Question d'origine :
Bonjour,
Comment se déroulait la cérémonie de baptème d'un juif qui se convertissait au Moyen Age et notamment sous le règne de Louis IX (qui a, semble-t-il parrainé beaucoup de juifs)?
Merci
Réponse du Guichet
gds_alc
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 26/12/2018 à 11h33
Bonjour,
Les cérémonies étant plutôt décrites lorsqu’il s’agit de conversions forcées, nous ne pourrons vous certifier comment avaient lieu les baptêmes des juifs convertis sachant que généralement le baptême chrétien se déroulait selon ces modalités :
« Le rite baptismal chrétien comporte essentiellement deux éléments, l'eau et la formule trinitaire. Le rite d'eau consistait originellement en une immersion complète. C'est le sens du mot grec baptizein. Mais très tôt, comme en témoigne la Didachè, on a admis que si l'on manquait d'eau, le baptême pouvait être donné par une effusion, ce qui est devenu l'usage ordinaire. On remarquera que ce n'est pas le baptisé qui se baptise lui-même, comme dans les rites de purification ordinaire, mais qu'il est baptisé par un membre de la communauté. Le baptême est essentiellement reçu. Il devait être donné normalement dans l'eau vive, c'est-à-dire dans une eau courante où peuvent vivre des poissons. Très tôt, le baptême a été donné sous la forme d'une triple immersion. Cela paraît lié à la mention des trois Personnes divines dans la formule baptismale. Cette formule était exprimée ordinairement sous forme déclarative, comme c'est le cas aujourd'hui. Mais, dans certaines églises, elle se présentait sous la forme d'une triple interrogation, à laquelle répondait le baptisé, et chaque réponse était accompagnée d'une immersion.
Ce rite essentiel s'est progressivement accompagné de rites subsidiaires. Le baptême est précédé de la renonciation à l'idolâtrie et de la profession de foi à la Trinité. Ce double rite paraît s'inspirer d'un usage juif. La profession de foi souligne que le baptême n'est pas un rite magique, mais implique une adhésion de la liberté. Dans le cas du baptême des enfants, cet engagement est le fait des parents ou du parrain. Un autre rite prébaptismal est celui de l'onction de l'huile sur tout le corps. Cette onction d'huile est faite par le diacre pour les hommes et par la diaconesse pour les femmes. Elle a eu des significations diverses. Dans l'ensemble des Églises, l'onction d'huile était interprétée comme communiquant une force en vue du baptême. Mais les Églises syriennes et cappadociennes l'ont entendue comme une assistance de l'Esprit nécessaire à l'acte de foi. Et, dans ce cas, elle précédait la profession de foi. Quant au dépouillement des vêtements anciens, il a pris le symbolisme du dépouillement du « vieil homme ».
Les rites baptismaux comportaient la remise des vêtements blancs, que le nouveau baptisé portait durant la semaine pascale, appelée à cause de cela, en Occident, semaine in albis. Puis venait une onction d'huile sur le front, en forme de croix, la consignation. Le rite paraît avoir son origine dans les onctions utilisées dans le judaïsme pour les rois et les prêtres. Cette onction était faite avec un mélange d'huile et de parfum appelé le chrisma ou chrême. Elle signifiait une communication spéciale de l'Esprit en relation avec la mission des chrétiens. C'est cette onction qui est devenue par la suite un sacrement particulier, la confirmation. Elle n'existait pas dans l'Église syrienne ancienne. En revanche, il semble que dans celle-ci, originellement, il y a eu un rite de couronnement avec une couronne de feuillage. Le baptême était immédiatement suivi de l'introduction du baptisé dans la réunion eucharistique et de sa première communion.
Primitivement, le baptême était donné dans une rivière ou dans la mer. Mais, au ive siècle, l'usage s'établit de réserver pour cette cérémonie une salle dans les dépendances de l'église : le baptistère. Une piscine y était creusée dans le sol. L'eau de cette piscine devait être normalement une eau courante. Plus tard, les baptistères devinrent des édifices avoisinant l'église, comme il en subsiste encore beaucoup. Le cierge remis après le baptême est un souvenir de la procession nocturne qui conduisait les baptisés du baptistère à l'église. Le temps du baptême n'est pas déterminé. Mais, dès le iie siècle, l'usage s'établit de le donner de préférence durant la vigile pascale. »
Source : Jean Daniélou, Louis-Marie Chauvet, « BAPTÊME », Encyclopædia Universalis.
Généralement, les sources ne décrivent pas les modes de baptême. Ainsi, dans Le baptême d’enfants juifs : un cas de conscience pour les théologiens, Marcel Bernos note pour une période antérieure à celle qui vous intéresse :
« En 633, le quatrième concile de Tolède, dont les canons 57 à 66 concernent les juifs, proclamait à propos de ceux d’entre eux qui avaient été contraints à se faire chrétiens par Sisebut, roi des Wisigoths (de 612 à 621) :
• 3 Abbé PELTIER, Dictionnaire universel et complet des conciles…, éd. Migne, 1847, t. II, col. 967.
« comme ils avaient déjà reçu les sacrements, savoir le baptême, l’onction du saint chrême, le corps et le sang du Seigneur, le concile veut qu’on les oblige de garder la foi qu’ils ont reçue par force, de peur qu’elle ne soit exposée au mépris, et le nom de Dieu blasphémé ; mais il défend de contraindre à l’avenir les juifs à professer la foi, disant qu’elle doit être embrassée volontairement et par la seule persuasion ».
Juliette Sibon s’intéresse à l’époque de Louis IX et dresse dans Les juifs au temps de Saint Louis , un bref aperçu des conversions :
« Obsédé par son désir de pureté, Louis IX a-t-il pensé la conversion des juifs comme vecteur de purification de son royaume et utilisé le procès du Talmud pour radicaliser sa politique en la matière ? La position théorique de l’Eglise médiévale sur cette question est claire : afin d’écarter le blasphème absolu de l’apostasie du christianisme, elle ne cesse d’interdire la conversion forcée, privée de tout fondement scripturaire et produisant l’effet d’un contre-témoignage. Converti de force, le nouveau baptisé ne se sent pas engagé dans la nouvelle foi (…) Aussi Louis IX ne met-il pas en place de politique de conversions forcées. Il contraint ponctuellement les juifs à subir les sermons des prédicateurs, mais le royaume de France ne connaît aucune vague de conversions massives. En la matière, il est donc seulement incitatif. Il accorde une pension aux néophytes, dont la moitié est transmissible à leur veuve. Les chroniques n’évoquent que quelques cas de conversions, rares et exemplaires (…) pour démontrer la sainteté du roi, seuls des exempla suffisent, et bien que les textes ne détaillent guère le récit, il est fort probable que les nouveaux baptisés aient été des catéchumènes consentants… »
L’auteure relate deux exemples de conversion forcée également présentés par Claire Soussen lors de sa contribution sur « Les juifs dans les chroniques du temps de Saint-Louis »,
« Quant à la conversion, les sources narratives évoquent quelques cas rares, mais exemplaires. Guillaume de Saint-Pathus dans sa vie de Saint Louis rapporte ainsi un épisode datant d’avant 1248 : « le benoît Roi amena au Baptême et fit baptiser au Châtel de Royaumont-sur-Oise une juive, ses trois fils et une fille et ce même benoît Roi, sa mère et ses frères tinrent les enfants et la juive sur les Fonts au temps de leur baptême »la mention est assez peu détaillée, mais on peut y relever ce que l’on sait par ailleurs : la conversion des juifs est une affaire importante pour la famille royale : toute entière mobilisée à cette occasion. Au reste, le choix de l’abbaye de Royaumont, fondée par louis IX en 1228, est emblématique de l’importance de l’épisode. On peut citer également le témoignage de Geoffroy de Beaulieu, selon qui Louis IX avant son départ en croisade, en 127à, fit baptiser solennellement un « juif célèbre » à Saint-Denis. Là encore il fit souligner le caractère exemplaire de l’épisode qui se déroule à un moment symbolique... »
Source : https://catalogue.bm-lyon.fr/ark:/75584 ... 93b21b9f28] Saint Louis et les juifs : politique et idéologie sous le règne de Louis IX : [actes du colloque organisé au Musée d'art et d'histoire du judaïsme les 5 et 6 novembre 2014] / sous la direction de Paul Salmona et de Juliette Sibon (2015)
Nous vous laissons poursuivre ces lectures et vous proposons également de consulter les ouvrages et études suivants que nous n’avons pas toujours pu parcourir:
• Pouvoir politique et conversion religieuse. 1. Normes et mots / Thomas Lienhard, 2017.
• Juifs dans les récits chrétiens du Haut Moyen Age (Les) / De Immacolata Aulisa, 2015.
• Varieties of Religious Conversion in the Middle Age / edité par James Muldoon, 1997.
• Histoire des Juifs à Paris: de Childéric à Jacques Chirac / Roger Berg ; préf. d'Alain Goldmann,... ; postf. de David Messas,1997.
• Les Intellectuels chrétiens et les juifs au Moyen âge / Gilbert Dahan, 1990
• Dahan Gilbert, Quelques réflexions sur l'anti-judaïsme chrétien au Moyen Âge, Histoire, économie et société, 1983, n°3. pp. 355-366.
• Goldin Simha, Gaviano Marie-Pierre, Juifs et juifs convertis au Moyen Âge : « es-tu encore mon frère ? », Annales. Histoire, Sciences Sociales, n 4, 1999. pp. 851-874.
Les cérémonies étant plutôt décrites lorsqu’il s’agit de conversions forcées, nous ne pourrons vous certifier comment avaient lieu les baptêmes des juifs convertis sachant que généralement le baptême chrétien se déroulait selon ces modalités :
« Le rite baptismal chrétien comporte essentiellement deux éléments, l'eau et la formule trinitaire. Le rite d'eau consistait originellement en une immersion complète. C'est le sens du mot grec baptizein. Mais très tôt, comme en témoigne la Didachè, on a admis que si l'on manquait d'eau, le baptême pouvait être donné par une effusion, ce qui est devenu l'usage ordinaire. On remarquera que ce n'est pas le baptisé qui se baptise lui-même, comme dans les rites de purification ordinaire, mais qu'il est baptisé par un membre de la communauté. Le baptême est essentiellement reçu. Il devait être donné normalement dans l'eau vive, c'est-à-dire dans une eau courante où peuvent vivre des poissons. Très tôt, le baptême a été donné sous la forme d'une triple immersion. Cela paraît lié à la mention des trois Personnes divines dans la formule baptismale. Cette formule était exprimée ordinairement sous forme déclarative, comme c'est le cas aujourd'hui. Mais, dans certaines églises, elle se présentait sous la forme d'une triple interrogation, à laquelle répondait le baptisé, et chaque réponse était accompagnée d'une immersion.
Ce rite essentiel s'est progressivement accompagné de rites subsidiaires. Le baptême est précédé de la renonciation à l'idolâtrie et de la profession de foi à la Trinité. Ce double rite paraît s'inspirer d'un usage juif. La profession de foi souligne que le baptême n'est pas un rite magique, mais implique une adhésion de la liberté. Dans le cas du baptême des enfants, cet engagement est le fait des parents ou du parrain. Un autre rite prébaptismal est celui de l'onction de l'huile sur tout le corps. Cette onction d'huile est faite par le diacre pour les hommes et par la diaconesse pour les femmes. Elle a eu des significations diverses. Dans l'ensemble des Églises, l'onction d'huile était interprétée comme communiquant une force en vue du baptême. Mais les Églises syriennes et cappadociennes l'ont entendue comme une assistance de l'Esprit nécessaire à l'acte de foi. Et, dans ce cas, elle précédait la profession de foi. Quant au dépouillement des vêtements anciens, il a pris le symbolisme du dépouillement du « vieil homme ».
Les rites baptismaux comportaient la remise des vêtements blancs, que le nouveau baptisé portait durant la semaine pascale, appelée à cause de cela, en Occident, semaine in albis. Puis venait une onction d'huile sur le front, en forme de croix, la consignation. Le rite paraît avoir son origine dans les onctions utilisées dans le judaïsme pour les rois et les prêtres. Cette onction était faite avec un mélange d'huile et de parfum appelé le chrisma ou chrême. Elle signifiait une communication spéciale de l'Esprit en relation avec la mission des chrétiens. C'est cette onction qui est devenue par la suite un sacrement particulier, la confirmation. Elle n'existait pas dans l'Église syrienne ancienne. En revanche, il semble que dans celle-ci, originellement, il y a eu un rite de couronnement avec une couronne de feuillage. Le baptême était immédiatement suivi de l'introduction du baptisé dans la réunion eucharistique et de sa première communion.
Primitivement, le baptême était donné dans une rivière ou dans la mer. Mais, au ive siècle, l'usage s'établit de réserver pour cette cérémonie une salle dans les dépendances de l'église : le baptistère. Une piscine y était creusée dans le sol. L'eau de cette piscine devait être normalement une eau courante. Plus tard, les baptistères devinrent des édifices avoisinant l'église, comme il en subsiste encore beaucoup. Le cierge remis après le baptême est un souvenir de la procession nocturne qui conduisait les baptisés du baptistère à l'église. Le temps du baptême n'est pas déterminé. Mais, dès le iie siècle, l'usage s'établit de le donner de préférence durant la vigile pascale. »
Source : Jean Daniélou, Louis-Marie Chauvet, « BAPTÊME », Encyclopædia Universalis.
Généralement, les sources ne décrivent pas les modes de baptême. Ainsi, dans Le baptême d’enfants juifs : un cas de conscience pour les théologiens, Marcel Bernos note pour une période antérieure à celle qui vous intéresse :
« En 633, le quatrième concile de Tolède, dont les canons 57 à 66 concernent les juifs, proclamait à propos de ceux d’entre eux qui avaient été contraints à se faire chrétiens par Sisebut, roi des Wisigoths (de 612 à 621) :
• 3 Abbé PELTIER, Dictionnaire universel et complet des conciles…, éd. Migne, 1847, t. II, col. 967.
« comme ils avaient déjà reçu les sacrements, savoir le baptême, l’onction du saint chrême, le corps et le sang du Seigneur, le concile veut qu’on les oblige de garder la foi qu’ils ont reçue par force, de peur qu’elle ne soit exposée au mépris, et le nom de Dieu blasphémé ; mais il défend de contraindre à l’avenir les juifs à professer la foi, disant qu’elle doit être embrassée volontairement et par la seule persuasion ».
Juliette Sibon s’intéresse à l’époque de Louis IX et dresse dans Les juifs au temps de Saint Louis , un bref aperçu des conversions :
« Obsédé par son désir de pureté, Louis IX a-t-il pensé la conversion des juifs comme vecteur de purification de son royaume et utilisé le procès du Talmud pour radicaliser sa politique en la matière ? La position théorique de l’Eglise médiévale sur cette question est claire : afin d’écarter le blasphème absolu de l’apostasie du christianisme, elle ne cesse d’interdire la conversion forcée, privée de tout fondement scripturaire et produisant l’effet d’un contre-témoignage. Converti de force, le nouveau baptisé ne se sent pas engagé dans la nouvelle foi (…) Aussi Louis IX ne met-il pas en place de politique de conversions forcées. Il contraint ponctuellement les juifs à subir les sermons des prédicateurs, mais le royaume de France ne connaît aucune vague de conversions massives. En la matière, il est donc seulement incitatif. Il accorde une pension aux néophytes, dont la moitié est transmissible à leur veuve. Les chroniques n’évoquent que quelques cas de conversions, rares et exemplaires (…) pour démontrer la sainteté du roi, seuls des exempla suffisent, et bien que les textes ne détaillent guère le récit, il est fort probable que les nouveaux baptisés aient été des catéchumènes consentants… »
L’auteure relate deux exemples de conversion forcée également présentés par Claire Soussen lors de sa contribution sur « Les juifs dans les chroniques du temps de Saint-Louis »,
« Quant à la conversion, les sources narratives évoquent quelques cas rares, mais exemplaires. Guillaume de Saint-Pathus dans sa vie de Saint Louis rapporte ainsi un épisode datant d’avant 1248 : « le benoît Roi amena au Baptême et fit baptiser au Châtel de Royaumont-sur-Oise une juive, ses trois fils et une fille et ce même benoît Roi, sa mère et ses frères tinrent les enfants et la juive sur les Fonts au temps de leur baptême »la mention est assez peu détaillée, mais on peut y relever ce que l’on sait par ailleurs : la conversion des juifs est une affaire importante pour la famille royale : toute entière mobilisée à cette occasion. Au reste, le choix de l’abbaye de Royaumont, fondée par louis IX en 1228, est emblématique de l’importance de l’épisode. On peut citer également le témoignage de Geoffroy de Beaulieu, selon qui Louis IX avant son départ en croisade, en 127à, fit baptiser solennellement un « juif célèbre » à Saint-Denis. Là encore il fit souligner le caractère exemplaire de l’épisode qui se déroule à un moment symbolique... »
Source : https://catalogue.bm-lyon.fr/ark:/75584 ... 93b21b9f28] Saint Louis et les juifs : politique et idéologie sous le règne de Louis IX : [actes du colloque organisé au Musée d'art et d'histoire du judaïsme les 5 et 6 novembre 2014] / sous la direction de Paul Salmona et de Juliette Sibon (2015)
Nous vous laissons poursuivre ces lectures et vous proposons également de consulter les ouvrages et études suivants que nous n’avons pas toujours pu parcourir:
• Pouvoir politique et conversion religieuse. 1. Normes et mots / Thomas Lienhard, 2017.
• Juifs dans les récits chrétiens du Haut Moyen Age (Les) / De Immacolata Aulisa, 2015.
• Varieties of Religious Conversion in the Middle Age / edité par James Muldoon, 1997.
• Histoire des Juifs à Paris: de Childéric à Jacques Chirac / Roger Berg ; préf. d'Alain Goldmann,... ; postf. de David Messas,1997.
• Les Intellectuels chrétiens et les juifs au Moyen âge / Gilbert Dahan, 1990
• Dahan Gilbert, Quelques réflexions sur l'anti-judaïsme chrétien au Moyen Âge, Histoire, économie et société, 1983, n°3. pp. 355-366.
• Goldin Simha, Gaviano Marie-Pierre, Juifs et juifs convertis au Moyen Âge : « es-tu encore mon frère ? », Annales. Histoire, Sciences Sociales, n 4, 1999. pp. 851-874.
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