Question d'origine :
En recevant dans ma médiathèque ce matin l'OBS No2814 daté du 11 Octobre 2018, une question m'a effleuré l'esprit.
On y voit sur la couverture Emmanuel Macron les yeux fermés, visiblement en pleine concentration, et au dessus le titre "Macron chez le psy".
Mais comment donc les journaux font-ils pour avoir des photos aussi à-propos ? Est-ce qu'ils ont demandé gentiment au président de poser dans un studio, est-ce qu'ils ont une banque d'images ultra-précise à tous les cas de figure où se trouvait déjà ce fichier de type "macron_qui_pense_les_yeux_fermés" ?
Merci d'éclairer ma lanterne.
Réponse du Guichet
gds_alc
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 15/10/2018 à 12h18
Bonjour,
Pour essayer de vous répondre, nous reviendrons brièvement sur ce qu’est le travail de photographe ou plutôt de photojournaliste sachant que l’on peut être indépendant ou salarié permanent auquel cas on travaille pour des organes de presse, des agences filaires comme Reuters, l’AFP, AP et des agences de presses photographiques.
Le photographe peut en fonction des situations travailler sur commandes ou proposer ses sujets aux agences.
Parallèlement, plus de soixante titres de la presse sont abonnés au « fil » de l’AFP et généralement à sa banque d’images soit 150 photographes jouant un rôle de grossiste ou semi-grossiste servant les intermédiaires que sont les médias (journaux traditionnels,, télévisions),
Dans un même temps, comme l’explique Fabiene Gay Jacob Vila dans Être photo-journaliste aujourd'hui : se former, produire et diffuser son travail les quotidiens ont généralement au sein de leurs équipes un-e directeur-trice du service photo un iconographe qui recherche «des photographies ou des reportages qui accompagnent le rédactionnel en fonction de la ligne éditoriale du support ».
L’auteure note qu’un iconographe est quelqu’un qui connaît la photographie. Il en connaît les acteurs, l’histoire et les tendances (…) ils ont à leur disposition de très nombreuses sources, des sites de partage de photos, etc., et
L’article « Presse et photographie contemporaine » dans le Monde du livre s’intéresse par exemple à la sélection menée par le quotidien La Croix :
« Armelle Canitrot est ainsi responsable d’un service photo et reçoit l’appui de quatre collaborateurs. Mais elle est également critique, et intervient à l’occasion d’articles dans le quotidien pour contextualiser et décrypter ces images emblématiques qui cristallisent une certaine actualité et gardent une trace dans la mémoire collective, par la puissance de leur mise en scène – on pense, par exemple, à cette photographie de Stéphane Mae des manifestants de Charlie Hebdo dont la composition évoque « La liberté guidant le peuple » d’Eugène Delacroix, et qui a été massivement diffusée par la presse et les réseaux sociaux. Le service photo de La Croix cherche par ailleurs à illustrer la diversité de la photographie contemporaine grâce à des choix iconographiques diversifiés – commande à des artistes, photoreportages, etc. – et à la couverture de l’actualité culturelle propre à la photographie.
L’importance accordée à l’image comme valeur ajoutée, à l’heure du numérique, loin de décroître, est ainsi devenue plus centrale à La Croix. Le numérique, en facilitant la diffusion des images et en abaissant les coûts que représentaient, à l’ère analogique, la commande de photographies par un journal (déplacement du photographe à la rédaction, frais des laboratoires photo…), a permis d’augmenter le nombre de ces commandes. La ligne éditoriale de La Croix justifie par ailleurs un rapport plus distancié à l’image diffusée que dans d’autres titres de presse : par soucis de respect de la dignité humaine, le quotidien évite la diffusion d’images « chocs », représentant par exemple des individus morts susceptibles d’être identifiés, ou des images présentant un certain degré de mise en scène, sans que cela soit perceptible par le lectorat. Le choix est alors de proposer chaque image de ce type dans son contexte, à l’aide d’un descriptif ou d’une analyse…. »
Alors qu’en est-il de la photographie de l’Obs ? N’ayant pu emprunter ce journal nous n’avons pu voir le nom du photographe mais nous pouvons envisager qu’il s’agit d’une photographie prise à la volée puis retravaillée (l’image du président étant détournée et mise sur un fond neutre qui permet de faire ressortir la pause de celui-ci).
On imagine que l’équipe éditoriale travaillant sur ce sujet à demander à « l’iconographe » de trouver une photographie pouvant illustrer le sujet.
Le titre a vraisemblablement été choisi une fois la sélection de la photographie effectuée.
Par ailleurs comme sembleraient le montrer les divers articles consacrés à ce propos, Emmanuel Macron se fait rarement « librement » photographier.
Ainsi, le magazine Polka magazine relate que « les meetings ont donné du fil à retordre aux photoreporters. “On était relégués à plusieurs dizaines de mètres de la tribune, déplore, amer, Eliot Blondet dont c’était la première campagne. On devait donc travailler au téléobjectif, un équipement lourd qui ne favorise pas la mobilité (…) Pour capter les aspérités du candidat restent les événements imprévus. Comme cette visite impromptue aux ouvriers de Whirlpool, à Amiens, le 27 avril dernier, au cours de laquelle il a été accueilli sous les huées. Sans doute l’un des rares moments hors-contrôle de cette campagne très balisée.
“Malgré la cohue, j’ai pu isoler Emmanuel Macron de la foule et montrer la gravité qui se lisait sur son visage à ce moment-là, explique Marc Chaumeil. Les images suivantes montrent comment il a réussi à retourner la situation à son avantage malgré l’hostilité initiale des ouvriers, en se saisissant d’un mégaphone d’abord, puis en discutant pied à pied avec eux jusqu’à la poignée de main finale. C’était une performance qui témoigne d’un certain pouvoir de conviction… »
Le magazine Marianne relate que « Pour Emmanuel Macron, il y a donc manifestement deux types de photojournalistes. Les paparazzis autorisés, envoyés par "Mimi" et qui fourniront des clichés favorables, voués à inonder après retouche les kiosques de France et de Navarre. Et puis les autres, ceux qui ne disposent pas du quitus présidentiel et qui ne rapportent rien à la chère Mimi, qu'il convient donc d'empêcher de nuire, quitte à les faire arrêter …»
De même le blog Focus sur Visa mentionne que « Les 10 à 15 mètres devant la scène étaient inaccessibles aux photographes. Ils (les membres de l’équipe En Marche, ndlr) nous obligeaient à faire les images qu’ils voulaient », détaille Lagoutte. Le leader, derrière son pupitre, avec une foule de spectateurs amassée en arrière-plan. Certes, « le pétage de plomb » était une surprise, le reste était totalement maîtrisé. « Éthiquement, ils devraient nous laisser la liberté de pouvoir offrir du réel », estime le photojournaliste de Myop. Stéphane Lagoutte a tout de même réussi à sortir son épingle du jeu en se faufilant parmi les sympathisants.
Avis partagé par Denis Allard, photographe pour l’agence REA : « On cherche à capturer les expressions, les doutes, les questionnements. On les trouvera toujours malgré tout. Aucun communiquant avisé ne peut éviter cela.
(…)
Si les décisions et paroles du chef d’Etat sont critiquables, son image semble irréprochable. Rares sont les photos ou vidéos ne le mettant pas en valeur. « Le personnage se montre peu. Mais lorsqu’il se montre, son équipe essaie de réduire les possibilités de présenter autre chose que ce qu’elle veut : moins de caméras, moins de photographes », résume Allard en comparaison avec les précédents chefs d’Etats… »
Nous vous laissons parcourir ces autres coupures de presse qui abordent le rapport du président avec les photographes :
• leparisien.fr
• atlantico.fr
• arrêtsurimages.net
Pour aller plus loin sur le sujet de la photographie, il nous paraît intéressant de jeter un coup d’œil :
• La présentation de l’exposition de la Bibliothèque nationale de France, Quand les photos deviennent icônes
• Lire la photo avec l’agence France-Presse
• Arrêt sur images
Pour essayer de vous répondre, nous reviendrons brièvement sur ce qu’est le travail de photographe ou plutôt de photojournaliste sachant que l’on peut être indépendant ou salarié permanent auquel cas on travaille pour des organes de presse, des agences filaires comme Reuters, l’AFP, AP et des agences de presses photographiques.
Le photographe peut en fonction des situations travailler sur commandes ou proposer ses sujets aux agences.
Parallèlement, plus de soixante titres de la presse sont abonnés au « fil » de l’AFP et généralement à sa banque d’images soit 150 photographes jouant un rôle de grossiste ou semi-grossiste servant les intermédiaires que sont les médias (journaux traditionnels,, télévisions),
Dans un même temps, comme l’explique Fabiene Gay Jacob Vila dans Être photo-journaliste aujourd'hui : se former, produire et diffuser son travail les quotidiens ont généralement au sein de leurs équipes un-e directeur-trice du service photo un iconographe qui recherche «des photographies ou des reportages qui accompagnent le rédactionnel en fonction de la ligne éditoriale du support ».
L’auteure note qu’un iconographe est quelqu’un qui connaît la photographie. Il en connaît les acteurs, l’histoire et les tendances (…) ils ont à leur disposition de très nombreuses sources, des sites de partage de photos, etc., et
L’article « Presse et photographie contemporaine » dans le Monde du livre s’intéresse par exemple à la sélection menée par le quotidien La Croix :
« Armelle Canitrot est ainsi responsable d’un service photo et reçoit l’appui de quatre collaborateurs. Mais elle est également critique, et intervient à l’occasion d’articles dans le quotidien pour contextualiser et décrypter ces images emblématiques qui cristallisent une certaine actualité et gardent une trace dans la mémoire collective, par la puissance de leur mise en scène – on pense, par exemple, à cette photographie de Stéphane Mae des manifestants de Charlie Hebdo dont la composition évoque « La liberté guidant le peuple » d’Eugène Delacroix, et qui a été massivement diffusée par la presse et les réseaux sociaux. Le service photo de La Croix cherche par ailleurs à illustrer la diversité de la photographie contemporaine grâce à des choix iconographiques diversifiés – commande à des artistes, photoreportages, etc. – et à la couverture de l’actualité culturelle propre à la photographie.
L’importance accordée à l’image comme valeur ajoutée, à l’heure du numérique, loin de décroître, est ainsi devenue plus centrale à La Croix. Le numérique, en facilitant la diffusion des images et en abaissant les coûts que représentaient, à l’ère analogique, la commande de photographies par un journal (déplacement du photographe à la rédaction, frais des laboratoires photo…), a permis d’augmenter le nombre de ces commandes. La ligne éditoriale de La Croix justifie par ailleurs un rapport plus distancié à l’image diffusée que dans d’autres titres de presse : par soucis de respect de la dignité humaine, le quotidien évite la diffusion d’images « chocs », représentant par exemple des individus morts susceptibles d’être identifiés, ou des images présentant un certain degré de mise en scène, sans que cela soit perceptible par le lectorat. Le choix est alors de proposer chaque image de ce type dans son contexte, à l’aide d’un descriptif ou d’une analyse…. »
Alors qu’en est-il de la photographie de l’Obs ? N’ayant pu emprunter ce journal nous n’avons pu voir le nom du photographe mais nous pouvons envisager qu’il s’agit d’une photographie prise à la volée puis retravaillée (l’image du président étant détournée et mise sur un fond neutre qui permet de faire ressortir la pause de celui-ci).
On imagine que l’équipe éditoriale travaillant sur ce sujet à demander à « l’iconographe » de trouver une photographie pouvant illustrer le sujet.
Le titre a vraisemblablement été choisi une fois la sélection de la photographie effectuée.
Par ailleurs comme sembleraient le montrer les divers articles consacrés à ce propos, Emmanuel Macron se fait rarement « librement » photographier.
Ainsi, le magazine Polka magazine relate que « les meetings ont donné du fil à retordre aux photoreporters. “On était relégués à plusieurs dizaines de mètres de la tribune, déplore, amer, Eliot Blondet dont c’était la première campagne. On devait donc travailler au téléobjectif, un équipement lourd qui ne favorise pas la mobilité (…) Pour capter les aspérités du candidat restent les événements imprévus. Comme cette visite impromptue aux ouvriers de Whirlpool, à Amiens, le 27 avril dernier, au cours de laquelle il a été accueilli sous les huées. Sans doute l’un des rares moments hors-contrôle de cette campagne très balisée.
“Malgré la cohue, j’ai pu isoler Emmanuel Macron de la foule et montrer la gravité qui se lisait sur son visage à ce moment-là, explique Marc Chaumeil. Les images suivantes montrent comment il a réussi à retourner la situation à son avantage malgré l’hostilité initiale des ouvriers, en se saisissant d’un mégaphone d’abord, puis en discutant pied à pied avec eux jusqu’à la poignée de main finale. C’était une performance qui témoigne d’un certain pouvoir de conviction… »
Le magazine Marianne relate que « Pour Emmanuel Macron, il y a donc manifestement deux types de photojournalistes. Les paparazzis autorisés, envoyés par "Mimi" et qui fourniront des clichés favorables, voués à inonder après retouche les kiosques de France et de Navarre. Et puis les autres, ceux qui ne disposent pas du quitus présidentiel et qui ne rapportent rien à la chère Mimi, qu'il convient donc d'empêcher de nuire, quitte à les faire arrêter …»
De même le blog Focus sur Visa mentionne que « Les 10 à 15 mètres devant la scène étaient inaccessibles aux photographes. Ils (les membres de l’équipe En Marche, ndlr) nous obligeaient à faire les images qu’ils voulaient », détaille Lagoutte. Le leader, derrière son pupitre, avec une foule de spectateurs amassée en arrière-plan. Certes, « le pétage de plomb » était une surprise, le reste était totalement maîtrisé. « Éthiquement, ils devraient nous laisser la liberté de pouvoir offrir du réel », estime le photojournaliste de Myop. Stéphane Lagoutte a tout de même réussi à sortir son épingle du jeu en se faufilant parmi les sympathisants.
Avis partagé par Denis Allard, photographe pour l’agence REA : « On cherche à capturer les expressions, les doutes, les questionnements. On les trouvera toujours malgré tout. Aucun communiquant avisé ne peut éviter cela.
(…)
Si les décisions et paroles du chef d’Etat sont critiquables, son image semble irréprochable. Rares sont les photos ou vidéos ne le mettant pas en valeur. « Le personnage se montre peu. Mais lorsqu’il se montre, son équipe essaie de réduire les possibilités de présenter autre chose que ce qu’elle veut : moins de caméras, moins de photographes », résume Allard en comparaison avec les précédents chefs d’Etats… »
Nous vous laissons parcourir ces autres coupures de presse qui abordent le rapport du président avec les photographes :
• leparisien.fr
• atlantico.fr
• arrêtsurimages.net
Pour aller plus loin sur le sujet de la photographie, il nous paraît intéressant de jeter un coup d’œil :
• La présentation de l’exposition de la Bibliothèque nationale de France, Quand les photos deviennent icônes
• Lire la photo avec l’agence France-Presse
• Arrêt sur images
Réponse du Guichet
gds_alc
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 15/10/2018 à 12h30
Bonjour,
En complément de notre précédente réponse, nous venons de trouver un nouvel élément. L’Obs a certainement repris cette image d’une captation qu’il a ensuite retravaillée.
En effet, dans une vidéo réalisée au lendemain de l’élection du second tour de l'élection présidentielle lors des commémorations du 8 mai. Emmanuel Macron et François Hollande se tiennent tous deux debout, côte à côte et alors que le chant des partisans retentit, Emmanuel Macron, dans un moment de recueillement, ferme les yeux.
Nous vous laissons visionner cette vidéo et comparer les images :
En complément de notre précédente réponse, nous venons de trouver un nouvel élément. L’Obs a certainement repris cette image d’une captation qu’il a ensuite retravaillée.
En effet, dans une vidéo réalisée au lendemain de l’élection du second tour de l'élection présidentielle lors des commémorations du 8 mai. Emmanuel Macron et François Hollande se tiennent tous deux debout, côte à côte et alors que le chant des partisans retentit, Emmanuel Macron, dans un moment de recueillement, ferme les yeux.
Nous vous laissons visionner cette vidéo et comparer les images :
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Je recherche des boutiques spécialisées dans le rangement...
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter