Question d'origine :
Bonjour
Pourquoi Shakespeare aimait donner tant de prénoms plutôt latins à ses personnages, ce qui parait parfois hors contexte comme dans Hamlet censé se dérouler au Danemark ?
Merci
Réponse du Guichet
bml_litt
- Département : Langues et Littératures
Le 04/10/2018 à 13h33
Nous n’avons pas trouvé de documentation pertinente concernant l’origine des noms des personnages shakespeariens.
Nous nous risquerons donc, en nous appuyant sur quelques constatations, à émettre quelques hypothèses, liées à la pièce Hamlet que vous prenez comme exemple.
Dans la nomenclature « historico-géographique » des œuvres Shakespeariennes, Hamlet semble bien être une pièce à part. Elle n’appartient aux catégories ni des pièces anglaises (Richard II ; Le Roi Lear ; les Joyeuses commères de Windsor), ni gréco-latines (Jules César ; Troilus et Cressida), ni italiennes (Roméo et Juliette ; Othello ; Le marchand de Venise), dans lesquelles les noms des personnages sont généralement en rapport avec les lieux et époques concernés.
Hamlet n’appartient pas non plus à la catégorie des pièces fantastico-féériques (La tempête ; le songe d’une nuit d’été) qui mélangent les genres et les noms.
Pour Hamlet, Shakespeare s’est manifestement inspiré de la légende d’Amleth qui figure dans la Gesta Danorum, du moine et historien danois du 12e siècle Saxo Grammaticus (vous noterez incidemment la latinisation de son nom, pratique courante à l’époque et qui ouvre peut-être des perspectives quant à notre sujet)
Le lieu de l’action (Le Danemark) et le nom du personnage principal (Amleth/Hamlet) sont posés dès l’abord.
Bien évidemment la trame historico-légendaire n’est que le point de départ d’une pièce parmi les plus emblématiques de l’auteur, qui y a donné libre cours à son inspiration pour en faire une œuvre à portée universelle. Les références historique et géographique forment la toile de fond mais l’auteur n’y accorde guère d’importance.
Comme on peut le voir, ils se divisent en deux catégories à peu près égales. La première est plus proche de la réalité historico-géographique de la pièce, la seconde plus tournée vers la culture occidentale de la Renaissance (d’inspiration gréco-latine) et source d’inspiration importante pour Shakespeare et ses contemporains.
Nous avons d’ailleurs vu plus haut que les noms étrangers à la culture latine étaient couramment latinisés sans que cela paraisse choquant.
Mais ici, Shakespeare va plus loin. Il n’hésite pas à mêler les noms et les genres (comme dans ses pièces féériques). Il propose un monde hors du temps où les éléments se téléscopent et se dédoublent, où, c’est l’une des caractéristiques d’Hamlet (de multiples commentateurs s’en font l’écho), la réalité n’est pas univoque, qui fait le jeu de l’inconscient (déplacement, dualité, miroir, indétermination, illusion …).
Voilà qui, somme toute, est fort moderne.
Merci Monsieur Shakespeare !
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