Question d'origine :
Bonjour,
Nous sommes actuellement au temple d'apollon à delphes, et avons lu qu'un écriteau affichait "connais toi toi même" sur son entrée.
Beaucoup de personnes semblent s'être approprié cette expression à travers les temps, mais d'où vient elle vraiment ?
Merci,
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 05/11/2018 à 12h25
Bonjour,
Si le fameux « connais-toi toi-même » est un adage-clé de l’histoire de la philosophie occidentale (liée au mythe de Socrate), l’origine en est on ne peut plus obscure. Voici ce qu’on lit dans l’ouvrage Lois sacrées et règlements religieux [Livre] / [publ. par l' École française d'Athènes] ; [publiés, traduits et commentés] par Georges Rougemont :
« Dès l’antiquité on ignorait quel était l’auteur de cette maxime delphique, on l’attribuait tantôt à Apollon lui-même, tantôt à la Pythie Phémonoé ou Phanothée, tantôt au collège des sept Sages, tantôt à tel d’entre eux, Chilon, Thalès Solon ou Bias, tantôt à Homère, tantôt à l’eunuque Labys…..au reste, nulle trace de ces inscriptions ne semble avoir été décelée à Delphes, jusqu’à présent par les fouilles… »
Pourtant cette maxime est une sorte de pierre angulaire de la pensée des Grecs - et particulièrement de leur vision du rapport de l'homme au cosmos. Comme l’explique Jean-Pierre Vernant dans sa préface à L’Homme grec :
« La maxime de Delphes, « connais-toi toi-même », ne prône pas, comme nous aurions tendance à le supposer, un retour sur soi pour atteindre, par introspection et auto-analyse, un « je » caché, invisible à tout autre, et qui serait posé comme un pur acte de pensée ou comme le domaine secret de l’intimité personnelle […]. Pour l’oracle, « connais-toi toi-même » signifie :apprends tes limites, sache que tu es un homme mortel, n’essaie pas de t’égaler aux dieux »
Bien que l’origine de cette maxime soit un mystère pour l’histoire et l’archéologie, on en trouve une version peut-être mythique dans le Protagoras de Platon. Ledit Protagoras décrit les bienfaits de l’éducation lacédémonienne (c’est-à-dire spartiate) :
« […]Thaïes de Milet, Pittacus de Mitylène, Bias de Priène, notre Solon, Cléobule de Lindos, Myson de Chêne, et Chilon de Lacédémone, […] ont admiré, aimé et cultivé l'éducation lacédémonienne ; et il est aisé de connaître que leur sagesse a été du même genre que celles des Spartiates, par les sentences courtes et dignes d'être retenues, qu'on attribue à chacun d'eux. Un jour s'étant rassemblés, ils consacrèrent les prémices de leur sagesse à Apollon, dans son temple de Delphes, y gravant ces maximes qui sont dans la bouche de tout le monde: Connais-toi toi-même, et rien de trop. »
Tandis que selon Diogène Laërce, « Thalès est l’auteur du fameux « connais-toi toi-même » qu’Antisthène (Livre des Filiations) attribue à Phémonoé, en déclarant que Chilon se l’appropria mensongèrement. »
Vous le voyez, à moins d’une découverte archéologique, l’origine de l’inscription restera incertaine… Reste qu’elle témoigne d’une des grandes obsessions des Grecs de l’antiquité, la hantise de l’hybris, ou démesure – particulièrement bien illustrée par le mythe d’Œdipe, comme le rappelait récemment l’historienne Marie-Joséphine Werlings sur franceculture.fr :
« Œdipe roi est la tragédie d’un homme aux prises avec son destin, sur lequel plane la toute-puissance des dieux. Entre savoir et ignorance, entre pouvoir et faiblesse, entre ombre et lumière, entre vie et mort : Œdipe est la figure de l’Homme. A qui le dieu de Delphes ne cesse de répéter : « Connais-toi toi-même », c’est-à-dire sache qui tu es, et que tu es faillible et limité."
Une ambiance sonore idéale pour rêver sur un paysage de ruines…
Bonne écoute et bon voyage !
Si le fameux « connais-toi toi-même » est un adage-clé de l’histoire de la philosophie occidentale (liée au mythe de Socrate), l’origine en est on ne peut plus obscure. Voici ce qu’on lit dans l’ouvrage Lois sacrées et règlements religieux [Livre] / [publ. par l' École française d'Athènes] ; [publiés, traduits et commentés] par Georges Rougemont :
« Dès l’antiquité on ignorait quel était l’auteur de cette maxime delphique, on l’attribuait tantôt à Apollon lui-même, tantôt à la Pythie Phémonoé ou Phanothée, tantôt au collège des sept Sages, tantôt à tel d’entre eux, Chilon, Thalès Solon ou Bias, tantôt à Homère, tantôt à l’eunuque Labys…..au reste, nulle trace de ces inscriptions ne semble avoir été décelée à Delphes, jusqu’à présent par les fouilles… »
Pourtant cette maxime est une sorte de pierre angulaire de la pensée des Grecs - et particulièrement de leur vision du rapport de l'homme au cosmos. Comme l’explique Jean-Pierre Vernant dans sa préface à L’Homme grec :
« La maxime de Delphes, « connais-toi toi-même », ne prône pas, comme nous aurions tendance à le supposer, un retour sur soi pour atteindre, par introspection et auto-analyse, un « je » caché, invisible à tout autre, et qui serait posé comme un pur acte de pensée ou comme le domaine secret de l’intimité personnelle […]. Pour l’oracle, « connais-toi toi-même » signifie :
Bien que l’origine de cette maxime soit un mystère pour l’histoire et l’archéologie, on en trouve une version peut-être mythique dans le Protagoras de Platon. Ledit Protagoras décrit les bienfaits de l’éducation lacédémonienne (c’est-à-dire spartiate) :
« […]Thaïes de Milet, Pittacus de Mitylène, Bias de Priène, notre Solon, Cléobule de Lindos, Myson de Chêne, et Chilon de Lacédémone, […] ont admiré, aimé et cultivé l'éducation lacédémonienne ; et il est aisé de connaître que leur sagesse a été du même genre que celles des Spartiates, par les sentences courtes et dignes d'être retenues, qu'on attribue à chacun d'eux. Un jour s'étant rassemblés, ils consacrèrent les prémices de leur sagesse à Apollon, dans son temple de Delphes, y gravant ces maximes qui sont dans la bouche de tout le monde: Connais-toi toi-même, et rien de trop. »
Tandis que selon Diogène Laërce, « Thalès est l’auteur du fameux « connais-toi toi-même » qu’Antisthène (Livre des Filiations) attribue à Phémonoé, en déclarant que Chilon se l’appropria mensongèrement. »
Vous le voyez, à moins d’une découverte archéologique, l’origine de l’inscription restera incertaine… Reste qu’elle témoigne d’une des grandes obsessions des Grecs de l’antiquité, la hantise de l’hybris, ou démesure – particulièrement bien illustrée par le mythe d’Œdipe, comme le rappelait récemment l’historienne Marie-Joséphine Werlings sur franceculture.fr :
« Œdipe roi est la tragédie d’un homme aux prises avec son destin, sur lequel plane la toute-puissance des dieux. Entre savoir et ignorance, entre pouvoir et faiblesse, entre ombre et lumière, entre vie et mort : Œdipe est la figure de l’Homme. A qui le dieu de Delphes ne cesse de répéter : « Connais-toi toi-même », c’est-à-dire sache qui tu es, et que tu es faillible et limité."
Une ambiance sonore idéale pour rêver sur un paysage de ruines…
Bonne écoute et bon voyage !
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter