Question d'origine :
Bonjour, quelles mesures officielles ont été mises en place en France et en Europe contre la disparition des abeilles, à part l'interdiction des néonicotinoïdes?
Quels sont les lobbys, et par quels moyens bloquent-ils (ou ont-ils bloqué) l'adoption de politiques pour protéger les abeilles ?
Merci !
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 31/12/2018 à 13h55
Bonjour,
Nous vous proposons tout d'abord la lecture de ce rapport au Sénat : Comment lutter efficacement contre le déclin des abeilles ? (Rapport d'information n° 474 (2016-2017) de M. Hervé MAUREY, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 22 mars 2017).
Il revient sur les principales mesures mises en place au niveau européen et français :
" Concernant les mesures réglementaires, des interdictions de produits phytosanitaires ayant des effets délétères sur les pollinisateurs ont été adoptées, comme récemment s'agissant des substances néonicotinoïdes. Au niveau européen, suite à l'avis de l'EFSA de 2013, la Commission européenne a décidé d'interdire l'utilisation de substances néonicotinoïdes sur les cultures qui attirent les abeilles et sur les céréales, à l'exception des utilisations sous serre9(*).
En France, la loi pour la reconquête de la biodiversité du 8 août 2016 10(*) a interdit l'utilisation des néonicotinoïdes pour le traitement des semences à compter du 1er septembre 2018, avec des dérogations possibles pouvant être accordées jusqu'au 1er juillet 2020. Un projet de décret relatif à la liste des substances néonicotinoïdes concernées par cette interdiction a été mis en consultation par le ministère de l'environnement le 14 février 2017 11(*). Par ailleurs, la loi du 6 février 2014 visant à mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national 12(*) a prévu l'interdiction, pour les collectivités publiques, d'utiliser des pesticides pour l'entretien des espaces verts, des forêts ou des promenades accessibles au public - cette interdiction s'applique depuis le 1er janvier 2017.
Des initiatives non réglementaires sont également mises en oeuvre. Le ministère de l'agriculture est notamment engagé dans la mise en place d'un plan de réduction de l'utilisation des pesticides (plan « Ecophyto ») à travers la formation des agriculteurs à une utilisation responsable des pesticides ou la création de fermes pilotes pour favoriser l'émergence de bonnes pratiques (les fermes « DEPHY »).
De même, des initiatives de labellisation et de contractualisation sont mises en place pour inciter à la réduction de l'usage des intrants, à l'instar de la labellisation « Terres saines, communes sans pesticides » qui distingue les collectivités territoriales exemplaires en termes de gestion de leurs espaces verts et de leurs infrastructures, et propose des aides financières pour l'installation de potagers ou de ruchers municipaux. Malgré cela, le recours aux pesticides demeure important ; il a même augmenté de 9,4 % entre 2013 et 2014 13(*).
B. DEUX PLANS D'ACTION MINISTÉRIELS POUR MOBILISER L'ENSEMBLE DES ACTEURS AUTOUR DE LA PROTECTION DES ABEILLES
La lutte contre le déclin des abeilles fait l'objet de deux programmes d'actions ministériels concomitants : le plan de développement durable de l'apiculture (PDDA) piloté par le ministère de l'agriculture et le plan national d'actions (PNA) « France, Terre de pollinisateurs » mis en place par le ministère de l'environnement.
Le PPDA comporte une série de mesures relatives à la diminution de la mortalité des abeilles due à des causes biologiques et chimiques, à la lutte contre le frelon asiatique, ou encore à la formation des apiculteurs et à l'organisation de la filière apicole.
Le PNA « France, Terre de pollinisateurs » comprend vingt mesures visant à améliorer l'état des connaissances sur le déclin des pollinisateurs et le partage de cette connaissance, et à promouvoir des pratiques vertueuses en matière notamment d'utilisation des pesticides et de gestion des espaces verts et forestiers. "
Nous vous laissons poursuivre la lecture de ce rapport.
Quels sont les lobbys qui s'opposent à ces mesures ? Quels sont leurs modes d'action ?
Le lobby de la betterave est très puissant mais n'est pas le seul à intervenir. Les compagnies productrices de pesticides sont également de la partie.
"Qu'est-ce qu'un lobby ?
Un lobby est un groupe qui agit auprès des élus ou de la presse pour défendre un intérêt particulier ou une cause d'intérêt général (humanitaire, environnementale, etc.). Les lobbys sont donc divers et peuvent bien entendu agir dans des sens opposés. Tous ne disposent cependant pas des mêmes ressources (matérielles, sociales, etc.) pour accéder aux décideurs.
La force d'un lobby peut venir de son poids électoral et de sa capacité à se mobiliser de façon unitaire. [...]
La force d'un lobby peut aussi venir de son poids économique. Les revendications des associations de défense de l'environnement se heurtent souvent aux arguments des industriels ou des agriculteurs en termes d'emplois, de productivité ou d'exportations. Au pouvoir politique de trancher.En 2016, il a ainsi fait prévaloir l'intérêt général de long terme en votant l'interdiction des insecticides néonicotinoïdes tueurs d'abeilles . "
source : Les lobbys en accusation / Lucie Alexandre et Laurent de Boissieu - La Croix, no. 41190 - jeudi 30 août 2018
"Clothianidine, imidaclopride et thiaméthoxame. Trois substances aux noms et aux effets aussi barbares les uns que les autres. Jusqu’à 10.000 fois plus toxiques que le DDT, ces insecticides néonicotinoïdes , s’attaquent au système nerveux central des insectes, provoquant chez une paralysie fatale. Une action efficace contre les nuisibles, mais dramatique pour les pollinisateurs, et notamment les abeilles, que les pesticides sont accusés de décimer sans ménagement.
Face à cet impact, l’Union Européenne vient de voter l’interdiction quasi-totale de ces substances commercialisées depuis le milieu des années 1990. Annoncée vendredi dernier [27 avril 2018], cette décision est une véritable surprise, tant le combat semblait perdu d’avance face auxlobbies agrochimiques . "Le lobby qui a le plus pesé contre leur interdiction est celui des betteraviers , il a réussi à influencer le vote de pays comme la Tchéquie qui a voté contre, ou de la Pologne et de la Belgique, qui se sont abstenues", indique l’eurodéputé français Eric Andrieu repris par Libération. [...]
Les associations écologistes espèrent désormais que la lutte contre les pesticides nocifs se poursuivra. "Nous espérons maintenant que la France et l’UE iront plus loin en interdisant les nouveaux néonicotinoïdes de type sulfoxaflor", attend l’ONG Générations futures. Un espoir partagé par les apiculteurs, mais pas par certains agriculteurs, qui craignent pour leur part une baisse de rendement de leurs cultures, et qui ne comprennent pas ces interdictions."
source : Pesticides : l'Europe décide d'interdire trois néonicotinoïdes dangereux pour les abeilles / Benoît Crépin - 30 avril 2018
" Effectivement, les lobbys ne s'avouent pas vaincus. Dès l'été 2016, la vice-présidente de laFNSEA , Christiane Lambert, devenue présidente depuis, avait indiqué que le syndicat agricole comptait sur le gouvernement qui serait aux manettes en 2018 pour revenir sur l'interdiction des néonicotinoïdes, afin d'éviter «de tuer certaines productions», comme celle de betteraves . Elle est revenue à la charge jeudi, reprochant au ministre de l'Agriculture, Stéphane Travert, de ne pas avoir donné suite cet été aux demandes de rendez-vous des producteurs de maïs et de betteraves à sucre, qui demandent depuis juillet à bénéficier de dérogations, faute de solutions de remplacement. Selon un rapport de l'Agence de sécurité sanitaire (Anses) paru fin mai, il existe pourtant des alternatives «suffisamment efficaces et opérationnelles», chimiques ou non, pour la grande majorité des 130 usages phytosanitaires des néonicotinoïdes. D'autant qu'une étude internationale a révélé que les pesticides «tueurs d'abeilles» favorisent les résistances des insectes ravageurs, n'augmentent pas les rendements agricoles et pèsent davantage sur les finances des agriculteurs que les alternatives non toxiques...
[...]
Et quid des produits parfois appelés «néonicotinoïdes de nouvelle génération », comme le sulfoxaflor , substance active de deux pesticides neurotoxiques fabriqués par l’Américain Dow Agrosciences, autorisés en douce l’an dernier et dont l’association Générations futures a fait suspendre la vente par la justice fin 2017 ? Pour l’instant, la loi alimentation adoptée en première lecture en juillet prévoit l’extension de l’interdiction des néonicotinoïdes aux substances chimiques ayant des modes d’action identiques. Mais rien ne garantit que ce sera bien le cas dans sa version finale, tant les lobbys sont à la manœuvre.
source : Néonicotinoïdes : une loi exceptionnelle et des exceptions / Coralie Schaub — Libération (site web) - 31 août 2018
Pour aller plus loin :
- Pourquoi les abeilles disparaissent par Laure Cailloce - CNRS - 28.09.2016
- Néonicotinoïdes : l'Europe cesse de jouer à la roulette ruche / Coralie Schaub — Libération - 27 avril 2018
- Le Parlement européen vole au secours des abeilles / Jean-Jacques Régibier - L'Humanité - 2 Mars 2018
- Face à l'interdiction des néonicotinoïdes, les planteurs de betteraves sans "alternative efficace" / La Croix - AFP - 29/08/2018
- Le probable successeur des néonicotinoïdes est... néfaste aux bourdons ! / Sciences et Avenir avec AFP - 16.08.2018
Bonne journée et bon réveillon !
Nous vous proposons tout d'abord la lecture de ce rapport au Sénat : Comment lutter efficacement contre le déclin des abeilles ? (Rapport d'information n° 474 (2016-2017) de M. Hervé MAUREY, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 22 mars 2017).
Il revient sur les principales mesures mises en place au niveau européen et français :
" Concernant les mesures réglementaires, des interdictions de produits phytosanitaires ayant des effets délétères sur les pollinisateurs ont été adoptées, comme récemment s'agissant des substances néonicotinoïdes. Au niveau européen, suite à l'avis de l'EFSA de 2013, la Commission européenne a décidé d'interdire l'utilisation de substances néonicotinoïdes sur les cultures qui attirent les abeilles et sur les céréales, à l'exception des utilisations sous serre9(*).
En France, la loi pour la reconquête de la biodiversité du 8 août 2016 10(*) a interdit l'utilisation des néonicotinoïdes pour le traitement des semences à compter du 1er septembre 2018, avec des dérogations possibles pouvant être accordées jusqu'au 1er juillet 2020. Un projet de décret relatif à la liste des substances néonicotinoïdes concernées par cette interdiction a été mis en consultation par le ministère de l'environnement le 14 février 2017 11(*). Par ailleurs, la loi du 6 février 2014 visant à mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national 12(*) a prévu l'interdiction, pour les collectivités publiques, d'utiliser des pesticides pour l'entretien des espaces verts, des forêts ou des promenades accessibles au public - cette interdiction s'applique depuis le 1er janvier 2017.
Des initiatives non réglementaires sont également mises en oeuvre. Le ministère de l'agriculture est notamment engagé dans la mise en place d'un plan de réduction de l'utilisation des pesticides (plan « Ecophyto ») à travers la formation des agriculteurs à une utilisation responsable des pesticides ou la création de fermes pilotes pour favoriser l'émergence de bonnes pratiques (les fermes « DEPHY »).
De même, des initiatives de labellisation et de contractualisation sont mises en place pour inciter à la réduction de l'usage des intrants, à l'instar de la labellisation « Terres saines, communes sans pesticides » qui distingue les collectivités territoriales exemplaires en termes de gestion de leurs espaces verts et de leurs infrastructures, et propose des aides financières pour l'installation de potagers ou de ruchers municipaux. Malgré cela, le recours aux pesticides demeure important ; il a même augmenté de 9,4 % entre 2013 et 2014 13(*).
La lutte contre le déclin des abeilles fait l'objet de deux programmes d'actions ministériels concomitants : le plan de développement durable de l'apiculture (PDDA) piloté par le ministère de l'agriculture et le plan national d'actions (PNA) « France, Terre de pollinisateurs » mis en place par le ministère de l'environnement.
Le PPDA comporte une série de mesures relatives à la diminution de la mortalité des abeilles due à des causes biologiques et chimiques, à la lutte contre le frelon asiatique, ou encore à la formation des apiculteurs et à l'organisation de la filière apicole.
Le PNA « France, Terre de pollinisateurs » comprend vingt mesures visant à améliorer l'état des connaissances sur le déclin des pollinisateurs et le partage de cette connaissance, et à promouvoir des pratiques vertueuses en matière notamment d'utilisation des pesticides et de gestion des espaces verts et forestiers. "
Nous vous laissons poursuivre la lecture de ce rapport.
Le lobby de la betterave est très puissant mais n'est pas le seul à intervenir. Les compagnies productrices de pesticides sont également de la partie.
"
La force d'un lobby peut venir de son poids électoral et de sa capacité à se mobiliser de façon unitaire. [...]
La force d'un lobby peut aussi venir de son poids économique. Les revendications des associations de défense de l'environnement se heurtent souvent aux arguments des industriels ou des agriculteurs en termes d'emplois, de productivité ou d'exportations. Au pouvoir politique de trancher.
source : Les lobbys en accusation / Lucie Alexandre et Laurent de Boissieu - La Croix, no. 41190 - jeudi 30 août 2018
"
Face à cet impact, l’Union Européenne vient de voter l’interdiction quasi-totale de ces substances commercialisées depuis le milieu des années 1990. Annoncée vendredi dernier [27 avril 2018], cette décision est une véritable surprise, tant le combat semblait perdu d’avance face aux
Les associations écologistes espèrent désormais que la lutte contre les pesticides nocifs se poursuivra. "Nous espérons maintenant que la France et l’UE iront plus loin en interdisant les nouveaux néonicotinoïdes de type sulfoxaflor", attend l’ONG Générations futures. Un espoir partagé par les apiculteurs, mais pas par certains agriculteurs, qui craignent pour leur part une baisse de rendement de leurs cultures, et qui ne comprennent pas ces interdictions."
source : Pesticides : l'Europe décide d'interdire trois néonicotinoïdes dangereux pour les abeilles / Benoît Crépin - 30 avril 2018
" Effectivement, les lobbys ne s'avouent pas vaincus. Dès l'été 2016, la vice-présidente de la
[...]
Et quid des produits parfois appelés «
source : Néonicotinoïdes : une loi exceptionnelle et des exceptions / Coralie Schaub — Libération (site web) - 31 août 2018
Pour aller plus loin :
- Pourquoi les abeilles disparaissent par Laure Cailloce - CNRS - 28.09.2016
- Néonicotinoïdes : l'Europe cesse de jouer à la roulette ruche / Coralie Schaub — Libération - 27 avril 2018
- Le Parlement européen vole au secours des abeilles / Jean-Jacques Régibier - L'Humanité - 2 Mars 2018
- Face à l'interdiction des néonicotinoïdes, les planteurs de betteraves sans "alternative efficace" / La Croix - AFP - 29/08/2018
- Le probable successeur des néonicotinoïdes est... néfaste aux bourdons ! / Sciences et Avenir avec AFP - 16.08.2018
Bonne journée et bon réveillon !
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