La culture de Masse selon Adorno
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 27/10/2018 à 06h52
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Question d'origine :
Bonjour,
Avez-vous des informations sur la théorie de la culture de masse selon le sociologue Adorno ?
merci d'avance
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 29/10/2018 à 11h56
Bonjour,
Vous trouverez des informations surl’industrie culturelle (terme préféré par Theodor Adorno à « culture de masse ») dans les articles suivants :
« Le concept d’« industrie culturelle » est forgé par Theodor W. Adorno et Max Horkheimer dans La Dialectique de la raison, un ouvrage écrit pendant la guerre et publié à Amsterdam en 1947. Ils le préfèrent à « culture de masse » – qui commence alors à se répandre au sein des sciences sociales, surtout aux États-Unis – à cause de l’ambiguïté de l’expression, susceptible d’être interprétée comme une sorte de folklore, de culture authentique « jaillissant » spontanément des masses. À leurs yeux, l’industrie culturelle (Kulturindustrie) n’est qu’une dimension du processus de réification qui, depuis le début du xxe siècle, phagocyte impitoyablement la planète : lorsque les relations sociales prennent la forme d’un échange de marchandises, la culture n’échappe pas à l’aliénation générale. « La technologie de l’industrie culturelle – écrivent-ils – n’a abouti qu’à la standardisation et à la production en série, en sacrifiant tout ce qui faisait la différence entre la logique de l’œuvre et celle du système social. » Par conséquent, les produits de l’industrie culturelle doivent être considérés à l’instar des autres marchandises, dont rien ne les distingue fondamentalement, « les autos, les bombes et les films » remplissant la « même fonction niveleuse ». Ils s’érigent vis à-vis de la culture authentique – expression d’un monde non soumis à la rationalisation technique et à la réification marchande – comme une sorte de simulacre ; ils en sont la caricature, exactement comme la « communauté populaire » (Volksgemeinschaft) nazie était la parodie d’une véritable communauté humaine. Si la rationalité instrumentale vise la domination (« la Raison est totalitaire », expliquaient Horkheimer et Adorno), l’industrie culturelle n’est qu’un de ses vecteurs. Elle « abolit » l’autonomie de l’œuvre d’art, puisque ses réalisations sont conçues comme des marchandises. Il ne s’agit pas de créations intellectuelles ou esthétiques amenées, pour atteindre un public élargi, à prendre une forme marchande ; il s’agit de produits nés pour le marché, que la masse – à qui ils sont destinés – ne peut recevoir qu’en qualité de consommateur. Le public s’approprie les biens culturels pour s’enrichir spirituellement et pouvoir exercer une fonction critique, tandis que la masse, elle, se borne à les consommer de manière passive. Inévitablement, la réclame constitue la forme achevée de l’industrie culturelle, dont la fonction apologétique de l’ordre dominant n’est même pas cachée ; l’art se transforme en pure technique publicitaire, comme l’avait bien compris Goebbels, le ministre de la Propagande du IIIe Reich. »
Traverso, Enzo. Adorno et les antinomies de l'industrie culturelle, Communications, vol. 91, no. 2, 2012, pp. 51-63.
(aussi disponible dans Persée)
« Il semble bien que le terme d’industrie culturelle ait été employé pour la première fois dans le livre Dialektik der Aufklärung que Horkheimer et moi avons publié en 1947 à Amsterdam. Dans nos ébauches il était question de culture de masse. Nous avons abandonné cette dernière expression pour la remplacer par « industrie culturelle », afin d’exclure de prime abord l’interprétation qui plaît aux avocats de la chose ; ceux-ci prétendent en effet qu’il s’agit de quelque chose comme une culture jaillissant spontanément des masses mêmes, en somme de la forme actuelle de l’art populaire. Or, de cet art, l’industrie culturelle se distingue par principe. Dans toutes ses branches on confectionne, plus ou moins selon un plan, des produits qui sont étudiés pour la consommation des masses et qui déterminent par eux-mêmes, dans une large mesure, cette consommation. »
Source : L’industrie culturelle, Theodor W. Adorno, Communications, Année 1964, 3, pp. 12-18
Quelques articles supplémentaires :
- Voirol, Olivier. Retour sur l'industrie culturelle, Réseaux, vol. 166, no. 2, 2011, pp. 125-157.
- Andrea Cavazzini, Notes sur la Théorie critique et sur l’« industrie culturelle », Cahiers du GRM, 4 | 2013
- Avec Adorno, contre l’industrie culturelle, humanite.fr
Pour finir, des ouvrages :
- Kulturindustrie : Raison et mystification des masses, Theodor Wiesengrund Adorno et Max Horkheimer
- La dialectique de la raison : fragments philosophiques, Max Horkheimer, Theodor W. Adorno
- Le laboratoire de La dialectique de la raison : textes préparatoires et discussions méthodologiques, Max Horkheimer et Theodor W. Adorno
Bonne journée.
Vous trouverez des informations sur
« Le concept d’« industrie culturelle » est forgé par Theodor W. Adorno et Max Horkheimer dans La Dialectique de la raison, un ouvrage écrit pendant la guerre et publié à Amsterdam en 1947. Ils le préfèrent à « culture de masse » – qui commence alors à se répandre au sein des sciences sociales, surtout aux États-Unis – à cause de l’ambiguïté de l’expression, susceptible d’être interprétée comme une sorte de folklore, de culture authentique « jaillissant » spontanément des masses. À leurs yeux, l’industrie culturelle (Kulturindustrie) n’est qu’une dimension du processus de réification qui, depuis le début du xxe siècle, phagocyte impitoyablement la planète : lorsque les relations sociales prennent la forme d’un échange de marchandises, la culture n’échappe pas à l’aliénation générale. « La technologie de l’industrie culturelle – écrivent-ils – n’a abouti qu’à la standardisation et à la production en série, en sacrifiant tout ce qui faisait la différence entre la logique de l’œuvre et celle du système social. » Par conséquent, les produits de l’industrie culturelle doivent être considérés à l’instar des autres marchandises, dont rien ne les distingue fondamentalement, « les autos, les bombes et les films » remplissant la « même fonction niveleuse ». Ils s’érigent vis à-vis de la culture authentique – expression d’un monde non soumis à la rationalisation technique et à la réification marchande – comme une sorte de simulacre ; ils en sont la caricature, exactement comme la « communauté populaire » (Volksgemeinschaft) nazie était la parodie d’une véritable communauté humaine. Si la rationalité instrumentale vise la domination (« la Raison est totalitaire », expliquaient Horkheimer et Adorno), l’industrie culturelle n’est qu’un de ses vecteurs. Elle « abolit » l’autonomie de l’œuvre d’art, puisque ses réalisations sont conçues comme des marchandises. Il ne s’agit pas de créations intellectuelles ou esthétiques amenées, pour atteindre un public élargi, à prendre une forme marchande ; il s’agit de produits nés pour le marché, que la masse – à qui ils sont destinés – ne peut recevoir qu’en qualité de consommateur. Le public s’approprie les biens culturels pour s’enrichir spirituellement et pouvoir exercer une fonction critique, tandis que la masse, elle, se borne à les consommer de manière passive. Inévitablement, la réclame constitue la forme achevée de l’industrie culturelle, dont la fonction apologétique de l’ordre dominant n’est même pas cachée ; l’art se transforme en pure technique publicitaire, comme l’avait bien compris Goebbels, le ministre de la Propagande du IIIe Reich. »
Traverso, Enzo. Adorno et les antinomies de l'industrie culturelle, Communications, vol. 91, no. 2, 2012, pp. 51-63.
(aussi disponible dans Persée)
« Il semble bien que le terme d’industrie culturelle ait été employé pour la première fois dans le livre Dialektik der Aufklärung que Horkheimer et moi avons publié en 1947 à Amsterdam. Dans nos ébauches il était question de culture de masse. Nous avons abandonné cette dernière expression pour la remplacer par « industrie culturelle », afin d’exclure de prime abord l’interprétation qui plaît aux avocats de la chose ; ceux-ci prétendent en effet qu’il s’agit de quelque chose comme une culture jaillissant spontanément des masses mêmes, en somme de la forme actuelle de l’art populaire. Or, de cet art, l’industrie culturelle se distingue par principe. Dans toutes ses branches on confectionne, plus ou moins selon un plan, des produits qui sont étudiés pour la consommation des masses et qui déterminent par eux-mêmes, dans une large mesure, cette consommation. »
Source : L’industrie culturelle, Theodor W. Adorno, Communications, Année 1964, 3, pp. 12-18
- Voirol, Olivier. Retour sur l'industrie culturelle, Réseaux, vol. 166, no. 2, 2011, pp. 125-157.
- Andrea Cavazzini, Notes sur la Théorie critique et sur l’« industrie culturelle », Cahiers du GRM, 4 | 2013
- Avec Adorno, contre l’industrie culturelle, humanite.fr
- Kulturindustrie : Raison et mystification des masses, Theodor Wiesengrund Adorno et Max Horkheimer
- La dialectique de la raison : fragments philosophiques, Max Horkheimer, Theodor W. Adorno
- Le laboratoire de La dialectique de la raison : textes préparatoires et discussions méthodologiques, Max Horkheimer et Theodor W. Adorno
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