Question d'origine :
Bonjour,
Est-ce qu'on a déjà cherché à savoir pourquoi les filles forment généralement leurs lettres de façon plus ronde que les garçons ? Cela m'a toujours interloqué.
J'arrive toujours à reconnaître une "écriture de fille" et je passe parfois pour un "essentialiste" alors que j'y peux rien si les lettres sont plus arrondies. (Et en plus je suis plutôt versé dans la socio donc je cherche des causes dans la "socialisation", comme on dit, mais c'est pas facile car ça a l'air de transcender les milieux/âges/styles de vie/modes d'appartenance etc.)
Y'a t-il des débuts d'études là-dessus ?
Merci à vous.
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 09/11/2018 à 12h01
Bonjour,
Vous posez une question des plus ardues, car il semble que vous ayez mis le doigt sur un angle mort de la production scientifique – et cependant, après d’âpres péripéties, nous avons trouvé des sources évoquant ce type d’écriture.
Tout d’abord, précisons que l’écriture ronde dont vous parlez semble plus précisément être caractéristique de certaines jeunes filles adolescentes – à la manière des photos qu’une créatrice de contenu du site madmoizelle.com a diffusé du journal intime qu’elle tenait lorsqu’elle avait 16 ans. Cette manière particulière d’écrire, parfois agrémenté de points sur les « I » en forme de cœur ou de fleur, est qualifiée de « ronde » ou « dodue » par les graphologue s, qui sont apparemment les seuls à se pencher sur les caractéristiques graphiques de notre écriture… pour hélas en tirer des conclusions psychologisantes qui nous laissent perplexes :
« Nous en distinguons le dodu exagéré de certaines écritures à la mode d’adolescentes, dans lesquelles le narcissisme, les besoins affectifs égocentriques peuvent voisiner avec une ambivalence foncière, avec l’affirmation d’une pseudo-autonomie et une revendication virile […]. Il est à noter que ces dernières années beaucoup de femmes ont adopté ce style d’écriture, mode exprimant peut-être leur vision d’une certaine féminité. »
(Source : La connaissance de l'enfant par l'écriture [Livre] : l'approche graphologique de l'enfance et de ses difficultés / Jacqueline Peugeot)
Le lien entre rondeur et féminité est aussi établi par la graphologue Michelle Sardin dans le manuel de graphologie qu’elle a publié chez Eyrolles, et qu’on peut consulter sur le site de l’éditeur :
« Notons également que l’écriture est toujours marquée par le sexe du scripteur. Ainsi, les écritures féminines seront plutôt rondes et les écritures masculines plutôt anguleuses. »
Encore une fois, c’est à l’adolescence que l’écriture « dodue » est liée. Comparant deux paragraphes écrits par la même personne à quinze et à trente ans, l’auteure insiste :
« Notons que celle-ci s’est totalement transformée. De ronde et étalée, elle est devenue anguleuse et resserrée. La scriptrice est passée de l’adolescente extravertie et sentimentale, à la jeune femme, intellectuelle, cultivée et plus réservé ».
Un article de Charlotte Marcilhacy, paru en 2006 dans Psychologie clinique et projective (sur cairn.info, consultable en bibliothèque), cite « une grille de croissance génétique de l’écriture mise au point par [le néuropédiatre] J. de Ajuriaguerra et une équipe de chercheurs » :
« Dans L’écriture de l’enfant, ouvrage paru en 1979, l’auteur a en effet cherché à isoler les éléments constitutifs du graphisme enfantin en constituant une « Grille de développement génétique de l’écriture », « l’échelle E ». À travers deux séries d’items regroupés à l’intérieur d’une « échelle EF » et d’une « échelle EM », cette dernière prend en compte l’aspect formel mais aussi la maladresse motrice et les incertitudes inhérentes au tracé enfantin. » La rondeur y étant encore présentée commeune caractéristique de l’enfance, et « un tracé resté scolaire » … Ce qui ne peut évidemment pas être généralisé à toutes les petites filles !
Peut-être vaudrait-il mieux, au lieu de théories psychologiques, aller plutôt sur le terrain de l’éducation. Là, malgré les disparités de « milieux/âges/styles de vie/modes d'appartenance », on trouvera tout de même des constantes dont la façon dont les filles… sont traitées :
« Aujourd’hui, il existe encore des écarts importants entre les filles et les garçons en termes de résultats scolaires, d’orientation et de rapport à la culture. Les filles obtiennent globalement de meilleurs résultats et semblent mieux s’adapter au climat scolaire en se conformant plus facilement aux attentes de l’institution. Les enseignant·e·s accordent plus d’attention et de temps aux garçons et incitent ces derniers à plus d’autonomie. Il sont également plus souvent interrogés et sollicités, surtout si le nombre d’élèves est important dans la classe. Les compliments et encouragements des équipes éducatives portent sur leurs performances alors que les filles sont félicitées sur leur conduite, leur écriture, leur assiduité . Les enseignant·e·s tolèrent plus l’indiscipline des garçons. Les garçons sont plus ambitieux et confiants dans leur réussite. »
(Source : “L’éducation des filles et des garçons : paradoxes et inégalités », article de Marie Gaussel sur edupass.hypotheses.org)
A quoi on peut attribuer au moins en partie le fait que les filles aient tendance à chercher au moins une graphie plus aérée, donc peut-être, plus lisible ?
La piste est ténue, mais de toutes celles que nous avons trouvées, c’est celle qui nous paraît la plus crédible…
Bonne journée.
Vous posez une question des plus ardues, car il semble que vous ayez mis le doigt sur un angle mort de la production scientifique – et cependant, après d’âpres péripéties, nous avons trouvé des sources évoquant ce type d’écriture.
Tout d’abord, précisons que l’écriture ronde dont vous parlez semble plus précisément être caractéristique de certaines jeunes filles
« Nous en distinguons le dodu exagéré de certaines écritures à la mode d’adolescentes, dans lesquelles le narcissisme, les besoins affectifs égocentriques peuvent voisiner avec une ambivalence foncière, avec l’affirmation d’une pseudo-autonomie et une revendication virile […]. Il est à noter que ces dernières années beaucoup de femmes ont adopté ce style d’écriture, mode exprimant peut-être
(Source : La connaissance de l'enfant par l'écriture [Livre] : l'approche graphologique de l'enfance et de ses difficultés / Jacqueline Peugeot)
Le lien entre rondeur et féminité est aussi établi par la graphologue Michelle Sardin dans le manuel de graphologie qu’elle a publié chez Eyrolles, et qu’on peut consulter sur le site de l’éditeur :
« Notons également que l’écriture est toujours marquée par le sexe du scripteur. Ainsi, les écritures féminines seront plutôt rondes et les écritures masculines plutôt anguleuses. »
Encore une fois, c’est à l’adolescence que l’écriture « dodue » est liée. Comparant deux paragraphes écrits par la même personne à quinze et à trente ans, l’auteure insiste :
« Notons que celle-ci s’est totalement transformée. De ronde et étalée, elle est devenue anguleuse et resserrée. La scriptrice est passée de l’adolescente extravertie et sentimentale, à la jeune femme, intellectuelle, cultivée et plus réservé ».
Un article de Charlotte Marcilhacy, paru en 2006 dans Psychologie clinique et projective (sur cairn.info, consultable en bibliothèque), cite « une grille de croissance génétique de l’écriture mise au point par [le néuropédiatre] J. de Ajuriaguerra et une équipe de chercheurs » :
« Dans L’écriture de l’enfant, ouvrage paru en 1979, l’auteur a en effet cherché à isoler les éléments constitutifs du graphisme enfantin en constituant une « Grille de développement génétique de l’écriture », « l’échelle E ». À travers deux séries d’items regroupés à l’intérieur d’une « échelle EF » et d’une « échelle EM », cette dernière prend en compte l’aspect formel mais aussi la maladresse motrice et les incertitudes inhérentes au tracé enfantin. » La rondeur y étant encore présentée comme
Peut-être vaudrait-il mieux, au lieu de théories psychologiques, aller plutôt sur le terrain de l’éducation. Là, malgré les disparités de « milieux/âges/styles de vie/modes d'appartenance », on trouvera tout de même des constantes dont la façon dont les filles… sont traitées :
« Aujourd’hui, il existe encore des écarts importants entre les filles et les garçons en termes de résultats scolaires, d’orientation et de rapport à la culture. Les filles obtiennent globalement de meilleurs résultats et semblent mieux s’adapter au climat scolaire en se conformant plus facilement aux attentes de l’institution. Les enseignant·e·s accordent plus d’attention et de temps aux garçons et incitent ces derniers à plus d’autonomie. Il sont également plus souvent interrogés et sollicités, surtout si le nombre d’élèves est important dans la classe. Les compliments et encouragements des équipes éducatives portent sur leurs performances alors que
(Source : “L’éducation des filles et des garçons : paradoxes et inégalités », article de Marie Gaussel sur edupass.hypotheses.org)
A quoi on peut attribuer au moins en partie le fait que les filles aient tendance à chercher au moins une graphie plus aérée, donc peut-être, plus lisible ?
La piste est ténue, mais de toutes celles que nous avons trouvées, c’est celle qui nous paraît la plus crédible…
Bonne journée.
DANS NOS COLLECTIONS :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter