Question d'origine :
Pourquoi la plupart des gens voir tout le monde rajoute au jour à aujourd'hui ou aujourd'hui à au jour...est ce vraiment une erreur de langage qui est devenue une sorte de TOC général ou n'est ce pas une erreur tout à coup un doute subsiste..
Réponse du Guichet
bml_litt
- Département : Langues et Littératures
Le 07/11/2018 à 13h48
Afin de vous apporter une réponse exhaustive mais soumise à la nuance, nous avons sollicité l’excellent site en ligne intitulé « Projet Voltaire, le projet en ligne de formation à l’orthographe ». L’article est signé Sandrine Campese, nous le publions ici in extenso avec quelques renvois de bon aloi à nos collections.
Genèse d’un vieux pléonasme
Ce n’est pas l’histoire de Oui-Oui, mais celle de hui, un petit mot d’ancien français né au XIe siècle, qui signifiait « le jour où l’on est ». Il avait un ancêtre latin hodie, et deux cousins, hoy l’espagnol et oggi l’italien. Hui avait la belle vie, jusqu’à ce qu’on le trouve trop court et qu’on lui ajoute « au jour ». Hui devint aujourd’hui, c’est-à-dire « au jour de ce jour ». Mais ce pléonasme n’était pas encore suffisant pour le peuple qui crut bon de dire « au jour d’aujourd’hui », soit « au jour du jour de ce jour ». Ne vous y méprenez pas, la formule n’est pas le fait d’une nouvelle génération ne sachant plus s’exprimer (comme on l’entend souvent), « au jour d’aujourd’hui » existe depuis 1531, année où il a été attesté la première fois ! C’est donc depuis le Moyen Âge que « tout fout l’camp » !
Un pléonasme peut-il être utile ?
D’accord, « au jour d’aujourd’hui » est un pléonasme, mais est-ce une raison suffisante pour l’envoyer au bûcher ? Faut-il proscrire tous les pléonasmes ou certains ont-ils une utilité ? Vaugelas, grand grammairien français du XVIIe siècle, puriste parmi les puristes, avait sur la question un avis surprenant. Dans ses Remarques sur la langue française (1647), il écrit qu’unir ensemble, voir de ses yeux, ouïr de ses oreilles, voler en l’air « sont fort bien dits » (sic). Il avance que ces expressions ne sont pas des pléonasmes car ici la répétition étend et renforce le sens du propos, parle à l’imagination et permet de représenter plus facilement une pensée. La tolérance de Vaugelas nous laisse pantois, alors qu’un de nos contemporains, le lexicologue Alain Rey, semble lui emboîter le pas.
La bénédiction d’Alain Rey
Alain Rey, connu pour son regard moderne sur notre langue (il est plutôt pro-néologisme, par exemple), considère dans cet article du Magazine littéraire « qu’au jour d’aujourd’hui n’est pas toujours un vilain pléonasme ». Selon lui, l’employer permet d’insister sur le jour où l’on parle, tandis qu’aujourd’hui, de sens plus large, désignerait « le temps présent ». Il s’appuie notamment sur le recueil de Victor Hugo, Contemplations, dont la seconde partie intitulée « Aujourd’hui » est sous-titrée « 1843-1855 ». Ajoutons qu’une distinction similaire existe en espagnol où hoy s’applique au « jour J » et hoy en día veut dire « ces temps-ci ».
Conclusion
Si certaines tournures, comme « le degré complet », ont un effet d’insistance (ex. : « la terre tout entière »), les pléonasmes sont à éviter autant que possible. Dans le cas présent, c’est facile : pourquoi ne pas employer aujourd’hui (« au jour de ce jour ») pour désigner la journée où nous sommes et « de nos jours », « à notre époque » ou encore « actuellement » à la place d’« au jour d’aujourd’hui » ? Notre langue est si riche qu’il est toujours possible de « ruser » et d’éviter de tomber dans la lourdeur et la facilité !
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