérature qui en témoigne avaient ainsi été rendues caduques. Cette vue des choses, qui fut celle de Marcion au IIe siècle, reparaît périodiquement dans l’histoire de la théologie […]. Le Nouveau Testament a posé les fondements d’une lecture chrétienne de l’Ancien. Découverte de l’Esprit sous l’écorce de la lettre. Révélation du sens définitif sous des enveloppes provisoires ». Cette précision, apportée par les responsables scientifiques de la Traduction Œcuménique de la Bible, indique bien que l’Ancien Testament ne doit pas être pris au pied de la lettre mais situé dans un double contexte : historique bien sûr mais aussi théologique. Et dans cette perspective, l’Ancien Testament est accompli par le Nouveau qui « met à jour » l’ancienne alliance.
Dans son petit ouvrage des idées reçues sur la Bible, le professeur d’exégèse Roland Meynet reprend peu ou prou votre question : « puisque le Nouveau Testament accomplit l’Ancien, pourquoi ne suffirait-il pas ? Qu’est-il encore besoin de se référer à des textes complètement dépassés, à des lois définitivement obsolètes ? […] Il y a aussi dans l’Ancien Testament bien des choses d’un autre âge qu’on ne peut plus accepter ».
Or, rappelle-t-il, la Torah (c’est-à-dire les 5 premiers livres de l’Ancien Testament que les chrétiens appellent plutôt le Pentateuque) « n’est pas réductible aux commandements qu’elle contient. Il faut rappeler encore une fois que le moi hébreu torah signifie “enseignement” et que les cinq livres qui la composent enseignent tout autant par l’histoire que par les commandements. Or l’histoire a toujours et partout quelque chose à dire, surtout celle des origines. Sous une forme qui les apparente aux mythes, ces histoires sont des récits théologiques dont la valeur et la fonction n’ont rien perdu de leur actualité. C’est bien pourquoi ils sont toujours repris, étudiés et médités, non seulement par les exégètes […], mais aussi par les anthropologues, les psychanalystes et les philosophes jusqu’à aujourd’hui ». Aussi l’Ancien Testament a-t-il valeur de témoignage (c’est d’ailleurs son sens étymologique) ; il apparaît crucial de ce point de vue-là de ne pas le dénaturer.
Nous ne saurions trop vous conseiller la lecture intégrale de ce chapitre intitulé « l’Ancien testament est périmé » !
Quant aux encycliques, vous pouvez les trouver toutes rassemblées sur le site du Saint Siège, classées selon les Papes qui les ont édictées. Dans un article de 2015 de La Croix, le journaliste Sébastien Maillard rappelle à leur sujet qu’elles « ne sont pas des textes législatifs mais le canal privilégié d’expression du magistère du pape. En particulier ceux des deux derniers siècles, qui ont multiplié ces lettres. « Ce qui marque, c’est la solennité de cet enseignement », ajoute le canoniste Emmanuel Tawil. Par ces textes, les papes exercent leur « magistère authentique ». Ils ne se prononcent pas de manière infaillible ni même définitive mais proposent ce qui, selon le Catéchisme de l’Église catholique, « conduit à une meilleure intelligence de la Révélation en matière de foi et de mœurs ».
L’encyclique est à proprement parler une « circulaire », une lettre qui a pour but la communication d’un enseignement du Pape vers les évêques et plus largement à tous les fidèles. Elle ne pose pas le dogme, elle vise davantage le dialogue au sein des Eglises chrétiennes.
Vous pourriez par ailleurs faire parvenir votre question aux institutions religieuses suivantes :
- L’Eglise catholique de France
- Le Centre Sèvres, la faculté jésuite de Paris
Pour aller plus loin :
- Introduction à l’Ancien Testament, de Gérard Billon, aux éditions du Cerf.
- L’Ancien Testament à ceux qui n’y comprennent rien ou presque, de Jean-Louis Ska, chez Bayard
- Comment la Bible fut écrite : introduction à l’Ancien et au Nouveau Testament, de Pierre Gibert
L’Ancien Testament est-il en son état périmé ? C’est en substance la question que vous vous posez et, si cela peut vous rassurer, vous n’êtes pas le seul ; de nombreux sites chrétiens se font le relais de cette interrogation.
Et en effet, dans la société qui est la nôtre, il semble pour le moins délicat de souscrire à des versets tels que celui de Lévitique 20:13 : « Quand un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ce qu’ils ont fait tous les deux est une abomination ; ils seront mis à mort, leur sang retombe sur eux ». Cela dit, certains fondamentalistes, qui ont une lecture littéraliste de la Bible, n’hésiteront pas à soutenir cette affirmation terrible. A ce titre, si vous avez le cœur bien accroché, tapez donc homosexuality + abomination dans un moteur de recherche…
De même, dans un Etat de droit, la loi du talion, exprimée par exemple dans Exode 21:23, relève de l’archaïsme : « Mais si malheur arrive, tu paieras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure ».
Mais, et c’est là que les choses se compliquent, on trouve aussi dans l’Ancien Testament des versets qui contredisent cette loi « désuète ». Dans le Lévitique 19:18, on lit : « ne te venge pas, et ne sois pas rancunier à l’égard des fils de ton peuple : c’est ainsi que tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
Quant au Nouveau Testament, dans L’évangile de Matthieu (Chapitre 5, verset 38) il est expressément fait mention de l’opposition de Jésus-Christ à cette loi : « Vous avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil, dent pour dent. Et moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre ».
C’est que le Nouveau Testament accomplit théoriquement l’Ancien. Dans ce même Evangile selon Matthieu, Jésus affirme en effet : « n’allez pas croire que je sois venu abroger la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abroger, mais accomplir ».
Du point de vue chrétien donc, « L’ancien Testament n’est ancien que par rapport au Nouveau, c’est-à-dire à la nouvelle alliance instaurée par Jésus-Christ. Mais il ne faudrait pas outrer la différence entre les deux, comme si l’ancienne alliance et la littérature qui en témoigne avaient ainsi été rendues caduques. Cette vue des choses, qui fut celle de Marcion au IIe siècle, reparaît périodiquement dans l’histoire de la théologie […]. Le Nouveau Testament a posé les fondements d’une lecture chrétienne de l’Ancien. Découverte de l’Esprit sous l’écorce de la lettre. Révélation du sens définitif sous des enveloppes provisoires ». Cette précision, apportée par les responsables scientifiques de la Traduction Œcuménique de la Bible, indique bien que l’Ancien Testament ne doit pas être pris au pied de la lettre mais situé dans un double contexte : historique bien sûr mais aussi théologique. Et dans cette perspective, l’Ancien Testament est accompli par le Nouveau qui « met à jour » l’ancienne alliance.
Dans son petit ouvrage des idées reçues sur la Bible, le professeur d’exégèse Roland Meynet reprend peu ou prou votre question : « puisque le Nouveau Testament accomplit l’Ancien, pourquoi ne suffirait-il pas ? Qu’est-il encore besoin de se référer à des textes complètement dépassés, à des lois définitivement obsolètes ? […] Il y a aussi dans l’Ancien Testament bien des choses d’un autre âge qu’on ne peut plus accepter ».
Or, rappelle-t-il, la Torah (c’est-à-dire les 5 premiers livres de l’Ancien Testament que les chrétiens appellent plutôt le Pentateuque) « n’est pas réductible aux commandements qu’elle contient. Il faut rappeler encore une fois que le moi hébreu torah signifie “enseignement” et que les cinq livres qui la composent enseignent tout autant par l’histoire que par les commandements. Or l’histoire a toujours et partout quelque chose à dire, surtout celle des origines. Sous une forme qui les apparente aux mythes, ces histoires sont des récits théologiques dont la valeur et la fonction n’ont rien perdu de leur actualité. C’est bien pourquoi ils sont toujours repris, étudiés et médités, non seulement par les exégètes […], mais aussi par les anthropologues, les psychanalystes et les philosophes jusqu’à aujourd’hui ». Aussi l’Ancien Testament a-t-il valeur de témoignage (c’est d’ailleurs son sens étymologique) ; il apparaît crucial de ce point de vue-là de ne pas le dénaturer.
Nous ne saurions trop vous conseiller la lecture intégrale de ce chapitre intitulé « l’Ancien testament est périmé » !
Quant aux encycliques, vous pouvez les trouver toutes rassemblées sur le site du Saint Siège, classées selon les Papes qui les ont édictées. Dans un article de 2015 de La Croix, le journaliste Sébastien Maillard rappelle à leur sujet qu’elles « ne sont pas des textes législatifs mais le canal privilégié d’expression du magistère du pape. En particulier ceux des deux derniers siècles, qui ont multiplié ces lettres. « Ce qui marque, c’est la solennité de cet enseignement », ajoute le canoniste Emmanuel Tawil. Par ces textes, les papes exercent leur « magistère authentique ». Ils ne se prononcent pas de manière infaillible ni même définitive mais proposent ce qui, selon le Catéchisme de l’Église catholique, « conduit à une meilleure intelligence de la Révélation en matière de foi et de mœurs ».
L’encyclique est à proprement parler une « circulaire », une lettre qui a pour but la communication d’un enseignement du Pape vers les évêques et plus largement à tous les fidèles. Elle ne pose pas le dogme, elle vise davantage le dialogue au sein des Eglises chrétiennes.
Vous pourriez par ailleurs faire parvenir votre question aux institutions religieuses suivantes :
- L’Eglise catholique de France
- Le Centre Sèvres, la faculté jésuite de Paris
Pour aller plus loin :
- Introduction à l’Ancien Testament, de Gérard Billon, aux éditions du Cerf.
- L’Ancien Testament à ceux qui n’y comprennent rien ou presque, de Jean-Louis Ska, chez Bayard
- Comment la Bible fut écrite : introduction à l’Ancien et au Nouveau Testament, de Pierre Gibert
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter