Question d'origine :
Bonjour.Pourriez-vous m'indiquer à quelle occasion fut decidèe la construction du Sacré Coeur à Monmartre.La Commune de Paris y est-elle pour quelque chose?Merci.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 25/06/2005 à 08h10
François Loyer dans Les Lieux de mémoire III consacre une contribution au Sacré-Cœur que nous vous invitons à lire :
Idéologiquement son passé est lourd : voulue par la majorité catholique et royaliste au lendemain des épisodes sanglants de la Commune de Paris, la basilique est un édifice du rachat plus que la réconciliation (elle partage cette situation avec la Sagrada Familia deGaudi). Edifice orgueilleux dans sa forme et dans sa position, elle est une insulte permanente, un défi au pouvoir politique républicain durant toute la III° République. Quand les querelles entre pouvoir religieux et pouvoir civil s’estomperont, elle restera marquée du sceau de la volonté politique qui l’avait fait naître : charge lourde et un peu honteuse pour le clergé d’après Vatican II, refuge des intégristes, elle assure a contrario toute la culpabilité de la répression versaillaise d’après la Commune – autre mur des fédérés que seules des immensités de prières parviendront peut-être un jour à laver du sang et des crimes de la guerre civile.
Mais dans l’ouvrage Le Sacré-Cœur de Montmartre : un vœu national, Raymond A. Jonas propose un point de vue plus complexe :
Il convient d’inscrire le Sacré-Cœur dans son contexte immédiat, à savoir les évènements, les angoisses et les vœux de la période allant de la déclaration de guerre en juillet 1870 à la répression de la Commune en mai 1871, onze mois dont on se souvient comme de l’année terrible. Il nous faut également reconnaître que cette année terrible fut aussi pour la France une période d’intense réflexion sur son passé, et sur sa santé morale et spirituelle ? Les catholiques étaient loin d’être les seuls à entreprendre cet examen de conscience national, comme le prouverait un examen même superficiel d’une Revue telle que la Revue des Deux Mondes. Toutefois la réflexion catholique tendait à s’inscrire dans le cadre du culte du Sacré Cœur, et en 1870, la France et le Sacré Cœur avaient déjà une longue histoire.
(….)
Ainsi les consécrations diocésaines au Sacré Cœur étaient un des traits les plus marquants de la pratique catholique officielle pendant cette année terrible. Beaucoup de ces vœux ont été prononcés durant la période la plus noire de l’hiver 1870-1871 ; un sentiment d’inquiétude dominait mais le renouveau de la foi contribuait à contrer cette tendance au désespoir. Les inquiétudes dues à la situation présente faisaient surgir les problèmes du passé et tout cela menait à une consécration.
Les consécrations prenaient la forme d’appels au Sacré Cœur pour obtenir miséricorde et protection.
(…)
La promesse d’Alexandre Legentil de construire ce qui allait devenir le Sacré-Cœur de Montmartre doit être évoqué dans ce contexte.
(…)
La Commune de Paris et la répression sanglante qui suivit conclurent les évènements de l’Année terrible. La Commune amplifia le sentiment, déjà bien affirmé par les évènements des mois précédents, que la France courait à la catastrophe. Alors que l’état de la France empirait de défaite militaire en occupation et en guerre civile, le groupe de soutien au projet du Sacré-Coeur s’élargit et rendit l’édification plus pressante. Mais la Commune était loin de constituer un catalyseur pour l’Eglise. Le projet était déjà bien avancé avant la déclaration de la Commune et d’une façon ou d’une autre, une église aurait été consacrée au Sacré-Cœur.
Mais si la commune n’avait pas inspiré le Sacré-Cœur de Montmartre, les défenseurs du projet étaient impuissants à empêcher l’élaboration d’un discours dans lequel la basilique était présentée comme un monument anti-communard. Ce discours anti-historique , élaboré autour de la troisième République et encore de mise dans certains cercles aujourd’hui , faisait du Sacré-Cœur une cible politique facile mais, en tant qu ’analyse historique , cette thèse n’est pas valable .
Décembre 1870 : vœu d’Alexandre Legentil
1871 : Diffusion du Vœu national
1872 : Constitution du comité de l’œuvre du Vœu national et choix de la Commune de Montmartre
24 juil1et 1873 : Vote de la loi de déclaration d’utilité publique
Dans ce même ouvrage, vous pourrez trouver, dans la contribution de Jacqueline Lalouette, des éléments de réflexion complémentaires. Voici un extrait de l’introduction :
Des trois monuments (Le Panthéon, la Tour Eiffel et Le Sacré-Coeur), la basilique de Montmartre fut celui dont l’édification déclencha le plus grand nombre d’accusations, d’injures et de voies de fait. Comment le Sacré-Cœur se trouva-t-il ainsi promu au rang de symbole honni d’une Eglise et d’une religion détestée ? Autour de quels griefs la haine dont il fut l’objet se trouva-t-elle cristallisée ?
Le site officiel de la Basilique donne une version de son histoire, celle de l'Eglise.
Sur le site d’Ernest Pignon, vous trouverez l’installation en hommage aux morts de la commune en 1971 devant le Sacré-Cœur (Cliquez sur « Rimbaud et les autres » puis « 1871 et la Commune ») qui à elle seule est assez significative de la représentation du monument telle qu’elle demeure dans les esprits de nos contemporains.
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