Question d'origine :
S.V.P.
Existerait t il, ou a t il existé ,à votre connaissance,dans l'histoire récente ou plus ancienne, des peuplades plutôt isolées, voire des civilisations entières, qui n'aurait pratiqué aucun culte extra terrestre ; c'est à dire , à l'état plus ou moins, même embryonnaire,rien qui ne ressemblerait à une religion révélée ou de référence, même réduite à sa plus simple expression : c'est à dire sans rite, cérémonie particulière ou culte extérieur quelconque,en relation avec un être suprême ou autre divinité ?
Je mets à part toute admiration, respect ou plus de la terre nourricière, ce qui revient à un "culte "simplifié de la nature et de ses composants, y compris humains et animaux ;éléments qui me semblent assez universels dans le genre humain . Donc, en fin de compte, un peuple, qui en l'ignorant sans doute lui même serait , de fait plus ou moins athée ou agnostique, au sens approximatif ou on l'entend chez nous actuellement ? merci.
Réponse du Guichet
gds_alc
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 13/12/2018 à 16h13
Bonjour,
Votre question est bien plus complexe qu’elle ne le paraît et l’idée d’une civilisation qui ne croirait en aucun dieu fait l’objet de controverses importantes encore non résolues.
Pour vous en faire une idée, nous citerons l’excellent ouvrage Histoire de l’athéisme de Georges Minois dont voici des extraits :
«L'homme primitif était-il athée ou religieux ? Le problème des origines est à la fois capital et insoluble (…) depuis au moins un siècle et demi, sociologues, ethnologues, psychologues, historiens ont abondamment débattu cette question (…) jusqu’à une époque récente, les chercheurs, croyants ou athées, ont donc travaillé avant tout pour défendre une cause, idéologique ou religieuse.
En 1936 par exemple, Henri de Lubac voyait dans l’affirmation marxiste d’une phase primitive areligieuse de l’humanité la volonté partisane de montrer que la religion n’est pas un besoin essentiel de l’homme et qu’elle ne correspond qu’à un état transitoire de la société.
(...) La première étude sérieuse consacrée au sujet remonte à 1870 : The origin of Civilization and the primitive Condition of Man, John Lubbock (1834-1913), qui avait étudié despeuplades primitives d’Australie et de Terre de Feu, affirme dans cet ouvrage que l’humanité originelle est athée, c'est-à-dire qu’elle n’a aucune idée d’un quelconque monde divin . Se plaçant dans une perspective évolutionniste, il retrace les étapes de l’élaboration progressive de la religion en passant successivement par les phases fétichiste, totémiste, chamaniste, idolâtre anthropomorphique. Lubbock déclare en même temps qu’il existe des peuples entièrement athées : cafres, mélanésiens, Yagans de la terre de Feu, Aruntas d’Australie.
Dès l’année suivante, Edward Tylor (183é-1917) réagit contre cette idée et montre que la prétendue absence d’idées sur Dieu chez ces peuples provient de l’inadéquation des concepts qui décrivent le système de croyances des primitifs. Ces peuples, explique-t-il, ignorent notre conception de Dieu, mais cela ne veut pas dire qu’ils n’aient pas une conception de Dieu. Déjà se profile une ambiguïté fondamentale que nous retrouverons souvent : la tendance à utiliser le terme « athée » pour qualifier tous ceux qui ont une conception autre de la divinité.
(…)
D’autres chercheurs de la fin du XIXe siècle crurent déceler chez les peuples primitifs non seulement un sentiment religieux, mais un monothéisme originel. Ainsi Howitt, qui s’intéresse en 1884 aux tribus du Sud-Est australien, et peu après, Andrew Land, pour qui le dieu du ciel est l’ancêtre primitif de la tribu. Le principal défenseur de cette thèse extrême est le père Wilhelm Schmidt (1868-1954) : dans un énorme ouvrage sur les Pygmées, il montre que l’Etre suprême de ce peuple, tout-puissant, maître de la vie et de la mort, créateur, justicier, est le type même du dieu unique. Depuis, d’autres ont cru découvrir les mêmes traces de monothéisme avec Tira-Wa chez les Pawnees ; Nzambi chez les Bantous, Vatauineuva (le Très Vieux) chez les Yagans, Kalunga chez les Ovambos, ajoutant que, souvent ce dieu suprême n’est pas l’objet d’un culte parce qu’il est hors de portée et ne s’occupe pas des hommes. Ces conceptions, en général bâties sur un arrière-plan apologétique, ont été très critiquées, en particulier par Raffaele Pettazzoni (1883-1959), pour qui la notion de monothéisme est employée de façon abusive par ces sociologues et ethnologues. D’autres auteurs ont soutenu la thèse inverse, celle de l’absence de sentiment religieux dans les peuplades étudiées.
(…) En 1912, Emile Durkehim reprend le débat dans Les Formes élémentaires de la vie religieuse, en étudiant le milieu des aborigènes australiens, considérés comme les plus proches de la condition primitive de l’humanité. Son approche, exclusivement sociologique, peut alimenter aussi bien les arguments athées que religieux… »
Poursuivons la lecture pour étudier l’athéisme chez les peuples primitifs et antiques :
« Depuis un certain temps, des historiens anglo-saxons ont commencé à attirer l’attention sur le phénomène du scepticisme dans les sociétés anciennes
L’auteur note qu’à partir du XVIIIe siècle certains philosophes considèrent les chinois comme réfractaires à la religion, totalement athées, idée reprise par les apologistes chrétiens du XIXe siècle : « les peuples bouddhiques peuvent être, sans aucune injustice, regardés comme des peuples athées, écrivait par exemple Barthélémy de Saint Hilaire (…) de l’aveu même du Dictionnaire de théologie catholique, «c’est par l’Inde que doit s’ouvrir l’histoire de l’athéisme »
De manière moins scientifique mais tout aussi subtile, Paul Clavier dans 100 questions sur Dieu ne dit pas autre chose lorsqu’il répond à la question : Toutes les civilisations ont-elles un Dieu ?
«La seule manière de le savoir serait de rassembler toutes les données relatives à toutes les civilisations présentes et passées. Et de chercher, si on trouve, parmi elles une civilisation qui serait restée étrangère à toute forme de divinité, et qui contiendrait zéro pour cent de matière « grâce » »A priori, pourquoi le cas ne se présenterait-il pas ? C’est une question de fait. Que pourrait-on d’ailleurs en conclure ? Pas grand-chose. Cela prouverait que Dieu ne s’impose pas à tout le monde/ Inversement, le fait que la plupart, sinon toutes les civilisations connues et étudiées, aient eu affaire au divin ne prouve pas non plus grand-chose … »
Nous vous laissons méditer sur ces écrits …. Qui vous encourageront sans doute à vous lancer dans une thèse sur ce sujet.
Votre question est bien plus complexe qu’elle ne le paraît et l’idée d’une civilisation qui ne croirait en aucun dieu fait l’objet de controverses importantes encore non résolues.
Pour vous en faire une idée, nous citerons l’excellent ouvrage Histoire de l’athéisme de Georges Minois dont voici des extraits :
«
En 1936 par exemple, Henri de Lubac voyait dans l’affirmation marxiste d’une phase primitive areligieuse de l’humanité la volonté partisane de montrer que la religion n’est pas un besoin essentiel de l’homme et qu’elle ne correspond qu’à un état transitoire de la société.
(...) La première étude sérieuse consacrée au sujet remonte à 1870 : The origin of Civilization and the primitive Condition of Man, John Lubbock (1834-1913), qui avait étudié des
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D’autres chercheurs de la fin du XIXe siècle crurent déceler chez les peuples primitifs non seulement un sentiment religieux, mais un monothéisme originel. Ainsi Howitt, qui s’intéresse en 1884 aux tribus du Sud-Est australien, et peu après, Andrew Land, pour qui le dieu du ciel est l’ancêtre primitif de la tribu. Le principal défenseur de cette thèse extrême est le père Wilhelm Schmidt (1868-1954) : dans un énorme ouvrage sur les Pygmées, il montre que l’Etre suprême de ce peuple, tout-puissant, maître de la vie et de la mort, créateur, justicier, est le type même du dieu unique. Depuis, d’autres ont cru découvrir les mêmes traces de monothéisme avec Tira-Wa chez les Pawnees ; Nzambi chez les Bantous, Vatauineuva (le Très Vieux) chez les Yagans, Kalunga chez les Ovambos, ajoutant que, souvent ce dieu suprême n’est pas l’objet d’un culte parce qu’il est hors de portée et ne s’occupe pas des hommes. Ces conceptions, en général bâties sur un arrière-plan apologétique, ont été très critiquées, en particulier par Raffaele Pettazzoni (1883-1959), pour qui la notion de monothéisme est employée de façon abusive par ces sociologues et ethnologues. D’autres auteurs ont soutenu la thèse inverse, celle de l’absence de sentiment religieux dans les peuplades étudiées.
(…) En 1912, Emile Durkehim reprend le débat dans Les Formes élémentaires de la vie religieuse, en étudiant le milieu des aborigènes australiens, considérés comme les plus proches de la condition primitive de l’humanité. Son approche, exclusivement sociologique, peut alimenter aussi bien les arguments athées que religieux… »
Poursuivons la lecture pour étudier l’athéisme chez les peuples primitifs et antiques :
« Depuis un certain temps, des historiens anglo-saxons ont commencé à attirer l’attention sur le phénomène du scepticisme dans les sociétés anciennes
L’auteur note qu’à partir du XVIIIe siècle certains philosophes considèrent les chinois comme réfractaires à la religion, totalement athées, idée reprise par les apologistes chrétiens du XIXe siècle : « les peuples bouddhiques peuvent être, sans aucune injustice, regardés comme des peuples athées, écrivait par exemple Barthélémy de Saint Hilaire (…) de l’aveu même du Dictionnaire de théologie catholique, «c’est par l’Inde que doit s’ouvrir l’histoire de l’athéisme »
De manière moins scientifique mais tout aussi subtile, Paul Clavier dans 100 questions sur Dieu ne dit pas autre chose lorsqu’il répond à la question : Toutes les civilisations ont-elles un Dieu ?
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Nous vous laissons méditer sur ces écrits …. Qui vous encourageront sans doute à vous lancer dans une thèse sur ce sujet.
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