Décapitation des statutes par les calvinistes
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 09/12/2018 à 07h44
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Question d'origine :
Bonjour,
Je suis à la recherche d'informations sur le sac de la cathédrale Saint-Jean par les protestants, et notamment la décapitation des statues de la façade. Pourquoi cette pratique ? Toutes les statues ont-elles été décapitées ? Les a-t-on par la suite reconstruites, pour qu'elles soient finalement complètement massacrées à la Révolution ?
Ceci fait suite à ma précédente question concernant cette fameuse image du sac de la cathédrale, que je cherche en vain...
Merci de votre aide !
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 10/12/2018 à 15h50
Bonjour,
Voici ce qu’indique l’ouvrage Lyon 1562, capitale protestante : une histoire religieuse de Lyon à la Renaissance : exposition organisée par les Archives municipales de Lyon, 13 octobre 2009 - 27 février 2010, sous la direction d'Yves Krumenacker :
« Une fois au pouvoir, les réformés lyonnais tentent […] avec quelque succès, d’imposer leur religion au plus grand nombre, sans pour autant les menacer de mort ou recourir à la violence. Toutefois, les bâtiments ecclésiastiques – et notamment les églises de la ville – sont pillés et subissent d’importants dommages voire une complète destruction. En effet, alors que dans la ville de Lyon, on s’est toujours borné à des rectifications de détail et seulement lorsque les circonstances les rendaient indispensables, la municipalité protestante entame une politique de grands travaux, dont certains sont en projet depuis longtemps mais n’ont pas été réalisés. Ces travaux ont trois raisons principales. En premier lieu, supprimer des bâtiments ecclésiastiques trop nombreux est un acte de foi et cela décongestionne aussi la ville. Ensuite, il faut en cas de siège pouvoir circuler plus facilement pour atteindre les fortifications. Enfin, dans une période où le commerce est ruiné, ces grands travaux fournissent du travail aux nombreux pauvres. Le saccage de l’église Saint-Jean et la destruction de l’église Saint-Just sont les exemples les plus probants de la vague iconoclaste qui s’abat sur la ville et de cette politique urbanistique de grande ampleur.
La primatiale est détruite principalement pour des motifs religieux et est la proie des pilleurs malgré les précautions prises. Le registre de l’église Saint-Jean nous donne une description des destructions subies par l’édifice à la date du 2 juillet 1563. Ainsi, les réformés « avaient pillé les ornements, saules, reliques, joyaux, parements, chapes, chasubles, tant de drap d’or, toile d’argent, en ayant abattu les chœur, tribune, autels et chapelles, fondues neuf cloches, emportés les vitres, démolis les vases et même plusieurs maisons canoniales avec les murailles du cloître dont ils avaient brisé les portes […] ». Les éléments les plus touchés sont les statues et surtout le portail d’entrée, dont la décoration est entièrement détruite : les figures qui l’ornent sont toutes abîmées, sans exception.
Dans le transept nord, l’horloge qui existe encore aujourd’hui n’est pas entièrement détruite par les soldats du baron des Adrets, mais seulement détériorée de façon importante. De même, sur une sonnerie qui comptait onze cloches, deux seulement sont laissées en place. La sonnerie est finalement rétablie avec six cloches – c’en est encore le nombre actuel. Pour la primatiale, ce sont donc les œuvres d’art et les objets religieux qui subissent le plus de dégâts, son pavement et son toit sont laissés intacts. En réalité, tout ce qui est récupérable l’est afin de financer l’effort de guerre : le fer, l’or, l’argent, le cuivre, le linge de table, les vieux tissus, les vêtements, le bois, les tapisseries, etc. De cette façon, tous les citadins sont mis à contribution, y compris les institutions religieuses, qui sortent très appauvries des guerres de religion. La grande majorité des églises lyonnaises a été pillée durant le mois de mai 1562 ; toutefois la description de tous les biens récupérés n’ayant été consignée par les autorités politiques lyonnaises qu’au mois de juin 1562, de nombreux ornements de valeur ont disparu entre temps.
[…] Contrairement à la destruction de l’église Saint-Jean – qui correspond avant tout à une volonté religieuse – celle de l’église Saint-Just répond à un réel souci stratégique de la part des protestants : se défendre contre un ennemi extérieur, les catholiques. Ils ont comme projet de remplacer l’église et le cloître, difficiles à défendre, par une citadelle qui commanderait le cours du Rhône et la plaine du Dauphiné.
[…]Chronologie de l’occupation protestante
1562
[…]5 mai
Arrivée du baron des Adrets à Lyon
Début de la ruine des églises Saint-Jean, Sainte-Croix et Saint-Etienne
[…]1563
7 février
Compte du sac des églises Saint-Jean et Sainte-Croix par les protestants lyonnais »
En complément voici un extrait de l’ouvrage de Louis Réau, Histoire du vandalisme : les monuments détruits de l'art français :
« Parmi les condottieri calvinistes, celui qui a laissé dans cette région, à l’époque des guerres de Religion, la plus horrible traînée de sang et de ruines, le Montgomery du Sud-Est, est le trop fameux baron des Adrets, auquel succéda à la tête du parti protestant Lesdiguières.
Le Lyonnais
Ce grand carnassier porte la responsabilité du sac de Lyon en 1562. On peut voir au musée de Gadagne, qui est le musée Carnavalet de la métropole lyonnaise, une peinture accusatrice qui, dans un décor architectural de fantaisie emprunté au Massacre des triumvirs d’Antoine Caron, évoque l’horreur du pillage de la malheureuse cité par des soudards huguenots, brûlant, sur le parvis des églises, le butin de leurs razzias sacrilèges. Une inscription vengeresse stigmatise ce saccage :
Impia Calvini quod furto et sanguine constet dogmata
Lugduni picta ruina docet.
C’est le 1er mai 1562 que la cathédrale Saint-Jean-Baptiste, envahie par la soldatesque du baron des Adrets, subit le plus grand désastre de son histoire. Cinquante grandes statues de la façade furent renversées ou décapitées : celles qui, à cause de leur hauteur, étaient plus difficiles à atteindre, servirent de cible aux arquebusiers.
Les trois tympans des portails furent impitoyablement martelés, les figures d’anges et de patriarches des voussures décapitées. Les statues de la Vierge de l’Annonciation et de l’archange Gabriel qui, au sommet du pignon, encadraient le Père éternel, furent abattues. Seuls les petits bas-reliefs quadrilobés du soubassement furent épargnés grâce à leur faible saillie qui n’offrait pas une prise suffisante aux iconoclastes.
A l’intérieur, le jubé du XIIIe siècle fut démoli et le grand crucifix d’argent qui le surmontait fut ignominieusement traîné sur les pavés dans les rues de la ville. Les fonts baptismaux et les bénitiers furent mouillés par des goujats sacrilèges.
Enfin, les huguenots saccagèrent la chapelle des Bourbons, fondée en 1486 par le cardinal Charles de Bourbon, archevêque de Lyon, dont la décoration sculptée rivalisait avec celle de la chapelle funéraire de Brou, près de Bourg-en-Bresse. Elle contenait deux admirables tombeaux qui furent sauvagement détruits. Le premier était le mausolée du cardinal de Saluces, orné par Jacques Morel de dix-huit statues d’albâtre, une des œuvres maîtresses de la sculpture funéraire du XVe siècle. Le second était le splendide mémorial du cardinal de Bourbon : sur un soubassement de marbre blanc, décoré d’une multitude de statuettes, le prélat était agenouillé, les mains jointes, désigné par son emblème : un dextrochère tenant un glaive flamboyant et sa devise : N’espoir ne peur. »
D’après les informations que nous trouvons, ces statues ne semblent pas avoir été restaurées entre 1562 et la révolution :
« En 1562, pendant les guerres de religion, la cathédrale est dévastée par les troupes calvinistes du baron des Adrets. Toutes les statues des saints dans les niches de la façade et tous les anges des trois portails sont décapités. Le jubé est détruit.
Au XVIIIe siècle, le chapitre décide la destruction du trumeau et du tympan du portail central, pour faciliter le passage des processions.
A l'entrée du chœur des chanoines (extrémité des stalles), se trouvent les statues sculptées par Blaise en 1776 et 1780, représentant les deux saints patrons de la cathédrale : saint Étienne, diacre et martyr, et saint Jean Baptiste.
L'époque de la Révolution vient à bout du reste des statues. Entre 1791 et 1793, l'évêque Lamourette ordonne la destruction du jubé et la modification du chœur, qui sera restauré dans sa disposition médiévale entre 1935 et 1936.
Pour remeubler le choeur après la Révolution, on achète les stalles de Cluny, alors en vente.
Les derniers dommages subis par la cathédrale datent de 1944 où tous les vitraux qui n'avaient pas été ôtés sont détruits (heureusement, les plus anciens étaient à l'abri). »
Source : vieux-lyon.org
Pour aller plus loin :
- La Cathédrale de Lyon, Lucien Bégule
- Une révolution symbolique : l'iconoclasme huguenot et la reconstruction catholique, Olivier Christin
- Primatiale Saint-Jean de Lyon, Wikipedia
Bonne journée.
Voici ce qu’indique l’ouvrage Lyon 1562, capitale protestante : une histoire religieuse de Lyon à la Renaissance : exposition organisée par les Archives municipales de Lyon, 13 octobre 2009 - 27 février 2010, sous la direction d'Yves Krumenacker :
« Une fois au pouvoir, les réformés lyonnais tentent […] avec quelque succès, d’imposer leur religion au plus grand nombre, sans pour autant les menacer de mort ou recourir à la violence. Toutefois, les bâtiments ecclésiastiques – et notamment les églises de la ville – sont pillés et subissent d’importants dommages voire une complète destruction. En effet, alors que dans la ville de Lyon, on s’est toujours borné à des rectifications de détail et seulement lorsque les circonstances les rendaient indispensables, la municipalité protestante entame une politique de grands travaux, dont certains sont en projet depuis longtemps mais n’ont pas été réalisés. Ces travaux ont trois raisons principales. En premier lieu, supprimer des bâtiments ecclésiastiques trop nombreux est un acte de foi et cela décongestionne aussi la ville. Ensuite, il faut en cas de siège pouvoir circuler plus facilement pour atteindre les fortifications. Enfin, dans une période où le commerce est ruiné, ces grands travaux fournissent du travail aux nombreux pauvres. Le saccage de l’église Saint-Jean et la destruction de l’église Saint-Just sont les exemples les plus probants de la vague iconoclaste qui s’abat sur la ville et de cette politique urbanistique de grande ampleur.
La primatiale est détruite principalement pour des motifs religieux et est la proie des pilleurs malgré les précautions prises. Le registre de l’église Saint-Jean nous donne une description des destructions subies par l’édifice à la date du 2 juillet 1563. Ainsi, les réformés « avaient pillé les ornements, saules, reliques, joyaux, parements, chapes, chasubles, tant de drap d’or, toile d’argent, en ayant abattu les chœur, tribune, autels et chapelles, fondues neuf cloches, emportés les vitres, démolis les vases et même plusieurs maisons canoniales avec les murailles du cloître dont ils avaient brisé les portes […] ». Les éléments les plus touchés sont les statues et surtout le portail d’entrée, dont la décoration est entièrement détruite : les figures qui l’ornent sont toutes abîmées, sans exception.
Dans le transept nord, l’horloge qui existe encore aujourd’hui n’est pas entièrement détruite par les soldats du baron des Adrets, mais seulement détériorée de façon importante. De même, sur une sonnerie qui comptait onze cloches, deux seulement sont laissées en place. La sonnerie est finalement rétablie avec six cloches – c’en est encore le nombre actuel. Pour la primatiale, ce sont donc les œuvres d’art et les objets religieux qui subissent le plus de dégâts, son pavement et son toit sont laissés intacts. En réalité, tout ce qui est récupérable l’est afin de financer l’effort de guerre : le fer, l’or, l’argent, le cuivre, le linge de table, les vieux tissus, les vêtements, le bois, les tapisseries, etc. De cette façon, tous les citadins sont mis à contribution, y compris les institutions religieuses, qui sortent très appauvries des guerres de religion. La grande majorité des églises lyonnaises a été pillée durant le mois de mai 1562 ; toutefois la description de tous les biens récupérés n’ayant été consignée par les autorités politiques lyonnaises qu’au mois de juin 1562, de nombreux ornements de valeur ont disparu entre temps.
[…] Contrairement à la destruction de l’église Saint-Jean – qui correspond avant tout à une volonté religieuse – celle de l’église Saint-Just répond à un réel souci stratégique de la part des protestants : se défendre contre un ennemi extérieur, les catholiques. Ils ont comme projet de remplacer l’église et le cloître, difficiles à défendre, par une citadelle qui commanderait le cours du Rhône et la plaine du Dauphiné.
[…]Chronologie de l’occupation protestante
1562
[…]5 mai
Arrivée du baron des Adrets à Lyon
Début de la ruine des églises Saint-Jean, Sainte-Croix et Saint-Etienne
[…]1563
7 février
Compte du sac des églises Saint-Jean et Sainte-Croix par les protestants lyonnais »
En complément voici un extrait de l’ouvrage de Louis Réau, Histoire du vandalisme : les monuments détruits de l'art français :
« Parmi les condottieri calvinistes, celui qui a laissé dans cette région, à l’époque des guerres de Religion, la plus horrible traînée de sang et de ruines, le Montgomery du Sud-Est, est le trop fameux baron des Adrets, auquel succéda à la tête du parti protestant Lesdiguières.
Le Lyonnais
Ce grand carnassier porte la responsabilité du sac de Lyon en 1562. On peut voir au musée de Gadagne, qui est le musée Carnavalet de la métropole lyonnaise, une peinture accusatrice qui, dans un décor architectural de fantaisie emprunté au Massacre des triumvirs d’Antoine Caron, évoque l’horreur du pillage de la malheureuse cité par des soudards huguenots, brûlant, sur le parvis des églises, le butin de leurs razzias sacrilèges. Une inscription vengeresse stigmatise ce saccage :
Impia Calvini quod furto et sanguine constet dogmata
Lugduni picta ruina docet.
C’est le 1er mai 1562 que la cathédrale Saint-Jean-Baptiste, envahie par la soldatesque du baron des Adrets, subit le plus grand désastre de son histoire. Cinquante grandes statues de la façade furent renversées ou décapitées : celles qui, à cause de leur hauteur, étaient plus difficiles à atteindre, servirent de cible aux arquebusiers.
Les trois tympans des portails furent impitoyablement martelés, les figures d’anges et de patriarches des voussures décapitées. Les statues de la Vierge de l’Annonciation et de l’archange Gabriel qui, au sommet du pignon, encadraient le Père éternel, furent abattues. Seuls les petits bas-reliefs quadrilobés du soubassement furent épargnés grâce à leur faible saillie qui n’offrait pas une prise suffisante aux iconoclastes.
A l’intérieur, le jubé du XIIIe siècle fut démoli et le grand crucifix d’argent qui le surmontait fut ignominieusement traîné sur les pavés dans les rues de la ville. Les fonts baptismaux et les bénitiers furent mouillés par des goujats sacrilèges.
Enfin, les huguenots saccagèrent la chapelle des Bourbons, fondée en 1486 par le cardinal Charles de Bourbon, archevêque de Lyon, dont la décoration sculptée rivalisait avec celle de la chapelle funéraire de Brou, près de Bourg-en-Bresse. Elle contenait deux admirables tombeaux qui furent sauvagement détruits. Le premier était le mausolée du cardinal de Saluces, orné par Jacques Morel de dix-huit statues d’albâtre, une des œuvres maîtresses de la sculpture funéraire du XVe siècle. Le second était le splendide mémorial du cardinal de Bourbon : sur un soubassement de marbre blanc, décoré d’une multitude de statuettes, le prélat était agenouillé, les mains jointes, désigné par son emblème : un dextrochère tenant un glaive flamboyant et sa devise : N’espoir ne peur. »
D’après les informations que nous trouvons, ces statues ne semblent pas avoir été restaurées entre 1562 et la révolution :
« En 1562, pendant les guerres de religion, la cathédrale est dévastée par les troupes calvinistes du baron des Adrets. Toutes les statues des saints dans les niches de la façade et tous les anges des trois portails sont décapités. Le jubé est détruit.
Au XVIIIe siècle, le chapitre décide la destruction du trumeau et du tympan du portail central, pour faciliter le passage des processions.
A l'entrée du chœur des chanoines (extrémité des stalles), se trouvent les statues sculptées par Blaise en 1776 et 1780, représentant les deux saints patrons de la cathédrale : saint Étienne, diacre et martyr, et saint Jean Baptiste.
L'époque de la Révolution vient à bout du reste des statues. Entre 1791 et 1793, l'évêque Lamourette ordonne la destruction du jubé et la modification du chœur, qui sera restauré dans sa disposition médiévale entre 1935 et 1936.
Pour remeubler le choeur après la Révolution, on achète les stalles de Cluny, alors en vente.
Les derniers dommages subis par la cathédrale datent de 1944 où tous les vitraux qui n'avaient pas été ôtés sont détruits (heureusement, les plus anciens étaient à l'abri). »
Source : vieux-lyon.org
- La Cathédrale de Lyon, Lucien Bégule
- Une révolution symbolique : l'iconoclasme huguenot et la reconstruction catholique, Olivier Christin
- Primatiale Saint-Jean de Lyon, Wikipedia
Bonne journée.
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