La religion en Terre Sainte ans les royaumes croisés
CIVILISATION
+ DE 2 ANS
Le 12/12/2018 à 20h44
827 vues
Question d'origine :
Bonsoir, quels livres (en anglais ou en français) permettent d'étudier la question religieuse dans les Royaumes croisés de la Terre Sainte, de leur apparition à leur disparition, notamment en matière de contacts (controverses, dialogues etc.) entre christianisme et islam.
Merci beaucoup.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 15/12/2018 à 11h29
Bonjour,
Tout d’abord, nous vous rappelons que vous trouverez une documentation fournie sur les Croisades à la bibliothèque de la Part-Dieu, au département "civilisation", dans le rayon qui leur est consacré.
Un certain nombre de références que nous allons vous proposer provient de ce rayon.
Les Royaumes croisés que vous évoquez sont souvent appelés dans l’historiographie des Croisades « Etats latins d’Orient ». Ils n’ont pas tous été fondés et n’ont pas tous disparu en même temps. La fiche Wikipedia qui en traite, bien que synthétique, a le mérite de proposer une chronologie claire sur ce sujet, avec quelques cartes illustratives.
Pour ce qui concerne plus précisément les échanges entre les deux religions chrétienne et musulmane, le manuel de Michel Balard, grand spécialiste de la question, Croisades et Orient latin, nous donne un premier point de vue sur cette relation :
« Si un certain respect mutuel a pu se développer entre les classes supérieures musulmanes et chrétiennes, comme l’attestent les souvenirs de l’émir de Shaizar, Usâma ibn Munqidh, la masse des musulmans des Etats francs vit dans une situation d’exploités, qui la rend sensible aux appels aux djihad, venus d’Alep, de Damas ou du Caire ».
Sur ce sujet, vous pourriez en outre consulter à profit :
- Le classique de Steven Runciman, L’histoire des Croisades dans lequel un volume est dédié au Royaume de Jérusalem et à l’Orient latin, un second au royaume d’Acre. Il s’agit d’une histoire événementielle et focalisée sur les protagonistes, mais on y trouve quelques mentions de la vie dans ces royaumes.
Vous lirez des éléments plus précis dans le non moins copieux Les Croisades de Zoé Oldenbourg où il est largement question du Royaume franc d’Orient.
Mais surtout, dans la collection de référence « Nouvelle Clio, l’histoire et ses problèmes », Les Latins en Orient, de l’inévitable Michel Balard, livre de précieuses informations sur la question des relations entre les deux cultures . Nous vous suggérons de regarder de près le chapitre V intitulé « Des cultures partagées ? ».
Balard y décrit les défiances entre les deux sociétés, mais aussi les échanges techniques, intellectuels et artistiques. On peut y lire cette analyse tout à fait précise qui témoigne à merveille de ce brassage culturel : « L’architecture fait preuve d’un syncrétisme encore plus grand […]. Les chapiteaux de la cathédrale de Beyrouth ou l’utilisation de la coupole occupant la croisée du transept […] Les petites colonnes à chapiteaux et abaques décorés de motifs végétaux de l’église du Saint Sépulcre, où les archivoltes du porche méridional présentent des godrons typiquement islamiques. De l’islam viennent aussi des motifs décoratifs, des arcs brisés, des toits plats à terrasses et les murs épais de plusieurs églises ».
Toujours dans ce même ouvrage, la bibliographie initiale propose sur ce thème l’article de Svetlana Loutchiskaia, « l’individu parmi les “autres” : les contacts culturels chrétiens-musulmans. Le cas du royaume de Jérusalem », publié dans l’ouvrage Das Individuum und die Seinen, malheureusement peu disponible dans les bibliothèques françaises, mais dont vous pouvez consulter quelques pages sur Google Books…
L’article signale ainsi « deux points de vue contraires dans l’historiographie à ce sujet. Une partie des historiens voit dans l’orientalisation des Francs ainsi que dans les contacts amicaux entre les chrétiens et les musulmans le signe de l’apparition de la nation et la civilisation franco-syriennes et de la formation de la nouvelle identité culturelle ; d’autres admettent que la classe des conquérants était très nettement séparée de la classe des conquis par la langue et par la religion, ce qui rendait impossibles les relations paisibles entre les Francs et les Arabes ainsi que les interactions culturelles ».
La chercheuse conclut son travail de la façon suivante : « Les croisés se rendaient bien compte de l’existence de la frontière envers les “siens” et les “autres”, même si les différences de genre de vie s’atténuèrent au cours des années. Les musulmans étaient, bien sûr, les “autres” non seulement dans le domaine religieux ou idéologique, mais aussi dans le domaine de la vie quotidienne. Les francs s’acclimatèrent au pays oriental, ils s’habituèrent à la nourriture et au vêtement oriental, ils employèrent des médecins musulmans et nouèrent des contacts amicaux et pourtant ils se sentaient parmi les “autres”. Aussi, bien sûr, car les musulmans ne les perçurent jamais comme étant des leurs […]. Il n’est pas possible de partager le point de vue selon lequel les croisades ont donné naissance à la nouvelle identité culturelle (Louis Madelin). Mais on ne peut pas nier le rôle de ces contacts ».
Enfin, pour élargir la perspective, nous vous conseillons la lecture de Guerre Sainte, jihad, croisade : violence et religion dans le christianisme et l’islam, de jean Flori. Il s’agit d’un texte de référence qui « examine et compare la sacralisation de la guerre en chrétienté latine et dans le monde arabo-musulman pendant les onze premiers siècles de notre ère » (source : compte-rendu de l’ouvrage par John Tolan, dans les Cahiers de civilisation médiévale). Le livre s’arrête donc juste avant le début des croisades, mais permet de comprendre en partie les relations ultérieures des deux civilisations.
Bonnes lectures !
Tout d’abord, nous vous rappelons que vous trouverez une documentation fournie sur les Croisades à la bibliothèque de la Part-Dieu, au département "civilisation", dans le rayon qui leur est consacré.
Un certain nombre de références que nous allons vous proposer provient de ce rayon.
Les Royaumes croisés que vous évoquez sont souvent appelés dans l’historiographie des Croisades « Etats latins d’Orient ». Ils n’ont pas tous été fondés et n’ont pas tous disparu en même temps. La fiche Wikipedia qui en traite, bien que synthétique, a le mérite de proposer une chronologie claire sur ce sujet, avec quelques cartes illustratives.
Pour ce qui concerne plus précisément les échanges entre les deux religions chrétienne et musulmane, le manuel de Michel Balard, grand spécialiste de la question, Croisades et Orient latin, nous donne un premier point de vue sur cette relation :
« Si un certain respect mutuel a pu se développer entre les classes supérieures musulmanes et chrétiennes, comme l’attestent les souvenirs de l’émir de Shaizar, Usâma ibn Munqidh, la masse des musulmans des Etats francs vit dans une situation d’exploités, qui la rend sensible aux appels aux djihad, venus d’Alep, de Damas ou du Caire ».
Sur ce sujet, vous pourriez en outre consulter à profit :
- Le classique de Steven Runciman, L’histoire des Croisades dans lequel un volume est dédié au Royaume de Jérusalem et à l’Orient latin, un second au royaume d’Acre. Il s’agit d’une histoire événementielle et focalisée sur les protagonistes, mais on y trouve quelques mentions de la vie dans ces royaumes.
Vous lirez des éléments plus précis dans le non moins copieux Les Croisades de Zoé Oldenbourg où il est largement question du Royaume franc d’Orient.
Balard y décrit les défiances entre les deux sociétés, mais aussi les échanges techniques, intellectuels et artistiques. On peut y lire cette analyse tout à fait précise qui témoigne à merveille de ce brassage culturel : « L’architecture fait preuve d’un syncrétisme encore plus grand […]. Les chapiteaux de la cathédrale de Beyrouth ou l’utilisation de la coupole occupant la croisée du transept […] Les petites colonnes à chapiteaux et abaques décorés de motifs végétaux de l’église du Saint Sépulcre, où les archivoltes du porche méridional présentent des godrons typiquement islamiques. De l’islam viennent aussi des motifs décoratifs, des arcs brisés, des toits plats à terrasses et les murs épais de plusieurs églises ».
Toujours dans ce même ouvrage, la bibliographie initiale propose sur ce thème l’article de Svetlana Loutchiskaia, « l’individu parmi les “autres” : les contacts culturels chrétiens-musulmans. Le cas du royaume de Jérusalem », publié dans l’ouvrage Das Individuum und die Seinen, malheureusement peu disponible dans les bibliothèques françaises, mais dont vous pouvez consulter quelques pages sur Google Books…
L’article signale ainsi « deux points de vue contraires dans l’historiographie à ce sujet. Une partie des historiens voit dans l’orientalisation des Francs ainsi que dans les contacts amicaux entre les chrétiens et les musulmans le signe de l’apparition de la nation et la civilisation franco-syriennes et de la formation de la nouvelle identité culturelle ; d’autres admettent que la classe des conquérants était très nettement séparée de la classe des conquis par la langue et par la religion, ce qui rendait impossibles les relations paisibles entre les Francs et les Arabes ainsi que les interactions culturelles ».
La chercheuse conclut son travail de la façon suivante : « Les croisés se rendaient bien compte de l’existence de la frontière envers les “siens” et les “autres”, même si les différences de genre de vie s’atténuèrent au cours des années. Les musulmans étaient, bien sûr, les “autres” non seulement dans le domaine religieux ou idéologique, mais aussi dans le domaine de la vie quotidienne. Les francs s’acclimatèrent au pays oriental, ils s’habituèrent à la nourriture et au vêtement oriental, ils employèrent des médecins musulmans et nouèrent des contacts amicaux et pourtant ils se sentaient parmi les “autres”. Aussi, bien sûr, car les musulmans ne les perçurent jamais comme étant des leurs […]. Il n’est pas possible de partager le point de vue selon lequel les croisades ont donné naissance à la nouvelle identité culturelle (Louis Madelin). Mais on ne peut pas nier le rôle de ces contacts ».
Enfin, pour élargir la perspective, nous vous conseillons la lecture de Guerre Sainte, jihad, croisade : violence et religion dans le christianisme et l’islam, de jean Flori. Il s’agit d’un texte de référence qui « examine et compare la sacralisation de la guerre en chrétienté latine et dans le monde arabo-musulman pendant les onze premiers siècles de notre ère » (source : compte-rendu de l’ouvrage par John Tolan, dans les Cahiers de civilisation médiévale). Le livre s’arrête donc juste avant le début des croisades, mais permet de comprendre en partie les relations ultérieures des deux civilisations.
Bonnes lectures !
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