Question d'origine :
Que quand date la tradition de fêter les anniversaires, et dans quelles régions/pays cette pratique n’est elle pas usitée ?
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 19/09/2018 à 14h08
Bonjour,
Dans son ouvrage L'invention de l'anniversaire , Jean-Claude Schmitt rappelle que la tradition de fêter l’anniversaire de sa naissance est relativement récente. Le mot lui-même avait, il y a quelques siècles, une tout autre signification :
« Ainsi le Moyen Âge, qui était traditionnellement peu soucieux du jour de la naissance et de l’âge exact des individus, mais se préoccupait au contraire du jour de leur mort, a effectué progressivement un retournement lourd de conséquences de la mort vers la vie, de l’anniversarium funéraire vers ce que les textes de l’époque nomment – d’un vieux nom romain – la natalité. »
Ce n’est pas que la célébration des années qui passent aient été inconnues auparavant : c’était une fête religieuse dans l’antiquité gréco-latine, ainsi que dans l’Egypte antique, du moins chez les grands personnages. Mais sous l’influence de pères de l’Eglise tels qu’Origène, Philon, Augustin ou Jérôme, le christianisme se mit à condamner cette pratique en tant que rite païen.
Si on ajoute à cela que la destinée terrestre dans le moyen-âge chrétien était assez dévalorisée par rapport au salut de l’âme, on comprend facilement que la naissance ait été considérée comme un événement de moindre importance pour l’entrée dans la vie que le baptême ; enfin, la société médiévale s’intéressait peu à l’individu – ainsi, la plupart des hommes du temps ne connaissaient même pas leur date de naissance.
C’est ainsi que lorsque Marco Polo, dans son ouvrage Le Devisement du monde, raconte les fêtes d’anniversaires de l’empereur mongol Khubilaï Khan, il le fait dans des termes qui laissent entendre qu’il n’a jamais rien vu de tel.
« A la fin du Moyen-Age [la fête d’anniversaire] réapparaît au contraire, non seulement comme une résurgence des coutumes antiques dans le contexte de l’humanisme, mais par l’effet d’un déplacement du champ religieux ». Ainsi, « l’époque moderne a réintroduit l’anniversaire, mais pas sa dimension religieuse ; elle en a fait au mieux l’occasion d’une célébration profane, le plus souvent circonscrite au cercle familial […]. »
En France, c’est d’abord Charles V qui, dès XIVè siècle, va vouer un culte particulier à Sainte Agnès, la patronne du jour de sa naissance, le 21 janvier. Puis, au début du XVIIè siècle, le petit Louis qui deviendra XIII commence à accorder un intérêt particulier au jour – et à l’heure – de sa naissance.
Il semble que le rite se soit peu à peu diffusé au cours du XVIIIème siècle, jusqu’à ce qu’en 1802, pour la première fois depuis l’Antiquité, le poète allemand Goethe se voie offrir « un gâteau garni de 53 bougies ». La Révolution française, entretemps, aura inventé l’Etat civil, qui généralisera le souvenir de la date de naissance.
Mais même si la célébration de l’anniversaire a fini par se généraliser au cours du XIXè siècle, elle n’est pas (encore ?) devenue universelle :
« Contrairement aux occidentaux, les Chinois ne changent pas d’âge le jour de leur naissance mais le fon tous ensemble le septième jour de l’année, appelé « jour de l’homme » (renri). Si un enfant est né au douzième mois, il a déjà un an. Après le Nouvel An, il a deux ans, alors qu’en réalité il n’a qu’un mois. Les anniversaires sont surtout fêtés à partir de soixante ans, âge qui marque la fin d’un cycle sexagésimal. C’est l’occasion d’un banquet qui réunit au moins trois générations et où les nouilles de longévité sont de rigueur […] »
(Source : Fêtes et banquets en Chine / [Livre] / William Chan Tat Chuen)
En Corée du Nord, non plus l’anniversaire individuel n’a pas droit de cité. Du temps de Kim Jong-Il, tous les Nord-coréens scandaient le passage du temps en célébrant la naissance du dictateur – tradition dont les bédéistes Aurélien Ducoudray et Mélanie Allag ont tiré le touchant album L'anniversaire de Kim Jong-Il .
Puisque vous vous intéressez aux traditions festives, nous vous signalons cette précédente réponse concernant l’origine du gâteau et des bougies :
« La tradition du gâteau d’anniversaire date des Perses et fut reprise par les Grecs qui fêtaient chaque mois l’anniversaire de leurs divinités dont, tous les sixièmes jours, celui d’Artémis, déesse de la Lune et de la Chasse : en son honneur, ils faisaient cuire un « immense gâteau de farine et de miel. On pense en outre que ce dernier était garni de bougies allumées, qui symbolisaient la lumière de la Lune, reflet terrestre de la déesse célébrée » (PANO). […]
Les premiers chrétiens répugnèrent à reprendre une coutume païenne ; pour cette raison, l’Eglise décréta sacrilège la recherche que tentèrent des historiens en 245 pour déterminer la date de naissance exacte du Christ. En outre, il apparaissait comme intolérable de fêter la date anniversaire d’un enfant à cause du péché originel dont chacun était entaché à sa naissance. […]
Il faut attendre le IVe siècle, avec le début de la tradition de Noël commémorant la Nativité, et surtout le XIIIe siècle avec l’enregistrement dans les paroisses des dates de naissance des femmes et des enfants, pour voir reparaître en Europe les anniversaires. La tradition du gâteau d’anniversaire orné de bougies réapparut quant à elle dans l’Allemagne du XIIIe siècle : lors des Kinderfeste, fêtes pour les enfants qui peuvent être considérées comme les premiers goûters d’anniversaire, on présentait dès l’aube à l’enfant un gâteau et ses bougies allumées qu’on renouvelait jusqu’au moment de les souffler, après le dîner. Il y avait autant de bougies que l’enfant avait d’années plus une qui représentait la « lumière de la vie ». Dès cette époque, l’enfant faisait un vœu, tenu secret : il se réalisait s’il éteignait en une seule fois les bougies. »
Bonnes lectures.
Dans son ouvrage L'invention de l'anniversaire , Jean-Claude Schmitt rappelle que la tradition de fêter l’anniversaire de sa naissance est relativement récente. Le mot lui-même avait, il y a quelques siècles, une tout autre signification :
« Ainsi le Moyen Âge, qui était traditionnellement peu soucieux du jour de la naissance et de l’âge exact des individus, mais se préoccupait au contraire du jour de leur mort, a effectué progressivement un retournement lourd de conséquences de la mort vers la vie, de l’anniversarium funéraire vers ce que les textes de l’époque nomment – d’un vieux nom romain – la natalité. »
Ce n’est pas que la célébration des années qui passent aient été inconnues auparavant : c’était une fête religieuse dans l’antiquité gréco-latine, ainsi que dans l’Egypte antique, du moins chez les grands personnages. Mais sous l’influence de pères de l’Eglise tels qu’Origène, Philon, Augustin ou Jérôme, le christianisme se mit à condamner cette pratique en tant que rite païen.
Si on ajoute à cela que la destinée terrestre dans le moyen-âge chrétien était assez dévalorisée par rapport au salut de l’âme, on comprend facilement que la naissance ait été considérée comme un événement de moindre importance pour l’entrée dans la vie que le baptême ; enfin, la société médiévale s’intéressait peu à l’individu – ainsi, la plupart des hommes du temps ne connaissaient même pas leur date de naissance.
C’est ainsi que lorsque Marco Polo, dans son ouvrage Le Devisement du monde, raconte les fêtes d’anniversaires de l’empereur mongol Khubilaï Khan, il le fait dans des termes qui laissent entendre qu’il n’a jamais rien vu de tel.
« A la fin du Moyen-Age [la fête d’anniversaire] réapparaît au contraire, non seulement comme une résurgence des coutumes antiques dans le contexte de l’humanisme, mais par l’effet d’un déplacement du champ religieux ». Ainsi, « l’époque moderne a réintroduit l’anniversaire, mais pas sa dimension religieuse ; elle en a fait au mieux l’occasion d’une célébration profane, le plus souvent circonscrite au cercle familial […]. »
En France, c’est d’abord Charles V qui, dès XIVè siècle, va vouer un culte particulier à Sainte Agnès, la patronne du jour de sa naissance, le 21 janvier. Puis, au début du XVIIè siècle, le petit Louis qui deviendra XIII commence à accorder un intérêt particulier au jour – et à l’heure – de sa naissance.
Il semble que le rite se soit peu à peu diffusé au cours du XVIIIème siècle, jusqu’à ce qu’en 1802, pour la première fois depuis l’Antiquité, le poète allemand Goethe se voie offrir « un gâteau garni de 53 bougies ». La Révolution française, entretemps, aura inventé l’Etat civil, qui généralisera le souvenir de la date de naissance.
Mais même si la célébration de l’anniversaire a fini par se généraliser au cours du XIXè siècle, elle n’est pas (encore ?) devenue universelle :
« Contrairement aux occidentaux, les Chinois ne changent pas d’âge le jour de leur naissance mais le fon tous ensemble le septième jour de l’année, appelé « jour de l’homme » (renri). Si un enfant est né au douzième mois, il a déjà un an. Après le Nouvel An, il a deux ans, alors qu’en réalité il n’a qu’un mois. Les anniversaires sont surtout fêtés à partir de soixante ans, âge qui marque la fin d’un cycle sexagésimal. C’est l’occasion d’un banquet qui réunit au moins trois générations et où les nouilles de longévité sont de rigueur […] »
(Source : Fêtes et banquets en Chine / [Livre] / William Chan Tat Chuen)
En Corée du Nord, non plus l’anniversaire individuel n’a pas droit de cité. Du temps de Kim Jong-Il, tous les Nord-coréens scandaient le passage du temps en célébrant la naissance du dictateur – tradition dont les bédéistes Aurélien Ducoudray et Mélanie Allag ont tiré le touchant album L'anniversaire de Kim Jong-Il .
Puisque vous vous intéressez aux traditions festives, nous vous signalons cette précédente réponse concernant l’origine du gâteau et des bougies :
« La tradition du gâteau d’anniversaire date des Perses et fut reprise par les Grecs qui fêtaient chaque mois l’anniversaire de leurs divinités dont, tous les sixièmes jours, celui d’Artémis, déesse de la Lune et de la Chasse : en son honneur, ils faisaient cuire un « immense gâteau de farine et de miel. On pense en outre que ce dernier était garni de bougies allumées, qui symbolisaient la lumière de la Lune, reflet terrestre de la déesse célébrée » (PANO). […]
Les premiers chrétiens répugnèrent à reprendre une coutume païenne ; pour cette raison, l’Eglise décréta sacrilège la recherche que tentèrent des historiens en 245 pour déterminer la date de naissance exacte du Christ. En outre, il apparaissait comme intolérable de fêter la date anniversaire d’un enfant à cause du péché originel dont chacun était entaché à sa naissance. […]
Il faut attendre le IVe siècle, avec le début de la tradition de Noël commémorant la Nativité, et surtout le XIIIe siècle avec l’enregistrement dans les paroisses des dates de naissance des femmes et des enfants, pour voir reparaître en Europe les anniversaires. La tradition du gâteau d’anniversaire orné de bougies réapparut quant à elle dans l’Allemagne du XIIIe siècle : lors des Kinderfeste, fêtes pour les enfants qui peuvent être considérées comme les premiers goûters d’anniversaire, on présentait dès l’aube à l’enfant un gâteau et ses bougies allumées qu’on renouvelait jusqu’au moment de les souffler, après le dîner. Il y avait autant de bougies que l’enfant avait d’années plus une qui représentait la « lumière de la vie ». Dès cette époque, l’enfant faisait un vœu, tenu secret : il se réalisait s’il éteignait en une seule fois les bougies. »
Bonnes lectures.
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